• Aucun résultat trouvé

Immunotolérance hépatique et immunothérapie du carcinome hépatocellulaire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Immunotolérance hépatique et immunothérapie du carcinome hépatocellulaire"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

DOSSIER

Nouvelles approches dans le traitement du CHC

Immunotolérance hépatique et immunothérapie

du carcinome hépatocellulaire

Liver immunotolerance and immunotherapy of hepatocellular carcinoma

Gaël S. Roth*

,

**

,

***, Thomas Decaens*

,

**

,

***

* Institute for advanced bio­

sciences ; Inserm U1209 ; CNRS UMR 5309 ; université Grenoble-Alpes, Grenoble.

** Université Grenoble-Alpes, Grenoble.

*** Clinique universitaire d’hépato- gastroentérologie, pôle digidune, CHU Grenoble.

L

e cancer du foie est la deuxième cause de mortalité par cancer dans le monde avec environ 750 000 nouveaux cas de CHC par an.

Lors du diagnostic, 70 % des patients ne peuvent pas avoir accès à un traitement curatif. Au stade avancé, le sorafénib est l’unique option thérapeutique en première ligne en dehors des soins de support, avec une survie globale passant de 7,9 mois dans le groupe placebo à 10,7 mois dans le groupe traité par sorafénib (1). En seconde ligne, seul le régorafénib a démontré un bénéfice en survie globale (2) après l’échec de nombreuses thérapies ciblées. Il existe donc un besoin urgent de nouvelles thérapies.

L’immuno thérapie à visée antitumorale est actuel- lement en plein essor avec notamment l’arrivée d’an- ticorps monoclonaux dirigés contre des molécules clés de l’immunotolérance telles que le récepteur CTLA-4 et le couple ligand/récepteur Programmed cell Death 1 LIgand 1/Programmed cell Death 1 (PD-L1/

PD-1) appelés checkpoints immunologiques.

Immunotolérance

et carcinogenèse hépatiques

Le foie est massivement et continuellement exposé à de nombreux antigènes de par son rôle de filtre de la circulation systémique, et principalement de par ses rapports intimes avec le tractus intestinal.

Ainsi, le développement de multiples mécanismes des composantes de l’immunité innée et adapta- tive de l’immunité rendent le foie particulièrement immunotolérant afin de limiter l’apparition de lésions hépatiques auto-immunes. Cet environ- nement tolérogène est en partie dû à la sécrétion de cytokines telles que l’interleukine 10 (IL-10) et le Transforming Growth Factor-β (TGF-β) par les

cellules de Kupffer (CK) et les cellules endothé- liales intrahépatiques (TGF-β uniquement) [3]. Ces cytokines anti-inflammatoires et immunosuppres- sives sont notamment sécrétées en cas de lésion hépatique à la suite du recrutement des cellules de Kupffer, impliquées dans les mécanismes de répara- tion tissulaire. Ces dernières sécrètent de nombreux facteurs de croissance qui favorisent la prolifération cellulaire, tels que le Epidermal Growth Factor (EGF), le Insulin-like Growth Factor (IGF), le Vascular Endo- thelial Growth Factor (VEGF) et le Platelet-Derived Growth Factor (PDGF).

Système de présentation d’antigène

Les cellules endothéliales sinusoïdales hépatiques (CESH), véritables cellules présentatrices d’an- tigènes (CPA) hépatiques (4), activent les lym- phocytes (LT) auxiliaires (LT CD4+) en fixant leur récepteur CD28 via leurs molécules de surface CD80 et CD86, puis induisent la production de LT cytotoxiques (LT CD8+) par présentation croisée d’antigènes une fois les LT auxiliaires activés. Les CESH induisent également la différenciation des LT en LT mémoires pour permettre une produc- tion rapide et massive de LT cytotoxiques lors d’un contact ultérieur avec un antigène. Néanmoins, ce système de présentation d’antigènes hépatique est perturbé, à la fois par la présence de nombreuses endotoxines qui vont inhiber les CESH et limiter ainsi leur rôle de CPA, et par une diminution des molécules de surface CD80 et CD86 de ces dernières qui va aboutir à une diminution de l’activation des LT CD4+ hépatiques (3). À l’inverse, on observe une augmentation des LT régulateurs (LTrég) et de leur activité immuno suppressive (figure).

(2)

La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier-février 2017 |

45

Résumé

Antigènes associés à la tumeur

Cellule tumorale Lymphocyte T

Cellule présentatrice d’antigènes

CMH TCR TCR

INF-γ

+ + +

+

INF-γ-R CMH

CD80/CD86

CMH : complexe majeur d’histocompatibilité ; CTLA-4 : Cytotoxic T-Lymphocyte-Associated Protein 4 ; IFNγ : interféron gamma ; IFNγ-R : récepteur de l’interféron gamma ; PD-1 : Programmed cell Death receptor ; PD-L1/2 : Programmed cell Death Ligand 1/2 ; TCR : T Cell Receptor.

CTLA-4 CD28

PD-1 PD-1

PD-L2 PD-L1 PD-L2

PD-L1

Figure. Interactions entre cellules présentatrices d’antigènes, lymphocyte T et cellules tumorales.

Au diagnostic de carcinome hépatocellulaire (CHC), 70 % des patients n’ont accès qu’à un traitement palliatif.

Au stade avancé, l’unique molécule approuvée est le sorafénib. Le foie est un organe singulier sur le plan immunitaire avec une immunotolérance particulièrement développée dont la dérégulation semble impliquée dans la carcinogenèse hépatique. Du fait de ces caractéristiques, le CHC pourrait être un excellent candidat aux nouvelles immunothérapies antitumorales telles que les inhibiteurs de checkpoints immunologiques avec, en chefs de file, les anticorps anti-cytotoxic T lymphocyte associated protein 4 (CTLA-4) et les anti-PD-1.

Leur tolérance et leur efficacité doivent cependant être évaluées compte tenu du contexte immunologique hépatique particulier et de l’association fréquente à une insuffisance hépatocellulaire. À l’heure actuelle, seuls les résultats finaux d’une phase II pour le trémelimumab sont disponibles et de nombreux essais de phase II ou III sont en cours de réalisation pour évaluer les thérapies anti-CTLA-4, anti-PD-1 et autres, en mono-, bithérapie ou en association avec des stratégies locorégionales de traitement du CHC.

Mots-clés

Immunotolérance Immunothérapie Carcinome hépatocellulaire Checkpoint immunologique Anti-PD-1

Summary

»At the moment of the dia- gnosis of hepatocellular carci- noma (HCC), 70% of patients have only access to palliative care. Sorafenib remains the only first-line therapy, and regorafenib has been recently approuved as second line treat- ment. Liver immunology is very specific and liver immunotole- rance is particularly devel- opped because of the constant and massive influx of antigens.

The dysregulation of this liver immunotolerance seems to be implicated in chronic liver diseases development and liver carcinogenesis. For these reasons, HCC may be an excel- lent candidate for anticancer immunotherapies such as the immune checkpoints inhibitors targeting CTLA-4 and PD-L1/

PD-1. Nonetheless, because of the specific immune environ- ment of the liver, and the fre- quent association of HCC with hepatocellular insufficiency, the safety and the efficacy of these new treatments have to be properly studied in this cancer. At this moment, only the final results of the tremeli- mumab phase II are available, and multiple phase II and III studies are in progress with some promising results.

Keywords

Immunotolerance Immunotherapy Hepatocellular carcinoma Immune checkpoint Anti-PD-1

Checkpoints immunologiques

Un certain nombre de molécules clés appelées checkpoints immunologiques ont un rôle majeur dans les processus d’immunotolérance hépatique.

Le récepteur CTLA-4 est exprimé de manière constitutive par les LTrég et LT activés et a un rôle immunosuppresseur à la fois en fixant les ligands CD80-CD86 des CPA (compétition avec le récepteur activateur CD28 des LT CD4+) et en induisant des signaux inhibiteurs intracellulaires au niveau des LT à l’inverse du T cell receptor (TCR).

Le Programmed Death receptor 1 (PD-1) et ses ligands PD-L1 ou PD-L2 (Programmed cell Death Ligand 1 ou 2) constituent également un checkpoint immu- nologique. PD-1 est exprimé sur les LT CD4+ et les LT CD8+ activés, mais aussi à la surface des LTrég, des lymphocytes B, des lymphocytes Natural Killer (NK), des monocytes, des cellules myéloïdes sup- pressives (CMS) et des cellules dendritiques (CD).

PD-L1 est exprimé par les hépatocytes (5), les cel- lules stellaires hépatiques (6), et les cellules de la lignée myéloïde telles que les CPA dont les CESH, les CMS ainsi que les cellules endothéliales des microvaisseaux (4). PD-1 est immunosuppresseur car il favorise la prolifération des LTrég en stimulant la sécrétion d’IL-10 par les CK, et parce qu’il inhibe

l’activité des LT CD4+ et CD8+ en bloquant leur signalisation TCR et en induisant leur apoptose.

Le Lymphocyte-Activation Gene 3 (LAG-3) réduit l’activité des cellules dendritiques en se fixant de manière compétitive aux molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).

LAG-3 agit de manière synergique avec le PD-1 et est un marqueur de l’épuisement lymphocytaire (7).

Le T-cell Immunoglobulin and Mucin domain-3 (TIM-3) est une protéine transmembranaire exprimée par les cellules de l’immunité innée et acquise dont notamment les LT CD4+, les LT CD8+

et les LTrég dont l’activité est inhibée lorsque TIM-3 se fixe à la galectine-9 sécrétée par les cellules parenchymateuses de nombreux organes dont le foie. Cette dernière supprime l’activité des LT en se liant au TIM-3 qui agit comme un récepteur inhi- biteur des LT (8).

Progression tumorale et immunotolérance

En conditions physiologiques, l’ensemble de ces acteurs immunitaires ont un rôle protecteur, mais leur activité semble amplifiée en cas d’hépa- topathie chronique, ce qui est à l’origine d’une

(3)

DOSSIER

Nouvelles approches

dans le traitement du CHC Immunotolérance hépatique et immunothérapie du carcinome hépatocellulaire

immuno surveillance défectueuse et favorise ainsi l’émergence de tumeurs hépatiques du fait d’une reconnaissance et d’une prise en charge inefficaces de cellules néoplasiques en tant qu’antigènes.

Ainsi en présence d’un CHC, on observe une inhi- bition exacerbée du processus de présentation des antigènes, une diminution de la production de LT auxiliaires, avec, à l’inverse, une intensifica- tion de la production de LTrég, notamment au sein des lymphocytes infiltrant les tumeurs ou Tumor- Infiltrating Lymphocytes (TIL) [9] et la proliféra- tion des Tumor-Associated Macrophages (TAM) qui promeuvent l’initiation et la croissance tumorales.

De nombreuses cytokines immunosuppressives sont également sécrétées telles que les IL-4, IL-5, IL-8 et IL-10, le Tumor Necrosis Factor (TNF) et l’in- terféron gamma (IFNγ). Les checkpoints immu- nologiques sont également dérégulés avec une surexpression du CTLA-4 par les LT cytotoxiques, les LTrég, ainsi que par les cellules dendritiques, ce qui aboutit à l’inhibition de la prolifération des LT et la promotion de leur apoptose. De même, le PD-1 est largement surexprimé par les CK, les CESH et les monocytes péritumoraux, ainsi que les cellules tumorales elles-mêmes, aboutissant aussi à une inhibition des LT. Enfin, les LT CD4+

et CD8+ qui infiltrent la tumeur surexpriment le TIM-3 et sécrètent de l’IFNγ qui est à l’origine d’une surexpression de la galectine-9 par les cellules de Kupffer également localisées dans la tumeur. La signalisation TIM-3/galectine-9 est donc amplifiée au niveau tumoral et aboutit une nouvelle fois à un blocage de l’activité des LT (8).

Immunothérapie : quelles cibles thérapeutiques ?

Depuis plus d’une dizaine d’années, de nombreuses stratégies thérapeutiques visant à restituer une immunité compétente vis-à-vis des cellules tumo- rales sont en cours de développement avec des essais cliniques de phases plus ou moins avancées.

Vaccins

De nombreux antigènes associés aux tumeurs (AAT) sont des candidats potentiels dans le déve- loppement de vaccins à visée antitumorale, tels que l’alpha-fœtoprotéine (AFP), la (Telomerase Reverse Transcriptase [TERT], ou le glypican-3 [GPC3]).

Ces vaccins peuvent être développés à partir de

séquences ARN, de peptides ou de protéines, ou à partir de cellules dendritiques matures obtenues par exposition à des ligands du Toll-Like Receptor (TLR) ou des cytokines. Dans une récente étude testant 27 AAT associés au CHC, la reconnaissance d’au moins un AAT par les LT ainsi que la production de LT cytotoxiques étaient constatées chez 77,4 % des patients (10). Par ailleurs, la présence d’une réponse des LT cytotoxiques aux AAT semble être liée à un meilleur contrôle de la croissance tumorale (11).

Cette approche thérapeutique semble donc promet- teuse et de nombreux essais ont été réalisés dans le CHC, prouvant la faisabilité de cette méthode en termes de tolérance et de génération d’une réponse immunitaire. En revanche, aucun essai n’a montré un effet antitumoral efficace ou un bénéfice en termes de survie à l’heure actuelle (7).

Cytokines

L’interféron alpha (IFNα) a été la première cytokine utilisée pour ses propriétés immunostimulantes et notamment son effet antiviral dans le traitement de l’hépatite C chronique. De nombreux essais ont évalué son activité antitumorale avec des résul- tats très inégaux en termes de survie sans progres- sion (SSP) et de survie globale (SG). Par ailleurs, l’administration systémique de cytokines immuno- stimulantes étant mal tolérée, certaines équipes ont évalué la faisabilité et l’efficacité d’une administra- tion intratumorale de cytokines telles que l’IL-12 soit par injection directe d’adénovirus codant pour la séquence de l’IL-12 (12), soit après avoir trans- fecté des cellules dendritiques avec ces virus (13).

Dans ces essais, cette méthode était bien tolérée, mais sans preuve de son efficacité antitumorale.

Plus récemment, le galunisertib, inhibiteur du récepteur du TGF-β, est actuellement évalué dans un essai de phase II avec une première analyse intermédiaire sur 109 patients retrouvant une SG médiane de 36 semaines avec 93,1 semaines chez les patients dits répondeurs AFP (baisse de 20 % du taux d’AFP), contre 29,6 semaines chez les patients non répondeurs AFP (14). Cette molécule est également évaluée en bithérapie avec le sorafénib dans un autre essai de phase II non randomisé (NCT01246986).

Transfert adoptif de cellules

Le transfert adoptif de cellules (Adoptive Cell Transfer [ACT]) est une technique utilisant principalement

(4)

La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier-février 2017 |

47

DOSSIER

Nouvelles approches dans le traitement du CHC

3 types cellulaires : les cellules tueuses induites par les cytokines (CIK), les TIL et les LT génétiquement modifiés.

Les CIK sont issues des cellules mononucléées obtenues à partir de sang périphérique et mises en culture en présence d’anticorps (Ac) anti-CD3 et de cytokines telles que l’IFNγ, l’IL-1 et l’IL-2. Ces cellules sont aisément produites en grande quantité et sont capables de reconnaître un large spectre d’antigènes tumoraux. Il s’agit de NK activés, de LT NK et LT CD8+ activés, exprimant fortement le récepteur activateur Natural Killer Group 2D (NKG2D) dont le niveau d’expression semble corrélé à l’activité antitumorale. Ce dernier se fixe aux ligands MHC class I polypeptide-related sequence A (MIC-A) and B (MIC-B) présents sur les cellules tumorales. Les CIK ont été largement évaluées et semblent réduire la fréquence des récidives lorsque comparées de manière randomisée aux soins de support exclusifs en traitement adjuvant d’une chimioembolisation (TACE) ou d’une radiofréquence (RFA) [9 versus 30 % de récidives à 1 an] (15). De même, dans une autre étude randomisée, les CIK augmentaient la survie globale lorsque administrées en adjuvant d’un trai- tement locorégional (résection, RFA, TACE, etc.), sans bénéfice cependant sur la fréquence des réci- dives (16).

Les TIL sont obtenus à partir de pièces d’exérèse tumorale et subissent une phase d’expansion et d’activation in vitro via une mise en contact avec des Ac anti-CD3, ainsi qu’en présence d’IL-2. Une lymphodéplétion est obtenue par chimiothérapie de type cyclophosphamide et fludarabine chez les patients avant la réimplantation des TIL afin de per- mettre leur développement in vivo. Dans un essai randomisé, sur 150 patients réséqués à visée cura- tive, une administration de LT autologues activés a été réalisée chez 76 d’entre eux, permettant une amélioration de la SSP, mais sans bénéfice signifi- catif en SG (17). Cette méthode associée à un vaccin développé à partir de cellules dendritiques tumorales après résection du CHC, a permis dans une récente étude non randomisée de 94 patients, une amélio- ration significative de la SSP et de la SG qui étaient de respectivement 24,5 et 97,7 mois dans le groupe chirurgie plus bi-immunothérapie, contre 12,6 et 41,0 mois dans le groupe chirurgie seule (p = 0,011 et 0,029) [18].

Les LT génétiquement modifiés correspondent soit à des LT sur lesquels un clone de TCR a été ajouté, soit à des LT exprimant un récepteur d’antigènes chimérique [Chimeric Antigen Receptor (CAR)]. Dans la première situation, les TCR des LT les plus réactifs

sont sélectionnés chez un patient afin de reconnaître de manière hautement spécifique les antigènes asso- ciés à la tumeur. Les séquences des chaînes α et β de ces TCR sont transfectées dans les LT. Cette méthode peut être utilisée uniquement chez le patient dont sont issus les TCR transgéniques, car lui seul possède les molécules du CMH qui seront compatibles avec les TCR. L’expression d’un CAR permet de s’affran- chir de cette limite, mais les LT exprimant ces CAR ont une durée de vie in vivo très limitée à l’heure actuelle. L’efficacité de cette technique reste dis- cutée dans le traitement des tumeurs solides et aucun essai clinique n’a évalué les LT génétiquement modifiés dans le traitement du CHC.

Checkpoints immunologiques

Anti-CTLA-4

Le premier anti-CTLA-4 ayant fait la preuve de son efficacité clinique est l’ipilimumab, évalué dans le mélanome métastatique dont l’essai de phase III rapporte une survie à 2 ans de 18 % dans le groupe traité contre 5 % dans le groupe contrôle. Néan- moins, l’ipilimumab pose quelques problèmes de tolérance car des manifestations auto-immunes de grades 3-4 telles que des colites, des pneumonies, des thyroïdites et des hépatites ont été rapportées chez 15 % des patients (19). Cette molécule n’a pas été évaluée en monothérapie dans le CHC, mais elle est en cours d’évaluation en bithérapie avec un anti-PD-1, le nivolumab (tableau, p. 48-49). Un autre anti-CTLA-4 en cours d’évaluation est le tre- melimumab. Une phase II a déjà été réalisée dans le CHC sur 21 patients, montrant une réponse partielle et une stabilité tumorale chez respecti- vement 3 et 10 patients sur les 17 évaluables, ainsi qu’un temps avant progression de 6,48 mois (20).

Le développement de ce dernier a cependant été sérieusement ralenti à la suite d’un essai de phase III négatif dans le mélanome (21). Il est encore en cours d’évaluation soit en association avec des stratégies thérapeutiques locorégionales (TACE, RFA, etc.) ou en bithérapie avec un anti-PD-L1, le durvalumab (tableau, p. 48-49).

Anti-PD-1/anti-PD-L1

Le nivolumab est un anticorps anti-PD-1. Il est actuellement évalué dans un essai de phase I/II en monothérapie chez des patients ayant un CHC avancé et étant infectés ou non par les virus de l’hépatite B ou C. Il s’agit du programme Checkmate- 040 qui comprend également une étude évaluant le nivolumab en bithérapie avec l’ipilimumab et

(5)

Immunotolérance hépatique et immunothérapie du carcinome hépatocellulaire

DOSSIER

Nouvelles approches dans le traitement du CHC

Essais cliniques évaluant les inhibiteurs des checkpoints immunologiques dans le traitement du carcinome hépatocellulaire. Essai (numéro d’enregistrement, années)

PhaseSchéma de l’essaiPopulation (critères d’inclusion/exclusion)ObjectifsRésultats NCT01008358 2009-2012 (Sangro B. et al., 2013)

IIProspectif Bras unique 21 patients inclus - CHC avancé, Child A-B - Cirrhose virale C

OP : RT OS : TAP, SG, contrôle charge virale C- TR : 3 RP, 10 ST/17 patients évaluables - TAP = 6,48 mois (IC95 = 3,95-9,14) - SG = 8,2 mois (IC95 = 4,6-21,3) - Baisse significative de la charge virale C - Augmentation des réponses immunes virus-spécifiques post-thérapeutiques -1 et anti-PD-L1 -L1)NCT01693562 2012-2018I/IIProspectif Bras uniqueObjectif théorique de 1 014 patients - CHC avancé - Échec/refus/intolérance de 1re ligne

OP : DLT Tolérance OS : RT, contrôle tumoral objectif, SG, SSP, PK

Analyse intermédiaire sur 21 patients (ESMO 2014) : RT = 0 %, CTO à 12 semaines = 21 % EI : 62 % des patients (grade ≥ 3 : 10 %) -1)NCT02576509 (Checkmate-459) 2015-2019

IIIProspectif, randomisé Controlé vs sorafénibObjectif théorique de 726 patients - CHC avancé

- Contre-indication à la résection ou récidive après résection ou thérapie locorégionale

OP : SG, TAP OS : TR, SSP, relation entre expression de PD-L1 efficacité des anti-PD1, qualité de vie

N/D -1)NCT02658019 2016-2019IIProspectif Non randomisé Bras unique

Objectif théorique de 28 patients - CHC avancé, Child A-B7 - HCV traitées < 60 jours - HBV traitées < 3 mois exclues - Échec/refus/intolérance de 1re ligne

OP : TCT, tolérance OS : TR, DR, SSP, toxicité, mesures de biomarqueurs

N/D NCT02702414 2016-2017IIProspectif Bras uniqueObjectif théorique de 100 patients - CHC avancé BCLC B/C non accessible aux stratégies locorégionales - Child A - Hépatite C non traitée/guérie < 4 semaines - Absence de traitement systémique autre que le sorafénib

OP : TR OS : DR, CTO, TAP, SSP, SGN/D NCT02702401 2016-2019IIIProspectif Randomisé 2 bras : A : pembrolizumab + soins de support B : placebo + soins de support

Objectif théorique de 408 patients - CHC avancé BCLC B/C non accessible aux stratégies locorégionales - Child A - Hépatite C non traitée/guérie < 4 semaines - Absence de traitement systémique autre que le sorafénib

OP : SSP, SG OS : TR, TCT, TAP, DRN/D NCT01853618 2013-2016IProspectif, non randomisé 5 bras : trémelimumab + : A : TACE ou RFA (BCLC C) B : TACE (BCLC B) C : RTS (CHC avancé, BCLC C) D : CA (CHC avancé, BCLC C) E : RFA (CCIH) ou RTS ou CA

Objectif théorique de 100 patients - CHC avancé ou métastatique - CCIH

OP : tolérance et faisabilité des bithérapies OS : modification de paramètres biologiques immunologiques, TR, TAP, SG

Analyse intermédiaire sur 20 patients (ASCO® 2015) : - EI grade 3-5 chez 7/20 patients : augmentation ASAT et ALAT - RP chez 4/13 patients - TAP : 7,4 mois

(6)

La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier-février 2017 |

49

DOSSIER

Nouvelles approches dans le traitement du CHC

Trémelimumab ± durvalumab NCT02519348 2015-2018IIPropectif, randomisé, ouvert 3 bras : A : durvalumab seul B : trémelimumab + durvalumab C : trémelimumab seul

Objectif théorique de 144 patients - CHC non résécable en échec/refus/intolérance du sorafénib ± Hépatite virale B ou C

OP : EI graves, toxicité OS : TR, DR, SG, expression de PD-L1N/D NCT02821754 2016-2021I/II- CHC avancés : trémelimumab + durvalumab ± TACE ou RFA ou CA - Cholangiocarcinomes : trémelimumab + durvalumab ± RFA ou CA

Objectif théorique de 90 patients - CHC ou CC non résécable non transplantable - Child A/B7 - Absence d’antécédent de TH

OP : efficacité OS : tolérance, faisabilité, modification de paramètres biologiques immunologiques, PK

N/D

Nivolumab ± ipilumimab (anti-CTLA-4)

NCT01658878 (Checkmate-040) 2012-2018

I/IIProspectif, non randomisé 4 sous-études : A : nivolumab seul (escalade de dose, expansion de dose) B : nivolumab vs sorafénib (randomisée) C : nivolumab + ipilimumab D : nivolumab seul (patients Child B)

Objectif théorique de 620 patients - CHC avancé - Hépatite virale B ou C - Échec/refus/intolérance de 1re ligne Étude A : 4 cohortes : 1- HBV-/HCV-, naïf/intolérant au sorafénib 2- HBV-/HCV-, progression sous sorafénib  3- HBV+ ; 4- HCV+

OP : tolérance, TR OS : RC, TCT, DR, TAP, SSP, SG, biomarqueurs, PK

Analyse intermédiaire bras A (214 patients, ASCO 2016) : - EI grade 3-4 chez 14 % des patients - RT chez 35 patients (≥ 3 mois après début du traitement chez 29 patients) - SG à 6 et 9 mois : respectivement 82,5 % et 70,8 %

Nivolumab + galunisertib (inhibiteur du récepteur R1 du TGF-

β-R1)

NCT02423343 2015-2019Ib/IIProspectif Bras uniqueObjectif théorique de 100 patients - Échec/intolérance du sorafénib et/ou non inaccessible à la

TACE - Phase Ib : CHC avancé résistant (nb non limité de lignes thérapeutiques) - Phase II : CHC résistant ou récidivant avec AFP ≥ 200 ng/ml

OP : DMT OS : PK, SSP, RP, RC, TR, DR, SGN/D

Nivolumab + CC-122 (“Pleiotropic Pathw

ay Modifier”)

NCT02859324 2016-2021I/IIProspectif Bras uniqueObjectif théorique de 50 patients - CHC avancé en échec/refus/intolérance de

2 thérapies locorégionales ou naïfs de thérapie systémique

OP : DLT, EI, TR OS : DR, TCT, SSP, SG, TAP, PKN/D

Pembrolizumab + culture de

TIL autologues 

NCT01174121 2010-2019IIProspectif Bras unique Objectif théorique de 290 patients - CHC métastatique, déjà traités par sorafénib - Child A

OP : TRT OS : toxicité, tolérance, efficacitéN/D CA : cryoablation ; CC : cholangiocarcinome ; CCIH : cholangiocarcinome intrahépatique ; CHC : carcinome hépatocellulaire ; CT: contrôle tumoral objectif ; DMT : dose maximal tolérée ; DL: dose limite toxique ; DR ; durée de réponse ; EI : effets indésirables ; HBV : hépatite virale B, HCV : hépatite virale C ; N/D : non disponible ; OP : objectif principal ; OS : objectifs secondaires ; PK : pharmacocinétique ; PT : progression tumorale ; RF: ablation par radiofréquence ; RC : réponse complète ; RP : réponse partielle ; RO : réponse objective ; RTS : radiothérapie stéréotaxique ; SG : survie globale ; SS : soins de support ; SSP : survie sans progression ; ST : stabilité tumorale ; TACE: chimioembolistation artérielle ; TAP : temps avant progression ; TCT : taux de contrôle tumoral ; TH : transplantaiton hépatique ; TR : taux de réponse.

(7)

DOSSIER

Nouvelles approches

dans le traitement du CHC Immunotolérance hépatique et immunothérapie du carcinome hépatocellulaire

G.S. Roth déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

T. Decaens n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.

1. Llovet JM, Ricci S, Mazzaferro V et al. Sorafenib in advanced hepatocellular carcinoma. N Engl J Med 2008;359(4):378-90.

2. Bruix J, Qin S, Merle P et al. Regorafenib for patients with hepatocellular carcinoma who progressed on sorafenib treatment (RESORCE): a randomised, double-blind, place- bo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2017;389(10064):56-66.

3. Makarova-Rusher OV, Medina-Echeverz J, Duffy AG, Greten TF. The yin and yang of evasion and immune acti- vation in HCC. J Hepatol 2015;62(6):1420-9.

4. Crispe IN. Liver antigen-presenting cells. J Hepatol 2011;54(2):357-65.

5. Mühlbauer M, Fleck M, Schütz C et al. PD-L1 is induced in hepatocytes by viral infection and by interferon-α and -γ and mediates T cell apoptosis. J Hepatol 2006;45(4):520-8.

6. Yu MC, Chen CH, Liang X et al. Inhibition of T-cell res- ponses by hepatic stellate cells via B7-H1-mediated T-cell apoptosis in mice. Hepatology 2004;40(6):1312-21.

7. Prieto J, Melero I, Sangro B. Immunological landscape and immunotherapy of hepatocellular carcinoma. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2015;12(12):681-700.

8. Li H, Wu K, Tao K et al. Tim-3/galectin-9 signaling pathway mediates T-cell dysfunction and predicts poor prognosis in patients with hepatitis B virus-associated hepa- tocellular carcinoma. Hepatology 2012;56(4):1342-51.

9. Unitt E, Rushbrook SM, Marshall A et al. Compromised lymphocytes infiltrate hepatocellular carcinoma: the role of T-regulatory cells. Hepatology 2005;41(4):722-30.

10. Mizukoshi E, Nakamoto Y, Arai K et al. Comparative analysis of various tumor-associated antigen-specific t-cell responses in patients with hepatocellular carcinoma. Hepa- tology 2011;53(4):1206-16.

11. Flecken T, Schmidt N, Hild S et al. Immunodominance and functional alterations of tumor-associated antigen-spe- cific CD8+ T-cell responses in hepatocellular carcinoma.

Hepatology 2014;59(4):1415-26.

12. Sangro B, Mazzolini G, Ruiz J et al. Phase I trial of intratu- moral injection of an adenovirus encoding interleukin-12 for advanced digestive tumors. J Clin Oncol 2004;22(8):1389-97.

13. Mazzolini G, Alfaro C, Sangro B et al. Intratumoral injec- tion of dendritic cells engineered to secrete interleukin-12 by recombinant adenovirus in patients with metastatic gas- trointestinal carcinomas. J Clin Oncol 2005; 23(5):999-1010.

14. Faivre S, Santoro A, Kelley R. A phase 2 study of a novel transforming growth factor-beta (TGF-β1) receptor I kinase inhibitor, LY2157299 monohydrate (LY), in patients with advanced hepatocellular carcinoma (HCC). J Clin Oncol 32, 2014 (suppl 3; abstr LBA173) 2016. http://meetinglibrary.

asco.org/content/122923-143

15. Huang Z-M, Li W, Li S et al. Cytokine-induced killer cells in combination with transcatheter arterial chemoembo- lization and radiofrequency ablation for hepatocellular carcinoma patients. J Immunother 2013;36(5):287-93.

16. Yu X, Zhao H, Liu L et al. A randomized phase II study of autologous cytokine-induced killer cells in treatment of hepa- tocellular carcinoma. J Clin Immunol 2014;34(2):194-203.

17. Takayama T, Sekine T, Makuuchi M, et al. Adoptive immunotherapy to lower postsurgical recurrence rates of hepatocellular carcinoma: a randomised trial. Lancet 2000;356(9232):802-7.

18. Shimizu K, Kotera Y, Aruga A et al. Postoperative den- dritic cell vaccine plus activated T-cell transfer improves the survival of patients with invasive hepatocellular carcinoma.

Hum Vaccin Immunother 2014;10(4):970-6.

19. Hodi FS, O’Day SJ, McDermott DF et al. Improved survival with ipilimumab in patients with metastatic melanoma.

N Engl J Med 2010;363(8):711-23.

20. Sangro B, Gomez-Martin C, de la Mata M et al. A clinical trial of CTLA-4 blockade with tremelimumab in patients with hepatocellular carcinoma and chronic hepatitis C.

J Hepatol 2013;59(1):81-8.

21. Ribas A, Kefford R, Marshall MA, et al. Phase III rando- mized clinical trial comparing tremelimumab with standard- of-care chemotherapy in patients with advanced melanoma.

J Clin Oncol 2013;31(5):616-22.

22. Sangro B, Melero I, Cheung Yau T, Hsu C. Safety and antitumor activity of nivolumab (nivo) in patients (pts) with advanced hepatocellular carcinoma (HCC): Interim analysis of dose-expansion cohorts from the phase 1/2 Checkmate-040 study. J Clin Oncol 34 2016 (suppl; abstr 4078). http://meetinglibrary.asco.org/content/167143-176

Références bibliographiques

une étude du nivolumab chez des patients cirrho- tiques Child B (tableau, p. 48-49). Une analyse intermédiaire du bras nivolumab seul (214 patients) rapporte une réponse tumorale objective chez 35 patients (16 %), obtenue dans les 3 mois suivant l’introduction de l’anti-PD-1 pour 29 d’entre eux.

Quatorze pour cent des patients ont présenté des effets indésirables de grades 3-4 correspondant principalement à des hypertransaminasémies (22).

À la suite de ces résultats préliminaires, un essai de phase III (Checkmate-459) a été initié comparant le nivolumab au sorafénib (tableau, p. 48-49). Le nivolumab est également évalué en bithérapie dans 2 études de phases I/II, l’une l’associant au galuni- sertib (inhibiteur du récepteur R1 du TGF-β-R1) et l’autre, l’associant au CC-122, molécule appartenant à une nouvelle classe thérapeutique : les Pleiotropic Pathway Modifier (PPM) [tableau, p. 48-49].

Le pembrolizumab est un autre anticorps anti-PD-1 en cours d’évaluation en monothérapie avec des essais de phase II et un essai de phase III le compa- rant à un placebo. Il est aussi évalué en association avec l’injection de TIL autologues dans un essai de phase II (tableau, p. 48-49).

Enfin, le durvalumab est un anticorps anti-PD-L1 actuellement en phase II, dont une analyse intermé- diaire sur 21 patients rapporte un taux de réponse de 0 %, avec des effets indésirables chez 62 % des

patients (grade ≥ 3 chez 10 %). Ce dernier est égale- ment impliqué dans un essai de phase II randomisé ouvert le comparant à l’association durvalumab- trémelimumab et au trémelimumab seul, ainsi que dans une phase I/II en bithérapie avec le trémeli- mumab, associée ou non à une stratégie thérapeu- tique locorégionale chez des patients porteurs d’un CHC ou d’un cholangiocarcinome intrahépatique (tableau, p. 48-49).

Conclusion

Le foie est un organe singulier sur le plan immu- nitaire, au sein duquel de nombreux mécanismes d’immunotolérance se sont développés afin de le préserver contre une charge antigénique massive et permanente. Cette même immunotolérance, lors- qu’elle est dérégulée, peut favoriser l’émergence et le développement de tumeurs primitives hépa- tiques. Le rétablissement de certaines fonctions immunitaires notamment via l’inhibition des check- points immunologiques, semble être une stratégie thérapeutique prometteuse, mais seuls des résultats préliminaires sont disponibles dans le CHC à l’heure actuelle. De nombreux essais en cours de réalisation confirmeront ou non ces données dans les années à

venir. ■

Références

Documents relatifs

des patients ambulatoires stables correctement sélectionnés et qui ont une insuffisance cardiaque due à une altération de la fonction systolique ventriculaire

L’essai a été arrêté prématurément parce que la mortalité toutes causes confondues était significativement plus basse dans le groupe bisoprolol

L’essai a été arrêté prématurément parce que la mortalité toutes causes confondues était significativement plus basse dans le groupe

ont comparé la CEL à la RE chez les patients atteints d’un CHC de stade BCLC A ou B et ayant une cirrhose de score de Child-Pugh A/B : la survie sans progression, critère

➤ la première est celle du downstaging : il a pu être montré que la radioembolisation semblait plus efficace que la CEL dans les tumeurs plus avancées (9) ; de manière

Les gènes du cycle cellulaire sont mutés dans au moins la moitié des CHC avec de fréquentes muta- tions de TP53 (12 à 48 %), un des gènes suppresseurs de tumeur les plus

De même, les avancées dans les traitements systémiques, qu’elles soient passées (antiangiogènes avec le sorafénib) ou à venir (place à prévoir de l’immunothérapie),

L’IRM objective une hypertrophie du foie gauche et du segment I, des contours bosselés (figures 1 et 2), témoignant d’une cirrhose évoluée avec greffe d’une lésion