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Submitted on 1 Jan 1903
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La cohésion diélectrique des gaz
E. Bouty
To cite this version:
E. Bouty. La cohésion diélectrique des gaz. J. Phys. Theor. Appl., 1903, 2 (1), pp.401-434.
�10.1051/jphystap:019030020040100�. �jpa-00240770�
401
LA COHÉSION DIÉLECTRIQUE DES GAZ;
Par M. E. BOUTY (1).
HISTORIQUE.
1. Pour caractériser pleinement un gaz au point de vue de ses propriétés diélectriques, il ne suffit évidemment pas d’avoir mesuré
sa constante diélectrique. Il faut encore connaitre les limites entre les-
quelles le pouvoir diélectrique peut subsister.
En 1837, Faraday (2) écrivait déjà :
«Tous les effets qui précèdent
la décharge sont inductifs ; et le degré de tension nécessaire pour que l’étincelle passe est, au point de vue où j’envisage l’induction,
un point très important. C’est là limite de l’influence que le diélec- trique exerce pour résister à la décharge. C’est donc une mesure du
pouvoir conservateur du diélectrique, qui, à son tour, peut être
considéré comme une mesure et une représentation des forces élec-
triques en activité.
»Faraday (1) fut ainsi conduit à comparer les divers gaz au point
de vue des distances explosives. A cet effet, il employait deux
micromètres à boules qu’il plaçait, en dérivation, l’un à l’air libre,
l’autre dans une cloche contenant le gaz à étudier, soit à la pression ordinaire, soit à basse pression. Il écartait les boules placées dans
l’air jusqu’à ce que la décharge passât indifféremment dans l’un ou
°
l’autre micromètre. Plus le gaz de la cloche est susceptible d’isoler
une charge considérable, c’est-à-dire plus est grand le champ que
peut supporter le gaz sans livrer passage à l’étincelle, plus les
boules placées à l’air doivent être écartées.
En vertu de circonstances accessoires parmi lesquelles Faraday (~~) signale déjà l’influence des poussières, l’électrisation irrégulière
des parois de la cloche à gaz, l’effet d’étincelles antérieures, l’expé-
,
(1) Ce mémoire développe et remplace, au point de vue des i-ésultats définitif
et des conclusions, les notes suivantes aux C. R. de CAcadérnie des Sciences cle 1899 à 1903: cohésion diélectiique des gaz t. CXXIX, p. 204;
1899 ; colaésion diélecl1’ique des gaz, t. CXXXI, p. 443 j 1900;
-t. CXXXIII,
p. 213 ; ~.901;
-et t. CXXXVI, p. 40 ; 1903 ;
-Cohésion diéleetî-iqîie et champs explosi fs, t. CXXXI, p. 469; 1900.
(2) FARADAY, Exp. Res., série XII, ~ 1342.
(3) Ibid., ~ 1381 à 1393.
(4) Ibid., ~ 1391 et 1392.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:019030020040100
402
rience ne comporte qu’une précision fort médiocre. Toutefois Fara-
day classe les gaz dans l’ordre suivant, du moins isolant au plus
isol ant :
Hydrogène, gaz d’éclairage, oxygène, azote, acide carbonique, éthylène, acide chlorhydrique.
2. Comme Faraday, Maxwell attache au pouvoir d’isolement des gaz une importance capitale. D’après lui, un gaz ne peut livrer
passage à la décharge électrique que si le champ électrostatique au- quel il est soumis dépasse une certaine limite critique. Cette valeur critique du champ mesure une qualité du gaz que Maxwell désigne
sous le nom de electrical strength.
,Malheureusement les meilleures expériences sur les distances explo-
sives présentent entre elles des divergences telles que M. J.-J. Tham-
son (‘-’), dans un livre remarquable ,où les propriétés électriques des
gaz sont examinées en détail et auquel je renvoie le lecteur, semble
tout prêt à abandonner la notion de l’electrical sl1’ength comme par
trop éloignée des réalités expérimentales.
Il y a cependant lieu d’examiner si les complications que l’on
.
observe ne tiennent pas, au moins en partie, aux conditions spé-
ciales à la production de l’étincelle électrique. Des recherches récentes, notamment celles de MM. Schuster et Hemsalech (3), éta-
blissent que l’étincelle a une constitution fort complexe, variable
avec la nature des électrodes, la capacité et la self-induction du
.
circuit. Les raies du métal des électrodes apparaissent conjointe-
ment avec celles du gaz, et dans des proportions différentes soit dans le trait de feu, soit dans l’auréole. On conçoit que la différence de potentiel nécessaire pour provoquer l’étincelle reflète, en quelque
manière, toutes ces complications.
3. Dans un mémoire récent ( ~), j’ai établi que, quand un tube à
gaz sans électrodes est placé dans un champ électrique uniforme,,
entre les armatures d’un condensateur, il y a une valeur critique du champ au-dessous de laquelle le gaz isole, tandis que, pour toute valeur supérieure, le gaz livre passage à l’électricité. J’avais proposé
(1) MAXWELL, Tnctilé d’élecll’icilé et de »ifi,fi>iélisiize, t. 1, 51.
(2 ) J.-J . Reeent Resea¡’ches on Elecl1’icily and lYagnelisrn, ch. ti, ~ 46 à 48.
HEMSALKCH, Rec-he»cfies e.J:péJ’imentales les d’étincelles,
thèse de la Faculté de Paris, 1901.
(4) E. BOCTY, les Ga= sont-ils des électrolytes? (J. de 3e série,
_t. !, p. 10: 10 .
’
403 de prendre ce champ pour mesure de ce que j’ai appelé la cohé8ion
diélectrique du gaz.
L’idée que j’avais voulu traduire par cette expression nouvelle est,
on le voit, identique à celle que Faraday et Maxwell attachaient à l’electrical sirengllz. Cohésion diélectrique est donc le synonynle
français de electrical strength et de l’allemand elektrische Festigkeit,
à cela près que mes expériences se rapportent non au passage de
l’étincelle, mais à celui de l’effluve. Exemptes des causes de compli-
cation qu’entraine l’usage d’électrodes métalliques, elles peuvent, toutefois, en présenter de nouvelles, liées aux propriétés électriques
de la paroi isolante. Il sera nécessaire d’étudier de très près l’influence
de cette paroi.
’L’effluve a jusqu’ici beaucoup moins préoccupé les physiciens que l’étincelle. Ses propriétés physiques sont pour ainsi dire inconnues.
On sait seulement que les chimistes demandent à l’effluve des réac- tions spéciales que l’étincelle ne saurait produire, sans doute à
cause des températures élevées que celle-ci développe sur son trajet.
L’objet du mémoire actuel est une première étude des lois qui régissent la cohésion diélectrique et la production de l’effluve.
-CHAPITRE 1.
METHODES ET APPAREILS DE MESURE.
4. Le ballon plat contenant le gaz sur lequel j*opère peut venir s’insérer, sans les toucher, entre les armatures d’un condensateur à
plateaux métalliques, séparés par des cales isolantes. Il n’occupe
que la partie centrale, où le champ peut être considéré comme très
sensiblement uniforme (’ ~ .
Le procédé le plus commode pour reconnaître si de l’électricité tra-
verse le gaz du ballon, quand on charge ou quand on décharge le condensateur, consiste dans l’observation de la lueur d’effluve. Cette
observation, qui peut rendre les plus précieux services et dont j’ai
fait largement usage, serait cependant insuffisante, si elle n’était con-
(1) La distance des armatures aux parois du ballon doit être suffisante pour que l’air à la pression atmosphérique, situé dans l’intervalle, ne livre jamais passage à de l’électricité, même quand le champ critique, relatif au gaz raréfié du ballon,
se trouve assez largement dépassé. En général, 2 à 4 millimètres suffisent.
trôlée par des méthodes purement électriques d’observation; car, tout au moins depuis la découverte des rayons X et des rayons de
Becquerel, on sait que de l’électricité peut, dans certaines condi-
tions, traverser un gaz sans l’illuminer. D’ailleurs les lueurs d’ef- fluve sont plus ou moins brillantes suivant la nature du gaz, et quel- quefois peuvent se trouver trop faibles pour impressionner sûrement
la rétine.
5. Les méthodes électriques que j’ai employées reviennent toujours
à reconnaître si la présence du ballon à gaz modifie ou non la capa- cité du condensateur entre les plateaux duquel on le place. Si la
cohésion diélectrique est vaincue et qu’une quantité quelconque
d’électricité traverse le gaz du ballon pour se rendre sur les parois internes, tout se passe comme si un corps conducteur de volume
égal au volume intérieur du ballon était placé entre les armatures,
et la capacité du condensateur augmente. C’est cette augmentation qu’il s’agit de constater.
6. Conden.sateur.
-Le condensateur doit avoir une capacité par- faitement définie et invariable, mais qu’il est inutile de connaître exactement. Il est formé de deux plateaux circulaires munis de
godets à mercure qui servent pour la charge et la décharge. Le plateau inférieur, de diamètre un peu plus grand, déborde, et les godets sont placés près des bords.
Ces godets ne sont pas entièrement pleins de mercure. La charge
et la décharge, effectuées à l’aide de tiges T, T’ en relation avec les sources ou avec le circuit de décharge, se produisent ainsi par l’in- térieur des conducteurs, dans une région où la densité électrique est
sensiblement nulle. Les changements accidentels de forme du
ménisque, à l’instant où les tiges T, T’ pénètrent dans les godets ou
les abandonnent, ne peuvent donc modifier la capacité du con-
densateur (~ ) .
Dans les expériences où l’on veut observer des effluves, on pour- rait être induit en erreur par de la lumière réfléchie provenant des
étincelles de charge, si on n’avait la précaution d’environner l’ex- trémité des tiges T, T’ par des sortes d’éteignoirs en ébonite, de
diamètre supérieur à celui des godets qu’ils viennent recouvrir avant
que l’étincelle n’éclate.
(1) Cette précaution est absolument indispensable. Si on la néglige, on s’ex-
pose à n’obtenir clue des résultats incohérents.
405
.
Le condensateur est placé à l’intérieur d’une grande boîte en laiton
en communication avec le sol. Les tiges T, T’, soigneusement isolées,
sont manoeuvrées de l’extérieur par un système automatique. La
boîte de laiton est portée par un chariot roulant sur des rails de bois. Une ouverture ménagée pour laisser passer le ballon sert aussi pour l’observation des effluves. En ce cas, la salle doit être dans l’obscurité la plus complète ; l’oeil, placé au voisinage de l’orifice et
préalablement habitué à l’obscurité, parvient alors à discerner des lueurs extraordinairement faibles.
’ï. Tubes à gaz.
-Le ballon sur lequel on opère est mastiqué ou
soudé à l’extrémité d’un tube à robinets qui permet de mettre le
ballon en relation soit avec le générateur de gaz, soit avec la pompe à mercure ou avec les appareils destinés à la mesure de la pression.
8. Mesure de la pression.
-Pour mesurer la pression, je fais
usage, suivant le cas, d’un double baromètre de M. Leduc, observé
au cathétomètre, ou d’une jauge de Mac-Leod. Ces deux appareils
ont été construits par M. Chabaud.
L’étude de la jauge m’a prouvé que, quand le gaz est rigoureu-
sement sec, il n’y a aucune erreur systématique provenant de la graduation. La valeur calculée de la pression demeure la même à moins de un millième de millimètre près, quelle que soit la division de la jauge à laquelle on fait affleurer le mercure (~).
La comparaison du baromètre et de la jauge, dans les limites où l’on peut employer simultanément les deux appareils, n’a révélé
non plus aucune différence systématique. On peut admettre respec- tivement un vingtième et un millième de millimètre comme limites d’exactitude des mesures. Rappelons d’ailleurs que les mesures à la
jauge supposent la loi de Mariotte correcte dans les limites des observations.
9. Source d’électricité.
-Comme source d’électricité, j’ai toujours employé de petits accumulateurs genre Planté, construits au labora- toire. La batterie comprend actuellement 169 boîtes, chacune de 45 ac-
cumulateurs, donnant, suivant l’état de charge, une force électromo- trice disponible de 15000 à 16500 volts. Pour charger les boîtes, on
les met en parallèle sur le réseau du secteur. Un commutateur à (1) Il n’en est plus de même si le gaz contient la rnoindre trace d’humidité. Il
peut arriver alors que, par la compression, la vapeur devienne saturante dans la
jauge ; la pression mesurée est, en ce cas, d’autant plus faible qu’on a réduit
davantage le volume initial.
godets de mercure noyés dans de la paraffine permet d’opérer sans danger tous les groupages. L’une des boites est divisée en trois
parties. On peut donc faire varier le voltage par accroissements de 33 volts environ. Il est prudent de placer dans le circuit une très
grande résistance liquide.
10. l1:lesure de la différence de potentiel.
-La différence de
potentiel fournie par ces petits accumulateurs varie très régulière-
ment en proportion de leur nombre. Pour la mesurer, je fractionne
la batterie autant qu’il est nécessaire, et je fais usage de voltmètres
électrostatiques de M. Carpentier, gradués de 4500 à 3000 volts.
Cet étalonnage de la batterie est effectué immédiatement après chaque mesure de champ critique.
11. l1!lesure du champ. - Dans la région qui sera occupée par le ballon à gaz, le champ électrique s’écarte peu de la valeur limite,
obtenue en divisant la différence de potentiel des plateaux par leur distance. Ce dernier élément se mesure avec une exactitude suffisante en déterminant, à l’aide d’un bon palmer, l’épaisseur des
cales d’ébonite qui supportent le plateau supérieur.
12. des bords du condensaleur.
-La valeur du champ que
nous adoptons ne serait rigoureusement correcte que si la distance d des plateaux était infiniment petite par rapport à leur distance D. Or,
dans mes expériences, le rapport d D a varié de 0,094 à 0,203. Le champ
doit donc être un peu plus intense au voisinage immédiat des plateaux qu’au milieu de leur distance. Le champ moyen dans l’espace occupé
par le ballon sera un peu inférieur au champ limite.
Tout calcul, à cet égard, m’ayant paru illusoire, je me suis borné
a fixer l’ordre de grandeur de la correction par l’expérience suivante :
Un même ballon de 2cm,4 d’épaisseur maximum a été employé avec
deux condensateurs dont les plateaux étaient à une même distance de 3 centimètres, mais dont les diamètres étaient respectivement de 16
et de 32 centimètres. Avec le grand condensateur d = 0,094), les
champs critiques ont paru réduits de 3,5 0/0 par rapport aux champs critiques évalués avec le petit G5 = (D 0,188).
13. Influence de la paroi sur le champ intérieur.
-Le champ -C’
évalué hors de la présence du ballon n’est pas rigoureusement
égal au champ C qui agira sur le gaz en expérience> même __si
407 la paroi du ballon est un diélectrique parfait. Si l’on supposait ce diélectrique limité intérieurement et extérieurement par deux sphères concentriques, le champ C serait constant, mais inférieur au champ C’.
Quand l’épaisseur e des parois est petite par rapport au rayon R, le
facteur de réduction C c peut se mettre sous la
k est la constante diélectrique de la matière du ballon. Supposons-la égale à 2,25, carré de l’indice du verre. On a alors :
f. e l
.,i i 1
l
’
en faisant e égal successivement à
1 Ü,, on trouve que la cor-
rection atteint respectivement 1,5, 3 on 4,5 0/0.
,Toutefois on ne peut songer à tenter une telle correction, car, si’,
-d’une part, on ne connaît pas la valeur exacte de la constante d iéled- trique à adopter, d’autre part on peut encore bien moins considérer la forme du diélectrique solide comme géométriquement définie. Non
seulement le champ à l’intérieur du ballon ne ‘peut être connu à
1 0/0 près, mais on n’a même pas le droit de considérer ce champ
comme rigoureusement uniforme : le champ critique pourra être très légèrement dépassé dans une région du ballon avant d’être atteint dans une autre. Il doit en résulter, et l’on constate effective-
ment qu’il~ en résulte parfois, au voisinage de la paroi, des effluves locales et partielles, précédant et annonçant de très près l’effluve
uniforme qui intéresse la masse entière du gaz. Au lieu d’un champ critique réduit à un point, il y aura donc une sorte de zone critique embrassant une variation petite, mais appréciable, du champ.
On atténue ces inconvénients en faisant usage de ballons aussi
réguliers que possible et dont les parois, qui doivent supporter, sans
se déformer sensiblement, la pression atmosphérique extérieure, aient
la plus petite épaisseur compatible avec cette condition.
Au -reste, la double cause d’erreur provenant de l’efi’et des bords
=>
__ - ----.
(1) Voir Trailé d’élech’icité, t. L p.ii8.
, ,du condensateur et de l’action diélectrique des parois est sans in-
fluence sur les mesures comparatives e ffectuées avec le même conden- sateur et le même ballon, dans une situation relative invariable.
L*ignorance de la valeur précise du facteur de correction ne sera
donc pas un obstacle à la découverte des lois qu’il nous importe le plus de connaître.
. Comparaison des capacités.
--Les capacités de mes conden-
sateurs sont de l’ordre du cent millième de microfarad. Si l’on
décharge le condensateur sur un microfarad auxiliaire, la différence
de potentiel s’abaissera de quelques milliers de volts à quelques
centièmes de volt, et l’on se trouvera dans les conditions convenables pour l’emploi de l’électromètre capillaire.
La charge reçue par le microfarad est pratiquement égale à celle
que possédait le condensateur. On pourrait l’évaluer par une méthode
balistique, dont j’ai quelquefois fait usage au début de ces recherches;
mais il est préférable, à tous égards, d’avoir recours à une méthode de
zéro.
A cet effet, on charge d’avance le microfarad M en sens contraire du condensateur A de l’expérience à l’aide d’une dérivation conve-
nable prise sur le circuit d’un élément Daniell. Par quelques tâton-
nements, on arrive à régler la dérivation de telle sorte que, le ballon étant éloigné du condensateur A, la décharge de M laisse l’élec- tromètre au zéro. Donnant alors à M la même charge que dans
l’expérience précédente, on charge A en présence du ballon; on ra-
mène le chariot en arrière et on décharge A sur M. Déchargeant
enfin M sur l’électromètre, on constate que le mercure reste au zéro
ou est chassé hors du champ, suivant que la capacité du conden- sateur A est demeurée invariable ou qu’elle a augmenté, c’est-à-dire suivant que le champ employé était inférieur ou supérieur au champ critique qu’il s’agit de déterminer.
15. Complications arnenées par la paroi.
-L2Geurns d’effluve.
-Normalement, quand le champ critique est dépassé, et que l’on dé-
charge le condensateur A en présence du ballon, les électricités con-
traires libérées sur les parois de verre au moment de la charge se recombinent, et ces parois, aussi bien que les armatures du conden- sateur, retournent à l’état neutre. L’expérience montre toutefois qu’il n’en est ainsi que si le champ critique a été largement dépassé.
Dans le cas contraire, les parois du ballon retiennent, avec une éner-
gie parfois surprenante, les charges libérées à leur surface. Alors,
409
quand on essaie de décharger le condensateur A en présence du ballon, le condensateur ne perd que la charge normale correspondant
à sa capacité primitive : l’excès d’électricité appelé sur les armatures
par l’influence des charges libérées est retenu par la même influence.
Si donc on négligeait de ramener le condensateur A en arrière pour le décharger, l’électromètre demeurerait au zéro et on aurait dépassé
le champ critique sans s’en apercevoir. L’erreur serait particulièrement
grave aux pressions très basses, et l’on pourrait être conduit à attri-
buer au champ critique une valeur très supérieure à sa valeur nor-
male.
Si l’on observe les lueurs d’effluve, on constate, dans ces condi- tions, que le gaz, qui s’est illuminé plus ou moins faiblement à l’instant de la charge du condensateur, reste parfaitement obscur à
la décharge. Au contraire, quand le champ critique est largement dépassé, les lueurs de charge et de décharge sont à peu près égale-
ment brillantes.
Ces lueurs remplissent entièrement le ballon. Elles ont l’apparence
et la durée d’un éclair (~). Le passage de l’électricité à travers le gaz est donc un phénomène instantané; par suite, il est vraisemblable que la constante diélectrique qu’il faudrait attribuer au ballon, pour le calcul de la correction des champs, coïnciderait bien avec le carré de l’indice, comme nous l’avons supposé ci-dessus.
16. Méthode des résidus.
-L’adhérence des charges aux parois,
au voisinage immédiat du champ critique, est un phénomène si régu-
lier qu’on en peut tirer une excellente méthode pour la détermina- tion des champs critiques. Cette méthode consiste à charger le con-
densateur A en présence du ballon, à le mettre en court-circuit dans la même situation, enfin à le ramener en arrière et à le décharger
(1) Parfois, au voisinage immédiat du champ critique, la lueur d’effluve est en retard d’une manière très appréciable par rapport à l’étincelle de charge. La va-
leur du champ intérieur au ballon, pour un champ extérieur fixe, est donc sus- ceptible de varier légèrement avec le temps, c’est-à-dire que le verre du ballon
ne peut être assimilé à un diélectrique parfait.
Le retard d’effluve donne la clé d’un phénomène bizarre qui m’avait vivement surpris au début de ces recherches. Si l’on déchargeait le condensateur A sur le microfarad en présence du ballon, il arrivait parfois que la capacité de A, au voi- sinage immédiat du champ critique, paraissait être diminuée au lieu d’être aug- mentée. Si, en effet, il se produit un retard d’effluve, le condensateur A ne reçoit
que sa charge normale Q ; à l’instant où l’effluve se produit, A étant déjà séparé
de la source, une quantité d’électricité
-g traverse le gaz du ballon et demeure
adhérente aux parois. Elle maintient sur les armatures de A une charge + q, et
le microfarad ne reçoit que Q - q au lieu de Q.
410
sur le microfarad M. Si le champ critique n’a pas été atteint, A a été entièrement déchargé du premier coup : il ne peut rien céder par
,une seconde décharge; mais, si le champ critique a été légèrement dépassé, la charge résiduelle maintenue sur A en présence du ballon
redevient libre dès qu’on ramène A en arrière ; le microfarad se
charge et l’électromètre dévie.
rCette méthode des résidus fournit des résultats très nets, et par- faitement d’accord avec ceux que l’on obtient par =la comparaison des
-capacités.
~ - ; , .17..Méthocle cles effluves.
-Cette dernière méthode n’a besoin d’aucun commentaire. A priori, elle pourrait conduire à des valeurs
trop fortes du champ critique, jamais à des valeurs trop faibles.
L’expérience m’a montré qu’avec la plupart des gaz le procédé
d’observation des effluves est au moins aussi sensible que les mé-
.
thodes électriques, et qu’il fournit pour le champ critique des valeurs
absolument correctes, pourvu que gazeuse
emprisonnée par le ballon soit suffisante. j
18,. Précaattions indispensables.
-Quand on fait usage des mé¡..
thodes électriques, il est indispensable que les parois du ballon
soient dépourvues de toute trace de conductibilité. Il faut pour cela
que le gaz introduit dans le ballon soit sec, mais surtout que là surface externe du diélectrique soit protégée contre les moindres traces d’humidité. Des capsules pleines d’acide sulfurique concentré
maintiennent autour du condensateur A une atmosphère très sèche~.
D’ailleurs la surface extérieure du ballon est recouverte d’une mince -couche de paraffine, qu’on fera bien de renouveler avant chaque mesurer
Le passage d’une première effluve à travers le gaz du ballon y produit une modification telle qu’une deuxième effluve le traverse ensuite bien plus facilement. Mais nous avons surtout à nous préoc-
cuper de l’effet persistant des charges adhérentes aux parois de verre.
Cet effet est de diminuer l’action du champ extérieur ou de l’aug-
menter, suivant que ce champ est de même sens ou de sens contraire à
celui qui a déterminé le passage de la première effluve. Aussi, quand
une effluve a passé, est-on certain d’en produire une plus intense en
renversant aussitôt le sens de la charge du condensateur(’). Si l~
(1) On pourrait même abaisser considérablement la différence de potentiel cor- respondant à cette charge inverse, sans que l’effluve cessàt d’être visible au mo- ment de la charge. Dans certains cas, la différence de potentiel a pu ainsi être
réduite presque à moitié.
, ._ , , , . ’411
première avait passé inaperçue, la seconde ne peut guère manquer d’être appréciable.
Il convient donc d’alterner les essais en commençant par des champs
trop faibles et en renversant au moins une fois le sens de la charge
du condensateur pour chaque différence de potentiel essayée.
Quand une mesure est acquise, on doit, avant d’en réaliser une
autre, provoquer la disparition complète des charges adliérentes
ou des modifications, plus ou moins durables, qu’elles produisent
dans la couche superficielle interne du verre. Un repos prolongé, de vingt-quatre heures par exemple, est tou,jours suflisant. On abrège beaucoup ce délai en portant le ballon d’uue manière prolongée à la température de 9 ~0°, ce qu’on fait en l’arrosant avec de la paraffine fondue, maintenue à cette température ; on peut aussi faire le vide 10 plus complet possible à l’intérieur du ballon et laisser rentrer de
nouveau le gaz. Grâce à ces précautions minutieuses, toute irrégu-
larité des mesures est sûrement écartée; c’est-à-dire que deux mesures, réalisées avec le même gaz à la même pression, donneront
des valeurs du champ critique égales à moins de 10 volts par cen- timètre près, ce qui, pour les plus hautes pressions employées dans
mes mesures, correspond à une erreur relative de l’ordre de 1/~50~.
Si, pour gagner du temps, on vient à négliger ces précautions, il
ne faudra pas être surpris de trouver parfois entre les mesures
des écarts de l’ordre du ~;10e de leur valeur.
19. Correction de température.
-Pour rendre les expériences rigoureusement comparables entre elles, il serait indispensable de
les exécuter toutes à la même température.
En fait, la température du laboratoire ne s’est guère écartée de plus de quatre à cinq degrés de part ou d’autre de la température
moyenne de 17° à laquelle je rapporte tous les résultats.
L’étude de l’influence de la température exige un dispositif spécial qui n’a pas encore été mis en oeuvre..l’ai admis provisoirement que la du critique dépend seulement de la densité du et j’ai réduit tous mes nombres à ~.7°, en réduisant la pression
observée à ce qu’elle serait si le gaz était ramené à f 7°. Cette correc-
tion s’est toujours montrée suifisante,c’est-à-dire qu’il m’a été impos-
sible de mettre en évidence une erreur systématique quelconque pouvant être attribuée à l’effet de la température.
20., Pureté des gaz.
-pompe à mercure était disposée de façon
que l’on pût recueillir les gaz extraits de l’appareil. Autant que
possible, on s’est astreint à vérifier la pureté de chaque gaz cz sa sortie,
pour se mettre à l’abri des fuites qui auraient pu se produire par les
masticages ou les robinets, au cours d’expériences dont la durée
moyenne était de quatre à cinq jours.
CHAPITRE H.
LOIS EXPÉRIMENTALES.
~1. Quelle que soit la méthode de mesure employée, la fixation du champ critique aux pressions élevées présente peu de difficulté réelle.
Il n’en est pas de même aux pressions très basses : Dans une région d’étendue notable, on est en droit d’hésiter, tant sont
faibles et irrégulières les variations de capacité ou les effluves que l’on observe. Tandis qu’à haute pression l’effluve acquiert toujours plus d’intensité quand on renverse le sens de la charge du con-
densateur après le passage d’une première effluve, il arrive généra- lement, à très basse pression, qu’une première effluve n’est suivie d’au-
cune autre, malgré les renversements de signe de la charge, à moins qu’on n’augmente très sensiblement la différence de potentiel des
armatures du condensateur.
Les nombres publiés dans ce mémoire se rapportent à la plus faible
différence de potentiel pour laquelle il a été possible d’observer quelque signe certain d’un passage d’électricité à travers le gaz, pour si insignifiant et si fugiti f qtt’il czit pu être.
22. J’indiquerai d’abord, à titre d’exemple, les résultats complets
de quelques séries de mesures réalisées avec un ballon plat d’un peu moins de 9 centimètres de diamètre équatorial et de 5tm,6 d’épaisseur
maximum. Elles ont été obtenues par la méthode des effluves.
La pression est évaluée en centimètres de mercure ; le champ, en
volts par centimètre. Je rappelle que la valeur adoptée pour le champ
est le quotient brut de la différence de potentiel des armatures du
condensateur par leur distance, qui était ici de 6~,5. Le diamètre des armatures était de 32 centimètres pour l’armature supérieure,
de 35 centimètres pour l’armature inférieure.
.
La troisième colonne contient les valeurs du champ critique
calculé à l’aide d’une formule empirique que je donne à la suite
de chaque tableau.
413 23. Hydrogène. - Je choisirai, comme premier exemple, des
m esures relatives à l’hydrogène.
Les nombres imprimés en chiffres gras, dans ce tableau, ont été
déterminés huit mois après les autres et avec toutes les précautions signalées à la fin du premier chapitre. La formule empirique (1) avait
été déduite exclusivement des premières mesures. On voit qu’elle
représente les dernières avec une approximation plus grande encore, puisque la différence des nombres calculés et observés n’atteint en
moyenne, pour ces six mesures, qu’environ 9 volts, et que le plus grand écart ne dépasse pas 19. Un tel contrôle ne laissera pas de doute sur le degré de précision que peuvent comporter les mesures,
(1) Préparé par le zinc et l’acide chlorhydrique purs : à sa sortie de l’appareil,
le gaz ne contenait pas de traces d’air appréciables par l’elmploi de l’acide pyro-
gallique et de la potasse.
414
non plus que sur la fidélité avec laquelle la formule les représente.
La formule (1) comprend deux termes. Le premier, de forme hyperbolique, prépondérant aux pressions élevées, est déjà seul à
considérer aux pressions supérieures à 1 millimètre de mercure
la valeur de l’autre terme tombant désormais an-dessous de la limite des erreurs d’observation.
L’hyperbole
admet pour asymptote la droite
A la pression de i0~~,803, la plus haute que j’aie employée, la dif-
férence des ordonnées de l’asymptote et de la courbe n’est déjà plus
que de 34 volts, c’est-à-dire que, dans cette région, la variation du
champ critique peut être considérée comme à peu près linéaire. Il est vraisemblable que la formule (1 bis) continuerait à s’appliquer
pour des pressions beaucoup plus élevées, de l’ordre d’une atmo-
sphère, par exemple.
Le terme hyperbolique tend vers zéro quand la pression décroît
indéfiniment. Le terme, en raison inverse du carré de la pression,
croît au contraire avec une rapidité extrême. Le champ critique présente donc un minimum qui, d’après les observations, serait voisin de 90 volts et, d’après la formule, de 80 volts par centimètre ; mais, avec ces petites différences de potentiel, la lumière émise est si faible, la quantité d’électricité qui passe est si petite que les observations peuvent bien comporter une erreur systématique par excès de l’ordre de la différence (10 volts par centimètre).
Au- dessous de de millimètre de mercure, l’accroissement du champ critique est décidément plus faible que ne l’indiquerait
la formule et, bientôt après, très lent. C’est une particularité qui
se présente parfois dans les expériences à basse pression et sur laquelle nous aurons à revenir.
~ i. Résultats relatifs il l’air sec ( ~ ).
(1) Les chiffres gras ont la même signification que dans le tableau précédent
a415
Formule :
Asymptote :
Ija formule empirique comprend toujours deux termes. Le terme hyperbolique, prépondérant aux hautes pressions, est seul efficace à
,partir de 3 ou 4 millimètres de mercure; à la pression de 4cm ,57!,
l’écart de l’liyperbole et de son asymptote n’est déjà plus que de 20 volts par centimètre, c’est-à-dire que la variation du champ cri-
.tique est déjà presque linéaire.
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