Z [i] et le th´eor`eme des deux carr´es
Maylis Varvenne & Caroline Robet
Soit Σ ={n∈N|n=a2+b2; a, b∈N}.
On veut d´emontrer le th´eor`eme suivant :
Th´eor`eme des deux carr´es. Soitpun nombre premier impair.
On a l’´equivalence suivante :
p∈Σ⇐⇒p≡1 (mod 4)
Pour d´emontrer ce th´eor`eme, l’id´ee est de penser que sin∈Σ, alorsn=a2+b2= (a+ib)(a−ib) dans C. On va donc introduire l’anneau des entiers de GaussZ[i].
1 L’anneau Z [i]
D´efinition 1. On d´efinit l’anneau Z[i] par :
Z[i] ={a+ib∈C|a, b∈Z}
Cet anneau est int`egre car inclus dansC. De plus, on dispose d’un automorphisme deZ[i] donn´e par la conjugaison :
σ : Z[i] → Z[i]
a+ib 7→ z¯=a−ib Cet automorphisme nous permet de d´efinir une “norme”
N : Z[i] → N
a+ib 7→ z¯z=a2+b2 qui est multiplicative, c’est `a dire N(zz0) =N(z)N(z0).
L’introduction de cette norme permet de calculer les inversibles deZ[i] : Proposition 1. On aZ[i]∗={±1,±i}.
D´emonstration. Siz∈Z[i]∗,∃z0 ∈Z[i]∗ tel quezz0= 1, d’o`u N(z)N(z0) = 1.
DoncN(z) =N(z0) = 1 ⇒ a2+b2= 1 ⇒ (a= 0 etb=±1) ou (a=±1 etb= 0).
D’o`u le r´esultat.
Proposition 2. L’ensembleΣ des sommes de deux carr´es est stable par multiplication.
(Ceci d´ecoule simplement du fait queN est multiplicative).
Proposition 3. L’anneau Z[i]est euclidien (relativement `a la fonctionN), donc principal.
D´emonstration. Soientz, t∈Z[i]\{0}. On az/t∈Cqui est de la formez/t=x+iy.
On veut approximerz/tpar un entier de Gaussq=a+ibo`uaetbsont tels que|x−a|6 12 et|y−b|6 12. Ainsi,
z t −q
6
√2 2 <1
On pose alors r=z−qtde telle mani`ere querest dansZ[i] etr=t(z/t−q) d’o`u
|r|=|t| |z/t−q|<|t| et en ´elevant au carr´e, N(r)< N(t).
On a donc bien ´ecritz=qt+ravecN(r)< N(t) et le r´esultat est d´emontr´e.
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2 D´ emonstration du th´ eor` eme des deux carr´ es
On rapelle le th´eor`eme `a d´emontrer :
Th´eor`eme des deux carr´es. Soitpun nombre premier impair.
On a l’´equivalence suivante :
p∈Σ⇐⇒p≡1 (mod 4)
La conditionp≡1 (mod 4) est clairement n´ecessaire car∀(a, b)∈N2,a2+b2≡0,1,2 (mod 4) et comme pest premier,p6≡0 ou 2 (mod 4).
Lemme 1. On a l’´equivalence suivante :
p∈Σ ⇐⇒ pn’est pas irr´eductible dansZ[i].
D´emonstration du lemme.
(⇒) : Si p=a2+b2, on ap= (a+ib)(a−ib) eta, bsont6= 0, donc a+ib,a−ibne sont pasZ[i]∗ d’o`u pn’est pas irr´eductible.
(⇐) : Sip=zz0avecz, z0 non inversibles (doncN(z), N(z0) sont6= 1), on aN(p) =N(z)N(z0) =p2, donc comme pest premier, n´ecessairementp=N(z) d’o`up∈Σ et le lemme est d´emontr´e.
D´emonstration du th´eor`eme.
Z[i] est factoriel (car euclidien pour la normeN).
On a donc l’´equivalence suivante :
pn’est pas irr´eductible dansZ[i] ⇐⇒ (p) n’est pas premier.
⇐⇒ Z[i]/(p) non int`egre.
De plus,Z[i]'Z[X]/(X2+ 1) donc on a :
Z[i]/(p)'Z[X]/(X2+ 1, p)'(Z[X]/(p))/(X2+ 1)'Fp[X]/(X2+ 1) D’o`u,
pn’est pas irr´eductible dansZ[i] ⇐⇒ X2+ 1 n’est pas irr´eductible dansFp[X]
⇐⇒ X2+ 1 admet une racine dansFp
⇐⇒ −1 est un carr´e dansFp. D’apr`es le lemme, il nous reste donc juste `a d´emontrer que :
−1 est un carr´e dansFp ⇐⇒ p≡1 (mod 4) Or si pimpair, on a
−1 p
=
1 si p≡1 (mod 4)
−1 sinon Et finalement, le th´eor`eme est d´emontr´e.
Remarque. Il est clair que2∈Σcar 2 = 12+ 12.
Corollaire. Soitn∈N∗. On d´ecompose nen produit de facteurs premiers : n=Q
p∈Ppνp(n) o`uP ={nombres premiers}. Alors,
n∈Σ ⇐⇒ ∀p∈ P tel quep≡3 (mod 4), νp(n)est pair.
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D´emonstration.
(⇐) : On d´ecomposende la fa¸con suivante :
n=
Y
p≡3 [4]
pνp(n)2
2
Y
p6≡3 [4]
pνp(n)
Le produit de gauche est un carr´e parfait donc il appartient `a Σ.
Dans le produit de droite, chaquepest congru `a 1 modulo 4 ou ´egal `a 2 donc dans Σ.
La stabilit´e par multiplication de Σ permet alors de conclure.
(⇒) : On a n=a2+b2. Soitd= pgcd(a, b).
Quitte `a consid´erer dn2 = ad2
+ bd2
, on peut supposer d= 1.
Remarque : La parit´e des νp(n/d2) etνp(n) sont les mˆemes quelque soitp.
Soitp∈ Ptel que pdivisen. Alorsa2+b2≡0 (modp).
pne divise pasa. En effet, sipdivisaita, alorspdiviseraitn−a2=b2doncpdiviseraitbce qui est exclu card= 1.
Ainsibappartient `a F∗p et (ab−1)≡ −1 (modp), c’est-`a-dire−1 est un carr´e modulop.
D’apr`es le th´eor`eme des deux carr´es, cela entraˆıne quep= 2 oup≡1 (mod 4).
Ainsi, tous lesνp(n) sont nuls pour p≡3 (mod 4).
Remarque : Dans le cas g´en´eral o`ud6= 1, on obtient le fait queνp(n) est pair d`es quep≡3 (mod 4).
R´ef´erence: Daniel Perrin,Cours d’Alg`ebre, p.56,57,58.
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Th´eor`eme de Sophie Germain
Maylis Varvenne & Caroline Robet
Th´eor`eme. Soit p un nombre premier de Sophie Germain, c’est-`a-dire un nombre premier impair tel queq= 2p+ 1 soit premier. Alors
@ (x, y, z)∈Z3 tel que xyz 6≡0 [p] et xp+yp+zp= 0
Lemme. Si le produit de deux entiersuetv premiers entre eux est une puissance k-i`eme (aveck>2), alorsuetv sont tous les deux des puissances k-i`emes.
D´emonstration du th´eor`eme. On raisonne par l’absurde.
On suppose donn´e (x, y, z)∈Z3tel que xyz6≡0 [p] etxp+yp+zp= 0.
Soitd=pgcd(x, y, z). Quitte `a poserx0= xd,y0=yd etz0= zd, on peut supposerd= 1.
Montrons qu’alorsx, y, zsont premiers entre eux deux `a deux. Supposons par l’absurde quepgcd(x, y)>1 et soitp0 un facteur premier qui divisexety. Alorsp0|xp+yp doncp0|zp et doncp0|zce qui contredit le fait quepgcd(x, y, z) = 1.
Ainsipgcd(x, y) = 1. De mˆeme, on en d´eduit quepgcd(x, z) = 1 etpgcd(y, z) = 1.
•1`ere ´etape : Montrons l’existence de (a, α)∈Z2 tels quey+z=ap etPp−1
k=0(−z)p−1−kyk =αp : On remarque que :
yp+zp= (y+z)
p−1
X
k=0
(−z)p−1−kyk =−xp= (−x)p (?)
D’apr`es le lemme, il suffit donc de montrer que (y+z) etPp−1
k=0(−z)p−1−kyk sont premiers entre eux.
Supposons par l’absurde qu’il existep0 premier qui divise (y+z) etPp−1
k=0(−z)p−1−kyk. Alors d’apr`es (?),p0 divisexp doncp0 divisex.
Commey≡ −z[p0], on en d´eduit
p−1
X
k=0
(−z)p−1−kyk ≡pyp−1≡0 [p0]
D’apr`es le lemme de Gauss,p0|poup0|y.
Si p0|p (ie p0 = p), cela signifie que p|x (absurde par hypoth`ese) et si p0|y, cela contredit le fait que pgcd(x, y) = 1
D’o`u (y+z) etPp−1
k=0(−z)p−1−kyk sont premiers entre eux.
D’apr`es le lemme, il existe (a, α)∈Z2tel que y+z=ap et Pp−1
k=0(−z)p−1−kyk=αp. Par sym´etrie, il existe (b, c)∈Z2 tel que x+y=cp etx+z=bp.
•2`eme ´etape : Un et un seul des 3 entiersx, y, z est divisible parq : Soitm∈Ztel que m6≡0 [q], d’apr`es le petit th´eor`eme de Fermat
mq−1≡1 [q]⇒m2p≡1 [q]⇒mp≡ ±1 [q] (carZ/pZest un corps) Supposons par l’absuide qu’aucun des trois entiers n’est divisible parq.
Alorsxp≡ ±1 [q],yp≡ ±1 [q] etzp≡ ±1 [q].
Donc (0 =)xp+yp+zp est congru `a 3,1,−1 ou−3 ce qui est absurde carq >5.
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On peut donc supposer que xest divisible parq(et c’est le seul carx, y, z sont premiers entre eux deux
` a deux).
•3`eme ´etape : Contradiction et conclusion :
On a y+z=ap,x+z=bp etx+y=cp doncbp+cp−ap= 2x≡0 [q] (??).
D’autre part, y≡cp [q] carqdivisex. De plus,qne divise pasy donc ne divise pascpet donc ne divise pasc. D’o`uy≡cp≡ ±1 [q]. De mˆeme,z≡ ±1 [q].
Si de plus,q ne divise pasa, alorsap≡ ±1 [q]⇒cp+bp−ap≡ ±1 ou ±3 [q] (absurde d’apr`es (??)).
Doncqdiviseaiey+z≡0 [q].
D’autre part
αp=
p−1
X
k=0
(−z)p−1−kyk ≡ pyp−1 [q]
≡ p(±1)p−1[q]
≡ p[q]
Ceci est absurde car d’apr`es la 2`eme ´etape,αp≡0,1 ou −1 [q].
Dans tous les cas, on aboutit `a une contradiction.
On en d´eduit finalement que
@(x, y, z)∈Z3 tel quexyz 6≡0 [p] etxp+yp+zp = 0.
D´emonstration du Lemme. Soientuetv deux entiers premiers entre eux tels queuv=wk avesw∈Zet k>2. Ecrivons la d´ecomposition en facteurs premiers deu, v etw:
u= Y
ppremier
pαp, v= Y
ppremier
pβp et w= Y
ppremier
pγp
o`uαp, βp etγp sont des familles d’entiers `a support fini.
Commeuv=wk, on aαp+βp=kγp pour toutppremier. De plus, commepgcd(u, v) = 1 on aαpβp= 0 pour toutppremier. Il en r´esulte que pour toutppremier,αp etβp sont divisibles park.
Finalement, uet vsont bien des puissancesk-i`emes.
R´ef´erence: Francinou, Gianella, Nicolas,Oraux X-ENS Alg`ebre 1, p.168 (Th´eor`eme) et p.140 (Lemme).
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