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La santé au quotidien dans les pays du Maghreb

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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sociales

 

80-81 | 2018

La santé au quotidien dans les pays du Maghreb

ال ص ح ة ف ي ال ح ي ا ة ال ي و م ي ة با ل ب ل د ا ن ال م غ ا ر بي ة

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/19009 DOI : 10.4000/insaniyat.19009

ISSN : 2253-0738 Éditeur

Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle Édition imprimée

Date de publication : 30 septembre 2018 ISSN : 1111-2050

Référence électronique

Insaniyat / تايانسإن, 80-81 | 2018, « La santé au quotidien dans les pays du Maghreb » [En ligne], mis en ligne le 12 septembre 2019, consulté le 12 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/

insaniyat/19009 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insaniyat.19009 Ce document a été généré automatiquement le 12 novembre 2020.

© CRASC

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SOMMAIRE

Hommage

Mohamed Brahim Salhi (1952-2016) Badra Moutassem Mimouni

Présentation

Mohamed Mebtoul

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Un parcours de recherche. Le quotidien : clé de lecture de la société algérienne

Mohamed Mebtoul

Implication associative et travail de santé des personnes atteintes de sclérose en plaques et de leurs proches à Oran (Algérie)

Houari Benkada et Mohamed Mebtoul

Significations plurielles des urgences médicales et chirurgicales. Étude sociologique au service des UMC au CHU d’Oran

Abdelkrim Haouari et Abdelmalek Adda Boudjellel

Décider d’accéder à des soins de santé au Maroc. Á propos du “ premier délai ”

Marc-Éric Gruénais et Élise Guillermet

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La compétence des familles d’enfants en situation de handicap

Karima Araoui et Hocine Fsian

Le malade “dit mental” : des pratiques inventives à l’hôpital psychiatrique de Sidi Chami

Sarra Samra Benharrats et Mohamed Mebtoul

Littératie : un outil d’introspection des héritages socioculturels en rapport avec la santé

Nawal Boudechiche

Varia

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Comptes rendus de lecture

Annie THÉBAUD-MONY, Philippe DAVEZIES, Laurent VOGEL et Serge VOLKOFF, (dir.). Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner

Lamya Tennci

Farouk ZAHI, La santé publique : une profession de foi

Souad Laguer

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Informations scientifiques

Les patients à l’épreuve des soins. Colloque international, GRAS (Groupe de Recherche en Anthropologie de la Santé), Oran, 25 ans après, du 27 au 29 octobre 2016

Mohamed Mebtoul

Revues des revues

Arts Visuels. Contextualiser nos regards… Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée. Presses Universitaires de Provence, n° 142, 2017, p. 343

Mohamed Hirreche Baghdad

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Hommage

Mohamed Brahim Salhi (1952-2016)

Badra Moutassem Mimouni

1 Le jeudi 25 août 2016 a été un jour douloureux pour la communauté universitaire. C’est le jour où notre collègue et ami Mohamed Brahim Salhi est décédé. Il nous a quittés alors qu’il était au summum de son activité intellectuelle et sociale.

2 Né en 1952 à Tizi-Ouzou, il a un itinéraire singulier, que ce soit au niveau de son cursus scolaire, de ses recherches, que de son engagement au sein de l’Université, des sociétés savantes et de la recherche scientifique.

3 Le riche cursus universitaire de Mohamed Brahim Salhi reflète bien ses compétences solides dans différents domaines de l’enseignement et de la recherche scientifiques. Des études en sciences politiques à Alger (1974), ensuite un doctorat 3è cycle (1979) à la prestigieuse École des Hautes Études en Sciences Sociales (l’EHESS) de Paris, en sociologie- ethnologie, puis un doctorat d’État en Lettres et Sciences Humaines à l’Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III, en 2004) sur Société et religion en Kabylie 1850-2000. Cette thèse montre son choix d’étudier le fait religieux, dans une exploration approfondie qui l’amène au constat désolant du peu d’intérêt des administrations locales pour les archives, qui sont l’âme d’une Nation.

4 Une revue rapide de ses publications et projets de recherche montre trois constantes : le fait religieux, la citoyenneté et le local. Son terrain de prédilection est la Kabylie.

5 Très tôt, le fait religieux éveillera son intérêt et constituera la trame de fond de sa réflexion et de ses explorations d’un terrain, la Kabylie, complexe en proie à des tiraillements culturels, cultuels et politiques. Dans ses premiers travaux, il cherche à comprendre comment la religion s’impose dans une culture donnée et comment cette dernière se l’approprie, la structure et lui donne sens. Dans un texte très documenté, publié dans Insaniyat1, il explique qu’il est : « … en effet évident que les imazighens, comme tous les groupes humains et culturels qui ont embrassé l’Islam, n’ont pas renoncé à leurs cultures mais y ont puisé des outillages qui façonnent leurs pratiques sociales de la religion ». Dans ce contexte, il va analyser et montrer, à travers l’étude du cheminement de Cheikh Mohand El-Hocine, en Kabylie, comment ce personnage religieux et politique, à la fois, a su allier valeurs locales et religion musulmane, « ce

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cheikh est un exemple frappant de la vivacité de la culture amazighe dont il exprime les valeurs avec beaucoup de liberté et qu’il articule avec les valeurs religieuses centrales ».

6 Les trois dernières décennies nous ont montré l’importance du fait religieux au Maghreb et dans le monde. Un autre champ de recherche va se superposer et s’imposer durant les deux dernières décennies, il s’agit de la notion de citoyenneté. Ses travaux centrés sur la Kabylie, région en proie à des conflits récurrents, mais nécessaires à la construction de l’identité, qualifiés par lui comme « des moments intenses de recomposition de la citoyenneté », lui offrent un terrain fertile et sans cesse renouvelé.

Cette citoyenneté est en construction permanente. Les évènements historiques exacerbent ce besoin d’affirmer son appartenance (identité) et son action sur le monde (citoyenneté) par son engagement ou désengagement, par son intégration ou son exclusion. Ses recherches gravitaient sur l’identité, la citoyenneté et comment elles se construisent sur la base de négociations, de « modernisation » et

« retraditionalisation ». Il dira que le mouvement du changement n’est jamais à sens unique, et la modernisation n’est pas la seule à impulser un changement qui alternerait entre modernisation et retour à la tradition, comme si le changement ne pouvait se satisfaire de la modernisation sans lui ajouter la valeur traditionnelle nécessaire à son intégration. La Kabylie constitue un des terrains les plus fertiles dans la recherche, car sans cesse en effervescence ; les printemps berbères en sont les événements les plus marquants, car présentant des enjeux politiques, culturels, sociaux très complexes.

Aussi, va-t-il observer, décortiquer, analyser le champ social et constater que les mouvements citoyens visent à restaurer la liberté d’expression et le droit à la diversité culturelle, réduite à un bloc monolithique depuis l’indépendance. Réhabiliter la culture amazighe c’est autoriser l’Algérien à s’approprier toute sa culture dans sa diversité d’expression. Ces mouvements n’ont pas été vains puisqu’ils ont permis que soit enfin consacrée, dans la constitution, tamazight langue officielle en février 2016. Ce terrain apparait également dans ses publications dans la revue Awal.

7 Dans ce même registre, Mohamed Brahim Salhi rappelle que les revendications intégristes, qu’elles soient culturelles ou cultuelles, visent le communautarisme, qui exclut, de fait, le vivre-ensemble dans la différence, et fait reculer la République (Germaine Tillion dirait « la république des cousins au détriment de la république des citoyens »), et par voie de conséquence, la citoyenneté. Il va explorer, rechercher des terrains ethnographiques concentrés sur des objets précis et des terrains bien circonscrits, que ce soit dans ses propres recherches ou celles de ses doctorants. On a le sentiment qu’il tente de creuser sans cesse, de présenter une description « dense » au sens Geerzien, pour reconstituer le sens des actions et manifestations ethnographiques de cette région. Malgré son immersion dans ce terrain, il reste toujours attaché à l’objectivité scientifique, rigoureux et son analyse dépassionne le débat et le déplace des positions partisanes vers une analyse scientifique.

8 Enseignant depuis 1979 à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, Mohamed Brahim Salhi a non seulement laissé sa trace sur le plan de la recherche, mais aussi sur le plan de la contribution à la gestion de l’université.

9 Á l’université, il a occupé le poste de vice-recteur à Tizi-Ouzou, par la suite, il sera nommé comme doyen de la faculté des sciences sociales de la même université. Il a aussi été coordinateur de l’École Doctorale en Anthropologie à Oran (EDA-Oran) et directeur de l’INRE (Institut National de la Recherche en Éducation, à Alger)…

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Sa contribution au CRASC a été conséquente à plusieurs niveaux :

10 En tant que chercheur associé, il a dirigé de nombreux projets et encadré des jeunes chercheurs et doctorants en les accompagnant sur le chemin ardu de la jeune recherche en Algérie. Le CRASC était en construction et il y a contribué, non seulement en tant que chercheur et encadreur, mais également au sein du conseil scientifique.

11 En tant que membre du conseil scientifique du CRASC, il était fortement engagé et passionné lors des débats. Il faut rappeler que le CRASC des années 2000 était en gestation, nous tâtonnions. Il y avait très peu de chercheurs permanents, la majorité était des associés, et Mohamed Brahim Salhi a énormément apporté sans aucune autre contrepartie que de contribuer à l’édification d’un centre de recherche qui ait des assises de fonctionnement rationnelles et une production scientifique de qualité.

12 En tant que membre du comité scientifique de la revue Insaniyat, il a publié des articles, des comptes rendus et des présentations de numéros. Il a coordonné le numéro sur Le local, acteurs et représentation (n° 16, 2002), sur Religion, pouvoir et société avec Hassan Remaoun (n° 31, 2006) et celui sur la ville (n° 54, 2011). À chacun de ses passages à Oran, qui étaient nombreux, il trouvait toujours un moment pour discuter avec les membres du comité de rédaction et parfois d’assister à la réunion et de participer aux débats.

13 Enfin en tant que coordinateur de l’École Doctorale en Anthropologie (EDA), créée, en 2006, par le CRASC, en partenariat avec l’Université d’Oran (université habilitée) et celles de Tizi-Ouzou, Bejaia, Constantine, Mostaganem, Tlemcen, etc.), Mohamed Brahim Salhi a été une des chevilles ouvrières et l’un de ses enseignants les plus engagés. Il y a assuré des séminaires, des ateliers et dirigé de nombreuses thèses.

Membre fondateur, avec Nouria Benghabrit-Remaoun, Badra Moutassem-Mimouni, Mohamed Saidi, Hassan Remaoun et il y a coordonné l’École (EDA) durant deux promotions : 2006-2007 et 2007-2008. Cette École doctorale a été une école-modèle qui a associé de nombreuses universités. L’objectif principal était de mettre en contact des étudiants de différentes régions du pays et d’orientations culturelles et sociales.

14 En 2014, Mohamed Brahim Salhi est nommé directeur de l’Institut National de Recherches en Éducation (INRE), il va impulser une dynamique à cette institution et organiser un colloque national (le 25 et le 26 février 2015, Alger), intitulé « la recherche en éducation : perspectives et priorités », dont les objectifs étaient de réorganiser la recherche en éducation, en faisant appel aux acteurs de l’éducation ainsi qu’aux penseurs et chercheurs dans les différentes disciplines des universités du pays. Le colloque est sorti avec des recommandations mettant en exergue la nécessité d’une formation rigoureuse des acteurs de l’éducation et le développement des méthodes actives accordant une autonomie à l’enseignant et à l’apprenant. La recherche devait accompagner l’éducation et déboucher sur une expérimentation et un feedback continu entre la recherche et l’action d’éducation. L’INRE devait passer au statut d’établissement public scientifique et technique, ce qui n’était pas une mince affaire, Mohamed Brahim Salhi a fait appel à un comité scientifique solide pour accompagner ce changement.

15 Tous ces engagements l’ont fatigué, épuisé. Il avait prévu de prendre sa retraite pour se consacrer à la recherche et à l’écriture.

16 Il est parti trop tôt et n’a pu développer toutes ses idées avant-gardistes sur la recherche en éducation et ses perspectives.

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17 Ce sont des personnes comme Mohamed Brahim Salhi qui, par leur engagement et leur abnégation, ont posé des assisses solides pour l’édification du CRASC et de la revue Insaniyat. Ils avaient une vision à long terme, qui leur a permis de tenir malgré les difficultés de tous ordres.

18 Mohamed Brahim Salhi a été un « citoyen » au grand sens du terme puisqu’il a participé à la gestion de la cité, que ce soit tant que gestionnaire, penseur, chercheur ou enseignant.

Bibliographie de Mohamed Brahim Salhi

(2010). Société, politique et religion en Kabylie. En cours d’édition, sortie prévue fin 2009 début 2010, Paris : Ėd Bouchène.

(2010). Algérie : identité-citoyenneté. Tizi-Ouzou : Édition Achab.

(2008). La tariqa Rahmaniya : de l’avènement à l’insurrection de 1871. Alger : Ouvrage édité par HCA.

Contributions à Insaniyat

(2006). Société et religion en Algérie au XXe siècle : le réformisme ibadhite, entre modernisation et conservation. Insaniyat(31), Janvier-Mars.

(2006). Religion, pouvoir et société. Co présentation avec H. Remaoun. Insaniyat (31).

(2005). L’ESPACE montagnard entre mutations et permanences. (dir.). Nadia MESSACI, p. 11-50, ISBN 9961-813-19-7

(2004). Contestations identitaires et politiques en Algérie (1940-1980) : le poids du local.

Édition IRMC/ Paris : Maisonneuve et Larose.

(2002). Réalités, acteurs et représentation du local en Algérie. Présentation du n° 16/2002 de Insaniyat, CRASC, (coord.). Mohamed Brahim SALHI.

(2002). Local en contestation, citoyenneté en construction. Le cas de la Kabylie. Oran- Algérie, CRASC, Janvier- Avril, Insaniyat (16). Réalités, acteurs et représentations du local en Algérie. (vol. VI, 1), (p. 55-97), ISSN 1111-2050.

(2000). La presse à la conquête du village : note sur la diffusion d’Alger républicain en Kabylie (1954-1955). Insaniyat (10), Janvier-Avril.

(2000). Élément pour une réflexion sur les styles religieux dans l’Algérie d’aujourd’hui, Insaniyat (11), Mai-Août, p. 43-63.

(1999). Modernisation et retraditionalisation à travers les champs associatif et politique : le cas de la Kabylie. Insaniyat (08) Mai-Août.

Revue Awal

(2006). Les usages sociaux de la religion en Kabylie. De la spécificité à l’universalité I.

Paris : Edition de la Maison des Sciences de l’Homme, Awal (33), Cahiers d’études berbères, p. 3-15.

(2004). Élites entre modernisation et retraditionalisation : les acteurs de la contestation identitaire en Kabylie (1980-2001). Le Caire : Ėd Casbah /CREAD/ ARCAASD.

(2003). L’approche du sacré et du changement religieux chez Geertz : quelle pertinence pour le cas algérien. Dans L’Anthropologie du Maghreb selon Berque, Bourdieu, Geertz et Gellner. (dir.). L. ADDI, Paris : Awal / Ibis Press, p. 111-124.

(2002). Réflexion froide sur des questions chaudes. Quelle anthropologie du religieux en Algérie ? Cahiers du CRASC.

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NOTES

1. Objets religieux à l’épreuve des représentations identitaires : la Kabylie et Cheikh Mohand comme exemples (en langue arabe).

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Présentation

Mohamed Mebtoul

1 Ce numéro d’Insaniyat, portant sur la santé au quotidien dans les pays du Maghreb, a pour objet de mettre en lumière les pratiques socio-sanitaires mises en œuvre par les différents acteurs de santé dans les sociétés maghrébines. Il s’agit de redonner du sens à leur façon de dire et de faire, face aux maladies chroniques. L’enjeu est de montrer que la santé, loin d’être un état statique prise en charge uniquement par des professionnels, demeure indissociable du fonctionnement familial. Elle prend racine dans un processus dynamique, complexe et contradictoire qui s’incruste dans les différents espaces familiaux.

2 Les différentes contributions ont cette valeur heuristique de mettre en exergue les activités de santé invisibles, gratuites et socialement peu reconnues, assurées quotidiennement par les patients et leurs proches parents (Cresson, Mebtoul, 2010).

3 Il est de plus en plus difficile d’ignorer ou de sous-estimer le travail de santé complexe et diversifié des familles et associations dans la prise en charge des malades (Houari Benkada et Mohamed Mebtoul). Celles-ci sont contraintes de compenser les insuffisances et les dysfonctionnements des institutions qui oublient le patient-acteur porteur d’une trajectoire de la maladie (Strauss, 1992) en se fixant, de façon mécanique, sur la pathologie.

4 Ce malentendu consiste à considérer de façon réductrice les patients et leurs proches parents comme de simples consommateurs de soins. En revanche, l’orientation théorique de l’ensemble des articles est de caractériser la famille comme un espace de production de santé au cœur d’enjeux sociaux et politiques qui traversent les sphères privées et publiques (Mebtoul, 2010).

5 Les contributeurs de ce numéro décrivent et décryptent un arrière-plan de la santé au quotidien déployé par les patients et les membres de la famille, à la fois dans les espaces domestiques et professionnels, notamment les services hospitaliers. Il est possible de le caractériser par les multiples investissements affectifs, cognitifs et financiers assurés dans une logique de don et de contre-don, entre-soi, c’est-à-dire entre les proches parents du malade chronique, tout en soulignant avec force que cet arrière-plan fonctionne à la marge du système de soins officiel.

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6 La cacophonie organisationnelle des services des urgences des CHU dévoile deux éléments majeurs : d’une part, la fragilité de l’identité professionnelle du personnel de santé « impuissant » à répondre rapidement aux demandes des patients en raison de multiples incertitudes et aléas techniques et sociaux qui freinent la prise en charge de la maladie (Abdelkrim Haouari et Abdelmalek Adda Boudjellel) ; d’autre part, la défiance des patients anonymes, sans capital relationnel, à l’égard du service des urgences de l’hôpital, se traduit par le nombre important des membres de la famille qui accompagnent le malade. Les crispations, les frustrations et les contre-violences des patients montrent bien que le service des urgences s’apparente au « miroir » de la société. Tout semble indiquer, enfin, la complexité de la question importante des recours aux soins dont les décisions sont prises dans la structure familiale. (Marc-Éric Gruénais et Élise Guillermet). La « gratuité » des soins et la proximité géographique de la structure de soins sont loin de représenter des éléments suffisants pour permettre de construire des rapports de confiance entre les différents acteurs de la santé. Et pour cause ! Le système de soins recouvre des enjeux sociaux et de pouvoir qui sont essentiels pour pouvoir objectiver les multiples inégalités non seulement dans l’accès aux soins mais aussi dans la prise en charge de la maladie chronique entre les différentes catégories de patients. La complexité du sens du mal est attestée par la prégnance du registre religieux qui permet aux personnes malades atteintes de Sida, de construire leurs interprétations qui ne sont pas séparées de la manière dont ils envisagent de lutter contre cette maladie dans les sociétés musulmanes (Bouchaib Mejdoul).

7 Dans les pays du Maghreb, l’une des mutations brutales du système de soins durant ces deux dernières décennies est incontestablement la forte marchandisation des soins. La montée importante et brutale du secteur privé des soins en Algérie, durant les années 1990, a pu se concrétiser grâce au soutien des pouvoirs publics et à la déliquescence des hôpitaux publics, se traduisant par la désaffiliation des médecins spécialistes qui intègrent les cliniques privées. Ces deux éléments ont permis la constitution d’une élite médicale puissante qui accède à la réussite sociale et professionnelle dans le secteur privé des soins. (Mebtoul, 2010).

8 Cette mise en perspective rapide du système de soins permet d’indiquer le renforcement des inégalités sociales de santé, conduisant les différents patients à recourir à une médecine à deux vitesses. Dans le secteur privé, les ressources financières sont impératives pour se soigner. Dans le secteur étatique, la détention du capital relationnel devient une norme pratique mobilisée par les patients privilégiés.

Par ailleurs, le retrait de l’État représente la dimension essentielle dans la redécouverte de la famille comme productrice de soins (Martin, 2007).

9 Les contributions de ce numéro se sont appuyées, de façon dominante, sur une approche qualitative et microsociale pour tenter de mettre au jour les différents « sens du mal » (Augé, Herzlich, 1984). Ils permettent de faire ressortir les interprétations des patients et de leurs proches dans leurs confrontations quotidiennes à la maladie chronique. Ils font aussi valoir un savoir d’expérience important et socialement peu reconnu, résultant de leurs investissements auprès de leurs enfants en situation de handicap. La posture fusionnelle et de proximité avec leurs enfants les autorise à une compréhension plus fine de leurs souffrances et des stigmates produits dans et par la société à leur égard (Karima Araoui et Hocine Fsian). Plutôt que d’évoquer le terme de soutien apporté à ces enfants, bien en deçà de la réalité quotidienne, nous privilégions la notion importante de charge de travail physique et mentale. Elle suppose une

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attention et une disponibilité permanente et soutenue de la mère, durant la journée et la nuit. Celle-ci « oublie », selon son propre terme, de prendre soin de sa personne.

Cette charge de travail, portée à bout de bras par les femmes, est impérative pour permettre à leurs enfants en situation de handicap de faire face aux contraintes quotidiennes.

10 L’anthropologue de la santé traque l’évidence et le sens commun. Il s’oblige à questionner ce qui est convenu de nommer le « fou » étiqueté comme une personne dépourvue de « raison », incapable de « s’adapter » aux différentes situations, rejetée à la marge de la société. Une enquête dans les services hospitaliers montre que le malade, dit mental, est en mesure d’infirmer sa marginalité sociale, par le déploiement de compétences sociales et techniques qui contribuent à donner plus d’allant et de propreté au service hospitalier. Certains malades hospitalisés sont loin d’être passifs ou enfermés sur eux-mêmes. Ils participent activement au fonctionnement de l’hôpital psychiatrique (Sarra Samra Benharrats et Mohamed Mebtoul).

11 Nawal Boudechiche montre bien, à partir, de la notion de littératie, l’importance d’objectiver de façon précise l’information dans tous les domaines de la vie sociale.

L’objectif est de conduire la personne à une réflexivité pertinente sur la production des savoirs profanes.

12 In fine, cette livraison d’Insaniyat avait pour motivation première d’appréhender le quotidien de la santé, pouvant représenter une clé de lecture de la société algérienne. Il semble important d’accéder ultérieurement à un approfondissement de ces contributions en intégrant une perspective diachronique et comparative, concernant le fonctionnement des systèmes de soins au Maghreb, en référence aux multiples inégalités de santé au cœur de nos sociétés respectives.

BIBLIOGRAPHIE

Augé, M., Herzlich, C. (1984). (dir.). Le sens du mal, anthropologie, histoire, sociologie de la maladie.

Paris : Éditions des Archives contemporaines.

Cresson, G., Mebtoul, M. (2010). (dir.). Famille et santé. Rennes : Presses de L’EHESP.

Martin, C. (2007). Couple et famille au prisme des inégalités. Le retour de la question sociale. Dans Burton-Jeangros C., Widmer E., Lalive d’Epiney C., (dir.). Interactions familiales et construction de l’intimité. Hommage à Jean Kellerhals, (p. 113-124). Paris : l’Harmattan.

Mebtoul, M. (2010). La privatisation des soins : l’exemple des cliniques privées en Algérie. Dans Olive, J. L., Mebtoul, M. (dir.). Le soin, sociomorphose, (p. 17-28). Perpignan : Presses universitaires de Perpignan.

Mebtoul, M. (2010). Introduction. Dans Cresson G., Mebtoul, M. (dir.), Famille et santé (p. 11-18).

Rennes : Presses de L’EHESP.

Strauss, A. (1992). La trame de la négociation, sociologie qualitative et interactionnisme (texte présenté par Isabelle Bazsanger). Paris : l’Harmattan.

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Un parcours de recherche. Le quotidien : clé de lecture de la société algérienne

An investigative procedure. Daily practices as representation provider of Algerian society

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Mohamed Mebtoul

Introduction

1 La question du quotidien - qu’il est possible de caractériser « par la somme des insignifiances » (Lefebvre, 1968), représentée par les actes routiniers, ordinaires et banals comme allant de soi, assurée par les personnes dans leurs différents espaces sociaux et professionnels - permet de relever finement les sens attribués par les acteurs à leurs pratiques sociales. Ce qui est de l’ordre du détail, de l’évidence, de la routinisation et de l’invisible n’efface pas, loin de là, des enjeux sociaux importants mis en exergue par les acteurs sociaux qui accordent une valeur suprême à leur vie de tous les jours (Fassin, 2018). Nos recherches, menées dans le double champ de la santé et du travail depuis plus de 30 ans, sont ici mobilisées pour tenter d’indiquer que l’anthropologie du quotidien peut représenter une clé de lecture de la société algérienne.

2 Il nous a donc semblé important de privilégier une perspective anthropologique dominée par « une pensée du dans (une expérience du terrain et une langue singulière) et non une pensée sur (surplombant et dominant les interactions dans une position de mirador » (Laplantine, 2012). Notre expérience de recherche s’est, en grande partie, construite sur le sens attribué par les personnes à leurs différentes activités quotidiennes. Il faut rappeler, avec Marc Augé (2004), que « c’est à travers le sens que les acteurs assignent aux objets, aux situations, aux symboles qui les entourent, que les acteurs fabriquent leur monde social ».

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3 Les tensions ne sont pas absentes dans la production de sens émis par les agents sociaux à l’égard de leurs activités quotidiennes. La routinisation du quotidien n’est jamais lisse, mais en permanence perturbée par des conflits implicites et larvés mis en scène par les acteurs sociaux, dans l’espace professionnel ou domestique, pour justifier, contester ou remettre en question les normes dominantes. Claude Javeau indique la prégnance d’une dynamique d’affrontement marquant le quotidien des personnes. Les

« formules » émotionnelles et comportementales en question s’inscrivent dans le cadre des routines ritualisées : « puisque l’anxiété, la confiance, et les routines quotidiennes d’interaction sont si intimement liées, on peut aisément comprendre les rituels de la vie au jour le jour comme des mécanismes d’affrontement » (Javeau, 2006). Les médecins algériens, au cours de leurs actes professionnels, évoquent, souvent avec force et virulence, les tensions liées à l’objet technique absent ou en panne. Ils sont dans une logique d’affrontement symbolique avec la hiérarchie administrative qui « ne vient jamais les voir », selon leurs propos. Les pratiques langagières des patients sont marquées par l’usage fréquent de la métaphore pour dire le sens du mal (« ma tête boue »), ou la fragilité des interactions quotidiennes avec les professionnels de la santé.

« Ils nous ont tués par leur silence ». Georges Lakoff et Mark Jhonson (1985) montrent que les métaphores ne peuvent être conçues comme un phénomène purement linguistique. « Elles structurent notre système conceptuel et nos activités quotidiennes.

Il est raisonnable de penser que les mots seuls ne changent pas la réalité. Mais les changements de notre système conceptuel modifient notre réel et affectent notre perception du monde ainsi que les actions accomplies en fonction de cette perception ».

Autrement dit, les métaphores ne sont pas que des mots produits arbitrairement. Elles donnent, au contraire, une cohérence à l’expérience sociale des personnes.

4 Tenter de comprendre du dedans le sens des pratiques quotidiennes, suppose la prise en compte des petits détails qui marquent la vie quotidienne des personnes. Ils sont essentiels à objectiver, pour tenter de mettre au jour les contraintes, les incertitudes, la solitude, l’errance thérapeutique, la défiance, le silence, la colère sourde des malades chroniques anonymes, sans capital relationnel, et leurs proches parents (Mebtoul, Tennci, 2014). Tout est important dans leur confrontation au mal chronique, loin d’être un état strictement organique, est aussi un évènement social, sous l’emprise d’influences sociales multiples (Mebtoul, 2005). L’agir au quotidien des proches parents du malade, ne peut, en effet, gommer ces « petites choses » sous-estimées, assurées à la marge du fonctionnement de l’hôpital (transporter le malade, user de son capital relationnel pour tenter d’hospitaliser le malade, payer le prix fort pour se soigner dans une clinique privée, assurer le travail de nursing, préparer et apporter la nourriture au malade, opérer aux examens complémentaires dans les laboratoires privés, etc.). Ces petits détails, ou du moins considérés comme tels, par les responsables sanitaires et les professionnels de santé, imposent pourtant un travail profane de santé invisible, gratuit et socialement peu reconnu. Le quotidien des femmes face à la maladie chronique, notamment le diabète de l’enfant est indissociable des rapports sociaux de sexe. Veiller son enfant atteint du diabète, toute la nuit, bien souvent seule et sans soutien, représente un acte de soins, au sens de prendre soin de l’Autre, imbriqué dans l’activité domestique de santé (Cresson, 1995). Le quotidien est marqué par l’effacement du statut de la femme au profit de celui de la mère prise au piège d’une logique fusionnelle avec son enfant, « s’oubliant » selon son expression, pour s’identifier avec celui-ci (Mebtoul, Salemi, 2017).

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5 L’objectivation de ce que font les familles (Cresson, 2010), dans la prise en charge de leurs proches parents malades, indiquent bien, sauf à s’inscrire dans la distanciation sociale, le déploiement d’une production de santé assurée par l’institution familiale.

Elle ne se limite pas à consommer des soins. Son savoir d’expérience lui permet de mobiliser des ressources affectives, cognitives, financières et relationnelles dans le double espace domestique et professionnel (Mebtoul, 2010). L’anthropologie du quotidien peut difficilement occulter les actes de santé produits par les femmes au profit du malade et de la société. (Laver son enfant, lui donner à manger, le veiller, l’habiller, lui donner les premiers traitements, observer de façon intense ses changements d’état, assurer à l’hôpital le travail de garde-malade, etc.). Les ethnométhodologues (Coulon, 2002) ont bien montré que les personnes sont détentrices de compétences sociales pour construire de façon réflexive leurs actes quotidiens. Nos recherches insistent sur la mise en œuvre d’un savoir d’expérience mis en œuvre essentiellement par les femmes. Elles deviennent, par la force des choses, des actrices incontournables dans le processus de soins (Mebtoul, 2001). Ces éléments problématiques, construits à partir de notre parcours de recherche, doivent permettre d’indiquer la pertinence d’une anthropologie du quotidien dans la société algérienne.

Pour ce faire, notre article tente de montrer, dans un premier temps, ce qui a permis l’émergence du quotidien dans nos différents terrains de recherche sur le travail et la santé. Dans un deuxième temps, nous mettons en valeur le travail de santé invisible assuré par les proches parents du malade, dévoilant la santé au quotidien comme une production sociale.

L’émergence du quotidien

6 Le quotidien a représenté, pour nous, un impératif scientifique majeur depuis les années 1980, nous permettant d’appréhender la question du travail ouvrier dans l’industrie algérienne (Mebtoul, 1986). Nous souhaitions décrire finement le travail ouvrier assuré dans une entreprise publique de construction métallique située à 17 km d’Oran (Hassi- Ameur). Notre immersion de longue durée dans le procès de travail a permis de restituer ses éléments matériels et relationnels, par la médiation des photos, de l’observation des interactions, de l’écoute des ouvriers de métier (soudeurs, chaudronniers, assembleurs), mettant en exergue les sens attribués à leurs pratiques professionnelles respectives. Ce premier objet sur le quotidien ouvrier, est indissociable de notre trajectoire familiale et professionnelle1 qui a été profondément marquée par le monde social des ouvriers. Nos objets de recherche ne sont jamais choisis au hasard, mais toujours liés à nos histoires sociales respectives (Defreyne, Hagdad Mofrad, Mesturini, Vuillemenot, eds., 2015).

7 Plus qu’une modalité sociale rapide pour appréhender une préoccupation de recherche, l’enquête de terrain de longue durée, nous semble centrale pour tenter de comprendre, de façon rigoureuse et nuancée, le quotidien des personnes. Au-delà des techniques mises en œuvre, elle est une posture de recherche qui nous oblige à porter une attention aux relations construites avec nos interlocuteurs. Investir le quotidien des personnes, révèle que nos données sont produites socialement, nécessairement marquées par de multiples bricolages, des hésitations, des remises en question de nos postures face à l’Autre. Reconnaissons que ces vicissitudes de terrain vont imprégner les résultats de nos recherches (Mebtoul, 2015, Schwartz, 1993). La profondeur du

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travail d’enquête est une orientation majeure dans les recherches anthropologiques menées par Albin Bensa (2010). « Nous ne pouvons plus nous en tenir à l’idée que l’enquête est une collecte d’informations éparses à disposition du chercheur comme des champignons dans une forêt. Cette capture du chercheur par son terrain conditionne la forme et le contenu des produits de son enquête. Celle-ci est d’abord une histoire qui se transmue lentement en connaissance scientifique par l’alchimie du transfert et du contre-transfert ».

8 Si le quotidien a émergé dans nos premières recherches de terrain, c’est aussi parce qu’il nous semblait important de ne pas occulter l’épaisseur et la complexité des pratiques sociales ordinaires ne pouvant être réduites à des effets de structure (Mebtoul, 1989). Il était difficile de sous-estimer le poids des personnes sur la scène sociale, sans pour autant les considérer comme des électrons libres, mais au contraire comme des acteurs sociaux qui, tout en étant pris dans de multiples contraintes, jouent avec ces dernières, les contournant par la médiation de « tactiques » qui permettent d’exploiter les failles du système de travail, créant des marges de manœuvre, sans pour autant remettre en question son mode de fonctionnement (de Certeau, 1990). La métaphore centrée sur le verbe « naviguer » évoquée par les jeunes chômeurs, pour décrire leur quotidien, indique que toute opportunité est bonne à saisir pour assurer des petits boulots dans le secteur informel (vente de cigarettes, gardien de parking, etc.). Dans nos différents terrains, les personnes ne cessent, en effet, de « naviguer » entre contraintes et opportunités pour tenter d’assurer leurs différentes activités socioprofessionnelles.

9 La routinisation du quotidien n’efface pas les multiples fluctuations et variations au cœur des interactions entre les personnes. On peut observer à la fois le maintien des

« accords de surface » (Goffman, 1973), pouvant s’opérer à partir d’esquives ou d’évitement les uns à l’égard des autres, contribuant au statu quo temporaire entre les différents acteurs exerçant dans l’espace de travail, où la « sécurité ontologique » évoquée par Claude Javeau (2006), est prégnante. Mais ce qui émergeait aussi du quotidien, ce sont les tensions, les rivalités, les malentendus entre les patients, le personnel de santé et les responsables de la structure de soins. Ils sont en grande partie liés aux multiples perturbations dans l’accomplissement de l’acte de travail médical et paramédical. Les logiques d’acteurs sont en permanence déployées dans un souci constant de produire des justifications publiques (Boltanski, Thevenot, 1991) qui sont autant d’argumentations ou de critiques sociales à l’égard de leurs actes quotidiens respectifs. Loin d’être des victimes, les acteurs sociaux contribuent à la fabrication de leurs « mondes sociaux » (Strauss, 1992) qui les entourent.

10 Dans la recherche menée auprès de quatre-vingt professionnels de santé exerçant dans les services de pédiatrie, dans deux régions d’Alger et de Tizi-Ouzou (Mebtoul, 1994), nous avions mené une partie de nos entretiens et observations durant la nuit pour capter les temps vides du personnel de santé. Il s’agissait de repérer, avec nos interlocuteurs, les tensions au cœur de leurs activités quotidiennes. Notre recherche montrait la colère, les frustrations et la révolte sourde du personnel de santé, affirmant leur « impuissance » à assurer de façon sereine leurs actes de travail. Contraints au bricolage, aux incertitudes médicales, en raison de la pénurie des moyens techniques et thérapeutiques, ils n’en sont pas moins des acteurs sociaux producteurs de jugements (Dodier, 1993) sur les Autres, étant profondément impliqués dans la construction d’un ordre médical centré sur la maladie en soi, effaçant l’histoire singulière de la personne

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malade. Ils ne pouvaient qu’être en opposition sourde avec les patients faiblement acculturés au savoir médical, et les responsables de santé étiquetés comme étant

« hors-jeu » ou à côté de la norme médicale rêvée par les médecins. Ils considèrent, pour beaucoup d’entre-eux, que la société doit nécessairement se plier à la rationalité médicale. Constatant les multiples écarts avec leur « logique », il n’est pas étonnant de noter la prégnance des mots chargés de sens qui traduisent les tensions au cœur de leur quotidien. Tel praticien n’hésite pas à brandir ce tensiomètre en panne depuis des mois, au cours de la consultation, rappelant qu’il n’a pas été réparé, malgré les multiples rapports sur la nécessité de renouveler l’objet technique. Ils évoquent

« l’absence de l’administration », ses « incompétences » face à l’urgence médicale.

« Indifférence » , « incompétence »2, « ignorance » et « absence » autant de mots importants fréquemment utilisés par les médecins, qui donnent du sens à la réalité sanitaire marquée par le flou organisationnel et les fortes crispations dans les interactions entre les différents acteurs de la santé, contribuant à produire une identité professionnelle fragile, abimée, pour certains d’entre eux, orphelins de la « belle » médecine intériorisée durant leur cursus de formation (Mebtoul, 2005). Face aux patients anonymes, sans capital culturel et social, les ruptures avec l’éthos médical représentent, pour beaucoup de médecins, une « frontière symbolique » infranchissable. Les propos à l’égard de ces malades sont parfois tranchants : « il faudrait avoir un langage spécial pour ces patients » ; ou encore : « nous avons en face de nous des patients indisciplinés qui ne nous écoutent pas » ; « j’ai beau leur expliquer, mais ils ne suivent pas mes conseils ». Á l’inverse, les interactions peuvent être plus proches, étant de l’ordre de l’empathie, où des discussions informelles ne sont pas rares entre les protagonistes, quand le système de référence des patients de conditions sociales et culturelles élevées, est en concordance avec celui des médecins. Par exemple, la détention du capital relationnel, l’usage de la langue française ou l’habit de la personne peuvent favoriser la production de cette relation de proximité dans l’espace de consultation. Au cours de notre enquête dans un dispensaire situé dans un quartier d’Oran, nous notons les observations suivantes : « Le rapport devient plus chaleureux quand la patiente se conforme aux attentes culturelles du médecin. Par exemple, cette femme vêtue d’un tailleur, parlant aisément en français, recevra toutes les réponses souhaitées par le médecin qui retrouvera, cette fois-ci, la parole aimable » (Mebtoul, 1994).

11 L’émergence du quotidien dans nos recherches met en scène les logiques de rupture entre le personnel de santé et les patients anonymes. Ce sont deux mondes sociaux qui se côtoient sans se connaitre. Du côté des médecins, il s’agit notamment de mettre en valeur ce qui donne sens à leurs activités quotidiennes et à leur pouvoir : la blouse blanche, le stéthoscope autour du cou, l’ordonnance compréhensible uniquement pour le médecin qui la rédige, l’usage d’un langage ésotérique, une focalisation sur les objets techniques sacralisés qui opèrent un marquage important dans l’exercice au quotidien du travail médical3. Ce sont autant de signes distinctifs de la profession médicale qui accentuent les malentendus et les ruptures avec les patients de conditions modestes qui attendent, à contrario, une écoute attentive de leurs préoccupations de santé intimement liées à leur vie quotidienne (Mebtoul, 2005, 2015).

12 Du côté des patients, nous ne pouvions imaginer, au départ, que l’observation de longue durée des salles d’attente, « l’arrière-cour » selon Goffman (1973), pouvait représenter un terrain significatif pour appréhender le quotidien des personnes. Nous avons tenté de capter, dans le détail, ce bouillonnement social, les tensions au cœur de la salle

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d’attente, à la marge de la salle de consultation qui est celle du médecin. Nous n’étions plus uniquement en présence de patients disciplinés, mais au contraire, des personnes qui montraient leur impatience, leurs révoltes sourdes, refusant de cautionner une

« gratuité » des soins qui leur semblait productrice d’inégalités liées à l’activation

« normalisée » du capital relationnel par les patients privilégiés (Mebtoul, 2005). La salle d’attente donne aussi l’opportunité aux patients d’échanger des informations sur tel ou tel médecin, de construire la réputation d’autres praticiens, en référence à leurs compétences relationnelles et cliniques (« il touche le malade, il l’examine bien » ou encore : « le médecin prend en considération ce que je dis. Il m’écoute »). Les patients acteurs n’hésitent pas aussi à donner du sens, sous forme de sentence, aux différents médicaments identifiés à des actants (Callon et Latour, 1991) au sens où ils agissent positivement ou négativement sur le corps du malade. « Ces médicaments ne m’ont rien fait », ou à l’inverse, « ce médicament m’a fait du bien ». Dans ces échanges intenses entre les patients, la parole se libère. Les critiques sociales des patients sont focalisées sur l’absence de dignité sanitaire dans les espaces étatiques de santé. Elle sous-entend le peu de reconnaissance publique de la personne. « Il est mieux que nous, celui-là ? Mais, c’est normal ; c’est le pays du piston. On n’a pas de dignité ». Ils regrettent, enfin, qu’ils soient très peu écoutés dans le jeu relationnel construit de façon dominante par les professionnels de la santé, même s’il faut, pour cela, user d’un ton paternaliste, pour signifier à la patiente que la discussion est terminée. « Ma mère, je ne peux pas vous faire une injection. Il faut apporter une ordonnance ».

13 À contrario des hôpitaux dominés par des espaces d’incertitude, permettant l’émergence de micro-pouvoirs appropriés par un personnel de santé sans » grade » (infirmiers, techniciens radiologues, agents de l’accueil, sages-femmes), pour compenser leur dépendance à l’égard des médecins, mais aussi leur faible reconnaissance sociale, le quotidien des cliniques privées est dominé par la mise en œuvre d’un ordre disciplinaire imposé par le responsable de l’espace privé, n’admettant aucune concession ou dérogation aux règles fixées concernant le travail et la discipline (Mebtoul, 2004, 2010). L’enquête menée dans quatre cliniques privées à Oran, pendant plus de deux ans, permet de relever à la fois, l’ordre, la propreté de ses multiples espaces (salle d’attente, bloc opératoire, salle de consultation, chambre individuelle des malades), et une mise en scène de l’accueil assurée par une réceptionniste qui s’impose un sourire forcé pour conseiller et orienter les patients. Le décor, pour reprendre le terme de Goffman (1973), n’était pas sans incidences sur les comportements des patients, devenus clients dans cet espace privé. Ici, l’attente des patients est vécue de façon moins crispée et plus sereine que dans le secteur étatique des soins. Le silence des patients dans la salle d’attente opère ici comme un marquage important lié au mode d’organisation de la clinique privée.

14 Il s’agit d’assigner à chaque agent de l’espace privé « sa place », ne pouvant être contestée ou remise en question. Elle est imposée par une élite médicale qui accède, contrairement à l’hôpital, au déploiement rapide des moyens techniques et thérapeutiques, donnant ici plus de poids à l’autonomie de la profession médicale (Freidson, 1984). Les professionnels de santé (infirmiers, sages-femmes), recrutés de façon temporaire, dont certains d’entre eux exercent la nuit à l’hôpital, et le jour au sein de la clinique, sont constamment en alerte dans un espace de soins qui fonctionne comme une machine à soigner. Le fonctionnement au quotidien est dominé par le mouvement incessant du chariot transportant le patient vers le bloc opératoire, du dernier équipement technique qu’il faut rapidement tester, des patients-clients

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exigeant que les draps soient rapidement changés, les repas distribués impérativement aux malades à des heures précises. L’erreur4 est ici inexcusable dans un ordre sanitaire qui s’oblige, pour des raisons d’efficacité immédiate, à une prise en charge rapide du malade, privilégiant les actes chirurgicaux les plus rentables (accouchements, appendicite, vésicule biliaire, etc.), une disponibilité et un entretien immédiat de l’objet technique, une gestion autoritaire du personnel de santé qui a peur de mal faire, où chacun semble surveiller « l’autre » dans un espace sanitaire qui impose unilatéralement ses règles de fonctionnement. Le mot récurrent des patients, pour identifier le secteur privé des soins, fait référence à la figure du « médecin de l’argent », au sens où l’accès à ces structures est indissociable du capital économique. Certains clients sont contraints de recourir à la clinique privée par absence de capital relationnel à l’hôpital, ne pouvant attendre deux ou trois mois pour subir l’opération.

L’autre scénario évoqué par d’autres patients s’inscrit dans le respect des conseils

« avisés » du médecin de l’hôpital ou celui des cabinets privés, les conduisant, pas toujours de leur propre gré, à recourir à la clinique privée. Celle-ci capte au quotidien une clientèle en majorité de conditions sociales moyennes ou modestes, prête à tout sacrifier pour se soigner dans un cadre socio-technique qui autorise une prise en charge immédiate des patients. Ceux-ci n’hésitent pas à vendre leurs bijoux ou s’appuyer sur la solidarité informelle des proches parents, pour s’acquitter du prix de l’acte chirurgical variable, aléatoire selon chaque clinique privée, conduite à des tractations pour aboutir souvent à des « compromis », terme évoqué explicitement par les responsables de ces espaces privés de soins5.

15 Redonner du sens au quotidien, comme une clé de compréhension des pratiques sociales dans la société algérienne, nous conduit à montrer que les actes de santé ne sont jamais assurés de façon passive par les acteurs sociaux, mettant en jeu ce que de Certeau (1990) nomme une « ratio populaire » signifiant « une manière de penser investie d’une manière d’agir, un art combinatoire indissociable d’un art d’utiliser ».

« Le jeu de langage » ordinaire, évoqué par le philosophe allemand Wittgenstein (1961), s’appuie sur les métaphores pour dire le sens du mal qui est celui des patients. Cette manière de dire des malades est indissociable d’une production sociale qui représente autant d’actes de santé assurés dans l’invisibilité par les proches parents des malades chroniques qui déploient au quotidien des compétences sociales et sanitaires incontournables dans le processus de soins.

La santé au quotidien : une production sociale

16 Il nous semblait important de décrypter les dynamiques socio sanitaires produites par le bas, autrement dit, tenter de montrer que le quotidien des malades est rarement de l’ordre de la docilité à l’égard du personnel de santé. Ils n’en pensent pas moins. Les patients inventent leurs propres mots pour dire leurs maux. Cette inventivité, dans la manière de dire le mal, indique que le patient produit du sens qui est ici un sens social, décrivant non seulement son corps souffrant mais aussi les aléas de la vie quotidienne.

Le sens du mal est indissociable des pratiques et des représentations sociales à l’œuvre dans la société. La production langagière des patients s’opère à partir de métaphores, qui au-delà des mots, structurent fortement leurs perceptions de la vie sociale. Dans la nomination de leur mal, les patients insistent sur des phénomènes de chaleur, de gonflement, de bouillonnement, de contact « électrique », venant perturber leurs corps

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