FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1897-98 N° 73
RELATIONS ENTRE QUELQUES
PIGMENTS DE L'URINE
DE LA BILE ET DU SANG
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et sontenne publiquement le 11 Février 1898
Camille-Victor LEFÈVRE
Docteur ès-sciences Pharmacien de l'e classe
Lauréat [1er prix del'École, 1885; 1erprix Buignet, 1887)
de l'École supérieure de Pharmacie de Paris
Ex-internelauréat (Médaillesd'argent1890 et 1891 )desHôpitauxdeParis Directeur de l'Usine de la Pharmacie centrale de France
Né àChâteau-Thierry(Aisne), le 7 Mai1864.
Examinateurs dela Thèse
MM. BLAREZ, BERGON1É, DENIGÈS, PACHON,
professeur.... Président.
professeur....
agrégé }Juges.
agrégé
L* Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignementmédical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 — RUE montméjan 17
1898
FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyenhonoraire.
PROFESSEURS :
MM. MICÉ 1
AZAM \ Professeurshonoraires.
DUPUY
Clinique interne Clinique externe Pathologie interne....
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Pathologie externe DENUCÉ.
Accouchements RIVIERE.
Chimie DENIGÈS.
Le Secrétaire de laFaculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu5 août1879, laFacultéaarrêté quelesopinionsémises dans les Thèses qui
lui sont présentées doivent êtreconsidérées comme propres àleursauteurs, et qu'elle n'entend
leur donner ni approbationni improbation.
A Monsieur Ch. BUGHET
Directeur de la Pharmacie Centrale de France, Chevalier de laLégion d'honneur.
Hommagede profond dévoûment C. Lefèvre.
RELATIONS ENTRE QUELQUES
PIGMENTS DE L'URINE
DE LA BILE ET DU SANG
INTRODUCTION
Lebut que nous nous sommes proposé dans ce mémoire
est de reprendre les travaux de Jaffé, de Maly, de Mac Munn, etc. sur quelques pigments de l'urine, de la bile et du sang et de chercher les relationsétroites pouvantexis¬
ter entre ces produits d'origine différente.
Nous avons rencontrédes matières pigmentaires, amor¬
phes, par conséquent difficiles à purifier et impropres à l'analyse chimique. Il a donc fallu, pour les caractériser,
avoir recours à d'autres moyens analytiques du domaine
delàphysique, les phénomènes defluorescence etd'absorp-
tion de la lumière du spectre.
On sait qu'un grand nombre de substances, surtout de
matières organiques animales ou végétales, sont fluores¬
centes, que la lumière qu'elles émettent ainsi esttoujours
colorée et que cette couleur varie suivant la nature de la
substance soumise à l'examen.
On sait, d'autre part, que les milieux colorés exercent
sur la lumière une absorption élective,
liée
àleur
naturepropre et à
leur
étatmoléculaire, de sorte
que cephéno¬
mène constitue pour ces corps
des propriétés spécifiques
de la plus haute importance.
Cependant les spectres d'ab¬
sorption ne fournissent pas
toujours
uncritérium rigou¬
reux ; en effet, l'intensité de la source,
la concentration
des liqueurs peut
modifier la largeur
etmême le nombre
des bandes; de plus, une fente
large fait disparaître des
franges qui sont très nettes avec une
fente plus étroite.
Maisles substances organiques, touten fournissant
des
spectres
d'absorption caractéristiques, présentent
encoredes modifications curieuses sous l'influence de réactifs spéciaux, ce qui permet
de les reconnaître
avec unecerti¬
tude absolue.
Telle est la réaction de l'hémoglobine dont le spectre d'absorption est
caractérisé
pardeux larges bandes,
situées l'une dans le jaune, l'autre dans
le
vert. Or, sous l'influenced'agents réducteurs,les deux bandes
sont rem¬placées par une
bande unique placée dans l'intervalle des
précédentes. Ces caractères sont
tellement faciles à obser¬
ver que la
recherche des taches de
sang estdevenue
une opération trèssimple.
Nous avons exprimé en longueurs
d'onde le résultat de
nos recherches spectroscopiques. 11
suffit
pourcela d'éta¬
blir une concordance entre les divisions micrométriques
du spectroscope
dont
on se sert etles longueurs d'onde
des
principales raies (1).
(1) Le tableau suivant donne les longueursd'onde des raies solaires indi¬
quées dansle cours dece mémoire:
Raies Longueursd'onde
c 656,18
D 588,90
E 526,90
b 518,30
F 486,06
— 9 -
Ce travail est divisé en trois parties :
Dans la première partie, nous avons fait l'historique de
la question, dans la seconde nous avons exposé les résul¬
tats de nos expériences, enfin la troisième partie est con¬
sacrée aux conclusions de nos recherches.
Ce travail de chimie biologique nous a été inspiré par M. le professeur agrégé Denigès. Nous sommes heureux
de le remercier ici pour les précieux et savants conseils
que nous avons trouvés auprès de lui dans l'accomplisse¬
ment de notre tâche.
Leslongueurs d'onde sont exprimées en millionièmes de millimètre.
Rappelons que les limites des couleursont étélixéespar M. Listing de la façon suivante:
Rouge extrême 723,4
Limite du rouge et de l'orange 647,2
» de l'orange et du jaune 585,6
» du jaune et du vert 534,7
» du vert et du bleu. 491,9
» du bleu et de l'indigo 455,5
» de l'indigo et du violet 424,1
» du violet extrême 396,7
PREMIÈRE PARTIE
Historique
En 1861 (1), Jaffé découvrit l'urobiline dont il constata la présence dans l'urine normale et en quantité bien plus
considérable dans l'urine des fébricitants.
Pour retirer l'urobiline des urines normales, Jaffé pré¬
cipite un volume considérable de liquide par le sous-
acétate de plomb, après élimination préalable des sulfates
et des phosphates par le nitrate de baryte, délaye le pré¬
cipité plombique, lavé à l'eau et séché, dans l'alcool
bouillant, puis après décantation de l'alcool, le décom¬
pose par l'alcool contenant de l'acide
sulfurique.
La solu¬tion
alcoolique
filtrée est saturée parl'ammoniaque,
puis filtrée; le filtratum, additionné de son volume d'eau, est traité par le chlorure de zinc qui donne naissance à unprécipité brun rouge, le liquide étant décoloré.
Le précipité zincique, lavéà l'eaufroidepuis bouillante,
desséché à basse température et épuisé parl'alcool chaud,
est mis en digestion dans l'alcool acidulé par l'acide sul¬
furique.
On filtre pour séparer le nouveau précipité, on ajoute
à la solution
alcoolique
la moitié de son volume de chlo- rolorme et on agite le mélange avec une grande quantitéd'eau. La solution
chloroformique
décantée, lavée deux fois avec unpeu d'eau, est enfin distillée.
(1) Centralblatt f. d. Med. Wissensch., 1868, p. 243.
Le résidu est formé
d'urobiline.
Quand il
s'agit d'urines fébriles plus riches en pigment,
Jaffé les traite par
l'ammoniaque, filtre pour séparer les
phosphates
terreuxet précipite le liquide par le chlorure
de zinc. Le précipité
brun
rouge,lavé à l'eau froide, puis
chaude, à l'alcool
chaud,
estdesséché à une température
modérée, puis
pulvérisé
etdissous dans l'ammoniaque.
La liqueur
alcaline, filtrée, est de nouveau précipitée par
l'acétate de
plomb;
cedernier précipité est ensuite traité
comme le
précipité zincique du procédé précédent.
Jaffé obtint ainsi une masse rouge,
incristallisable, so-
luble dans l'alcool et l'eau, surtout en
présence des alca¬
lis qui
donnaient des solutions ambrées, lesquelles deve¬
naient rouges ou
brunâtres
sousl'influence des acides.
La solution
alcoolico-ammoniacale du pigment de
l'urine était jaune
tirant
surle vert et l'addition de chlo¬
rure de zinc lui
communiquait
unecouleur rose avec
forte fluorescence verte, qui
disparaissait
paraddition
d'un acide pour
réapparaître
aucontact de l'ammoniaque.
La solution alcoolique
acide montrait, d'après Jaffé, une
large
bande d'absorption
yentre b et F, qui couvrait et
séparait
même F quand elle était concentrée, tandis que
les solutions neutres ou
alcalinisées
parla soude, ainsi
que la
solution ammoniacale et zincique donnaient une
bande 8 exactement comprise entre
b
etF, adjacente au
bleu et beaucoup plus opaque
dans
sapartie centrale.
La solution aqueuse
d'urobiline était précipitée par les
sels de
plomb, d'argent, le chlorure de calcium; le pré¬
cipité
renfermant le pigment se redissolvait dans les aci¬
des.
Deux ans plus
tard (1), Jaffé,
enépuisant la bile de
l'homme ou de chien par
l'acide chlorhydrique, obtint
une solution rouge qui
donnait très distinctement, au
spectroscope,
la bande d'absorption
y.(1) Jaffé,Journal furpratische
Chernie, CIY,
p.401.
— 13 —
Les alcalis faisaient virer cette solution au jaune; en
même temps on apercevait une nouvelle raie s entre D et E. En agitant la solution acide avec du chloroforme, on obtenait, après évaporation du dissolvant, un résidu rouge soluble dans l'eau et l'alcool. La solution aqueuse
précipitait par l'acétate de plomb.
Jaffé émit l'idée que ce pigment, retiré de la bile, était
tout à fait semblable à celui qu'il avait retiré de l'urine et il lui donna le nom d'urobiline.
En1872(1), Maly, ayant ajouté de
l'amalgame
de sodiumà de la bilirubine dissoute dans une lessive faible de potasse ou de soude, vit la solution opaque devenir de plus en plus claireet, après deux ou troisjours, êtrejaune
011 d'un brun jaune clair. L'acide
chlorhydrique
coloraitle liquide en rouge et en précipitait des flocons bruns ayant encore, comme la bilirubine, les caractères d'un acide faible, se dissolvant dans les alcalis et formant avec
lesLesolutions métalliques des flocons rouges insolubles.
pigment de Maly était soluble dans l'alcool et le
chloroforme, fort peu dans l'eau.
Ses solutions alcalines avaient la couleur de l'urine nor¬
male; par l'addition d'un acide, cette couleur devenait rouge ou brunâtresi les solutions étaientétendues comme
de l'urine rendue très acide.
Maly, en examinant la solution acide du pigment brun,
trouva une bande
d'absorption
foncée d'une grande inten¬sité, entre le vert et le bleu (entre les lignes b et F de
Fraunhofer)
; en solution alcaline, cette bandeétait un peuplus faible et plus sur la gauche.
Quand on additionnait la solution ammoniacale de quel¬
ques gouttes de chlorure de zinc de façon à redissoudre
le précipité formé, la liqueur devenait rose et acquérait
une belle fluorescence verte; la bande
d'absorption
était(1) Ann. d. Chem. undPharm., 1872,CLXIII, p. 77.
— 14 —
alors la même que pour
les solutions alcalines, mais beau¬
coup plus
noire.
On voit que ces
caractères sont précisément ceux de
l'urobiline de Jaffé. De
plus, les réactions spectrales de
rhydrobilirubine étaient identiques à celles du pigment
trouvé par Van
Lair
etMasius (1) en traitant la matière
fécale par
l'alcool (stercobiline).
Maly
analysa
sonproduit et louva qu'il renfermait 1,5
p.
100 de carbone de moins et autant d'hydrogène de plus
que
la bilirubine. Il admit la réaction suivante :
Bilirubine Hydrobilirubine
C38H88Az4 O6 +H2 0+H8 =c32
H48 Az4 O7
En 1884 (2), Hoppe
Seyler,
enréduisant l'hématine ou
l'hémoglobine par
l'étain et l'acide chlorhydrique, obtint
une solution qui
donnait les réactions spectrales de l'uro¬
biline.
Hématine Urobiline
C3Î H32Az4O4Fe+3 H'O -fH2= C32
H4° Az4 O7 + Fe
D'après
Nencki
etSiéber (3), lorsque l'on réduit l'héma-
tine par
l'étain
etl'acide chlorhydrique, on obtient de
l'héxahydrohématoporphyrine C32 H38 Az4 O5, puis de l'hé-
matoporphyrine G32 H36 Az4 O6 et enfin un pigment analogue
à l'urobiline.
Le Nobel (4), dans
le
processusde réduction de l'héma¬
tine, admet qu'il se
produit successivement :
1° de
l'hématoporphyrine
;2°
unpigment analogue au précédent, l'hématoporphyroïdine, qu'il aurait rencontré
dans l'urine dans un cas
d'hémorrhagie gastrique; 3° de
l'isohématoporphyrine identique à l'urohématine de Mac
(1) Médic. Centralblait., 1871, p. 369.
(2) Ber. d.Chem. Gesellsch.,VII,p.1065,
(3)Arch. f. exp.Pathol., XVIII, p. 401.
(4) PfugersArch,, XL,p. 522.
— 15 —
Munn ; 4° de l'urobilinoïdine, différente de l'urobiline ordinaire.
Mac Munn (I) a repris l'étude de l'urobiline en 1890.
Pour l'extraction de ce pigment de l'urine, ce chimiste
simplifie le procédé de Jaffé de la manière suivante : L'urine est précipitée par un mélange d'acétate et de
sous-acétate de plomb. Le précipité, lavé et séché, est
décomposé par l'alcool
sulfurique
et la solution alcooli¬que acide, étendue d'eau, est épuisée par le chloroforme qui laisse l'urobiline par évaporation.
Mac Munn admet l'existence de plusieurs variétés d'urobiline :
1° L'urobiline fébrile analogue à celle de Jaffé;
2° L'urobiline normale retirée de l'urine normale;
3° Une urobiiine intermédiaire.
L'urobiline fébrile de Mac Munn est rouge brun; sa
solution alcoolique est rouge et devient jaune au contact des alcalis. Ses solutions acides présentent, outre deux petites bandes de chaque côté de la raie D (longueurs
d'onde 604-592 et 568-552),unebande
d'absorption
y dansle voisinage de F (507-479), que les alcalis déplacent du
côté du rouge en une nouvelle bande B (517-512).
L'addition de chlorure de zinc à la solution ammonia¬
cale produit deux nouvelles bandes (long, d'onde 583-573
et
517-496).
L'urobiline normale obtenue par Mac Munn est jaune
brunâtre;
ses solutions alcalines sont rouges; les solu¬tions acides présentent, outreune seule bande en D assez
mal limitée (607-593), une bande
d'absorption
dans le voisinage de F (504-477), que les alcalis déplacent vers la gauche.L'addition de chlorure de zinc produit de nouvelles bandes mal limitées dont la plus foncée a pour mesures
514-496.
(lj Journal ofPhysiol., X, p. 71.
— 1G —
Quant à
l'urobiline intermédiaire que Mac Munn a
trouvée dans un cas de
pleurésie, elle est rouge jaunâtre.
Elledonne, en solution
acide, les mêmes bandes d'absorp¬
tion que
l'urobiline pathologique et ses autres propriétés
sont intermédiaires entre
celles de l'urobiline fébrile et
de l'urobiline normale.
Mac Munn (1) a
étudié de
nouveaula stercobiline que
Masius et Van Lair avaient
trouvée dans les fèces.
Les fèces normales sont
épuisées
parl'alcool légère¬
ment acidulé par
l'acide sulfurique, et la liqueur alcooli¬
que,
additionnée d'eau, est agitée avec du chloroforme.
Après
évaporation du dissolvant, on obtient un pigment
brun dont la solution
zinco-ammoniacale possède bien
une fluorescence verte,
mais montre, outre les bandes
d'absorption
de l'urobiline pathologique, une bande sup¬
plémentaire de longueur d'onde 559-532.
En reprenant
l'étude de l'hydrobilirubine de Maly, Mac
Munn (2)
admet
que ceproduit n'est pas un produit pur
de réduction de la
bilirubine mais
unproduit intermé¬
diaire d'oxydation, ce
qui fait que l'hydrobilirubine
n'est pas
identique
auxpigments signalés plus haut
mais présente une
très grande analogie avec la bilirubine
de la bile.
L'amalgame
de sodium, selon l'auteur, produit des
substances identiques à
celles qui
seforment dans la
réaction de Gmelin et l'une
d'elles est très voisine d'une
substance qui existe
naturellement dans la bile et que
l'on peut
retirer de celle-ci en la traitant par l'alcool
absolu et l'acide acétique,
additionnant d'eau et agitant
le mélange avec
du chloroforme. L'extrait chloroformique
donne, en solution
acide,
uneliqueur rouge montrant une
bande d'absorption en
D (610-549) et une bande en F
(501-479), semblable à celle de l'urobiline.
(1) Journal ofPhysiol., X, p.
115.
(2) Loc.cit.
_ 17 _
En oxydant celte urobiline de la bile avec le perman¬
ganate de potasse, Mac Munn la transforme en un pig¬
ment semblable à l'hydrobilirubine.
Comme conclusion de son travail, Mac Munn admet :
1° L'identité de l'urobiline normale etd'un pigment qui
se forme quand on traite l'hématine acide par l'eau oxy¬
génée.
2° L'analogie qui existe entre les pigments de l'urine et les produits qu'on obtient artificiellement en partant de
l'hématine.
3° Une différence entre l'hydrobilirubine et les pig¬
ments de l'urine.
4° Des relations étroites entre l'hydrobilirubine et la bilirubine de la bile.
5° Des rapports très voisins entre la stercobiline, l'uro¬
biline pathologique, et
l'urohématoporphyrine
provenantde la réduction de l'hématine par l'amalgame de sodium
ou le zinc et l'acide sulfurique.
Mac Munn présente les relations entre les différents
pigments du sang, de la bile et de l'urine sous la forme du diagramme suivant :
HÉMOGLOBINE OU HISTOHÉMATINE
HÉMATINE BILIRUBINE
UrobilineHématoporphyrine.|Urobilinoidinenormale.lUrohémaloporphyrine.(LeNobel). Hydrobilirubine.|Cholételine
Stercobiline.
Urobilinepathologique.
La stercobiline provient en partie, d'après l'auteur, de
l'hémoglobine
contenue dans les aliments. Quantau chro¬mogène de l'urobiline, il dérive de celle-ci parune réduc¬
tion qui s'effectue dans le rein ou dans l'urine.
En résumé, l'urobiline, l'hydrobilirubine, la stercobiline
Lefèvre
2
et les
produits artificiels provenant de la réduction de
l'hématine ont des
propriétés communes : tous ces pro¬
duits absorbent la lumière
dans le bleu du spectre et
quelques-unes
de leurs solutions sont fluorescentes.
Néanmoins, comme nous venons
de le voir, plusieurs
auteurs ont trouvé
des différences qui sembleraient en
faire des espèces
chimiques distinctes.
On devait se demander tout
d'abord si les produits arti¬
ficiels
présentaient
undegré de pureté différent des pro¬
duits naturels et si on ne
devait
pasrevenir à l'opinion de
Maly et
de Jaffé qui admettait l'identité de l'hydrobiliru-
bine, de
l'urobiline
etde la stercobiline, produits dérivés,
au même titre, par
rétrogradation de l'urobiline.
DEUXIÈME PARTIE
1. Urobiline.
MÉTHODES D'EXTRACTION DE L'UROBILINE
Dans la plupart des procédés d'extraction des matières colorantes des liquides de l'organisme, on se sert de sels de plomb pour fixer le principe colorant.
On sait en effet que le meilleur moyen de décolorer
l'urine est de la précipiter par l'acétate de plomb. Si l'on
veut ensuite mettre en liberté la matière colorante, onest
obligé de combiner le plomb avec un acide énergique,
l'acide sulfurique ou oxalique, qui forme des combinai¬
sons plombiques insolubles. De plus, il faut souvent faire intervenirunetempératureplusoumoins élevéeafin d'effec¬
tuer cette décomposition et on doit se demander si on
n'obtient pas ainsi des produits de réaction différents des
produits naturels.
Nous avons vu précédemment que Jaffé et Mac Munn traitaient l'urine par l'acétate de plomb dans le but d'ex¬
traire l'urobiline et que leurs procédés, longs et délicats, exigeaient en outre l'emploi d'acides, d'alcalis et d'une température un peu élevée.
Or Méhu (1) a donnéune méthodegénérale d'extraction
des pigments d'origine animale, méthode qui permet,
sans l'emploi de la chaleur et de réactifs énergiques,
(1)Journal depharmacie etde chimie, 1878, XXVIII, p. 159.
— 20 —
d'extraire presque
instantanément et
sansleur faire subir
d'altération la plupart
des pigments solubles dans l'eau.
Pour obtenir ce résultat, il sature
le liquide coloré de
sulfate d'ammoniaque, après
avoir légèrement acidulé par
l'acide sulfurique. Le
pigment
netarde
pasà
seprécipiter
et on peut
le recueillir
parfiltration.
UROBILINE PATHOLOGIQUE
On sait quedans
certaines affections organiques du foie
on observe des urines dont la teinte
orangée
etmême
rouge
rappelle celle des urines chargées des principes
colorants de la rhubarbe. Mais
l'acide nitrique nitreux
nedonne pas avec ces
urines la réaction de Gmelin. L'acide
azotique les
colore
en rougefoncé
ou envieil acajou si la
quantité
de pigment
estabondante. Ces urines sont connues
sous le nom d'urines hémaphéiques
de Gubler
etelles sont
accompagnées
d'un ictère très léger limité à la face et aux
sclérotiques, sans
les démangeaisons vives et la décolora¬
tiondes fècesquel'on
observe dans l'ictère d'origine hépa¬
tique ou
bilirubique.
Ces urines renferment des quantités
notables d'urobi-
line. Pour extraire ce pigment, on sature
le liquide de sul¬
fate d'ammoniaque, on agite
vivement le mélange et, lors¬
qu'il est revenu à
la température ordinaire, un léger excès
de sulfate d'ammoniaque est un garant
de la parfaite
saturation.
Le pigment rouge se
précipite si l'urine est fraîchement
émise; on le reçoit sur un
filtre
:il
ala couleur du
ses- quioxydede fer
récemmentprécipité. Quand tout le liquide
s'est écoulé, on lave le filtre avec une
solution saturée de
sulfate d'ammoniaque, on essore ce
filtre
entredes feuilles
de papier et on
le traite
parl'alcool à 95°, qui s'empare
du pigment,
le sulfate d'ammoniaque
enexcès et l'acide
urique étant
insolubles dans l'alcool fort.
Nous exposons ci-après
les caractères présentés
par— 21 —
l'urobilinepathologique que nous avons retirée de la même
urine en employant simultanément les méthodes de Jaffé
et de Méhu.
Caractères cle l'urobiline pathologique extraite par le procédé Jaffé. —A l'étatconcentré, sa solution alcoolique
acide était brune; lorsqu'on l'étendait, elle devenait
d'abord jaune rouge et plus tard elle prenait une colora¬
tion non pas jaune, mais rouge rose. Si on ajoutait de l'ammoniaque, la couleur jaune rouge de la solution acide passaitaujaune clair et finalementonobtenait une nuance verdâtre.
La solution ammoniacale n'offrait pas de prime abord
une fluorescence verte bien sensible, mais il était facile delà développer par l'addition d'un sel de zinc.
L'étude spectroscopique de l'urobiline pathologique
extraite par la méthode de Jaffé nous a fourni les résul¬
tats suivants :
La solution alcoolique acide concentrée absorbait le spectre depuis l'extrémité violette jusqu'à la ligne benvi¬
ron ; en étendant la solution, la partie la plus obscure
s'éclaircissait peu à peu et on observait deux bandes,
l'une vers D, de long. wd'onde 567-552, peu brillante, et l'autre beaucoup plus nette y (507-479) avec des bords un
peu confus vers b et F. Ces raies obscures, après addi¬
tion d'une solution alcaline, reculaient vers le rouge et donnaient une seule bande 8 (517-504). L'ammoniaque effaçait les raies de la solution acide et donnait un spec¬
tre incertain qui devenait très net par l'addition d'un sel de zinc. On observait alors une bande
d'absorption
de long, d'onde 594-562.Caractères de Vurobiline pathologique extraitepar le procédé Méhu. — Cette urobiline présentait des caractè¬
res de coloration identiques à la précédente. Nous note¬
rons toutefois que sa solution ammoniacale était nette¬
ment fluorescente sans addition préalable d'un sel de
zinc et que sa solution alcoolique, additionnée de chlo-
— 22 —
rure de zinc sec et filtrée,
devenait
rougerosée
partrans¬
mission et d'un vert intense par
réflexion. Nous
avons vuque
l'urobiline de Jaflé
nedonnait cette dernière réaction
qu'en
solution ammoniacale.
L'étude spectrale
de l'urobiline pathologique du pro¬
cédé Méliu indiquait, en
solution acide,
uneseule bande
Y très nette,
de long, d'onde 504-477, et en solution
zinco-ammoniacale une bande loncée
qu'on lisait
en587-
562. La solution alcalinisée par
la soude
nous adonné
une bande assez nette en
515-502.
UROBILINE NORMALE
Jaffé (1) a fait cette
intéressante observation que des
urines très pâles,
fraîchement émises, qui
neprésentent
pas
de
tracesde bandes d'absorption, deviennent souvent
plus
foncées, lorsqu'on les abandonne au contact de l'air,
et laissent voir, dans le spectre,
la bande caractéristique
de l'urobiline, sombre et nettement
limitée. Aussitôt
quela bande y apparaît avec
netteté,
cesurines montrent
aussi, lorsqu'on
ajoute des alcalis fixes, la bande 8, et
l'ammoniaque et
le chlorure de ^nc donnent alors nais¬
sance à une fluorescence très
intense. D'après cela, Jaflé
a été conduit àadmettre
qu'il existe dans l'urine primitive
une substance chromogène de
l'urobiline.
Disqué (2) paraît
avoir obtenu
cechromogène en rédui¬
sant
l'hydrobilirubine de Maly
parl'étain et l'acide chlo-
rliydrique.
11 obtient ainsi
uneurobiline réduite, sans
action sur le spectre, pouvant
régénérer l'urobiline
sousl'influence des oxydants et, en
particulier, du
permanga¬nate de potasse.
Caractères de l'urobiline
normale extraite
parle
pro¬cédé Jaffé. — A
l'état concentré,
sasolution alcoolique
(1) Journalprakt. Chem., CIV, p. 401.
(2) Zeitscli.f.physiol. Chem., II, p. 264.
— 23 —
était brune; lorsqu'on l'étendait d'eau, elle était rouge mais non pas jaune rouge.Si on ajoutait de l'ammoniaque
à cette solution alcoolique, la couleurrouge devenaitjaune
rouge mais jamais jaune comme l'urine.
La solution ammoniacale n'offrait pas de prime abord
la fluorescence verte ; cette fluorescence se développait
nettement pas l'addition d'un sel de zinc.
L'examen spectroscopique de l'urobiline normale de
Jaffé nous a donné les résultats suivants :
La solution alcoolique acide concentrée absorbait le spectre depuis l'extrémité duvioletjusqu'à la raieD. Lors¬
qu'on étendait la solution, on observait une bande y à
bords mal limités surtout du côté du violet ; cette bande
avaitpour mesures 504-479. Outrecette raie d'absorption,
la solution acide montraitunebande versD, moins foncée que la précédente mais très nette (577-552).
Après addition d'ammoniaque, les deux bandes d'ab¬
sorption disparaissaient et le spectre redevenait sensi¬
blement clair ; l'addition d'un sel de zinc à la solution ammoniacale faisait réapparaître une nouvelle bande très nette, entre b et F, de long, d'onde 587-566.
La solution alcoolique, alcalinisée avec la soude, don¬
nait une bande assez nette vers D (515-497).
Caractères de l'urobiline normale extraite par le pro¬
cédé Me'hu. — Cette urobiline ne différait pas sensible¬
ment de la précédente au point de vue de ses caractères
physiques.
A l'examen spectral, nous avons trouvé, en solution acide, deux bandes d'absorption, l'une y, assez foncée et bien nette (507-481), l'autre vers D, moins intense (581—
555). La solution zinco-ammoniacale donnait une seule bande en 587-571 et il en était de même de la solution alcaline (510-482).
Existe-ilplusieurs variétés d'urobilinedans Vurine ? Le tableau suivant résume les expériences signalées plus
haut.
— 24 —
Urobiline pathologique.
Sol. alcool, acide j
Sol. alcool,
ammon.
Bandesd'absorp.
de la sol. acide
Bandes
d'absorp.
de la sol. alcaline
Bandesd'absorp.
de la sol. zineo-amino-
niacale
ProcédéJaffé rouge jaune 507-479(y)
567-552 517-504 ' 594-562 (8) j
Procédé Méhu
rouge jaune 504-477 (y) 515-502 587-562 (8)Urobiline normale.
Sol. alcool, acide
Sol. alcool. Bandesd'absorp.
de la
Bandes
d'absorp.
de la sol. alcaline
Bandesd'absorp.. de la 1 sol. zinco-ammo-
niacale sol. acide
ProcédéJaffé rouge
jaune-
rouge
504-479(Y)
1 577-552 515-497 587-566(8)
Procédé Méhu rouge
[ jaune-
| rouge
i 507-481 (Y)
j 581-555
J 510-482 j 587-571 (8)
Ces recherches nousamenaient à penser que l'urobiline
normale est différente de l'urobiline pathologique.
Or, nous avons vu que Mac Munn admet ces deux
variétés (l'urobiline et qu'il en décrit une intermédiaire qu'il
aurait rencontrée dans
un casde pleurésie.
Cependant nous ne
devions
pas nous entenir là, d'au¬
tantplus qu'un fait
de la plus haute importance
nousindi¬
quait pour
ainsi dire la marche à suivre.
Les procédés
de Jaffé
etde Méhu, appliqués
àl'urine
normale, nous donnent des produits identiques, mais lorsque nous les
appliquons
àl'urine pathologique,
noussommes obligés de reconnaître que les produits obtenus,
tout en présentant la
plupart des
caractères communs, diffèrent l'un de l'autre par quelques détails particuliers.Ainsi pourquoi
l'urobiline pathologique
duprocédé
Jaffé n'est-elle par fluorescente d'emblée en solution
ammoniacale comme celle que l'on obtient parle procédé
Méhu ?
— 2o —
Pourquoi de même la solution alcoolique de cette der¬
nière urobiline, agitée avec du chlorure de zinc sec et fil¬
trée, se conduit-elle différemment de l'urobiline de Jaffé
placée dans les mêmes conditions ?
Ces détails sont de peu d'importance, il est vrai, lors¬
qu'on les compare à l'ensemble decaractèrescommunsque présentent les deux pigments retirés de l'urine patholo¬
gique, mais ils indiquent clairement que les réactions
que l'on rencontre dans l'application des deux méthodes
sont susceptibles de modifier légèrement la nature du produit final. II était donc nécessaire d'étudier de près la
marche de ces réactions et c'est ce que nous allons expo¬
ser.
ÉTUDE DU PROCÉDÉ JAFFÉ
On sait que lorsqu'on précipite l'urine normale par le
sous-acétate de plomb, le liquide filtré est complètement
décoloré. On doit donc en conclure que tous les pigments
de l'urine sont passés à l'état de combinaison plombique
insoluble.
Jaffé lave ce précipité à l'eau, puis à l'alcool bouillant.
Or ce dernier liquide passe complètement incolore et il
reste de même par addition d'acide
chlorhydrique
et dechlorure de chaux (1).
Si nous traitons le composé plombique par l'alcool
acidulé avec de l'acide sulfurique ou de l'acide oxalique,
la liqueur alcoolique filtrée présente une nuance rouge foncée et le résidu, après lavage à l'alcool puis à l'eau,
ne renferme plus de matières organiques car il reste blanc
par calcination. Les pigments de l'urine ontété entraînés d'une façon complète par l'alcool, car le lavage à l'eau
donne un liquide incolore. Jaffé ajoute au liquide alcooli¬
que la moitié de son volume de chloroforme, puis l'agite
(1) Cetteréaction indique que les chromogènes de l'urine n'ontpas été
entraînés par l'alcool.
— 26 —
avec une grande quantité
d'eau. Que
sepasse-t-il ? Le
chloroformes'empare d'une partie
de la matière colorante,
l'autre partie restant dans
la couche supérieure. Cette
dernièreprésente en effet une teinte
jaune rougeâtre,
sen¬siblement la même que la solution
chloroformique
aveccettedifférence qu'elle est beaucoup moins prononcée.
Il
en est de même des eaux de lavage à l'eau, lavage que conseille Jaffé. La solution chloroformique évaporée
aban¬
donnel'urobiline.
Que renferment les eaux-mères
légèrement alcooliques
provenant
du
traitement auchloroforme ?
Elles renferment les corps organiques
solubles dans
l'eau et l'alcool, mais insolubles dans le chloroforme;
elles renferment en outre une certaine quantité de pig¬
mentpuisqu'elles sont
colorées.
Or, si on saturela liqueur
de sulfate d'ammoniaque, il netarde pasà se séparer
deux
couches, l'une alcoolique colorée en rouge, l'autreaqueuse présentant
la couleur jaune ambrée de l'urine.
La couche alcoolique donne nettement les
réactions de
l'urobiline : l'examen spectral y décelant les
bandes
y et8. Quant à la couche aqueuse, elle ne
renferme
aucunetrace d'urobiline après filtration (1). Sa
couleur jaune tient
à la présence du pigmentjaunede l'urine,
l'urochrôme de
Tudiclium. En effet, si après avoir neutralisé
la liqueur
par l'ammoniaque et précipité par
le nitrate de baryte,
on ajoute du sous-acétate de plomb, leliquide
estcomplète¬
ment décoloré après filtration. Ce précipité
plombique,
lavé à l'eau, cèdeà l'alcool acidulé par l'acide
sulfurique,
une matière colorante jaune n'ayant aucune action sur
le
spectre. La solution alcoolique, saturée par
l'ammoniaque
et filtrée, abandonne par évaporation une masse jaune
citron soluble dans l'eau qu'elle coloreen jaune clair.
Cesdiverses réactions n'établissent pas cependant d'une
(1) Nousverrons, en effet, que le sulfate d'ammoniaque précipite complète¬
mentles solutions aciduléesd'urobiline.