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Carcinome hépatocellulaire : biologie moléculaire

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 6 - juin 2016 | 305

DOSSIER

Actualités aux 27es FFCD

Carcinome hépatocellulaire : biologie moléculaire

Molecular physiopathology of hepatocellular carcinoma

J. Edeline*

* Service d’oncologie médicale, centre Eugène-Marquis, Rennes.

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) peut être vu comme un exemple particulièrement parlant du rôle du microenvironnement dans le déve- loppement du cancer. En effet, il survient, dans l’extrême majorité des cas, sur un terrain d’hépato- pathie chronique, fréquemment au stade de cirrhose.

De manière frappante, de nombreux mécanismes à l’origine de l’hépatopathie (inflammation, fibrose) vont également être impliqués directement dans la cancérogenèse. De même, les avancées dans les traitements systémiques, qu’elles soient passées (antiangiogènes avec le sorafénib) ou à venir (place à prévoir de l’immunothérapie), ciblent principalement le microenvironnement tumoral.

Biologie de l’hépatopathie

Le développement du processus fibrosant fait inter- venir principalement les cellules étoilées du foie (1).

Les lésions des hépatocytes (causées par l’alcool, les virus, la surcharge en graisse ou en fer, etc.) vont entraîner une nécrose, favorisant une activation des cellules étoilées, une inflammation, qui va à son tour favoriser les lésions hépatocytaires. Un cercle vicieux s’installe ainsi, alimenté par la libéra- tion de cytokines pro-inflammatoires et de facteurs de croissance (IL-6, TGFβ, HGF, etc.). Il a pu être démontré que cette inflammation permanente est indispensable au développement du CHC dans des modèles murins. Paradoxalement, cette inflamma- tion permanente va conduire au développement de mécanismes d’immuno tolérance. Cette immuno- tolérance est d’ailleurs constitutive de la physio- logie hépatique normale, le foie étant exposé à de nombreux antigènes (issus du tube digestif ou du rôle de l’épuration sanguine) [2].

L’hépatopathie sous-jacente va jouer un rôle impor- tant dans la prise en charge du CHC. Bien sûr, les modalités thérapeutiques pouvant être proposées dépendront des fonctions hépatiques (score de

Child-Pugh, présence d’une hypertension portale, etc.). Mais des signatures pronostiques à partir du foie non tumoral ont également pu être dévelop- pées, et ont même montré une valeur prédictive de récidive supérieure à celle de signatures issues du foie tumoral (3).

Altérations moléculaires du CHC

De nombreuses études ont cherché à développer des classifications moléculaires à partir du transcriptome (soit de la tumeur, soit du foie non tumoral adjacent).

On soulignera l’importance de la participation d’équipes françaises à ces travaux, notamment le rôle prépondérant de l’équipe de Jessica Zucman- Rossi. Un consensus a finalement été trouvé pour regrouper ces classifications transcriptomiques en 2 grandes catégories (4) :

la classe proliférative, associée à des facteurs de mauvais pronostic (moindre différenciation, éléva- tion de l’alpha-fœtoprotéine [AFP]). Cette classe va avoir pour voies activées soit la voie TGFβ, soit la voie MYC ;

la classe non proliférative, de meilleur pronostic, qui va être associée à l’activation de la voie cano- nique Wnt/bêta-caténine.

Les dernières années ont vu, comme pour d’autres tumeurs, l’émergence de nombreuses études de séquençage de l’ensemble de l’exome, voire du génome (5). D’une manière résumée, ces travaux ont permis de montrer les caractéristiques suivantes (6) :

l’altération la plus fréquente dans le CHC est l’activation de la télomérase, le plus souvent par mutation de son promoteur (7). Cela va permettre la division infinie des cellules du CHC. Cette altération apparaît dès les nodules dysplasiques, et serait donc à la fois une anomalie précoce et un marqueur de risque de progression des nodules dysplasiques ;

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Résumé

les altérations des gènes de régulation du cycle cellulaire, tels que TP53, sont également fréquentes, comme dans de nombreuses tumeurs ;

l’altération de la voie Wnt/bêta-caténine est présente dans un tiers à la moitié des CHC. Le méca- nisme le plus fréquent est représenté par les muta- tions activatrices de la bêta-caténine, tandis que les mutations d’APC, majoritaires dans les cancers colorectaux, sont ici très rares ;

il existe peu d’altérations fortes (mutations acti- vatrices, amplifications) dans les récepteurs aux facteurs de croissance, dans les gènes de la voie des MAP kinases (BRAF, RAS, etc.) ou de la voie PI3 kinase-AKT-mTOR.

Conséquences en termes de thérapeutique

Quels peuvent être les enseignements à tirer de la biologie moléculaire du CHC pour les traitements actuels et à venir ?

Tout d’abord, concernant le sorafénib, les données actuelles ne permettent pas de définir de facteurs prédictifs de réponse au traitement. L’analyse de biomarqueurs circulants de l’essai SHARP suggérait une tendance à un bénéfice uniquement chez les patients avec cKIT circulant haut, ou HGF bas, ces résultats n’étant cependant pas statistiquement significatifs (8). Cette étude montrait par ailleurs un rôle pronostique péjoratif de niveaux élevés de VEGF ou d’angiopoïétine 2, sans que cela soit associé à l’efficacité du sorafénib. Par ailleurs, de petites études ont suggéré qu’une surexpression de la forme phosphorylée d’ERK sur des prélèvements tumo- raux pouvait être associée à une meilleure survie sous sorafénib, mais ces résultats nécessitent d’être confirmés par d’autres études.

De manière plus pertinente, une étude de phase II, randomisée contre placebo, a montré que le tivan- tinib, un inhibiteur de MET, était associé à une amélioration de la survie, uniquement chez les patients présentant une surexpression en immuno- histochimie (9). Cela a conduit à sélectionner cette population pour l’étude de phase III METIV-HCC, qui vient de compléter ses inclusions. Ces résultats, s’ils se confirmaient, permettraient de sélectionner les

patients à qui proposer le traitement. On notera que la surexpression de MET dans le CHC n’est qu’ex- ceptionnellement en lien avec des altérations fortes (amplification, mutation), mais constitue plutôt un simple mécanisme adaptatif, notamment après exposition au sorafénib.

La fréquence des altérations de la voie Wnt/bêta-ca- ténine pose évidemment la question d’un ciblage thérapeutique dans le CHC. Cette voie est cependant complexe à inhiber, mais de premiers médica- ments sont récemment entrés en phase précoce. Il conviendra de suivre leur dévelop pement et de poser la question de leur rôle dans le traitement du CHC.

La même remarque s’applique aux inhibiteurs du TGFβ, en phase II dans le CHC actuellement.

Enfin, l’implication centrale de l’inflammation dans le CHC et le contexte d’immunotolérance du foie interrogent sur la place de l’immunothérapie. Les anti-PD-1 ont donné des résultats encourageants, présentés au congrès américain en oncologie clinique 2015, ce qui a conduit à proposer des études de phase III (première ligne versus sorafénib pour le nivolumab, deuxième ligne après sorafénib pour le pembrolizumab). Il sera certainement intéressant aussi d’envisager les possibles associations entre ces immunothérapies et les traitements classiques du CHC (sorafénib, mais également traitements locorégionaux).

Conclusion

Le CHC est un exemple frappant de l’importance du microenvironnement tumoral dans le dévelop- pement du cancer. Il se développe dans un environ- nement particulier d’hépatopathie sous-jacente, du fait d’interactions constantes entre hépatocytes et cellules du stroma (cellules étoilées, cellules immu- nitaires). Le ciblage thérapeutique du microenvi- ronnement s’est montré efficace avec l’exemple du sorafénib, et continue d’être exploré au travers des immunothérapies. Les avancées dans les traitements seront rendues possibles par la poursuite de travaux

translationnels de qualité.

J. Edeline déclare avoir des liens d’intérêts avec BTG, Lilly et Novartis.

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est un exemple frappant de l’importance du microenvironnement tumoral dans le développement du cancer. Le CHC se développe dans un environnement particulier d’hépatopathie sous-jacente, du fait d’interactions constantes entre hépatocytes et cellules du stroma (particulièrement cellules étoilées et cellules immunitaires). Le ciblage thérapeutique du microenvironnement s’est montré efficace avec l’exemple du sorafénib, et continue d’être exploré au travers des immunothérapies. Les avan- cées dans les traitements seront rendues possibles par la poursuite de travaux translationnels de qualité.

Mots-clés

CHC

Microenvironnement Immunothérapie Inflammation Fibrose

Summary

Hepatocellular carcinoma (HCC) is a clear example of the invol- vement of the microenviron- ment in carcinogenesis. HCC arises in a specific environment of hepatopathy, with constant crosstalk between hepatocytes and stromal cells (hepatic stel- late cells and immune cells).

Microenvironment targeting has been shown to be effective with the example of sorafenib, and continues to be explored through immune checkpoint inhibitors.

Therapeutic breakthroughs are possible due to quality trans- lational works, requiring clini- co-biological banks.

Keywords

HCC

Microenvironment Immunotherapy Inflammation Fibrosis

Références bibliographiques

1. Trautwein C, Friedman SL, Schuppan D, Pinzani M. Hepatic fibrosis: Concept to treatment.

J Hepatol 2015;62(Suppl.

1):S15‑24.

2. Makarova‑Rusher OV, Medi‑

na‑Echeverz J, Duffy AG, Greten TF. The yin and yang of evasion and immune activation in HCC.

J Hepatol 2015;62(6):1420‑9.

3. Hoshida Y, Villanueva A, Kobayashi M et al. Gene expres‑

sion in fixed tissues and outcome in hepatocellular carcinoma. N Engl J Med 2008;359(19):1995‑2004.

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Carcinome hépatocellulaire : biologie moléculaire

DOSSIER

Actualités aux 27es FFCD

4. Hoshida Y, Nijman SMB, Kobayashi M et al. Integra‑

tive transcriptome analysis reveals common molecular subclasses of human hepatocellular carcinoma. Cancer Res 2009;69(18):7385‑92.

5. Schulze K, Imbeaud S, Letouzé E et al. Exome sequencing of hepatocellular carcinomas identifies new mutational signatures and potential therapeutic targets. Nat Genet 2015;47(5):505‑11.

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Références bibliographiques (suite de la page 306)

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Références

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