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Article pp.123-130 du Vol.30 n°1-4 (2011)

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Texte intégral

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Images de la matière grasse laitière : le point de vue du praticien

U. Menneteau*

SUMMARY

Image of dairy fat: the health professional’s point of view

Food feeds the body but it also provides essential emotional nourishment to our psyche allowing us to maintain the best possible emotional homeostasis. In order to be able to benefit from the positive feelings to find comfort and calm negative feelings and stress, it is important not to be afraid of the food we eat.

Restrained eaters try to avoid fat food because they think fat means fattening.

The result of the efforts to avoid this kind of food is compulsive eating of too large quantities because of negative feelings such as fear of gaining weight or the guilt of haven broken the diet rules. The natural preference of fat food changes into disgust because of the beliefs about the effect of this kind of food on the weight. In order to help the patients to become able to eat appropriate quantities of fat food, they need to learn to know when they are hungry and when they have had enough and to understand that fat does not mean fattening so that this food can become pleasurable again and be eaten consciously in order to stop at the right moment.

Keywords

emotions induced by milk fat, restricted eating, taste and disgust of fat, compul- sive eating, emotional homeostasis.

RÉSUMÉ

Manger nourrit le corps mais apporte aussi des nourritures émotionnelles essen- tielles à notre psychisme, qui nous permettent de maintenir une certaine homéostasie émotionnelle. Afin de générer des émotions positives qui nous réconfortent et apaisent les émotions négatives et le stress, il est important que l’aliment ne soit pas associé à des notions de risque pour nous. Les patients qui cherchent à maigrir cherchent à éviter les aliments gras estimant que ceux-ci les feront grossir. Les efforts pour les éviter aboutissent souvent à des consomma- tions compulsives et excessives à cause de la peur de grossir et la culpabilité qu’ils éprouvent à l’idée d’avoir craqué. Le goût sensoriel inné pour ces aliments se transforme parfois en dégoût à cause des croyances les concernant. Pour aider les patients à pouvoir de nouveau manger en quantité juste ces aliments, il est indispensable de corriger les croyances selon lesquelles le gras fait grossir et

* Correspondance : menneteau@wanadoo.fr

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travailler sur les sensations de faim et de rassasiement afin que le patient se per- mette de les manger avec plaisir et en toute conscience afin de pouvoir s’arrêter au bon moment.

Mots clés

émotions induites par les MG laitières, restriction cognitive, goûts et dégoûts du gras, compulsion alimentaire, homéostasie émotionnelle.

1 – PENSER DU BIEN DE CE QUE L’ON MANGE POUR GÉNÉRER DES ÉMOTIONS POSITIVES

Manger, pour calmer sa faim, un aliment que l’on apprécie pour son goût, les souvenirs qu’il évoque et les symboles qu’il représente fait partie des besoins fonda- mentaux de l’homme depuis toujours. C’est un plaisir traditionnellement très prisé en France et les occasions de manger des aliments délicieux ne manquent pas.

Pourtant, il n’est pas rare en consultation d’entendre des phrases telles que : « Mon problème, c’est que j’adore le fromage ». Ou comme disait un jour Madeleine, 56 ans : « C’est l’horreur. Ma sœur m’a offert une grosse boîte de sablés maison au beurre que j’adore ! Ce n’est pas sympa ! »

L’anthropologue Claude Lévi Strauss disait : « Il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser. » A priori, tous les aliments à notre disposition sont bons dans la mesure où ils nous nourrissent et nous permet- tent ainsi de vivre, mais les pensées à leur égard sont extrêmement diverses.

Nous avons un grand nombre de raisons de penser du bien des aliments. Ceux que nous avons l’habitude de manger nous rapprochent de nos racines, nous rap- pellent qui nous sommes. Ils procurent du réconfort, rappellent des personnes qui nous aiment et que nous aimons, des moments où nous étions joyeux et en sécu- rité. Les aliments véhiculent également des symboles : de luxe, de fête, de vacan- ces, de convivialité, de force, de santé, de pureté, d’évasion, de liberté, etc. Tous ces sens des aliments sont importants pour nous. Manger nourrit le corps mais apporte aussi des nourritures émotionnelles essentielles à notre psychisme. Les ali- ments sont des sources d’émotions fortes de par les symboles que nous y atta- chons mais aussi par la mémoire olfactive. Cette mémoire nous permet de revivre des ambiances et des émotions. Idéalement, les aliments nous procurent des émo- tions positives d’apaisement et de réconfort qui jouent un rôle important dans l’homéostasie émotionnelle en diminuant le niveau des émotions négatives et du stress.

Cependant, en fonction des pensées concernant un aliment, les émotions géné- rées par les aliments peuvent aussi être négatives. Si ces aliments symbolisent pour nous un risque, un danger, les émotions induites seront négatives. Elles diminuent alors fortement la capacité de l’aliment à être réconfortant.

Pour les personnes souhaitant maigrir, les aliments qui induisent le plus souvent ces émotions négatives sont les aliments gras et sucrés. Or, il se trouve que ce sont justement les aliments gras et sucrés qui sont les plus aptes à réconforter les

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veau-né. Le lait maternel correspond à ce goût et le bébé l’absorbe dans un con- texte d’amour, de sécurité et de contact intenses. Les aliments lactés gras et sucrés sont généralement des sources de réconfort importantes lorsque le mangeur en pense du bien.

C’est donc à la fois la composition nutritionnelle, les souvenirs olfactifs qui y sont associés et ce qu’on pense de l’aliment qui lui permet de nous réconforter. Une étude menée par l’équipe de Michael Macht [2] met en évidence que la consomma- tion du chocolat préféré des volontaires diminuait plus fortement l’intensité de leur stress qu’un chocolat moins apprécié, qui pourtant contenait les mêmes substan- ces.

2 – LES ÉMOTIONS NÉGATIVES INDUITES PAR LES ALIMENTS

Les matières grasses laitières ont le plus souvent une double image chez les patients. Elle est très positive concernant le goût et les souvenirs olfactifs. Les ali- ments pourvus en matières grasses laitières tels que les tartines beurrées du matin, la raclette entre amis, le fromage de leur enfance, le gratin dauphinois, les crèmes glacées et la crème chantilly sur les fraises leur procurent du réconfort et des plaisirs intenses.

Mais si ces aliments sont très appréciés, ils provoquent aussi des émotions négatives fortes. Parmi les raisons de celles-ci, on trouve notamment la peur de grossir ou de donner une mauvaise image de soi comme une personne mal rensei- gnée ou avec des goûts discutables ainsi que la honte et la culpabilité de manger un aliment dont on pense qu’il faudrait l’éviter. Grossir ou mal choisir expose pour le patient au risque d’être rejeté et exclu, d’où une peur intense pour les êtres sociaux que nous sommes.

Une autre peur liée aux matières grasses laitières est la peur du cholestérol.

Celle-ci est en lien avec une peur de mourir par crise cardiaque et donc importante.

Il y a aussi une confusion entre les aliments que l’on conseille généralement de limi- ter dans le cas d’hypercholestérolémie et les aliments supposés faire grossir. Beau- coup de patients m’affirment que pour éviter de grossir, ils cuisinent exclusivement à l’huile d’olive qu’ils imaginent moins calorique que le beurre. Or un plat mangé autrefois cuisiné au beurre n’aura pas le même goût cuisiné à l’huile d’olive. La mémoire olfactive est alors peu stimulée et le plat sera moins efficace pour réconfor- ter le mangeur d’où une absence de satisfaction qui pousse à en manger davantage ou à compléter avec autre chose après le repas pour atteindre le réconfort néces- saire.

Mais dans un grand nombre de cas, les matières grasses, laitières ou pas, ainsi que les aliments gras sont les premiers à être exclus de l’alimentation des person- nes souhaitant maigrir. Toute graisse dans la bouche est supposée devenir obliga- toirement de la graisse sur le corps. Les nombreuses personnes qui, autrefois, mangeaient régulièrement des aliments gras sans prendre de poids ne voient pas là la preuve de l’inexactitude de cette vision des choses. Ils considèrent plutôt qu’avant, c’était un peu miraculeux.

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3 – LE DÉGOÛT DU GRAS

La confusion entre le gras dans l’assiette et le gras sur le corps est probable- ment la raison pour laquelle certains patients parlent des aliments gras avec tant de dégoût. On distingue généralement trois sortes de dégoût.

Le dégoût sensoriel fait rejeter un aliment pour la sensation en bouche. C’est le cas du gras sur les côtes de porc par exemple. On trouve ce dégoût aussi bien chez les personnes soucieuses de leur poids que chez les enfants qui ne s’en soucient pas (encore). Le dégoût associé concerne les aliments que l’on a mangés dans le passé juste avant d’avoir des problèmes digestifs en lien ou non avec l’aliment.

Enfin, le dégoût cognitif dépend des pensées que suscite l’aliment en question.

Dans le cas des matières grasses laitières comme le beurre, on observe un dégoût qui n’est généralement pas lié à l’aliment en tant que tel mais à l’obésité ou à la prise de poids que l’on pense étroitement associée à la consommation de cet ali- ment. Ce dégoût n’est pas sensoriel. L’aliment peut même souvent redevenir source de plaisir quand le mangeur surmonte ses peurs.

Certains patients arrivent en ayant déjà exclu depuis des années des groupes entiers d’aliments, notamment les aliments gras. Ils ont réussi à se convaincre qu’ils ne les aiment pas ou plus. Martine, 42 ans me confia : « Comme je ne tenais pas plus que ça au fromage, je n’ai fait aucun effort pour en trouver qui me plaisait. Je me disais que c’était tant mieux si je n’aimais pas. Je me rends compte maintenant que j’aime assez. » Pauline, 24 ans, me raconta quant à elle : « Comme je n’aime ni le gras ni le sucré, quand je vivais seule je n’en achetais pas – Ainsi, je n’étais pas tentée. Maintenant, mon mari en achète et je ne peux pas m’empêcher d’en manger. » Dégoût tout relatif donc.

Du côté du dégoût associé, ce n’est guère plus simple. Beaucoup de patientes sont persuadées de mal digérer le gras. Quand on les interroge à propos de leur digestion après avoir mangé des aliments gras mais non vécus comme tels, la digestion se passe sans problème alors qu’un aliment pensé comme gras sans l’être spécialement provoque des douleurs. Antoinette, 57 ans, m’explique : « Je n’aime pas le gras (les sauces). Je ne le digère pas. Avant j’aimais bien et je digérais bien. » Lorsque je lui demande « Que pensez-vous du gras (des sauces) ? », elle me répond : « Mon médecin m’a dit de les éviter pour empêcher mon diabète d’empirer (sic). C’est mauvais pour la santé. Ca me fait peur. » Lorsque je lui demande com- ment elle se sent après une raclette, du saumon, et du cake aux olives, elle me répond « Je me sens très bien ». Pour d’autres, l’inconfort après les repas gras est lié à une perte de contrôle qui entraîne une consommation excessive. C’est cette hyperphagie qui est la vraie raison des problèmes de digestion. Après des repas gras modérés, les difficultés ne se font pas sentir.

4 – UN SYSTÈME DE TOUT OU RIEN

Le problème pour la plupart des patients est qu’un aliment dont ils ressentent le

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le Brie jusqu’au jour où un nutritionniste m’a donné une liste où il figurait parmi les aliments interdits ».

Pour éviter d’en manger malgré cette forte attirance, la technique est générale- ment l’évitement. Beaucoup de patients achètent un fromage qu’ils n’aiment pas tel- lement de façon à ne pas être tentés. Ils passent ainsi des années à manger des aliments choisis dans l’objectif de ne pas leur faire plaisir. D’autres choisissent d’évi- ter d’en avoir. Carine, 34 ans, me confia : « Je n’ai jamais de fromage à la maison car quand on en a, par exemple après une soirée avec des amis, on mange tout ».

Pour ces patients, il n’y a plus de juste milieu pour les aliments considérés comme faisant grossir. Soit on s’abstient, soit on perd le contrôle et on mange bien au-delà de ses besoins. On ne peut pas non plus mélanger un aliment gras avec un aliment

« santé ». Gisèle, 40 ans, s’exclama quand je lui expliquai qu’on peut manger de tout sans grossir : « Mais si je peux mettre du beurre, de la crème et du fromage dans les légumes, je n’aurai plus de difficulté à en faire manger aux enfants ! »

Généralement, les patients viennent consulter lorsqu’ils n’arrivent plus à se priver des aliments incriminés mais les mangent de façon compulsive bien au-delà de leur faim. On peut se demander pourquoi ils ne peuvent pas ne manger qu’un peu de l’aliment qu’ils voudraient limiter au lieu d’en manger autant. D’ailleurs ils se posent la question eux-mêmes. Leur réponse (et souvent celle de leur entourage) est un manque inadmissible de volonté. Or, ce sont des personnes qui n’en manquent pas.

La vraie réponse réside dans les raisons pour lesquelles nous mangeons. Celles-ci sont en lien avec une régulation très fine qui ne peut être remplacée à la longue par des décisions volontaristes contrariant les besoins de l’organisme.

Manger sert à couvrir deux types de besoins : les besoins physiologiques purs et les besoins émotionnels qui ont bien sûr aussi un effet sur le corps. Les choix d’ali- ments que notre corps nous incite à faire lorsque nous avons faim (besoin d’éner- gie), tiennent compte de deux facteurs : les besoins nutritionnels et les besoins émotionnels du moment. Notre organisme nous dirige vers les aliments susceptibles de couvrir les besoins les plus pressants ne pouvant pas tout couvrir à chaque repas. Lorsqu’ils ont été couverts, le corps nous invite à mettre fin au repas en dimi- nuant notre envie de manger : le goût devient moins perceptible et moins agréable, nous nous sentons apaisés, la sensation de faim a disparu. Ce qui permet d’arrêter de manger dans de bonnes conditions n’est donc pas seulement d’avoir calmé la faim mais la disparition de l’envie de manger. La faim est un indicateur d’un besoin parmi d’autres que nous cherchons à satisfaire en mangeant.

Tout l’art de manger la quantité juste réside ainsi dans la capacité à choisir et à déguster l’aliment approprié de façon à couvrir simultanément au mieux les besoins énergétiques, nutritionnels et émotionnels du moment. On observe que si le récon- fort et l’apaisement nécessaires n’ont pas été atteints par le plaisir gustatif et les émotions associées à l’acte de manger cet aliment, le mangeur continue de manger même s’il doit pour cela dépasser ses besoins physiques. De même, si l’appétit spécifique n’a pas été respecté, le mangeur continue de manger au-delà de sa faim pour apporter les nutriments nécessaires : répondre à une envie de fromage par une pomme peut faire disparaître la faim mais pas l’envie de fromage – et inversement.

On finit alors le plus souvent soit par manger une trop grande quantité de l’aliment choisi sans trouver la satisfaction recherchée soit par manger l’aliment désiré dans un deuxième temps, une fois que le besoin d’énergie a déjà été couvert.

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5 – MANGER MALGRÉ SOI DES ALIMENTS QUE L’ON VOUDRAIT S’INTERDIRE

Notre candidat à l’amaigrissement se trouve donc devant un choix cornélien : s’il ne mange pas ce qui le réconforte et qu’il aime, son niveau de stress et d’émotions négatives devient très inconfortable et comporte un risque pour sa santé. S’il en mange, il culpabilise et il a peur de grossir, ce qui n’arrange guère la situation. Com- ment faire pour manger quelque chose qu’on voudrait ne pas manger, afin d’y cher- cher un réconfort indispensable ? Comment supporter de faire ce qu’on avait décidé de ne pas faire ?

Pour ne pas être trop confronté à un acte alimentaire que l’on réprouve, la solu- tion consiste à se cacher à soi-même et à son gendarme intérieur pour manger. Une lecture, la télé ou le simple fait de réfléchir à autre chose sert de moyen de détour- ner l’attention de l’acte alimentaire. Ainsi, la conscience de ne pas faire ce qu’on voudrait est minimale. Cette façon de faire est très proche de celle d’un enfant qui mange vite un aliment interdit mais disponible en l’absence de ses parents. De peur de ne pas pouvoir y revenir plus tard, il en mange vite autant qu’il peut avant qu’on ne le découvre, sans égard pour la faim ni l’envie de cet aliment dans l’immédiat, et finalement aussi sans grand plaisir sensoriel.

Car la peur de manquer est une motivation forte pour agir. Chaque possibilité de manger un aliment rarement disponible devient une occasion à ne pas rater. Chaque morceau de fromage peut, dans l’absolu, être le dernier pour le mangeur en ques- tion. Il n’est donc pas question de passer à côté ni de faire le difficile. Un croissant sec de la veille, c’est toujours un croissant. Nos patients sont bien conscients que ni le fromage, ni les croissants ni d’autres aliments délicieux et réconfortants ne dispa- raîtront de leur environnement ni à court ni à moyen terme. Le problème est ailleurs.

Si l’aliment en question ne viendra pas à manquer pour les autres, il n’en sera pas de même pour le mangeur en restriction, car il ne pourra pas être sûr que la pro- chaine fois qu’il en voudra, il se l’accordera. Sa confiance en lui-même pour se don- ner à manger ce qu’il désire est fortement entamée. Il craint le retour de sa volonté à se restreindre, tout en le programmant. Élodie, 23 ans, me répondit ceci lorsque je lui demandai de définir la « gourmandise » qui la faisait manger au-delà de ses besoins : « La gourmandise, c’est quand je n’ai plus envie de manger d’un aliment mais que j’en mange quand même parce que j’en ai envie. » Pour comprendre cette phrase, a priori dénuée de sens, on a besoin de donner deux sens distincts au mot envie : elle n’a plus d’envie sensorielle de manger (plus faim, une certaine lassitude du goût...) mais elle a encore une envie de prévenir ou de réparer un manque de l’aliment, et probablement aussi un besoin émotionnel non satisfait à cause d’une dégustation insuffisamment attentive et détendue.

Lorsqu’on déguste attentivement un aliment, on se rend compte qu’après un certain nombre de bouchées très agréables, le goût finit par lasser. L’aliment ne peut plus rien pour nous à ce moment-là. On peut alors s’en séparer en attendant la prochaine fois. Chez le mangeur en restriction qui mange un aliment « interdit », ces évolutions du goût ne sont pas perçues puisque l’attention portée aux sens est défaillante afin de le protéger des émotions négatives induites par cet aliment. Le plaisir gustatif et le réconfort à chaque bouchée sont ainsi très réduits. Il en faut alors un grand nombre pour arriver à un contentement, souvent bien plus que ce

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de manger un aliment qu’il aime habituellement et qui pour lui est source de symbo- les positifs, mais il ne vérifie pas en dégustant si l’aliment tient ses promesses ni si le goût arrête de lui plaire à un moment donné. Le mangeur est ainsi coupé des moyens de s’arrêter sans frustration.

L’astuce consistant à détourner son attention en mangeant est donc très coû- teuse par rapport à l’homéostasie. Mais malgré tous ces efforts, elle n’empêche pas les émotions négatives telles que la culpabilité et la peur de grossir d’être présentes.

Cela est fort regrettable car on choisit généralement ces aliments pour les capacités qu’ils avaient autrefois à réconforter. Lorsque tout va bien, on ne va généralement pas « craquer ». Manger un aliment « interdit » pour se réconforter mène à l’effet inverse : plus on en mange et plus les émotions négatives augmentent. Le mangeur continue alors de manger à la recherche d’un réconfort qui ne vient pas, bien au contraire. Quand ce n’est pas l’apaisement et le réconfort qui marquent la fin de la prise alimentaire, c’est le trop plein gastrique qui force le mangeur à s’arrêter sans avoir atteint son objectif.

Un autre phénomène de surconsommation est l’effet de transgression.

Lorsqu’une certaine quantité (parfois minime) d’aliments considérés comme faisant grossir a été consommée, il y a un effet de « foutu pour foutu ». Puisque la journée n’est pas parfaitement dans les règles, autant en profiter pour manger ce qui fait tant envie et reprendre les choses en main le lendemain. Les moyens de se restrein- dre sont perdus pour quelque temps. Certains patients m’expliquent également que lorsqu’ils mangent un aliment interdit chez eux, ils finissent tout. Ainsi, le lendemain, ils pourront recommencer à manger « comme il faut ». En somme, ils mangent pour éviter de manger.

6 – COMMENT VENIR EN AIDE À CES PATIENTS ?

Afin de redonner à ces patients les moyens de consommer en quantité appro- priée les aliments gras, il est nécessaire de leur apprendre à écouter les signaux de leur corps et à les respecter. Ce sont surtout les émotions négatives générées par les pensées à propos de ces aliments et à propos de leur corps qui les en empê- chent. Il faut donc travailler sur ces croyances afin de diminuer, voire faire disparaî- tre, les émotions négatives en lien avec les aliments pour leur redonner leurs capacités à réconforter. Dans un grand nombre de cas, il s’agit aussi de trouver d’autres réponses aux émotions que la nourriture lorsque la faim est absente.

Il est important de bien faire comprendre aux patients que c’est le total des calo- ries absorbées comparé aux dépenses qui détermine si une personne grossit, mai- grit ou reste stable et non pas la nature des aliments qui ont apporté les calories.

Lorsque les apports couvrent simplement les dépenses ou en sont inférieurs le résultat sur la balance est le même pour un nombre de calories donnée que ces calories viennent d’aliments gras ou maigres. Il n’y a donc pas d’aliment qui fasse grossir en tant que tel, mais des états de faim qui traduisent un besoin d’énergie et des états de non-faim qui indiquent que ce qui serait mangé à ce moment-là dépas- serait les besoins énergétiques et serait ainsi stocké. Manger de façon attentive aux effets des aliments sur les sens et le corps, sans peur de manquer, permet de res- sentir et respecter la sensation de rassasiement, que procurent les aliments gras après une petite quantité. Cette sensation est bien différente de la sensation de

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remplissage que l’on peut ressentir lorsqu’on mange des aliments à faible densité calorique.

Afin de lui permettre de manger au plus juste par rapport à ses besoins, j’invite le patient à s’interroger sur ses sensations de faim et de rassasiement ou à réappren- dre à les repérer. Le travail consiste ensuite à aider le patient à surmonter les obsta- cles émotionnels (émotions, croyances, habitude de tout finir...) qui l’empêchent de respecter ces sensations. Il s’agit également d’aider le patient à aller vers l’aliment qui sera capable de le satisfaire à un moment donné pour éviter de manger des ali- ments inefficaces, qui impliquent un risque de trop manger. Pour cela, l’attention au goût et la capacité à s’offrir sans peur ce qui fait envie sont importantes. Un des outils dans ce travail est la dégustation dirigée et partagée d’aliments difficiles à gérer tels que le fromage ou le chocolat, lors d’une consultation. Cette expérience aide beaucoup les patients à renouer avec un plaisir gustatif qui leur permet de se satisfaire de moindres quantités et repérer et respecter le moment où ils n’ont plus envie de manger puisque l’aliment leur a apporté tout ce qu’ils en attendaient. Leur arme la plus efficace contre les kilos est ainsi leur gourmandise, leur exigence gus- tative devant les aliments, qui les pousse à chercher la qualité et non la quantité.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] DALLMAN M., 2003, Volume 1032 Issue Biobehavioural Stress Response Protec- tive and Damaging Effects, p. 299-300.

[2] MACHT M. et al. The pleasure of eating: a qualitative analysis, in Journal of Happi- ness Studies, vol. 6, p. 137-160, 2005.

Références

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