Analyse, s´eance 5 : exercices corrig´es ANALYSE FONCTIONNELLE
Quelques propri´et´es ´el´ementaires des distributions Question 1
On consid`ere des distributions surR, mais les r´esultats ci-dessous s’´etendent `a tous les espaces de distribution.
• Montrer queT0 = 0 implique que
∃C ∈R, T =TC
o`u TC est la distribution associ´ee `a la fonction constante C.
Par d´efinition de la d´eriv´ee des distributions
∀φ∈ D(R) < T 0, φ >= −< T, φ0>
DoncT0 = 0 implique
∀φ∈ D(R) < T, φ0 >= 0 Or
Lemme 1 Soit Ψ∈ D(R), il existe une fonction φ∈ D(R) telle queψ =φ0 si et seulement si R+∞
−∞ ψ(x)dx= 0.
Preuve
Dans un sens si ψ = φ0 ∈ D(R) avec ∃a, b ∈ R supp(φ) ⊂ [a, b], on a R+∞
−∞ ψ(x)dx = Rb
a φ0(x)dx=φ(b)−φ(a) = 0.
Dans l’autre sens, soitψ∈ D(R) avec∃a, b∈Rsupp(ψ)⊂[a, b] etR+∞
−∞ ψ(x)dx= 0. Posons φ(x) =Rx
−∞ ψ(t)dt, on aφ∈C∞(R),φ(x) = 0 si x < aet, six > b, φ(x) =
Z x
−∞
ψ(t)dt= Z +∞
−∞
ψ(t)dt= 0
♦
Notons T1 la distribution associ´ee `a la fonction constante 1. Nous avons montr´e que
∀φ∈ D(R) < T1, φ >= 0⇒< T, φ >= 0
Les deux formes lin´eairesT1 etT ont le mˆeme noyau, donc
∃C∈R/ T =CT1=TC
Noter la m´ethode g´en´erale pour r´esoudre une ´equation lin´eaire sur les distributions : on traduit toutes les hypoth`eses en termes de forme lin´eaire, on en d´eduit que les solutions de l’´equation sont les distributions qui s’annulent sur un certain sous-espace vectoriel qu’il faut ensuite caract´eriser.
• En d´eduire queT(n)= 0 si et seulement si T est un polynˆome de degr´en−1.
On peut suivre un raisonnement analogue au pr´ec´edent ou proc´eder par r´ecurrence comme on le ferait pour r´esoudre la mˆeme ´equation sur les fonctions.
Noter les r`egles de calcul, si f, g sont des fonctions : Tf+g = Tf +Tg et, si f est C1, Tf0 = (Tf)0.
Supposons le r´esultat vrai pour n − 1. L’´equation s’´ecrit (T0)(n−1) = 0, donc d’apr`es l’hypoth`ese de r´ecurrence T0 = TP o`u P(x) est un polynˆome de degr´e n−2. Soit Q(x) un polynˆome tel queQ0(x) =P(x). Il vient
(T −TQ)0 =T0−TQ0 =TP −TQ0 = 0 Donc d’apr`es le r´esultat de la question pr´ec´edente
∃C∈R/ T −TQ=TC
d’o`uT =TQ+TC =TQ+C est la distribution associ´ee `a un polynˆome de degr´en−1.
• Montrer que si T(n) est (associ´ee `a) une fonction continue, alors T est (associ´ee `a) une fonctionCn.
On suppose
∃f ∈C(R)/ T(n)=Tf Soit F(x) une fonction telle sur F(n) =f. Il vient
T(n)−TF(n) = 0 et donc
(T −TF)(n) = 0
D’o`u d’apr`es le r´esultat de la question pr´ec´edente, il existe un polynˆomeP(x) de degr´en−1 tel que
(T−TF) =TP D’o`u T =TF +TP =TF+P et le r´esultat.
M´ethode des fonctions de Green
Nous allons construire une solution explicite sous forme int´egrale pour le probl`eme elliptique
suivant :
L(u) = −d2u
dx2 +u = q(x) sur [0,1]
u(0) = 0
u(1) = 0
(1)
o`u q(x)∈C([0,1]). Les principes que nous d´eveloppons ici sont valables pour des probl`emes elliptiques quelconques, mais les calculs ne seront pas toujours explicites.
Question 2
On consid`ere L(u) comme un op´erateur, qui n’est pas partout d´efini, sur l’espace C([0,1]) muni du produit scalaire de L2([0,1]), < u, v >= R1
0 uv dx. Le domaine de d´efinition de L(u) est l’ensembleV0 des fonctions deC2([0,1]) nulles au bord (il peut ˆetre avantageux de consid´erer plutˆotH01([0,1]) qui est un espace de Hilbert, mais nous pr´ef´erons garder un cadre
´el´ementaire).
• Nous exprimons sous une forme un peu diff´erente les propri´et´es d´ej`a ´etudi´ees de cette
´equation.
Montrer queL(u) est un op´erateur sym´etrique d´efini positif surV0. Il faut montrer que
< L(u), v >=< L(v), u >
et
u6= 0 ⇒< L(u), u > >0 Or, si nous posons
a(u, v) = Z 1
0
u0v0+uv dx
c’est une cons´equence imm´ediate des formulations faibles d´ej`a ´etudi´ees dans la s´eance 4
< L(u), v >=a(u, v) =a(v, u) =< L(v), u >
• Soit y ∈]0,1[. Soit u une fonction continue, C2 sauf en y o`u u0 admet une limite `a droite et `a gauche. Montrer
−(Tu)00+u=T(−u00+u)−(u0(x+)−u0(x−))δy La fonction u est continue,C1 sauf eny donc
(Tu)0 =Tu0
La d´eriv´ee u0 estC1 sauf eny o`u elle admet un saut, nous avons vu en cours que
−(Tu0)0=T−u00−(u0(x+)−u0(x−))δy
Le r´esultat en d´ecoule.
• Construire une fonctionGy(x), continue et nulle au bord, telle que L(Gy(x)) =δy
au sens des distributions.
On examine la formule ci-dessus, on voit que siuest une fonction continue,C2 sauf eny, dont
la d´eriv´ee fait un saut de−1 eny et si de plus u v´erifie l’´equation diff´erentielle−u00+u= 0 sauf eny et est nulle au bord, elle v´erifie
L(u) =δy
On en d´eduit que la fonction Gy(x) doit ˆetre de la forme asinh(x) si x < y et de la forme bsinh(1−x) si x > y. Pour que la fonction soit continue en y, il faut que a=csinh(1−y) etb=csinh(y), o`u cest une constante `a d´eterminer. Finalement on d´etermine la constante c en ´ecrivant queu0(x+)−u0(x−) =−1 , il vientcsinh(1) = 1, d’o`u
Si x≤y Gy(x) = sinh(1−y) sinh(x) sinh(1) Si x≥y Gy(x) = sinh(1−x) sinh(y)
sinh(1)
(2)
• On poseK(x, y) =Gy(x). Montrer que la fonction u(x) = Θ(q) =
Z 1 0
K(x, y)q(y)dy est une solution au sens des distributions de (1).
Noter que K(x, y) =K(y, x), ce qui n’est pas fortuit... Il faut montrer que−(Tu)00+Tu =q ce qui ´equivaut `a
∀φD(R) < Tu,−φ00+φ >=< Tq, φ >
c’est `a dire
Z 1 0
u(−φ00(x) +φ(x))dx= Z 1
0
q(x)φ(x)dx et en rempla¸cant u par son expression
Z 1 0
( Z 1
0
K(x, y)q(y)dy)(−φ00(x) +φ(x))dx= Z 1
0
q(y)φ(y)dy On permute des int´egrations en xety
Z 1 0
q(y)(
Z 1 0
K(x, y)(−φ00(x) +φ(x))dx)dy= Z 1
0
q(y)φ(y)dy Traduisons le fait que Gy(x) v´erifie−(TGy)00+TGy =δy
Z 1 0
Gy(x)(−φ00(x) +φ(x))dx=φ(y) d’o`u, il faut montrer
Z 1 0
q(y)φ(y)dy= Z 1
0
q(y)φ(y)dy C.Q.F.D.
• En utilisant la question 1 montrer que la fonction u est C2 et qu’elle est donc la solution
au sens usuel de (1).
On a
−(Tu)00+Tu=Tq
Donc
(Tu)00=Tu−q
(Tu)00 est donc la distribution associ´ee `a une fonction continue. Comme nous l’avons vu `a la question 1,u est alors une fonctionC2 . La fonctionu est donc la solution au sens ordinaire du probl`eme aux limites. On a donc
∀q∈C([0,1]), L(Θ(q)) =q
Noter queK(x, y) peut ˆetre consid´er´e comme une “matrice `a indicesx, ycontinus” qui d´efinit l’op´erateur Θ inverse (`a droite) deL(u), les colonnes de la “matrice”Gy(x) sont les solutions de L(u) = δy, les distributions de Dirac δy jouent le rˆole des vecteurs de la base canonique de Rn, l’int´egrale R1
0 K(x, y)q(y)dy est une multiplication matrice-vecteur... Cette analogie se comprend mieux si on consid`ere les fonctions continues comme des limites de fonctions en escalier et que l’on observe ainsi le passage de la dimension finie `a la infinie.
Th´eorie spectrale de L Question 3
• Montrer que K(x, y) = K(y, x) et que Θ est un op´erateur sur C([0,1]) sym´etrique d´efini positif pour le produit scalaire de L2([0,1]). Ce r´esultat ´etait-il pr´evisible ?
Il faut montrer
∀u, v∈C([0,1]) <Θ(u), v >=<Θ(v), u >
c’est `a dire Z 1
0
Z 1 0
K(x, y)u(x)v(y)dxdy= Z 1
0
Z 1 0
K(x, y)v(x)u(y)dxdy
ce qui r´esulte de la sym´etrie de K(x, y) et de la permutation des int´egrales. Le fait que Θ est d´efini positif ne se voit pas de fa¸con aussi ´evidente sur son expression int´egrale.
Mais de mani`ere g´en´erale montrons que l’inverse d’un op´erateur sym´etrique d´efini positif est sym´etrique d´efini positif :
pour toute fonctionu∈C([0,1]) on a par construction de Θ L(Θ(u)) =u
donc siu6= 0
<Θ(u), u >=<Θ(u), L(Θ(u))> >0
puisque nous avons vu queLest un op´erateur d´efini positif, on traite de la mˆeme mani`ere la sym´etrie.
•On appelle fonction propre(resp. valeur propre) une fonction uk ∈C([0,1]) (resp. λk ∈R) telle que
Θ(uk) =λkuk
Montrer queλk>0,...
Cela r´esulte du fait que l’op´erateur est d´efini positif.
....que uk est dans V0...
Par construction Θ(uk) est dansV0et est en particulierC2 (on peut en d´eduire par r´ecurrence que uk est en fait C∞) donc uk est ausi dansV0.
... et que uk est aussi vecteur propre de L.
L(Θ(uk) =uk =λkL(uk) uk est donc vecteur propre deL pour la valeur propre λ1
k. Calculer uk etλk.
On a uk = sin(kπx),λk=k2π2+ 1.
Quelles propri´et´es classiques en dimension finies s’´etendent ici ?
En faisant le changement de variables y =πx, en prolongeant les fonctions en des fonctions impaires sur [−pi, pi], et en utilisant la th´eorie des s´eries de Fourier on voit que les fonctions propres deLou Θ forment une base orthognale deL2([0,1]). On prolonge ainsi en dimension infinie la th´eorie spectrale des op´erateurs sym´etriques sur un espace euclidien. On montre que ce r´esultat est g´en´eral pour les op´erateurs int´egraux et plus g´en´eralement encore pour les op´erateurs sym´etriques compacts sur un espace de Hilbert, i.e. tels que l’image de toute suite born´ee admet une sous suite convergente. Les op´erateurs diff´erentiels, associ´es `a des conditions aux limites ad´equates, admettent des inverses qui sont d´efinis par des int´egrales, ce qui permet de leur appliquer la th´eorie spectrale des op´erateurs compacts. Comme cas parti- culier on a de nombreuses classes de fonctions sp´eciales, polynˆomes ortogonaux... d’un usage courant en physique pour faire des calculs analytiques, notamment en m´ecanique quantique.
Un classique revu `a la lumi`ere des distributions Question 4
Soit
f(x) =
∞
X
k=1
cos(kx) k2
• Montrer que, au sens de D0(T)
f00 =−πδ0+1 2
La s´erie, uniform´ement convergente, d´efinit une fonctionf(x) continue, que nous consid´ererons comme une distribution. La s´erie qui la d´efinit est sa s´erie de Fourier. Nous avons vu en cours que, au sens de la convergence des distributions
f(x) = lim
n Sn(f)
o`u Sn(f) = Pn k=1
cos(kx)
k2 est la somme des n premiers termes de la s´erie de Fourier de f. Nous avons vu aussi que la d´erivation des distributions est une op´eration continue pour la convergence au sens des distributions. Donc
f00(x) = lim
n (Sn(f))00= lim
n n
X
k=1
−cos(kx)
or nous avons montr´e dans le cours δ0 = 1
π(1 2 + lim
n n
X
k=1
cos(kx)) D’o`u
f00(x) =−πδ0+ 1 2 Remarque :
Pour montrer qu’il n’y a rien de magique dans ce calcul, nous reprenons la d´emonstration sans utiliser les propri´et´es des distributions. On veut calculerf00 au sens des distributions de D0(T), c’est `a dire, pourφ∈D(T)
< Tf, φ >=
Z π
−π
f(x)φ00(x)dx On replace f par sa d´efinition
< Tf, φ >=
Z π
−π
∞
X
k=1
cos(kx)
k2 φ00(x)dx Du fait de la convergence uniforme
< Tf, φ >=
∞
X
k=1
Z π
−π
cos(kx)
k2 φ00(x)dx On int`egre deux fois par parties
< Tf, φ >=
∞
X
k=1
Z π
−π
−cos(kx)φ(x)dx
orφest une fonction 2π p´eriodique dont les coeficients de Fourierak(φ) sont ak(φ) = 1
π Z π
−π
cos(kx)φ(x)dx et le d´eveloppement en s´erie de Fourier deφ est
φ(x) = 1
2a0+X
k>0
akcos(kx) +bksin(kx)
d’o`u
φ(0) = 1
2a0+X
k>0
ak= 1 2
1 π
Z π
−π
φ(x)dx+ 1 π
X
k>0
Z π
−π
−cos(kx)φ(x)dx On reporte ce r´esultat dans l’expression de< Tf, φ >
< Tf, φ >=−πφ(0) + 1 2
Z π
−π
φ(x)dx C.Q.F.D.
En conclusion les calculs, un peu formels, “au sens des distributions” ne sont que des calculs, ordinaires, sur les int´egrales qui d´efinissent les formulations faibles.
• En d´eduire que
f0(x) =−π
2signe(x) +x 2 +C1
Nous avons vu en cours que si une fonctiong est C1 sauf en 0 (Tg)0 =Tg0+ (g(0+)−f(0−))δ0
En appliquant cette formule `ag=f0, le r´esultat en d´ecoule.
puis que
f(x) =−π
2|x|+x2
4 +C1x+C2
Nous avons vu en cours que si une fonctionf est continue,C1 par morceaux Tf0 =Tf0
En appliquant cette formule `af, le r´esultat en d´ecoule.
• Montrer queC1= 0.
Cela r´esulte de ce quef(x) est une fonction paire.
Calculer C2 en remarquant que R+π
−π f(x)dx= 0.
Cette propri´et´e vient de ce que par d´efinition def on aa0(f) = 0 On en d´eduit par un calcul ´el´ementaire
C2= π2 6
• En d´eduire
π2 6 =
∞
X
n=1
1 n2