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Article pp.123-130 du Vol.30 n°150 (2004)

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D O S S I E R

Gestion du sport

08/Dossier/Lardinoit/150 21/07/04 10:03 Page 123

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À

la veille des championnats d’Europe de football et des Jeux olympiques d’Athènes, les esprits s’échauffent autour des chiffres de l’économie du sport.

– Le CIO s’assure contre le risque d’annulation des Jeux olympiques pour un montant de 143 millions d’euros (Sport, Finance et Marketing, 29 avril 2004).

– Alors que l’audience cumulée de la dernière Coupe du monde de football a atteint les 29 milliards de téléspec- tateurs, les investissements mondiaux en parrainage seront en 2004 de 37,8 milliards de dollars et devraient atteindre 48 milliards en 2006 (Sponsorclick, 2004).

– La valeur ajoutée totale engendrée par le sport repré- sente 1 à 1,5 % du PIB des pays développés, 3 % du commerce mondial (Gouguet, 2000) et 1,7 % du PIB en France (Stat-info, 2000).

– Le marché global du sport en France est évalué à 28,6 milliards d’euros (Observatoire européen du mana- gement sportif, Essec, 2004), celui de l’industrie du sport est de 152 milliards de dollars aux États-Unis (Mullin et alii, 2000).

Ces éléments factuels nous renseignent sur la consis- tance économique du sport. Après avoir montré que cette réalité économique est au moins la conséquence de PAR THIERRY LARDINOIT, GARY TRIBOU

Quelle est la spécificité

de la gestion

du sport ?

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deux phénomènes synergiques – celui de la place du sport dans nos sociétés de consom- mation et celui de son rôle dans la mondia- lisation des échanges –, nous aborderons la question de la spécificité du management du sport1.

1. Le sport est un phénomène de société… de consommation

D’un point de vue sociologique et anthro- pologique, le sport moderne est, d’une cer- taine façon, le prolongement des affronte- ments guerriers de l’Antiquité ou du Moyen-Âge. Mais sous contrôle social et par l’institution de règles, il permet d’expri- mer une forme de violence pacifiée à risques mesurés, où l’émotion est fon- damentalement induite par la compétition (Elias et Dunning, 1986). Selon le socio- logue du sport Jacques Defrance (1997),

« le sport remplit des fonctions symbo- liques et produit des figures de la commu- nauté d’appartenance, de l’excellence indi- viduelle et de la réussite ». C. Bromberger (1995) va jusqu’à parler de société « foot- ballisée » pour suggérer que les grands évé- nements sportifs tendent à devenir des rites communautaires. Tantôt le sport distingue, tantôt il fédère (Bourdieu, 1980).

2. Le sport : vecteur de la mondialisation des échanges commerciaux

Si la globalisation peut être définie comme

« la cristallisation du monde en un espace unique » (Robertson, 1987), il est probable que le sport participe activement à l’inten- sification de cette tendance. En effet, lors

des compétitions sportives internationales majeures (Jeux olympiques, Coupes du monde de football, tennis ATP tour, For- mule 1, etc.), le monde respire au rythme de ces spectacles. Avec leurs millions de téléspectateurs, les finales de Coupes du monde de football constituent sans aucun doute, d’un point de vue quantitatif, « les plus grandes expériences collectives de l’histoire de l’humanité » et, d’un point de vue anthropologique, les grandes célébra- tions sportives internationales peuvent être considérées comme constituant des « sys- tèmes de ritualisation mondiale » (Segrave, 2000). Un sociologue comme Pierre Bour- dieu a d’ailleurs souligné, de façon très cri- tique, l’incidence culturelle de l’expansion irrésistible du spectacle sportif.

Le sport est un secteur d’activité où les processus de mondialisation se sont révé- lés de façon relativement précoce et abou- tie. Faut-il rappeler que le sport est un vec- teur historique et actuel d’échanges interculturels ?

Historique parce que les Jeux olympiques de 1896 réunissaient déjà seize nations, les premières compétitions internationales de football datent de 1872, la création de la Fédération internationale de football (FIFA) remonte à 1904 et la première World Cup a eu lieu sur le continent américain en 1930.

Actuel parce que les Jeux olympiques ras- semblent aujourd’hui plus de 200 pays, la FIFA comprend plus de pays membres (204) que l’ONU et la dernière édition de la 126 Revue française de gestion

1. Le terme de « management du sport » s’est imposé dans les années soixante-dix pour bien marquer la spécificité du champ d’analyse : celui d’un secteur où cohabitent et interfèrent des entreprises commerciales, des institutions publiques et des associations ; alors que ce terme est classiquement utilisé en gestion des ressources humaines. Il serait sans doute préférable de parler de gestion du sport.

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Coupe du monde a directement impliqué 192 nations.

L’univers sportif est en outre une source non négligeable de signifiants culturels au niveau mondial (McCracken, 1989).

Aujourd’hui, sous l’influence du modèle nord-américain, les consommateurs se réfèrent massivement à des symboles médiatisés. Par exemple, les jeunes du monde entier se teignent les cheveux comme le pilote de Formule 1 Gilles Ville- neuve ou se les rasent à l’instar du footbal- leur brésilien Ronaldo, et David Beckham fait tout autant rêver les Japonais que les Européens. Un nombre grandissant d’indi- vidus partagent des valeurs communes ainsi que le sentiment d’appartenir, sous certains aspects, à une communauté mon- diale fortement influencée par la symbo- lique sportive (Harvey et al., 1996). En produisant continuellement des stars pla- nétaires mises en scène dans le cadre d’événements diffusés dans les médias du monde entier, le sport a cette capacité à entretenir un système où la symbolique est constamment réactivée et diffusée.

3. Les spécificités du management du sport

Aujourd’hui, le sport est un secteur écono- mique à part entière et mérite d’être un objet de recherche en tant que tel. S’il pré- sente un intérêt pluridisciplinaire manifeste – économique mais aussi philosophique, sociologique, anthropologique, psycholo- gique, juridique ou politique – voire inter- disciplinaire (sociomarketing, par exemple ; Ohl et Tribou, 2004), il impose une réflexion sur ses modes de gestion à la mesure de son poids sur les marchés (mar- ché du travail, marché des produits, mar- chés financiers, etc.).

Comme le souligne Frédéric Palomino, dans son article, le sport n’est pas une industrie banale. L’existence même du pro- duit sportif (une compétition) nécessite au moins deux compétiteurs. Mais si la situa- tion monopolistique est antinomique à la concurrence sportive, par contre elle s’im- pose au niveau des institutions réglemen- tant les marchés (FIFA, CIO, etc.) afin d’imposer une règle sportive qui garantisse la pérennisation des compétitions.

Autre spécificité : la concurrence est confi- née au sein de catégories comme les pre- mières et seconde ligues de football en Europe ou encore les ligues majeures ou mineures aux États-Unis, et ne s’exerce pas d’une catégorie à l’autre. Alors que dans le monde de l’entreprise, une PME peut très bien concurrencer une multinationale sur certains marchés.

La production est également spécifique. Un spectacle sportif est intangible, éphémère, imprévisible et subjectif. Il est simultané- ment façonné et consommé. Les interac- tions entre spectateurs - consommateurs et sportifs - producteurs sont constitutives du bien et participent autant à la perception de la qualité du spectacle que la compétition en tant que telle. Les implications sur la démarche marketing sont de ce fait com- plexes (Tribou et Augé, 2003). C’est notamment le cas dans le football espagnol, quand les principaux actionnaires du club sont également ses premiers clients (les

« socios » : supporters et actionnaires).

Sur le plan de la communication, le parrai- nage présente également des spécificités.

En effet, les processus de persuasion du parrainage reposent sur les associations éta- blies par les consommateurs entre le sport sponsorisé et la marque sponsor. Les pro- cessus psychologiques des associations

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sont très complexes. Les méconnaître d’une part, hypothèque très fortement l’efficacité de la mise en œuvre de cette technique de communication, et d’autre part, conduit à utiliser des outils de mesure dont la validité est largement insatisfaisante (Lardinoit et Quester, 2001 ; Lardinoit et Derbaix, 2001 ; Tribou, 2002).

Il est un autre domaine où la gestion du sport présente une spécificité remarquable : celui de l’offre associative et semi-profes- sionnelle de services sportifs2. En effet, gérer les ressources humaines d’un club sportif ou une fédération n’est pas gérer une entreprise banale. La présence de béné- voles, de permanents salariés et d’élus diri- geants rend la gestion du capital humain particulièrement délicate. Par exemple, annoncer les bénéfices en millions d’euros d’une grande manifestation sportive après avoir mis à contribution des milliers de bénévoles peut être source de conflits.

Sur le terrain de l’éthique, le sport et son utilisation par les entreprises présentent également des spécificités. Si le sport spec- tacle, avec son corollaire médiatico-écono- mique, donne aujourd’hui au sport l’essen- tiel de sa visibilité sociale, il n’en reste pas moins que les fonctions éducatives, médi- cales et sociales du sport amateur sont tou- jours actives dans nos sociétés (Pociello, 1994). Le sport professionnel ne peut igno- rer la fonction éducative de la compétition tout comme les activités physiques d’inté- gration sociale ne peuvent s’organiser en marge de la réalité économique.

Le sport est « encastré » dans le tissu socio- économique moderne. Cette interdépen- dance trop rapidement évoquée ici laisse

deviner que ne pas avoir accès à une conceptualisation des différentes fonctions du sport et de leurs interrelations dans la vie socio-économique (Granovetter, 1985) peut générer des tensions éthiques préjudiciables aux acteurs de l’économie du sport.

Les chercheurs dont les écrits constituent ce dossier dédié au management du sport sont au cœur de la réflexion sur les implications conceptuelles et managériales des spécifici- tés de la gestion du sport.

4. Présentation des articles

L’article de F. Palomino présente une approche économique de l’organisation des compétitions sportives. L’auteur souligne la particularité de ce secteur qui, selon lui, repose sur l’impossibilité du monopole. En effet, un club qui se retrouverait seul sur le marché n’aurait plus d’adversaire en mesure de participer à la production du spectacle de la compétition. Par ailleurs, il montre la nécessaire coopération entre les offreurs pour que les compétitions puissent être organisées. Par exemple, en matière de vente de droits audiovisuels, la liberté n’est pas concevable car elle conduirait les plus grands clubs à négocier directement avec les médias au détriment des petits clubs qui, faute de ressources, perdraient leurs meilleurs joueurs et toute chance de vic- toires sportives. Les championnats per- draient alors tout intérêt sportif. Une for- mule de redistribution est, de ce fait, indispensable à la pérennité du système.

L’article de J. P.-L. Minquet vise à montrer que le sport professionnel – celui du foot- ball considéré en Europe comme drainant le plus d’argent – nécessite une approche 128 Revue française de gestion

2. Nous faisons allusion aux clubs de sports collectifs prestataires de spectacles sportifs, étant passé du statut d’as- sociations à celui de sociétés mais sans en avoir toutes les libertés, notamment celle d’un accès au marché boursier.

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financière originale. Après avoir caractérisé les produits sportifs et leurs recettes, l’au- teur souligne la spécificité de la gestion de clubs dont les actifs sont essentiellement de nature incorporelle (les contrats de joueurs). À partir de son expérience acquise en tant que conseiller de la FIFA et de membre de la Direction nationale de contrôle de gestion de la Fédération fran- çaise de football, il montre que les clubs sont contraints à mettre en œuvre des poli- tiques de financement particulières.

L’article de F. Pons et d’A. Richelieu souligne la diversité des profils des spectateurs d’une franchise (club professionnel) de hockey sur glace au Canada. En outre, ils insistent sur l’impérieuse nécessité d’élaborer une straté- gie de marque. Au pays du sport business, la concurrence entre spectacles sportifs est rude.

Grâce à l’utilisation d’outils de mesure simples, les auteurs montrent comment réorienter une stratégie de marque en tenant compte des attentes des consommateurs.

L’article de G. Katz-Bénichou rappelle les

« essentiels » et les racines de l’éthique sportive. L’auteur, par trois études de cas, analyse en profondeur les risques inhérents au financement d’un secteur reconnu pour ses racines humanistes. Il met en évidence la fonction implicite de l’éthique sportive et retire de son discours philosophique des recommandations dont la portée est émi- nemment managériale.

Le dernier article cosigné par T. Lardinoit et G. Tribou à partir de l’interview de la présidente du RC Cannes – club de vol- ley-ball féminin à plusieurs reprises champion d’Europe – vise à explorer les passerelles potentielles entre l’entreprise et le club sportif. Anny Courtade exerçant des fonctions de haute responsabilité au sein du groupe Leclerc, il a semblé perti- nent de clore le dossier sur la spécificité du management du sport en analysant les transferts possibles à partir de son expé- rience de terrain.

BIBLIOGRAPHIE

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Références

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