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Le discours d’incitation à la haine raciale au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

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Master

Reference

Le discours d'incitation à la haine raciale au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

OSTA, Youmna

Abstract

La première partie de ce travail permettra de définir la notion d'incitation à la haine raciale et démontrera la complexité d'une telle définition, notamment de par le flou qui subsiste autour des termes employés. La deuxième partie traitera des deux méthodes apportées par la Cour européenne des droits de l'homme pour interdire ce type de discours haineux. Il s'agira d'examiner, en premier lieu, la méthode consistant à priver un discours de la protection de la liberté d'expression grâce à l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme puis, en deuxième lieu, la méthode, plus classique, du test de conventionnalité du par. 2 de l'article 10 de ladite Convention. La troisième partie sera consacrée à l'impact culturel indéniable à l'origine de nombreuses opinions dissidentes au sein de la Cour et d'une conception américaine opposée.

OSTA, Youmna. Le discours d'incitation à la haine raciale au regard de la

jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Master : Univ. Genève, 2013

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30532

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE

Le discours d’incitation à la haine raciale au regard de la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l’homme

A l’attention du Professeur Michel Hottelier

Youmna OSTA

Mémoire hors séminaire dans le cadre du cours des droits de l’homme Semestre de printemps 2013

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1

S OMMAIRE

Introduction ... 2

1 L’incitation à la haine raciale : une notion éminemment complexe ... 4

1.1 L’incitation à la haine : contours d’un discours vaguement défini ... 4

1.2 Le terme « racial » : nécessité d’une interprétation extensive ... 7

1.3 Le négationnisme : une catégorie particulière d’incitation à la haine raciale ... 8

2 L’interdiction du discours haineux : deux méthodes apportées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ... 10

2.1 L’article 17 CEDH : L’abus de droit en raison du contenu du discours ... 10

2.1.1 La destruction des droits ou libertés garantis par la Convention ... 10

2.1.2 L’application généralisée au discours révisionniste ... 11

2.1.3 L’application restrictive aux autres formes d’incitation haineuse ... 13

2.2 L’article 10 par. 2 CEDH : restrictions à la liberté d’expression et test de proportionnalité ... 14

2.2.1 Le paradoxe de l’utilisation double du concept de « société démocratique » comme renforcement du droit à la liberté d’expression et comme légitimation de ses ingérences .. 15

2.2.2 L’interprétation compatible de l’article 4 let. a CIEDR au regard de l’article 10 par. 1 CEDH ?...16

2.2.3 L’examen conventionnel de l’ingérence et la condition décisive de la proportionnalité ... 17

2.2.4 Critères entrant en ligne de compte dans l’examen de la Cour : importance du contexte… ... 19

2.2.5 Auteurs particuliers ... 22

2.3 Synthèse : disparité du système et perte de la fonction originelle de l’article 17 CEDH…… ... 28

3 L’enjeu de l’interdiction du discours de haine raciale en tant que limite à la liberté d’expression : un débat culturel ... 31

3.1 Division au sein même de la Cour européenne des droits de l’homme ... 31

3.2 Conception strasbourgeoise à l’antipode de la conception américaine ... 33

Conclusion ... 36

Bibliographie ... 40

Liste des abréviations ... 48

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2

I NTRODUCTION

La haine de l’autre est un phénomène qui se prolonge en Europe et qui peut prendre différentes formes, que ce soit le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme ou encore l’islamophobie. Les risques qu’un discours haineux peut engendrer sont nombreux, notamment pour le maintien de la paix sociale, la stabilité politique ou plus concrètement la menace réelle d’un passage de la parole à l’acte. En propageant la haine, les auteurs de ces discours ridiculisent, humilient ou dégradent les personnes visées jusqu’à remettre en question, pour certains, leur qualité d’être humain. De ce fait, la gravité des crimes haineux peut ensuite être sous-estimée par une partie de la population qui adhérerait à la propagande haineuse.1 En effet, bien trop souvent utilisée de par le passé, l’incitation à la haine raciale est le vecteur commun de nombreuses atrocités. Loin d’être anodine il s’agit d’une arme dangereuse favorisant le développement d’une haine de masse.2 L’histoire nous montre le caractère intemporel et non territorial de tels propos, il suffit pour cela de rappeler les paroles du Ku Klux Klan aux Etats-Unis, les propagandes d’officiels Nazis, ou encore les discours radiophoniques ayant permis l’appui et l’expansion plus rapide de certaines politiques génocidaires en Ex-Yougoslavie ou au Rwanda.3 N’étant malheureusement pas des cas isolés du passé, les discours haineux perdurent actuellement avec la même virulence et surtout les mêmes dangers. Plus vicieux peut-être qu’autrefois, ceux-ci se dissimulent souvent sous des déclarations qui peuvent apparaître de prime abord tout à fait innocentes voire normales.

La Convention européenne des droits de l’homme4 (CEDH) a pour projet d’établir un cadre institutionnel fondé sur des valeurs démocratiques afin de vaincre toute forme d’extrémisme.5 L’incitation à la haine raciale est une forme particulière de ce que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) a nommé « le discours de haine ». D’origine jurisprudentielle, le discours de haine parvient à la Cour par le chemin contentieux qui consiste en l’invocation de la liberté d’expression par un individu pour se défendre d’une ingérence à cette liberté faite au niveau national. Le discours d’incitation à la haine fait entrer en conflit la liberté d’expression avec les valeurs d’égalité et dignité ainsi que le respect des droits d’autrui. Partant de ce constat, les juges strasbourgeois ont dû s’efforcer d’apporter un juste équilibre à des principes indissociables de toute démocratie et c’est par un développement jurisprudentiel accru qu’ils parviennent à son interdiction grâce à l’utilisation de deux procédés différents, d’une part l’article 17 et d’autre part le paragraphe 2 de l’article 10 CEDH. Cependant, nous verrons que malgré une condamnation du discours de haine, mentionnée dans différents textes internationaux et appuyée par la Cour, les résultats concrets

1 MAHONEY Kathleen E., Hate Speech: Affirmation or Contradiction of Freedom of Expression, University of Illinois Law Review, vol. 1996, 1996, p. 792.

2 ZOLLER Elisabeth, La liberté d’expression aux Etats-Unis et en Europe, Dalloz, Paris, 2008, p. 67.

3 BERTONI Eduardo, Hate Speech under the American Convention on Human Rights, International Law Student Association Journal of International & Comparative Law, vol. 12, 2006, p. 569; SCHABAS William A., Hate Speech in Rwanda : The Road to Genocide, McGill Law Journal, vol. 46, 2000, pp. 141, 144.

4 Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, RS 0.101.

5 UNITE DE LA PRESSE DE LA COUR EUROPENNE DES DROITS DE L’HOMME, Le discours de haine, Fiche thématique, 14 mars 2013, disponible sur le site : http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/C4BF881D-5435- 49A8-A6C9-CE132170C31A/0/CP_Hate_speech_FRA.pdf, dernière consultation le 08.05.2013.

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3

dans les différentes affaires ne sont pas aussi limpides. En réalité, seulement une petite partie du discours d’incitation à la haine est directement condamnée par la Cour grâce à l’application de l’article 17 CEDH, il s’agit des propos négationnistes qui sont une forme d’incitation à la haine. Pour le reste, les juges strasbourgeois restent tributaires du contexte des différentes affaires auquel ils accordent une importance primordiale lors de l’examen conventionnel de l’article 10 par. 2 CEDH. Ces deux méthodes fournissent les outils nécessaires à la Cour pour interdire les discours d’incitation à la haine raciale. Cependant, il existe différentes conceptions de discours haineux, notamment la vision américaine abordant la problématique différemment et privilégiant davantage la liberté d’expression.

La première partie de ce travail permettra de définir la notion d’incitation à la haine et démontrera la complexité d’une telle définition, notamment de par le flou qui subsiste autour des termes employés (1). La deuxième partie traitera des deux méthodes apportées par la Cour pour interdire ce type de discours haineux. Il s’agira d’examiner, en premier lieu, la méthode consistant à priver un discours de la protection de la liberté d’expression grâce à l’article 17 de la Convention (2.1) puis, en deuxième lieu, la méthode, plus classique, du test de conventionnalité du par. 2 de l’article 10 de la Convention (2.2). La troisième partie sera consacrée à l’impact culturel indéniable à l’origine de nombreuses opinions dissidentes au sein de la Cour (3.1) et d’une conception américaine opposée (3.2).

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4

1 L’ INCITATION À LA HAINE RACIALE : UNE NOTION ÉMINEMMENT COMPLEXE

L’incitation à la haine raciale est une notion complexe pour deux raisons principales. La première tient au fait que la définition de l’incitation à la haine est floue. En effet, pratiquement tous les Etats membres ont une législation contre l’incitation à la haine6 mais il n’existe aucune définition universellement admise de ce type de discours. De plus, La Cour y intègre le négationnisme en tant que catégorie particulière d’incitation à la haine. La deuxième concerne le terme « racial » qui renvoie au terme plus général de racisme qui est une notion large et imprécise.

1.1 L’

INCITATION À LA HAINE

:

CONTOURS D

UN DISCOURS VAGUEMENT DÉFINI

A l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de définition universellement reconnue de l’incitation à la haine. Certes, plusieurs textes internationaux la mentionne et la condamne, mais aucun ne la définit clairement. Là se trouve la première difficulté.

L’interdiction de l’incitation à la haine est évoquée dans plusieurs textes internationaux. Le premier est la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) qui mentionne à son article 4 let. a : « Ils [les Etats]

s’engagent notamment à déclarer délits punissables par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence ».7 Ce texte interdit la propagande de la haine raciale. Le deuxième texte pertinent est le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II) qui mentionne à son article 20 al. 2 que « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi ».8 Par la suite, le Comité des Ministres a adopté une Recommandation n° R (97) 20 sur

« le discours de haine » (Recommandation (97) 20) qui condamne cette forme d’expression et entend donner aux Etats des critères communs pour le définir dans leur législation interne.9 Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à « l’incrimination d’actes de nature raciste ou xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques », demande également aux Etats signataires d’adopter des mesures législatives visant à ériger en infraction pénale, toute diffusion de matériel raciste et xénophobe encourageant à la haine et de matériel négationniste.10 Par la suite, la Commission européenne contre le racisme et

6 HAMMARBERG Thomas, Droits de l’homme : la complaisance n’a pas sa place, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2011, p. 328.

7 Assemblée générale des Nations-Unies, Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, entrée en vigueur le 4 janvier 1969, RS 0.104.

8 Assemblée générale des Nations-Unies, Pacte relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur le 23 mars 1976, RS 0.103.2.

9 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation n° R (97) 20 sur le « discours de haine », adoptée le 30 octobre 1997, principe 1.

10L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité relatif à « l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques », adopté le 23 novembre 2001, articles 3 et 6.

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5

l’intolérance (ECRI) a adopté en 2002 une Recommandation de politique générale n° 7 sur

« la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale » (Recommandation de politique générale n° 7). Celle-ci mentionne en son point 18 a)

« l’incitation publique à la violence, à la haine ou à la discrimination » et e) « la négation […] ».11 L’ECRI recommande aux Etats membres d’adopter une législation pour lutter contre ces formes de discours.

Parmi ces quelques textes internationaux, seule la Recommandation (97) 20 définit ce qu’elle entend par le discours de haine en y intégrant l’incitation à la haine12, les autres se contentant de prôner son interdiction. En effet, la rubrique « champ d’application » de cette Recommandation définit le discours de haine comme « toutes formes d'expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l'antisémitisme ou d'autres formes de haine fondées sur l'intolérance, y compris l'intolérance qui s'exprime sous forme de nationalisme agressif et d'ethnocentrisme, de discrimination et d'hostilité à l'encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l'immigration ».13 Cependant, cette dernière ne définit pas l’incitation à la haine mais se contente de la rattacher à la notion plus générale de discours de haine. Ce manque de définition laisse la Cour libre de définir le concept d’incitation à la haine. Celle-ci se réfère dans quelques affaires à la Recommandation (97) 20 notamment dans l’arrêt Gündüz c.

Turquie14 et dans l’arrêt Balsyté-Lideikiené c. Lituanie15. La Cour procède donc au cas par cas, en créant une définition au fur et à mesure des requêtes qui lui parviennent. Il lui arrive de confirmer la définition donnée par la juridiction nationale, notamment dans l’arrêt Féret c.

Belgique16 mais aussi d’aller à son encontre, comme par exemple dans l’arrêt Gündüz c.

Turquie17. En cela, la définition que donne la Cour de la notion d’incitation à la haine est autonome, ce qui lui permet de ne pas être contrainte dans son raisonnement.18

Si l’on se penche à présent sur les différentes décisions rendues par la Cour en relation avec l’incitation à la haine, il est possible d’essayer d’en dégager les contours jurisprudentiels. En effet, deux affaires permettent de définir un peu plus clairement ce que la Cour entend par les termes d’incitation à la haine. Dans la première, la Cour déclare que la stigmatisation de la partie adverse est considérée comme une incitation, au motif que « la teneur de l’expression était considérée comme susceptible de favoriser la violence dans la région, en insufflant une haine profonde et irrationnelle envers ceux qui étaient présentés comme responsables des

11 La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, Recommandation de politique générale n° 7 sur

« la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale », adoptée le 13 décembre 2002.

12 WEBER Anne, Manuel sur le discours de haine, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2009, p. 3.

13 Recommandation n° (97) 20, champ d’application.

14 Arrêt CourEDH dans la cause Gündünz c. Turquie du 4 décembre 2003, requête n° 35071/97, par. 22.

15 Arrêt CourEDH dans la cause Balsyté-Lideikiené c. Lituanie du 4 novembre 2008, requête n° 72596/01, par.

81.

16 Arrêt CourEDH dans la cause Féret c. Belgique du 16 juillet 2009, requête n° 15615/07, par. 78.

17 Arrêt Gündüz, par. 40.

18 OEITHEIMER Marion, Protecting Freedom of Expression: the Challenge of Hate Speech in the European Court of Human Rights Case Law, Cardozo Journal International and Comparative law, vol. 17, 2009, pp. 428- 429.

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6

atrocités alléguées ».19 Elle affirme également que le terme « incitation » signifie « attiser la haine ».20 La seconde affaire précise que l’incitation à la haine ne requiert pas nécessairement l’appel à un acte de violence ni à un acte délictueux. En effet, il n’est pas nécessaire d’inciter à un acte concret, car inciter à un sentiment, une émotion ou une attitude suffit pour que les propos soient qualifiés d’incitation à la haine.21 La Cour rajoute également que « les atteintes aux personnes commises en injuriant, en ridiculisant ou en diffamant certaines parties de la population suffisent pour que les autorités privilégient la lutte contre le discours raciste face à une liberté d’expression irresponsable ».22 En effet, selon la Cour « un tel discours est inévitablement de nature à susciter parmi le public et particulièrement parmi le public le moins averti, des sentiments de mépris, de rejet, voire pour certains, de haine à l’égard des étrangers ».23 Cependant, il importe peu que l’auteur ait réussi concrètement, par ses propos, à inciter à la haine un public. En effet, l’infraction réside dans l’intention d’inciter de l’auteur et non dans le résultat d’une telle incitation.24

Voici les quelques éléments de définition qui découlent de la jurisprudence strasbourgeoise relative à la notion d’incitation à la haine. Il est évident que ceux-ci restent particulièrement vagues. C’est la raison pour laquelle de nombreuses voix s’élèvent au sein même de la Cour pour demander davantage de clarté et de précisions sur une notion juridique qui devrait être interprétée plus restrictivement selon eux.25 En effet, plusieurs juges objectent que l’impact potentiel d’un discours sur les droits d’autrui ne suffit pas pour restreindre la liberté d’expression.26 Selon eux, il doit exister une action illégale découlant directement du discours ou qui en serait favorisée. En l’absence d’une telle action, commise ou susceptible de l’être, la prévention, par la condamnation du discours, n’aurait pas de raison d’intervenir. En effet, « la simple intolérance, le sentiment sans action ou du moins sans tendance manifeste à l’action, ne saurait constituer un délit ».27

Cependant, il est possible que la Cour ait pris le parti de laisser subsister un certain flou face à ce type de discours, en ne définissant pas trop restrictivement l’incitation à la haine d’une manière qui risquerait de la contraindre dans ses appréciations futures, et préfère s’octroyer une certaine marge de manœuvre, afin d’adopter une attitude davantage pragmatique lui permettant de décider librement si un discours doit être qualifié d’incitatif ou non à la haine.

19 Arrêt CourEDH dans la cause Sürek c. Turquie du 8 juillet 1999, requête n° 26682/95, par. 61.

20 Ibid., par. 62.

21SUMNER Leonard Wayne, Criminalizing Expression: Hate Speech and Obscenity, in: DEIGH John DOLINKO David, The Oxford Handbook of Philosophy of Criminal Law, Oxford University Press, Oxford, 2001, p. 27.

22 Arrêt Féret, par. 73.

23 Ibid., par. 69.

24 SUMNER, 2001, p. 27.

25 Arrêt Féret, Opinion dissidente du juge SAJO à laquelle déclarent se rallier les juges ZAGREBEL SKY et TSOTSORIA.

26 Ibid.

27 Ibid.

(9)

7

1.2 L

E TERME

«

RACIAL

» :

NÉCESSITÉ D

UNE INTERPRÉTATION EXTENSIVE

La « race » est une notion problématique, ne serait-ce que par sa charge affective. De plus, son caractère flou et incertain appelle à quelques commentaires.

Le terme «race» se retrouve mentionné dans plusieurs conventions, notamment la CIEDR qui indique que la discrimination raciale comprend la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique. L’article 1 se réfère ainsi à des critères biologiques, mais aussi sociaux, culturels et des éléments historiques.28

L’ECRI a édicté une Recommandation de politique générale n° 7 dans laquelle elle mentionne également la notion de « race ». Cependant, cette dernière considère, à juste titre que, biologiquement, les races n’existent pas et que les êtres humains appartiennent à la même espèce. La raison pour laquelle elle utilise le terme de race dans la recommandation est de nature purement protectrice et ce « afin d’éviter de laisser sans protection juridique les personnes généralement erronément perçues comme appartenant à une « autre race » ».29 La discrimination raciale vise donc selon l’ECRI, « la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique ».30 Il est possible de transposer le raisonnement de l’ECRI, fait, en espèce, pour les notions de racisme et de discrimination raciale, à la notion d’incitation à la haine raciale. De plus, la Cour se réfère à la définition que fait l’ECRI du racisme de manière directe, en mentionnant formellement la Recommandation de politique générale n° 731 et de manière indirecte en mentionnant les rapports de L’ECRI sur le racisme32.

En conséquence, une interprétation extensive du terme « racial » semble avoir été adoptée par la Cour en se référant aux travaux de l’ECRI. Celle-ci permet de ne pas avoir à entrer dans les controverses et définitions quelque peu dépassées de la notion de « race ». De plus, il est important de rappeler que l’appartenance raciale est subjective car elle dépend en grande partie de la représentation que s’en fait autrui.33 Selon la conception retenue, le racisme, qui est une forme de phobie d’autrui, est d’application étendue et concerne finalement tout comportement de crainte à l’égard de la différence, qu’elle soit ethnique, culturelle ou religieuse.34

28 COLIVER Sandra/ BOYLE Kevin/ D’SOUZA Frances, Striking a Balance: Hate Speech, Freedom of Expression and Non-Discrimination, International Centre against Censorship, Essex, 1992, chapitre 3.

29 Recommandation de politique générale n° 7, note de bas de page 1.

30 Ibid., point 1.

31 Arrêt Günduz, par. 23-24.

32 Arrêt Féret, par. 45-46.

33 PUECHAVY Michel, La liberté d’expression et la lutte contre le racisme et le négationnisme, Annuaire international des droits de l’homme, vol. 4, 2009, p. 185.

34 ADAM Michel, Racisme et catégories du genre humain, L’Homme, vol. 24, 1984, p. 78, disponible sur : http ://www.jstor.org/stable/25132047, dernière consultation le 14. 05. 2013.

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1.3 L

E NÉGATIONNISME

:

UNE CATÉGORIE PARTICULIÈRE D

INCITATION À LA HAINE

RACIALE

Le négationnisme est « un procédé qui consiste au nom de la liberté d’expression et de la recherche historique, à nier dans sa matérialité et dans son ampleur, le génocide des Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale ».35 Cependant, il n’est ni de nature scientifique ni de nature historique ni même de nature philosophique.36 En effet, le discours négationniste est

« une forme d’expression qui conduit assurément, même si c’est de façon oblique, à la discrimination raciale bafouant la dignité humaine et par là même le pacte social sur lequel repose toute idée de démocratie ».37

Selon la Cour, le négationnisme est une catégorie particulière d’incitation à la haine raciale.

En effet, celle-ci considère que « la contestation de crimes contre l'humanité [en espèce, l’Holocauste] apparaît comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard ».38

Traditionnellement, la Cour n’a pas pour mission d’intervenir sur des questions historiques destinées à être remises en cause par la recherche pour faire avancer la quête de vérité.39 Cependant, le négationnisme ne concerne qu’une catégorie spécifique d’événements considérés comme « des faits historiques notoires » dont la remise en cause serait incompatible avec les valeurs que défend la Convention, notamment la lutte contre l’antisémitisme et le racisme ou plus généralement la justice et la paix.40 Il s’agit de l’Holocauste, de la persécution des Juifs par le régime national socialiste allemand, du procès de Nuremberg et des crimes contre l’humanité commis durant la Seconde Guerre mondiale.41 Toutefois, le champ d’application des propos entrant dans la sphère du négationnisme reste mouvant et en constante évolution. Deux exemples sont à l’origine de cette constatation : le premier tient au fait que la notion historique d’ « Holocauste » reste floue d’un point de vue

35 VALDES-BOULOUQUE Martine, Les limites de la liberté dans une société démocratique : limites de la liberté d’opinion et d’expression (délits de presse, négationnisme), Limites de la liberté politique (interdiction de partis, d’associations, interdictions professionnelles…), in : Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (France)/ Sous-commission des Droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Ce racisme qui menace l’Europe, Acte de colloque sur la lutte contre le racisme et la xénophobie en Europe du 7-8-9 novembre 1994 à Strasbourg, La documentation française, Paris, 1996.

36 GUEDJ Alexis, Liberté et responsabilité du journaliste dans l’ordre juridique européen et international, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 304 ; WACHSMANN Patrick, Liberté d’expression et négationnisme, Le droit face à la montée du racisme et de la xénophobie, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° spécial 46, 2001, p.

589.

37 GUEDJ, 2003, p. 305.

38 Arrêt CourEDH dans la cause Garaudy c. France du 24 juin 2003, requête n° 65831/01, p. 29.

39 Arrêt Giniewski c. France du 31 janvier 2006, requête n° 64016/00, par. 51 ; Arrêt Garaudy, p. 29 ; Arrêt CourEDH dans la cause Lehideux et Isorni c. France du 23 septembre 1998, 55/1997/839/1045, par. 47. Voir également CHARRIERE-BOURNAZEL Christian, La liberté d’expression et ses limites, Annuaire internationale des droits de l’homme, vol. 2, Bruylant, Bruxelles, 2007, p. 251.

40 PUECHAVY, 2009, p. 186 ; Arrêt CourEDH dans la cause Marais c. France du 24 juin 1996, requête n°

31159/96, p. 7.

41 Arrêt Garaudy, p. 28; Arrêt Lehideux et Isorni, par. 47.

(11)

9

juridique.42 En effet, a été condamnée en tant que propos négationniste, une expression qui ne niait pas l’Holocauste en tant que tel mais contestait l’ordre donné par Hitler d’exterminer les Juifs.43 Cela démontre la complexité inhérente de l’application d’un point de vue juridique de concept historique, qui se traduit par une délimitation difficile à établir de l’Holocauste. Le deuxième exemple démontre l’extension de la notion de négationnisme à des propos visant à faire l’apologie des crimes de guerre tels que la torture ou les exécutions sommaires44.45 Comme le mentionne Puéchavy, « le négationnisme tend de plus en plus à s’appliquer à tout génocide ou crime contre l’humanité ».46

En conséquence, la catégorie particulière relative aux propos négationnistes n’échappe pas au flou qui entoure la notion générale d’incitation à la haine.

Partant du constat qu’il n’existe aucun texte international définissant clairement la notion d’incitation à la haine raciale, nous avons tenté d’en définir les aspects au moyen de la jurisprudence de la Cour. Celle-ci, bien que donnant quelques critères de définition, reste particulièrement vague, ce qui n’enlève rien à la complexité et la fragilité d’une telle notion.

Ce flou concernant la définition de l’incitation à la haine raciale peut entrer en conflit direct avec la sécurité juridique et la légalité qui sont deux principes cardinaux du droit. Néanmoins, il a l’avantage de laisser la Cour libre d’étendre cette définition par sa jurisprudence et donc de permettre une meilleure adaptation aux évolutions de la société. En effet, la CEDH est un instrument vivant et en définissant jurisprudentiellement l’incitation à la haine de manière trop stricte, la Cour prendrait le risque de figer cette notion et de la rendre quasi inopérante aux situations dans lesquelles elle mériterait interprétation. Cette méthode lui permet aussi d’étendre sa protection aux victimes de propos qu’elle juge d’incitation haineuse en fonction des circonstances. Cependant, au vu des nombreuses voix dissidentes qui s’élèvent auprès de la Cour pour demander une interprétation plus restrictive de cette notion, il est possible de supposer que la Cour sera amenée à affiner sa définition dans les années à venir.

42 LOBBA Paola, Criminaliser le négationnisme au-delà de l’Holocauste, Liberté pour histoire, 2013, disponible sur le site : http ://www.lph-asso.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=184%3Acriminaliser-le- negationnisme-au-dela-de-lholocauste&catid=53%3Aactualites&Itemid=170&lang=fr., dernière consultation le 8. 10. 2013.

43 Arrêt CourEDH dans la cause Witzsch c. Allemagne du 13 décembre 2005, requête n° 7485/03, p. 8.

44 Arrêt CourEDH dans la cause Janowiec et autres c. Russie du 16 avril 2012, requêtes n° 55508/07 et 29520/09, par. 165 ; Arrêt CourEDH dans la cause Orban et autres c. France du 15 janvier 2009, requête n°

20985/05, par. 35.

45 LOBBA, 2013.

46 PUECHAVY, 2009, p.185.

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10

2 L’ INTERDICTION DU DISCOURS HAINEUX : DEUX MÉTHODES APPORTÉES PAR LA JURISPRUDENCE DE LA C OUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L ’ HOMME

Comme mentionné précédemment, tout discours de haine est proscrit au niveau européen.47 Cela ressort de l’article 20 Pacte II, de l’article 4 let. a CIEDR et de la Recommandation (97) 20 sur le discours de haine. La Cour procède à l’exclusion du discours d’incitation à la haine en utilisant deux voies juridiques différentes. La première voie consiste à priver ledit discours de la protection conférée par l’article 10 par. 1 CEDH relatif à la liberté d’expression, en appliquant l’article 17 CEDH qui interdit l’abus de droit. Cette solution est radicale en ce sens qu’elle exclut le discours d’incitation à la haine raciale de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH en considérant qu’il est destructeur des valeurs fondamentales de la Convention. C’est la raison pour laquelle il s’agit d’une lex specialis appliquée restrictivement par la Cour au discours clairement raciste et, en pratique, réservée principalement au discours de haine comportant des propos négationnistes.48 En effet, lorsque la Cour a des doutes sur le lien entre le discours et la haine, estimant qu’il peut s’intégrer dans un débat démocratique, elle privilégiera la deuxième voie, plus conventionnelle, des restrictions à la liberté d’expression mentionnées à l’article 10 par. 2 CEDH.49 Elle appliquera ainsi le test de proportionnalité en pondérant la liberté d’information avec la lutte contre le racisme et les droits d’autrui à des discours, qui bien qu’haineux, ne sont pas destructeurs des valeurs fondamentales de la Convention.50

2.1 L’

ARTICLE

17 CEDH : L’

ABUS DE DROIT EN RAISON DU CONTENU DU DISCOURS

2.1.1 LA DESTRUCTION DES DROITS OU LIBERTÉS GARANTIS PAR LA CONVENTION

L’article 17 CEDH est une disposition qui permet de lutter contre l’abus de droit en privant d’un droit ou d’une liberté une personne qui l’exercerait de manière incompatible avec les valeurs et fondements de la Convention.51 Cet article est caractéristique du climat de l’époque de l’élaboration de la Convention, c'est-à-dire peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, et de la volonté des Etats de combattre « les ennemis de la démocratie ». Il fournit des moyens légaux à la Cour pour éviter que les atrocités de l’époque ne se reproduisent.52

47 HAMMARBERG, 2011, p. 327.

48 SUDRE Frédéric, Les conflits de droit de l’homme, Annuaire internationale des droits de l’homme, vol. 4, Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 375; OEITHEIMER, 2009, p. 429.

49 OEITHEIMER, 2009, p. 429.

50 GUEDJ, 2003, n° 77-78.

51 DOCQUIR Pierre-François, Variables et variations de la liberté d’expression en Europe et aux Etats-Unis, Bruylant, Bruxelles, 2007, n° 37.

52 CANNIE Hannes/ VOORHOOF Drik, The Abuse Clause and Freedom of Expression in the European Human Rights Convention, An Aded Value for Democracy and Human Rights Protection ?, Netherlands Quarterly of human rights, vol. 14, 1996, chapitre 2.1.

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11

Il s’adresse à deux catégories distinctes d’acteurs. En effet, il peut être utilisé à la fois pour empêcher un Etat d’invoquer une clause de limitation visant la destruction des droits et libertés garanties, mais aussi pour empêcher un individu ou groupement d’individus de s’appuyer sur la Convention pour se livrer à des actes ou activités destructrices des droits et libertés garanties.53 Dans le cadre du discours d’incitation à la haine, il est appliqué principalement à la deuxième catégorie d’acteurs, à savoir les individus, afin de les priver de la possibilité d’invoquer la liberté d’expression dans un but contraire aux valeurs de la Convention, notamment la tolérance, la paix sociale, la non-discrimination, la dignité et la lutte contre le racisme.54

L’article 17 CEDH permet donc de priver un discours de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH en raison du contenu, de la substance de celui-ci exclusivement, et sans avoir à effectuer de test de proportionnalité.55 En effet, dès le stade de la recevabilité, l’exception de l’article 17 CEDH permettra à une requête d’être déclarée incompatible rationae materiae au sens de l’article 35 par. 3 let. a et rejetée en appliquant le par. 4 de la Convention. L’article 17 a trouvé un emploi par la Cour face aux discours d’incitation à la haine raciale. En effet, celle- ci déclare que « les propos visant à inciter la société à la haine raciale et à propager l’idée d’une race supérieure ne peuvent bénéficier de la protection de l’article 10 CEDH ».56

Cependant, les situations dans lesquelles l’article 17 CEDH est appliqué directement dans sa fonction originelle, permettant de soustraire un discours de la protection de la liberté d’expression en raison uniquement de son contenu, sont rares. En effet, dans la plupart des cas, il est appliqué de manière indirecte en étant joint à l’examen de conventionnalité des restrictions à la liberté d’expression de l’article 10 par. 2 CEDH.57 C’est pourquoi, l’application de cet article par la Cour est qualifiée de « géométrie variable ». 58

2.1.2 L’APPLICATION GÉNÉRALISÉE AU DISCOURS RÉVISIONNISTE

L’article 17 CEDH trouve son application principale dans le cadre des propos révisionnistes.

Ces derniers vont à l’encontre des valeurs fondamentales de paix et de justice mentionnées dans le préambule de la CEDH et sont aussi considérés par la Cour comme une discrimination raciale et religieuse.59 En effet, la Commission puis, par la suite la Cour, considèrent que la

53 VAN DROOGHENBROECK Sébastien, L’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme est- il indispensable?, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° spécial, Le droit face à la montée du racisme et de la xénophobie, 2001, n° 4.

54 Arrêt CourEDH dans la cause Leroy c. France du 2 octobre 2008, requête n° 36109/03, par. 27 ; Arrêt CourEDH dans la cause Pavel Ivanov c. Russie 20 février 2007, requête n° 35222/04, p. 4.

55 KEANE David, Attacking Hate Speech under Article 17 of the European Convention of Human Rights, Netherlands Quarterly of Human Rights, vol. 25, 2007, p. 644.

56 DOCQUIR Pierre-François, Variables et variations de la liberté d’expression en Europe et aux Etats-Unis, n°

132 ; Arrêt CourEDH dans la cause Askoy c. Turquie du 10 octobre 2000, requêtes n° 28635/05, 30171/96, 34535/97, par. 63.

57 CANNIE/ VOORHOOF, 2011, ch. 2.2.

58 SPIELMANN Alphonse, La Convention européenne des droits de l’homme et l’abus de droit, Mélanges en hommage à Louis Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 682.

59 Arrêt Marais, p. 7 ; Arrêt CourEDH dans la cause Otto E.F.A Remer c. Allemane du 6 septembre 1995, requête n° 25096/94, p. 5.

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révision de faits historiques notoires ne sauraient bénéficier de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH. 60

En théorie, si on s’en tient aux paroles des organes strasbourgeois, une requête portant sur des propos négationnistes ne devrait pas être examinée au fond, mais être, au contraire, directement déclarée d’incompatibilité matérielle dès le stade de la recevabilité. Certaines affaires suivent cette suite logique.61 Cependant, l’article 17 CEDH n’est que très rarement utilisé dans son but originel, car la majorité des affaires l’intègrent dans le test de conventionnalité de l’article 10 par. 2 CEDH « en tant qu’instrument de mesure de la nécessité [des restrictions] dans une société démocratique ».62 L’abus de droit n’est donc plus appliqué au stade de la recevabilité mais se voit joint dans l’examen de fond de la requête.

Cette manière de procéder concerne la majorité des affaires révisionnistes.63 Certes, cet article trouve toujours application dans le cadre des propos révisionnistes, mais il n’a plus la même fonction. D’une disposition radicale permettant de stopper net une procédure au simple stade de la recevabilité, l’article 17 CEDH est devenu un argument que la Cour invoque pour conforter le développement qu’elle opère dans son test de proportionnalité.

L’impact d’un tel changement de fonction est pratiquement sans conséquence pour l’issue des affaires.64 En effet, que l’exercice de l’article 17 CEDH se situe au stade de la recevabilité ou qu’il soit intégré à l’examen au fond de la requête, la quasi-totalité des auteurs négationnistes se voient condamnés par les organes strasbourgeois. Cependant, en laissant passer le stade de la recevabilité à des propos potentiellement négationnistes, la Cour prend le risque d’une pesée d’intérêt qui peut avoir des conséquences que certains jugeront fâcheuses et non- souhaitées.65 C’est le cas de l’affaire Lehideux et Isorni c. France dont l’issue a engendré de vives réactions. Était en jeu, la question de savoir si l’omission de faits historiques essentiels était constitutive d’un négationnisme. En l’espèce, il s’agissait d’un encart publicitaire dans le journal « le Monde », dans lequel l’auteur tentait de réhabiliter la mémoire du Maréchal Pétain, chef du gouvernement de Vichy.66 La Cour d’appel avait considéré que « le panégyrique, sans nuance et sans restriction, de la politique de collaboration […] aboutissait, de ce fait même, à justifier les crimes ou délits commis à ce titre […] L’apologie résulterait de l’absence dans le texte en cause de toute critique et même de toute distance ».67 Cependant, la Cour a estimé que l’omission dont il est question échappe à la catégorie de faits historiquement établis, qu’il s’agit de théories qui sont toujours en débat entre les historiens, et va conclure à une disproportion entre l’ingérence et la nature de la procédure engagée.68 Cette conclusion est le résultat d’un examen conventionnel longuement critiqué. Selon Cohen-Jonathan, « en voulant présenter Philipe Pétain comme un héros historique, on remet

60 Arrêt Garaudy, p. 28 ; Arrêt Lehideux et Isorni, par. 47 et 53.

61 Arrêt Garaudy, p. 29.

62 VAN DROOGHENBROECK, 2001, n° 14; ZOLLER Elisabeth, La liberté d’expression aux Etats-Unis et en Europe, Dalloz, Paris, 2008, p. 124. Voir également Arrêt Lehideux et Isorni, par. 38 ; Arrêt Marais, p. 6.

63 Voir notamment Arrêt Lehideux et Isorni ; Arrêt Marais ; Arrêt Otto E.F.A Remer ; Arrêt de la CourEDH dans la cause G.Honsik c. Autriche du 18 octobre 1995, requête n° 25062/94.

64 CANNIE/VOORHOOF, 2011, ch. 3.1.2.

65 FLAUSS Jean-François, L’histoire dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 65, 2006, p. 19.

66 Arrêt Lehideux et Isorni, par. 10.

67 Ibid., par. 49.

68 Ibid., par. 57.

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en question, dans une certaine mesure, l’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, en ne niant pas le génocide des Juifs mais en le mettant rapidement en parenthèse comme un élément extérieur auquel le régime de Vichy n’aurait pas participé […] ».69 En effet, en taisant un aspect bien particulier de la politique menée par Pétain, les auteurs auraient cherché à nier son implication dans la politique antijuive et il est permis de s’interroger sur la balance des intérêts en jeu et notamment le respect des droits d’autrui, principalement de ceux qui ont eu à souffrir des conséquences de la déportation.70 En conséquence, Cohen-Jonathan estime que cette affaire n’est pas destinée à faire jurisprudence71 et Puéchavy considère que son apport positif est critiquable, en mettant en évidence la particularité et l’individualité de cette décision par rapport à la logique des autres concernant le négationnisme.72 Mise à part cette affaire controversée, la totalité des jurisprudences relatives à des propos négationnistes a abouti à une condamnation, que ce soit par l’utilisation directe ou indirecte de l’article 17 CEDH.

2.1.3 L’APPLICATION RESTRICTIVE AUX AUTRES FORMES DINCITATION HAINEUSE

Le négationnisme étant une catégorie particulière d’incitation à la haine, il est nécessaire de s’intéresser aux autres formes d’incitation à la haine raciale. Selon la Cour, ces dernières devraient aussi être exclues de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH.73 En effet, la Cour mentionne ce principe à plusieurs reprises, notamment lors de l’affaire Jersild c. Danemark dans laquelle elle affirme que les propos ouvertement racistes ne bénéficient pas de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH.74 Elle réitère son propos dans l’affaire Askoy c.

Turquie en affirmant que « les propos visant à inciter la société à la haine raciale et à propager l’idée d’une race supérieure ne peuvent bénéficier de la protection de l’article 10 de la Convention ».75 Cependant, l’abus de droit n’est concrètement appliqué que restrictivement par la Cour dans le cadre des discours d’incitation à la haine raciale autre que le négationnisme. La Cour s’y réfère dans l’affaire Jersild c. Danemark pour condamner des propos dénigrant la population noire et incitant à la haine raciale en affirmant qu’ils « étaient plus qu’insultants pour les membres des groupes visés et ne bénéficiaient pas de la protection de l’article 10 par. 1 ».76 Ces propos étaient tenus par un groupe, « les greenjackets », lors d’une interview, mais seul le journaliste l’ayant diffusé était requérant. Les déclarations de la Cour n’ont donc eu aucune conséquence pratique dans le présent litige.

Il est possible de citer également l’affaire Pavel et Ivanov c. Russie dans laquelle le requérant avait « publié une série d’articles appelant à exclure les Juifs de la vie sociale et alléguant l’existence d’un lien de cause à effet entre le malaise social, économique et politique et les

69 COHEN-JONATHAN Gérard, Négationnisme et droits de l’homme- Droit européen et international, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 32, 1997, p. 586.

70 GUEDJ, 2003, pp. 307, 319-320.

71 COHEN-JONATHAN Gérard, L’apologie de Pétain devant la Cour européenne des droits de l’homme, Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 38, 1999, p. 381.

72 PUECHAVY, 2009, p. 207.

73 FROWEIN Jochen Abraham/ PEUKERT Wolfgang, Europäische MenschenRechtsKonvention: EMRK- Kommentar, 3ème édition , N. P Engel, Kehl, 2009, p. 344.

74 Arrêt de la CourEDH dans la cause Jersild c. Danemark du 22 aout 1994, requête n° 15890/89, par. 35.

75 Arrêt Askoy, par. 63.

76 Arrêt Jersild, par. 35.

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activités des Juifs, et qualifiant ce groupe ethnique de malfaisant ».77 Le tribunal national a condamné le requérant pour incitation à la haine et la Cour s’est ralliée à cette opinion, considérant que les propos du requérant étaient fortement antisémites et que son intention était de faire haïr le peuple Juif. De tels propos entraient donc en contradiction totale avec les valeurs de la Convention, notamment la tolérance, la paix sociale et la non-discrimination.

C’est pourquoi la Cour a déclaré la requête irrecevable sur la base des articles 17 et 35 par. 3 let. a et 4 CEDH.78 Un autre exemple de l’application de l’abus de droit réside dans l’affaire Norvood c. Angleterre dans laquelle une banderole d’un parti extrémiste avait pour teneur

« Islam out of Britain- Protect the British People » avec le symbole du croissant et de l’étoile dans un panneau d’interdiction.79 Par le même raisonnement que la précédente affaire, la Cour a considéré que l’attaque contre un groupe religieux en le reliant de plus à un acte de terrorisme était incompatible avec les valeurs de la Convention.

Mises à part ces quelques exemples, l’utilisation de l’article 17 CEDH par la Cour demeure rare, voire exceptionnelle. En effet, malgré ses termes soustrayant clairement l’incitation à la haine raciale de la protection de l’article 10 par. 1 CEDH, la Cour a tendance à privilégier la deuxième voie juridique, à savoir l’examen de conventionnalité au sens classique. C’est pourquoi, la grande majorité des affaires d’incitation à la haine ne contenant pas de propos négationnistes est traitée uniquement sous le champ des restrictions à la liberté d’expression mentionné à l’article 10 par. 2 CEDH.

En conséquence, le discours d’incitation à la haine n’est pas condamné de la même manière.

Lorsqu’il s’agit de propos négationnistes, l’article 17 CEDH est au centre du raisonnement de la Cour, que celui-ci soit utilisé directement dans sa fonction originelle ou indirectement lors de l’analyse au fond de la requête. En revanche, les autres formes d’incitation à la haine s’examinent principalement par le biais des restrictions à la liberté d’expression de l’article 10 par. 2 CEDH.

2.2 L’

ARTICLE

10

PAR

. 2 CEDH :

RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ D

EXPRESSION ET TEST

DE PROPORTIONNALITÉ

Cette méthode est utilisée principalement par la Cour dans les cas de discours d’incitation à la haine raciale ne comportant pas de propos négationnistes. Il s’agit du test de conventionnalité classique. Dans ce cas, les propos bénéficient, à priori, de la liberté d’expression mentionnée à l’article 10 par. 1 CEDH mais il est possible de les y soustraire par le procédé des restrictions à la liberté d’expression mentionné à l’article 10 par. 2 CEDH. Un examen scrupuleux de l’ingérence à cette liberté sera effectué par la Cour en prenant en compte la condition de la proportionnalité au regard du contexte de l’affaire.

77 Arrêt Pavel et Ivanov, p. 1.

78 Ibid., p. 4.

79 Arrêt de la CourEDH dans la cause Norwood c. Angleterre du 16 novembre 2004, requête n° 23131/03, p. 2.

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2.2.1 LE PARADOXE DE LUTILISATION DOUBLE DU CONCEPT DE « SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE » COMME RENFORCEMENT DU DROIT À LA LIBERTÉ DEXPRESSION ET COMME LÉGITIMATION DE SES INGÉRENCES

Le concept de « société démocratique » plane sur tout le débat du discours de haine. Tantôt utilisé par la Cour pour renforcer le postulat d’une liberté d’expression puissante, tantôt pour légitimer ses restrictions, il agit comme une véritable limitation de ses ingérences mais aussi comme leur justification.

La liberté d’expression fait partie des droits classiques de la première génération. Elle comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou idées. Elle est à la fois un droit subjectif opposable aux ingérences étatiques et un principe fondamental indissociable de toute société démocratique.80 En effet, le pluralisme d’opinions, la tolérance et l’esprit d’ouverture sont un ensemble de valeurs essentielles à toute société démocratique et la liberté d’expression permet leur réalisation.81 La Cour accorde, de ce fait, une très grande importance à ce principe et affirme sa portée dans l’affaire Handyside c.

Royaume-Uni, « La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de […] la société [démocratique], l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun ».82 La Cour poursuit par une formule, devenue célèbre, et qu’elle reprend dans la plupart de ses jurisprudences en relation avec cette thématique : la liberté d’expression « vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population ».83 En effet, il importe d’une société démocratique et multiculturelle de pouvoir exprimer son opinion même si celle-ci peut choquer une partie de la population. Les opinions divergentes participent au débat public et sont indispensables à un Etat de droit.84 De ce fait, la possibilité d’exprimer tous types d’idées librement et publiquement, est nécessaire au maintien de la démocratie.85

Cependant, les restrictions à la liberté d’expression, particulièrement celles concernant les discours de haine, ont aussi un rôle démocratique. En effet, la Cour souligne que « la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur

80 OEITHEIMER, 2001, p. 60.

81 ZOLLER, 2008, p. 102 ; SUDRE Frédéric, Principe du pluralisme et diversité selon la Cour européenne des droits de l’homme, Annuaire international des droits de l’homme, vol. 2, 2008, pp. 288, 292; WILES Ellen, A Right to Artistic Blasphemy? An Examination of the Relationship between Freedom of Expression and Freedom of Religion, Trough a Comparative Analysis of UK Law, University College Duplin Law Review, vol. 6, 2006, p. 135.

82 Arrêt CourEDH dans la cause Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 176, requête n° 5493/72, par. 49.

83 Ibid.

84 FROWEIN/ PEUKERT, 2009, p. 340.

85 WILES, 2006, p. 134.

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16

l’intolérance ».86 En luttant contre les abus de l’exercice de la liberté d’expression dirigés contre ces valeurs, la Cour remplit donc également les exigences inhérentes à une société démocratique. De plus, la mention au paragraphe 2 de l’article 10 de « devoirs et responsabilités » est une particularité de la liberté d’expression ayant pour but de prévenir un usage dangereux de celle-ci pour la démocratie.87

En conséquence, la liberté d’expression occupe une place privilégiée en raison de son importance pour la diversité et le débat public qui sont nécessaires à toute démocratie. Sa légitimité n’est pas remise en cause. Néanmoins, certains mots peuvent constituer des attaques intolérables envers des individus et des valeurs démocratiques essentielles telles l’égalité et la dignité. Le concept de « société démocratique » peut donc être invoqué des deux côtés de l’argumentaire. Certes, il existe un paradoxe à cette double utilisation, mais cela permet aussi de démontrer de la richesse des valeurs inhérentes à une société démocratique, valeurs qui peuvent parfois s’entrechoquer mais qui témoignent de la préoccupation de la Cour à garantir la meilleure protection possible aux valeurs démocratiques qu’elle est amenée à soupeser au fil de sa jurisprudence.

2.2.2 L’INTERPRÉTATION COMPATIBLE DE LARTICLE 4 LET. A CIEDR AU REGARD DE LARTICLE 10 PAR.1CEDH ?

La CIEDR est une convention adoptée par l’Assemblée parlementaire des Nations-Unies.

Elle énumère une série d’obligations incombant aux Etats membres, notamment celle de déclarer punissable « toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale » mentionnée à l’article 4 let. a de cette même Convention. Un grand nombre d’Etats a respecté les obligations de la Convention en pénalisant les discours de haine raciale.88

La question s’est posée de la compatibilité de cette Convention de teneur universelle avec le système européen, notamment la Recommandation (97) 20 et la CEDH.

LA CIEDR et la Recommandation (97) 20 condamnent le discours de haine et notamment l’incitation à la haine raciale. Cependant, la manière de condamner le discours diverge totalement. En effet, la Recommandation (97) 20 suggère que « les informations relatives au racisme, à la xénophobie, à l’antisémitisme et aux autres formes d’intolérance sont pleinement protégées par l’article 10 par. 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et ne peuvent faire l’objet d’ingérence que dans le respect des conditions établies au paragraphe 2 du même article ».89 Cela signifie que pour exclure un discours de haine de la protection de la liberté d’expression, il doit être condamné à la suite d’un test de proportionnalité.90 A l’inverse, la CIEDR présente un raisonnement différent. Elle oblige un Etat à réprimer

86 Arrêt Gündüz, par. 40 ; Arrêt Féret, par. 64.

87 ZOLLER, 2008, p. 98; FROWEIN Jochen Abraham, Incitement against Democracy as a Limitation of Freedom of Speech, in: KRETZMER David/ HAZAN Francine Kershman, Freedom of Speech and Incitement against Democracy, Kluwer Law International, Pays-Bas, 2000, p. 33.

88 MAHONEY, 1996, p. 803.

89 Recommandation (97) 20, principe 7.

90 Ibid., principe 5.

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17

l’expression d’idées racistes sans avoir à passer par un test de proportionnalité.91 Selon la CIEDR, le discours d’incitation à la haine raciale devrait automatiquement être exclu de la protection de la liberté d’expression. Il est possible de parler d’une logique universelle, qui pourrait s’opposer à une logique européenne selon Pellet.92

L’obligation de déclarer punissable « toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale »93 sans passer par un test de proportionnalité peut aussi entrer en contradiction avec la protection de la liberté d’expression. Le Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (C.E.R.D) a donc adopté une Recommandation générale XV-4394 au sujet de l’interprétation de l’article 4 CIEDR en précisant qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre cet article et la liberté d’expression mentionnée à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.95 Au niveau européen, la Cour mentionne dans l’arrêt Jersild c. Danemark qu’elle tient pour compatible l’article 4 let. a CIEDR avec la liberté d’expression mentionnée à l’article 10 CEDH.96 Cependant, le constat final de non-violation de l’article 10 CEDH dans cette affaire amène plusieurs juges dissidents à affirmer que l’interdiction de l’apologie de la haine raciale, faisant partie des restrictions de l’article 10 par.

2 CEDH et étant mentionnée à l’article 4 let. a CIERD, le résultat de cette affaire n’est pas satisfaisant. En effet, selon eux, la CIEDR « ne peut manifestement être ignorée dans la mise en œuvre de la Convention européenne » et elle doit « inspirer la Cour dans ses décisions, notamment quant à la portée qu’elle accorde aux termes de la Convention européenne et aux exceptions que celle-ci prévoit en termes généraux »97.

Il en ressort que la CIEDR donne lieu à une logique différente de celle de la Recommandation européenne. La primauté d’un procédé sur l’autre n’est pas clairement définie, cependant la Cour tient pour compatible la CIEDR avec le système européen, tout en appliquant quand même principalement l’examen conventionnel basique impliquant le test de proportionnalité.

2.2.3 L’EXAMEN CONVENTIONNEL DE LINGÉRENCE ET LA CONDITION DÉCISIVE DE LA PROPORTIONNALITÉ

La liberté d’expression n’étant pas un droit absolu, des restrictions sont possibles. L’exercice de cette liberté par les entreprises de radiodiffusion, cinéma et télévision peut être soumis à un régime d’autorisation mentionné à l’article 10 par. 1 in fine CEDH. Mise à part cette réserve spécifique à la liberté d’expression, il existe également des limitations générales mentionnées

91 CIEDR, art. 4.

92 PELLET Alain, Les conflits de liberté et les limites de la liberté d’expression, Table ronde cité par GUEDJ Alexis, Liberté et responsabilité du journaliste dans l’ordre juridique européen et international, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 330.

93 Convention internationale sur l’élimination des discriminations raciales, art. 4 let. a.

94 CERD, Recommandation XV-42 sur « la comptabilité de l’interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale avec le droit à la liberté d’opinion et d’expression », adoptée le 1993, in : Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes crées en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, HRI, revue 9, vol. 2, 27 mai 2008, p. 22.

95 Assemblée générale des Nations-Unies, Déclaration universelle des droits des hommes, adoptée le 10 décembre 1948.

96 Arrêt Jersid, par. 30.

97 Arrêt Jersild, Opinion dissidente commune à MM. Les juges GÖLCÜKLÜ, RUSSO et VATICOS.

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