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L'expression de peur, même perçue de façon subliminale, attire-t-elle l'attention ? Une investigation en EEG

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Academic year: 2022

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Master

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L'expression de peur, même perçue de façon subliminale, attire-t-elle l'attention ? Une investigation en EEG

BERRUT-MARÉCHAUD, Claire

Abstract

La N170 semble être modulée par l'expression émotionnelle, même si elle n'est pas perçue consciemment (Pegna, Landis, & Khateb, 2008). Nous avons investigué si la N170 et les réponses comportementales étaient également modulées si l'expression se trouve hors du focus attentionnel. Dix-neuf sujets adultes étaient exposés de manière subliminale (16 ms) ou supraliminale (166 ms) à des image de visage exprimant une émotion neutre, de joie ou de peur suivie d'un masque. Après chaque essai, le sujet devait indiquer s'il avait perçu une expression émotionnelle. Il leur était ensuite demandé de deviner ladite expression. Dans une seconde expérience, les mêmes visages avec les mêmes expressions et les mêmes durées de présentation étaient présentés entre deux barres de longueur similaire ou différente. Le sujet devait ignorer les visages et comparer les deux barres. Dans 75% des cas, les sujets ont rapporté ne pas avoir perçu une expression émotionnelle lorsque le visage était présenté durant 16 ms. En revanche, le seuil objectif de conscience d' indiquait une détection de l'émotion de peur [...]

BERRUT-MARÉCHAUD, Claire. L'expression de peur, même perçue de façon

subliminale, attire-t-elle l'attention ? Une investigation en EEG. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12632

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L’expression de peur, même perçue de façon subliminale, attire-t-elle l’attention ? Une investigation en EEG.

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres figurant dans le guide des étudiants

ORIENTATIONS

PSYCHOLOGIE COGNITIVE PSYCHOLOGIE CLINIQUE

PAR (Prénom-Nom)

Claire BERRUT-MARECHAUD

DIRECTEUR DU MEMOIRE (Prénom-Nom)

Alan PEGNA

JURY

(Prénom - Nom)

Prof. Claude-Alain HAUERT Lore LEGRAND

LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE Août 2010

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE

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RESUME

La N170 semble être modulée par l’expression émotionnelle, même si elle n’est pas perçue consciemment (Pegna, Landis, & Khateb, 2008). Nous avons investigué si la N170 et les réponses comportementales étaient également modulées si l’expression se trouve hors du focus attentionnel. Dix-neuf sujets adultes étaient exposés de manière subliminale (16 ms) ou supraliminale (166 ms) à des image de visage exprimant une émotion neutre, de joie ou de peur suivie d’un masque. Après chaque essai, le sujet devait indiquer s’il avait perçu une expression émotionnelle. Il leur était ensuite demandé de deviner ladite expression. Dans une seconde expérience, les mêmes visages avec les mêmes expressions et les mêmes durées de présentation étaient présentés entre deux barres de longueur similaire ou différente. Le sujet devait ignorer les visages et comparer les deux barres. Dans 75% des cas, les sujets ont rapporté ne pas avoir perçu une expression émotionnelle lorsque le visage était présenté durant 16 ms. En revanche, le seuil objectif de conscience d’ indiquait une détection de l’émotion de peur significativement meilleure que la chance. Un effet plafond est ressorti des résultats à la tâche des barres. En EEG, un effet principal de l’expression et une interaction émotion x hémisphère sur l’amplitude de la N170 se sont avérés significatifs. La latence de la N170 était modulée par l’expression et la durée de présentation du visage, ainsi que par une interaction expression x durée. De tels effets pourraient être dus à une influence de l’amygdale sur la réponse visuelle lorsqu’un visage de peur est présenté (LeDoux, 1996).

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TABLE DES MATIERES

I. Introduction ... 4

II. Cadre théorique ... 4

1. La “voie basse” du système visuel. ... 5

2. La conscience. ... 7

3. Etudes sur la perception d’images subliminales ... 9

4. L’Hypothèse de LeDoux ... 10

5. L’hypothèse de LeDoux sous l’aspect du décours temporel. ... 13

6. Question de recherche ... 17

7. Hypothèses opérationnelles. ... 18

III. Methode ... 19

1. Expérience 1 ... 19

Participants. ... 19

Matériel et dispositif. ... 20

Procédure. ... 22

Plan d’expérience ... 23

2. Expérience 2 ... 24

Participants ... 24

Matériel et dispositif ... 24

Procédure. ... 25

Plan d’expérience ... 26

3. Enregistrements et analyses EEG-ERP. ... 26

IV. Résultats ... 28

1. Résultats comportementaux ... 28

Expérience 1 ... 28

Expérience 2 ... 30

2. Résultats EEG ... 31

Amplitude de la N170 ... 32

Latence de la N170 ... 35

V. Discussion ... 36

1. Discussion sur les résultats comportementaux. ... 37

2. Discussion sur les résultats EEG ... 39

Effets de l’émotion. ... 40

Interaction durée de présentation x émotion ... 41

Interaction hémisphère x émotion. ... 42

Effets de la durée de présentation. ... 42

3. Discussion sur l’hypothèse de LeDoux ... 44

4. Quelques pistes supplémentaires ... 45

VI. Conclusion ... 46

VII. Remerciements ... 47

VIII.Références bibliographiques ... 48

IX. Annexes ... 53

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I. INTRODUCTION

Depuis quelques années, des auteurs se sont intéressés au traitement de scènes visuelles par l’amygdale. Certains auteurs affirment que le cerveau est capable de traiter des stimuli pertinents biologiquement, même sans que notre attention ne soit focalisée sur ces derniers, et même sans que notre perception de ces stimuli ne soit consciente. S’il y a effectivement un traitement non-conscient de stimuli biologiquement pertinents dans le cerveau, on pourrait se demander quelle en est la fonction. LeDoux (1996) émet l’hypothèse que cette fonction est d’alarmer rapidement le système cognitif du sujet de la présence d’un danger potentiel, afin qu’il puisse mobiliser ses ressources pour réagir en conséquence.

Des données en IRM fonctionnelle et de neuropathologie ayant utilisé des visages avec expression de peur comme stimuli biologiquement pertinents appuient déjà cette idée.

Dans ce travail, nous avons voulu voir si des visages de peur présentés de manière subliminale et hors du focus attentionnel suscitaient également une modulation au niveau du décours temporel du traitement de l’information visuelle, un domaine encore très peu investigué. Nous avons donc mené une expérience en électroencéphalographie dans laquelle nous avons présenté de manière subliminale ou non une image de visage exprimant une émotion de peur, de joie ou neutre suivie d’un masque. Deux barres de longueur similaire ou différente, sur lesquelles portait la tâche du sujet, étaient placées sur les côtés du visage.

Ainsi, le sujet ne prêtait pas attention aux visages. Nous avons pris des mesures tant comportementales qu’électroencéphalographiques afin de voir dans quelle mesure le traitement des visages de peur différait de celui des visages neutres et de joie à ces deux niveaux. Nous avons également investigué dans quelle mesure ces visages, présentés pendant une durée supposée subliminale n’étaient pas perçus consciemment par les sujets de notre expérience.

II. CADRE THÉORIQUE

“Imaginez que vous vous baladiez en forêt. Un craquement se produit. Il va droit à l’amygdale par la voie thalamique. Le signal du son va aussi du thalamus au cortex, qui reconnaît s’il correspond à une brindille qui s’est cassée sous vos pas ou à un serpent à sonnette agitant la queue. Au moment où votre cortex a fait la distinction, l’amygdale a déjà entamé la défense contre le serpent” (LeDoux, 1996). Cette anecdote, nous montre toute l’utilité de la voie amygdalienne “quick and dirty” du traitement des stimuli dont LeDoux est le premier à avoir fait l’hypothèse.

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1. La “voie basse” du système visuel.

Pour en arriver là, LeDoux s’est demandé quels étaient les mécanismes cérébraux à l’origine du conditionnement, une aptitude également très pertinente au niveau biologique, puisque, par exemple, l’association d’une odeur à un prédateur permettra de détecter sa présence plus rapidement (Ohman & Mineka, 2001). Il s’est intéressé plus précisément au conditionnement auditif chez des rats : comment est-ce possible qu’un son (stimulus conditionné) préalablement associé de manière répétée à un choc électrique (stimulus inconditionné) puisse entraîner des manifestations somatiques de peur tant comportementales (fuite, attaque, immobilisation) que physiologiques même lorsque le son est présenté en l’absence du choc électrique (LeDoux, Sakaguchi, & Reis, 1984). Partant de la composante la plus élevée du système, il s’est aperçu qu’une lésion bilatérale du cortex auditif n’altérait pas un tel conditionnement. Le cortex ne semblait donc pas être un élément indispensable à cet apprentissage. Il descendit d’un niveau et effectua des lésions thalamiques bilatérales. Les rats lésés ne manifestaient alors plus de réponse de peur lors d’expositions au stimulus conditionné seul. En revanche, les réponses restaient présentes lorsque les rats subissaient un choc électrique. Cette région semblait donc être cruciale pour le conditionnement. Même s’il ne devait pas nécessairement passer par le cortex auditif, le trajet de l’information auditive utilisée pour le conditionnement ne s’arrêtait sans doute pas au thalamus : cette information avait sans doute une autre destination. Pour déterminer son chemin, LeDoux injecta un traceur dans le thalamus auditif de ses rats. Il releva quatre régions dans lesquelles ce traceur s’était propagés, indiquant qu’elles étaient connectées au thalamus: l’amygdale centrale et latérale, le noyau caudé et l’hypothalamus ventromédian. Comme seule la déconnexion entre le thalamus auditif et l’amygdale empêchait le conditionnement de se produire, il conclut qu’il s’agissait de la structure par laquelle la voie du conditionnement passait (LeDoux, Sakaguchi, Iwata, & Reis, 1986). Cette observation adhérait bien à celles d’autres laboratoires qui montraient des liens entre l’amygdale (notamment les noyaux centraux) et une série de réactions physiologiques typiques de la peur (pour une revue, voir Davis &

Whalen, 1992).

LeDoux, Farb et Ruggiero (1990) ont ensuite mené une étude dans laquelle ils ont injecté des traceurs rétrogrades dans divers noyaux de l’amygdale pour s’assurer qu’il existait des connexions axonales entre cette structure et la région postérieure du thalamus, qui fait transiter les informations auditives. De telles connexions ont été trouvées entre le thalamus

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postérieur et deux noyaux de l’amygdale: le noyau latéral et l’aire amygdalo-striatale de transition.

La boucle est ainsi bouclée: l’information auditive arrive dans le thalamus postérieur, est transmise au noyau latéral de l’amygdale et à l’aire amygdalo-striatale de transition qui sont eux-mêmes connectés au noyau central. Celui-ci déclenche ensuite, en cas de stimulus aversif, des réponses de peur.

Cette “voie basse” n’est toutefois pas la seule pour qu’une information atteigne l’amygdale: cette dernière a également de fortes connexions avec le cortex (Shi & Davis, 2001). Il existe donc également une “voie haute”, passant par le thalamus, les cortex primaires puis associatifs, puis par l’amygdale (voir Figure 1). Du fait de tous ces relais, cette voie est plus lente. Elle est toutefois plus précise et permet notamment des réponses différentiées à des stimuli qui se ressemblent (Teich & al., 1989).

Il est important de noter que nulle part dans la voie basse n’apparaît le cortex. Les fonctions de haut-niveau tels le langage, le raisonnement et la conscience ayant leur siège dans celui-ci, une conséquence notable de l’existence de ce réseau faisant l’impasse sur le cortex est qu’un traitement émotionnel serait possible en l’absence de ces fonctions de haut- niveau.

Figure 1. Schématisation de la voie haute et de la voie basse du système visuel. Image tirée de LeDoux 1992.

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2. La conscience.

Parmi elles, nous nous intéressons plus particulièrement dans ce travail à la conscience, définie dans le Petit Larousse (1992) comme la « perception, (la) connaissance plus ou moins claire que chacun peut avoir de son existence et de celle du monde extérieur ».

Comme la voie basse identifiée par LeDoux, la possibilité d’avoir conscience d’un fait ou d’un évènement constitue sans doute également un avantage évolutionnaire : avoir conscience de certaines choses permet de dépendre moins de l’environnement extérieur.

Ainsi, au lieu de tester réellement toutes les actions possibles, un organisme conscient peut effectuer des « simulations mentales », ce qui constitue un gain notoire d’énergie et une diminution d’exposition à des dangers extérieurs potentiels (Dehaene, 2001).

Si la conscience a pendant longtemps intéressé les philosophes, ces dernières années, les neuroscientifiques se sont également penchés sur ce sujet d’étude. Les progrès en neuroimagerie, qui rendent désormais possible l’étude du lien entre perception consciente ou non avec des signaux physiologiques, y sont sans doute pour quelque chose. Ainsi, d’un point de vue plus cognitiviste, Baars (1997) a proposé qu’une expérience est consciente si elle remplit les quatre conditions suivantes : (1) elle peut être communiquée au travers d’un signal volontaire, (2) elle peut être vérifiée, (3) on peut, explicitement ou pas, dire d’elle qu’elle est consciente et (4) les conditions du rapport sont optimales. Inversement, un traitement est inconscient lorsque : (1) on dit de lui qu’il est inconscient, (2) il ne peut pas être rapporté, même dans des conditions optimales mais (3) sa présence peut toutefois être vérifiée.

Cette définition nous conduit à la question de comment mesurer la conscience, une problématique inévitable, à partir du moment où nous souhaitons l’étudier de manière scientifique. La définition que donne Baars (1997) de la conscience nous montre bien que celle-ci ne peut être mesurée que par des données comportementales, qui sont indispensables pour décider du caractère conscient ou pas d’un phénomène aux yeux d’une personne en un temps donné: pour savoir si une perception ou un comportement a été traité ou programmé consciemment, il faudra demander au sujet s’il pense l’avoir perçu/programmé et lui poser des questions sur cette perception ou ce comportement. Nous sommes contraints de nous fier à ce compte rendu phénoménologique qui, par la suite, pourra être mis à la lumière de données physiologiques, mais que les données physiologiques ne pourront jamais remplacer.

Avec l’entrée de la problématique de la conscience dans les neurosciences s’est posée notamment la question de ses soubassements cérébraux, ce qui revient à savoir quelles aires

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du cerveau sont systématiquement activées lors d’un évènement qu’un sujet peut rapporter subjectivement, par comparaison à celles activées lorsqu’il n’en est pas capable. Ainsi, on peut contraster les activations cérébrales lors d’une tâche de mémoire explicite avec celle lors d’une tâche de mémoire implicite, ou comparer l’EEG d’une personne éveillée avec celle d’une personne dans un sommeil profond on dans un coma ou encore opposer la réponse à une stimulation supraliminale à celle à une stimulation subliminale (Baars, 1997). La rivalité binoculaire est également un outil puissant pour étudier les aires impliquées dans la conscience (Dehaene, 2001). Dans ce paradigme, deux images dissimilaires sont présentées à chaque œil du sujet. Il en résulte chez le sujet une alternation de l’image dominante qui dure quelques secondes. Ainsi, le contenu conscient change alors que le stimulus reste constant, ce qui permet d’étudier l’activité cérébrale engendrée par l’image dominante et, quelques secondes plus tard, la confronter à l’activité lorsque l’image est inconsciente.

Certaines études ont montré le rôle du cortex préfrontal dans la conscience (Markowitsch, 1995). Toutefois, selon Dehaene (2001), la conscience, comme les fonctions exécutives (Collette et al., 2005), découle plutôt de connexions à longue distance impliquant plusieurs modules du cerveau. Bien que le cortex préfrontal et le cortex antérieur cingulaire y joueraient un rôle majeur, ce réseau devrait également comprendre toutes les aires du cerveau impliquées dans le traitement d’informations potentiellement accessibles à la conscience, à savoir les aires perceptives, motrices, attentionnelles et de mémoire à long terme. Dehaene suppose par ailleurs qu’une information deviendrait consciente si la population neurale qui la représente se mobilise, amplifie le signal et synchronise avec elle de nombreux neurones au travers du cerveau, formant ainsi un « espace de travail global». Ainsi, malgré la grande diversité de ces régions, la conscience nous paraît subjectivement être un phénomène unitaire car toutes ces aires se coordonnent.

Pour devenir conscient, un processus ne peut donc se cantonner à avoir lieu dans une des aires susmentionnées, mais doit également être amplifié et maintenu pendant une durée suffisante, faute de quoi il peut quand même contribuer à une performance cognitive, mais seulement inconsciemment. Une conséquence de cela est qu’il existerait deux seuils dans le traitement de l’information: une durée du stimulus minimale pour causer une activité neurale différentielle et un seuil de conscience, correspondant à la durée minimale pour que ce stimulus soit mobilisé dans l’ « espace de travail global ». C’est avec ces deux seuils que travaillent les expériences dans lesquelles on présente à un sujet une image pendant une durée très courte et souvent suivie d’un masque afin qu’elle ne soit pas perçue consciemment, mais qu’elle ait tout de même un effet, comportemental ou cérébral.

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3. Etudes sur la perception d’images subliminales

Maintenant que nous nous faisons une idée plus claire de ce qu’est la conscience, nous allons passer en revue un certain nombre d’études portant sur des stimuli visuels perçus non consciemment. Dans beaucoup d’entre elles, le stimulus utilisé est un visage de peur ou de colère. En effet, bien que les expressions faciales de colère (et également de peur) ne soient pas per se des stimuli menaçants, ils sont un indice social important qui a souvent été relié à une menace potentielle. Il est donc biologiquement pertinent de les percevoir même s’ils sont fugaces.

Cela fait une dizaine d’années, que des chercheurs ont pu mettre en évidence que des stimuli peuvent être perçus de manière subliminale. Un article pionnier dans ce domaine est celui de Morris, Ohman et Dolan en 1998. Dans une première phase de l’expérience, deux visages exprimant la colère et deux visages neutres étaient présentés aléatoirement à six reprises aux sujets, chacun pendant 15 à 25 s. Un des visages de colère était systématiquement associé à un bruit blanc soudain et était donc conditionné négativement.

Dans la deuxième phase de l’expérience, les visages étaient présentés pendant moins de 40 ms et suivis immédiatement d’un masque, consistant en un visage sans expression. Les résultats indiquent d’une part que les sujets rapportent avoir vu le masque, mais non le visage en colère, mais également d’autre part que le visage de colère préalablement conditionné négativement suscitait une modification de réponse galvanique du sujet, sans pour autant être perçu consciemment. Pour approfondir l’étude de ce phénomène, les auteurs ont mesuré l’activité neuronale (PET) pendant la présentation de visages en colère masqués ou non. Une partie de ces visages était également conditionnée négativement. Les auteurs ont alors observé une activation de l’amygdale droite lors de la présentation de visages en colère conditionnés et masqués alors que les visages en colère conditionnés non masqués provoquaient une activation de l’amygdale gauche. Ainsi, d’une part l’amygdale réagit aux stimuli conditionnés et d’autre part cette réponse est latéralisée en fonction de la conscience du sujet d’avoir perçu ce stimulus.

Utilisant la technique de rivalité binoculaire en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), Williams, Morris, McGlone, Abbott et Mattingley (2004) ont également pu mettre en évidence une activation cérébrale lors de la présentation subliminale de visages de peur et de colère. Ils présentèrent à un œil du sujet des visages de peur, de colère ou neutres, et à l’autre, simultanément, des images de maison. Ils trouvèrent un effet principal de la conscience du stimulus dans le gyrus fusiforme, les maisons et les visages

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perçus consciemment engendrant une activation dans cette région supérieure à celle lors de la présentation de visages et maisons de manière non consciente. Au niveau de l’amygdale, un effet principal de l’émotion a été observé : qu’ils soient perçus consciemment ou non, les visages de peur y engendraient une activation plus forte que les visages neutres. On retrouvait ce même effet pour les visages de joie comparativement aux visages neutres, mais uniquement dans la condition subliminale. Des tels résultats sont compatibles avec l’hypothèse de LeDoux selon laquelle la voie basse de traitement des stimuli biologiquement pertinents effectue un traitement « brut » des stimuli et ne les différencie donc pas avec beaucoup de précision.

Des données issues de la pathologie plaident également en faveur d’une perception non consciente de certains stimuli. Pegna, Khateb, Lazeyras et Seghier en 2005 rapportent ainsi le cas d’un patient ayant subi une destruction bilatérale du cortex visuel entraînant une cécité corticale. Bien qu’il n’ait eu aucune conscience de percevoir des stimuli visuels, il pouvait toutefois deviner correctement, à une probabilité significativement supérieure à celle de la chance, le type d’expression faciale d’images de visages. Lorsqu’il devait discriminer des carrés et des ronds, en revanche, sa performance retombait au niveau de la chance. Il en allait de même lorsqu’il devait deviner le genre d’une personne sur la base d’une photo de son visage. Une étude en IRM fonctionnelle sur ce patient révéla une activation de son amygdale droite lors de la présentation de visages avec expression émotionnelle, la plus forte activation étant suscitée par des visages avec expression de peur.

4. L’Hypothèse de LeDoux

Ainsi, certains types de stimuli, pertinents biologiquement et présentés de manière subliminale, suscitent des activations cérébrales chez l’être humain. Nous avons vu plus haut qu’une des fonctions adaptatives de la conscience était qu’elle permet de tirer des informations de représentations internes sans avoir recours à l’environnement externe et ainsi d’une part d’économiser des ressources et d’autre part, d’éviter d’éventuels dangers. Nous pourrions maintenant nous demander quel avantage évolutionnaire procure la capacité de percevoir des stimuli inconsciemment.

Tout d’abord, il faut remarquer qu’il ne serait pas possible d’avoir conscience de tous les stimuli qui nous entourent, ni de tout ce que nous faisons, simplement parce que notre cerveau serait rapidement surchargé si tel était le cas. En effet, il vaut mieux ne pas devoir penser à notre respiration à chaque fois que nous inspirons et expirons, ni à mettre un pied devant l’autre à chaque fois que nous marchons.

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Mais LeDoux (1996) propose par ailleurs une autre utilité de percevoir des stimuli sans en avoir conscience: celle de nous alarmer d’un danger, afin que nos ressources cognitives préalablement engagées dans d’autres traitements soient réorientées vers le problème. En d’autres termes, il pense que les stimuli subliminaux évalués par l’amygdale comme source de danger potentiel engendrent une activité afin de réguler le traitement cortical au moyen d’un niveau d’éveil élevé et que notre attention, qui est commandée par notre cortex et focalisée ailleurs, soit rapidement attirée dans leur direction, alors même que les représentations corticales ne sont pas encore totalement élaborées. Par ailleurs, à ce moment-là, un comportement défensif a déjà été programmé dans l’amygdale. Ainsi, cette aptitude du système de peur d’opérer à un niveau non-conscient pourrait être un avantage évolutionnaire (Beaver, Mogg, & Bradley, 2005).

Un certain nombre de données appuient déjà cette hypothèse. Tout d’abord, une voie neuronale entre l’amygdale et le cortex, notamment visuel, a pu être mise en évidence. Par exemple Amaral et Price (1984) ont injecté un traceur dans l’amygdale de macaques et ce traceur, à la surprise des auteurs, s’est fortement propagé dans le lobe occipital, témoignant de la présence d’importantes connexions entre cette aire et l’amygdale. Le traceur s’est également propagé dans les cortex frontal, insulaire et temporal, indiquant une voie entre l’amygdale et ces structures (en revanche, l’amygdale ne reçoit pas d’input venant du cortex visuel, mais seulement des cortex associatifs). Ceci constitue un argument pour l’hypothèse de LeDoux, puisque pour que l’amygdale, qui est activée lors de la présentation d’un stimulus subliminal, puisse informer notre cortex, siège de la conscience, de sa présence, elle doit pouvoir communiquer avec lui. Cette communication sera d’autant plus efficace qu’elle a lieu à un niveau précoce du flux d’information, soit, pour un traitement visuel, au niveau du cortex occipital. L’amygdale est ainsi capable d’influencer les aires corticales, ce qui permettra de diriger l’attention vers les stimuli pertinents auxquels l’amygdale assigne de l’importance.

En 2001, Vuilleumier, Armony, Driver et Dolan mènent une expérience en IRMf dont le but est de voir si la réponse cérébrale à l’expression d’un visage est modulée par l’attention spatiale. Pour ce faire, ils ont présenté à leur sujet des matrices composées de quatre stimuli, une paire d’images de visages et une paire d’images maisons, disposés en losange, où les deux stimuli horizontaux formaient une des paires et les deux stimuli verticaux, l’autre. La tâche du sujet consistait à déterminer si les deux stimuli formant une des deux paires étaient identiques ou pas (tâche d’appariement). Ainsi, une paire de stimuli était pertinente pour la tâche et une paire de stimuli ne l’était pas. Dans une condition, le sujet devait donc effectuer

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la tâche d’appariement sur les visages et son attention était donc portée sur eux (condition attentionnelle) et dans une autre condition, le sujet devait effectuer la tâche d’appariement sur les maisons, dans ce cas, son attention n’était pas portée sur les visages (condition non attentionnelle). La paire de stimuli pertinents était indiquée préalablement. En outre, les visages présentés aux sujets avaient une expression neutre ou de peur. Les résultats comportementaux montrent que les sujets étaient plus lents dans la tâche d’appariement des maisons lorsque les visages avaient une expression de peur comparativement à une expression neutre. En IRMf, une activation du gyrus fusiforme fortement influencée par la condition attentionnelle était observée. De plus, les visages engendraient une activation de l’aire fusiforme droite qui était plus importante pour les visages de peur que pour visages neutres, indépendamment de l’influence de la condition attentionnelle. L’amygdale gauche, quant à elle répondait aux visages avec expression de peur et cette activation n’était pas influencée par la condition attentionnelle. En conclusion, les auteurs affirment que les réponses cérébrales sont modulées par l’attention et par l’émotion. En revanche, la réponse de l’amygdale aux stimuli menaçants n’est pas influencée par l’attention qu’on y porte et jouerait, de ce fait, un rôle « préattentif » pour ce type de stimuli.

Cette expérience nous apprend qu’une réponse comportementale peut être influencée par un stimulus hors du focus attentionnel et que ce dernier, s’il est pertinent biologiquement, engendre une activation amygdalienne. Une telle conclusion apporte de l’eau au moulin de LeDoux concernant son hypothèse. Toutefois, d’une part, elle a été remise en question par d’autres études (Pessoa, McKenna, Gutierrez, & Ungerleider, 2002) et d’autre part, elle ne porte pas sur des stimuli subliminaux.

La dernière pièce de ce puzzle est apportée en 2005, par Beaver et al. qui mènent une expérience comportementale sur de tels stimuli au moyen d’une tâche de détection de cible.

Dans un premier temps, des stimuli masqués pertinents biologiquement (images d’araignée ou de serpent) étaient associés à un bruit aversif ou inoffensif. Dans un deuxième temps, un stimulus pertinent biologiquement préalablement associé à un des deux sons et un stimulus non pertinent biologiquement (images de champignon ou fleur) étaient présentés au sujet, suivi d’une cible visuelle apparaissant à la même localisation qu’un des deux stimuli. La tâche du sujet était d’identifier la cible le plus rapidement possible en pressant sur une touche.

La rapidité de la réponse du sujet était utilisée comme indice de l’endroit auquel il portait attention, puisque les réponses ont tendance à être plus rapides dans de tels endroits comparativement à des régions de l’espace auxquelles on ne porte pas attention. Les résultats montraient une attention préférentielle du sujet pour les stimuli pertinents biologiquement,

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inconsciemment conditionnés négativement. Dans une deuxième expérience, les auteurs montrent que ce sont les gens qui perçoivent les stimuli (les sons aversifs) comme aversifs (sur échelle de 1 à 5) qui ont l'attention attirée par ces derniers et que l’attraction de l’attention par le stimulus inconsciemment conditionné négativement a aussi lieu si ce stimulus est également masqué lors de la tâche de détection de cible. Ainsi, l’attention est préférentiellement allouée à la localisation spatiale de stimuli qui on été inconsciemment associés à des évènements aversifs. Ce phénomène est dépendant de l’aversion perçue à l’égard de ce stimulus et ne dépend pas de la conscience du stimulus conditionné, tant pendant l’acquisition que pendant la tâche attentionnelle à proprement parler (expérience 2).

Cette expérience va dans le sens de l’hypothèse de LeDoux (1996), selon laquelle une des utilités de l’activation amygdalienne observée lors de la présentation subliminale de stimuli pertinents biologiquement est de moduler l’attention du sujet pour qu’il se focalise dessus. En effet, elle montre qu’un stimulus subliminal pertinent biologiquement capte l’attention du sujet dans sa direction.

5. L’hypothèse de LeDoux sous l’aspect du décours temporel.

On voit donc qu’à un niveau structurel (Vuilleumier & al., 2001) et comportemental (Beaver & al., 2005), il existe des arguments en faveur d’une modulation attentionnelle engendrée par des stimuli hors du focus attentionnel subliminaux (pour Beaver & al.) ou

« préattentifs » (pour Vuilleumier & al.). Mais un effet de stimuli biologiquement pertinents est-il également observé dans le décours temporel du traitement visuel? Pour investiguer cette question, l’électroencéphalographie (EEG) est un outil de prédilection, puisque, malgré sa mauvaise précision spatiale, sa résolution temporelle est supérieure à celle de l’IRM. Ici, nous nous focalisons sur les études ayant utilisé des visages avec expression de peur ou de colère, un type de stimuli potentiellement relié à une menace, comme nous l’avons vu plus haut.

Jusqu’à il y a quelques années, les études mettaient principalement en évidence un effet de l’expression de peur (ou dans certaines études, de l’expression émotionnelle) sur des composantes électroencéphalographiques frontales, un visage de peur engendrant une plus grande positivité entre 100 et 150ms sur ces sites. Par ailleurs, cette modulation n’était observée que lorsque l’attention du sujet était dirigée sur les visages (Eimer, Holmes, &

McGlone, 2003; Holmes, Vuilleumier, & Eimer, 2003; Holmes, Winston, & Eimer, 2005).

Ainsi, par exemple, en 2003, Eimer et al. ont mené une expérience en EEG dans laquelle une paire de visages identiques avec la même expression émotionnelle (colère, dégoût, peur, joie, tristesse ou surprise) ou neutre ainsi qu’une paire de barres de longueur

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identique ou différente étaient présentés simultanément aux sujets. Dans la moitié des essais, la tâche du sujet portait sur les visages (dire si le visage présenté a une expression émotionnelle ou neutre) et dans l’autre, sur les barres (dire si elles sont de longueur différente ou identique). Lorsque l’attention du sujet portait sur les visages, les enregistrements montraient une positivité frontocentrale précoce plus grande pour les visages émotionnels (indépendamment du type d’émotion) comparés aux visages neutres, suivie d’une positivité frontale plus large, et une négativité plus importante en région latérale postérieure. Tous ces effets de l’expression émotionnelle disparaissaient lorsque la tâche ne portait non plus sur les visages mais sur les barres.

La N170 est une déflection négative à environ 170 ms sur des électrodes positionnées généralement au-dessus du gyrus temporal médian, prédominante dans l’hémisphère droit et classiquement observée lorsque l’on présente des visages à des sujets (Bentin et al., 1996).

Dans cette étude et celles précitées, la N170, restait inchangée, indépendamment de l’expression émotionnelle ou neutre du visage. On attribuait par conséquent à cette composante précoce un rôle principal dans l’encodage structurel rapide des visages, alors que l’encodage de l’identité et de l’expression se faisant, pensait-on, à un autre moment et dans un autre lieu.

Cette idée a été dernièrement remise en question. En effet, en 2003, Batty et Taylor, ont présenté à des sujets des visages exprimant les six émotions de base, des visages neutres ou des stimuli non faciaux (papillons, avions et voitures) aléatoirement à des sujets dont la tâche était d’appuyer sur une touche lorsque le stimulus présenté était, selon la condition, un papillon, un avion ou une voiture (la tâche n’avait pas de but per se, si ce n’est d’assurer que l’attention du sujet était portée aux stimuli présentés). Les auteurs observent une différence entre visages neutres et émotionnels dès 90 ms. La N170 était également modulée par l’émotion, tant au niveau de sa latence que de son amplitude. En particulier, l’expression de peur engendrait une N170 d’une amplitude plus large que les visages neutres ou surpris.

Comme dans les études précédentes, des effets plus tardifs des émotions étaient également observés.

Quelques années plus tard, Blau, Maurer, Tottenham et McCandliss (2007) ont mené une autre expérience EEG, cette fois-ci avec des visages de peur ou neutres normalisés au niveau de la forme, de la taille et des contrastes lumineux. La tâche du sujet portait sur d’autres stimuli (des caractères visuels et un mot prononcé). Dans ces conditions, les auteurs ont observé une modulation de la N170 par l’expression émotionnelle.

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Ces deux dernières études arrivent donc à des résultats différents des études précédentes concernant la sensibilité de la N170 aux expressions émotionnelles. Cette divergence peut s’expliquer d’une part par le type de tâches utilisées (Blau et al., 2007) d’autre part par un possible effet d’habituation qui pourrait venir atténuer l’effet de l’émotion.

En effet, Batty et Taylor (2003) font remarquer que les expériences n’ayant pas trouvé d’effet de l’émotion sur la N170 n’utilisaient, pour la plupart, que quelques visages présentés de manière répétée.

Les études présentées ci-dessus ont toutes utilisé des visages présentées pendant une durée suffisamment longue pour être perçue consciemment. Qu’en est-il de visages présentés de manière subliminale ?

Jusqu’à présent, peu d’études se sont intéressées au décours temporel du traitement de visages présentés en-dessous du seuil de conscience. Dans l’une d’entre elles, celle de Liddell, Williams, Rathjen, Shevrin et Gordon (2004), des visages avec expression de peur et expression neutre suivis d’un masque (un visage neutre) ont été présentés aux participants pendant 10 ms (condition subliminale) ou 170 ms (condition supraliminale). Les sujets devaient observer passivement les visages pendant l’enregistrement. Il leur était dit qu’on leur poserait après la session des questions sur les visages, parfois difficiles à percevoir, qui leur seraient présentés. Même dans les conditions subliminales, les résultats des analyses EEG montraient des effets de l’expression émotionnelle. En effet, comparée à la condition neutre-subliminale la condition peur-subliminale engendraient une plus grande amplitude de la composante N2 dans les régions centro-pariétales (Fz et Cz) entre 200 et 300 ms.

Inversement, la composante tardive P3 dans les régions pariétales médianes était plus importante pour la condition peur-supraliminal que pour les conditions neutre-supraliminal et peur-subliminal. Par ailleurs, en supraliminal comme en subliminal, les réponses ERP des stimuli de peur étaient plus larges et plus précoces que celles des stimuli neutres. Les auteurs concluent d’une part qu’une réponse spécifique à la peur peut être engendrée sans conscience et d’autre part que la conscience a un effet sur le décours temporel de la vision d’un visage, puisque dans les conditions subliminale et supraliminale, la composante modulée par l’expression émotionnelle n’est pas la même.

Quelques années plus tard, en 2008, Kiss et Eimer mènent une expérience où les participants doivent déterminer l’expression de visages qui leur sont présentés (peur vs neutre) en condition subliminale (8 ms) et supraliminale (200 ms). Dans les deux conditions, le visage est suivi d’un masque. Comme Liddell et al. (2004), les auteurs observent également une composante N2 plus grande pour les visages de peur que neutres, uniquement

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en subliminal et une composante P3 plus grande pour les visages de peur que neutres en supraliminal. Cette dernière composante est interprétée comme provenant d’un site où sont générées les représentations conscientes des émotions, utilisé par la suite dans le contrôle du comportement. De plus, une plus grande positivité sur les électrodes frontopolaires entre 140 et 180 ms post-stimulus est observée pour les visages avec expression de peur présentés pendant 8 ms et masqués comparés à ceux avec expression neutre, alors que dans cette condition, la probabilité que le sujet identifie correctement l’expression du visage qui lui a été présenté ne dépasse pas le niveau de la chance. Cet effet de l’émotion étant également observé en condition supraliminale, elle est interprétée par les auteurs comme une détection rapide de stimuli ayant un sens émotionnel, engendré même en l’absence de conscience. En ce qui concerne la N170, elle est observée en subliminal, mais n’est pas modulée par l’expression émotionnelle.

Dans une autre étude en EEG sur les visages subliminaux, Pegna, Landis et Khateb (2008) ont présenté à leurs sujets des visages masqués avec expression de peur, de joie ou neutre pendant 5 durées différentes (16, 33, 66, 133 ou 266 ms). La tâche du sujet était de déterminer si le visage qui lui avait été présenté avait une expression de peur ou non. Même dans les conditions subliminales, une augmentation de l’amplitude de la N170, surtout à droite, était observée ici pour les visages de peur comparés aux visages neutres. La N2 (ici entre 260 et 300 ms) augmentait en fonction de la durée de présentation. Pour les longues durées, elle était également plus tardive pour les visages de peur comparés à neutres. Ainsi, pour ces auteurs, les visages de peur sont traités à une étape précoce du flux visuel. Quant aux composantes tardives dans les conditions supraliminales, elles pourraient refléter des processus en lien avec la conscience visuelle.

Il est possible, selon Pegna et al. (2008), que les expériences précédentes n’aient pas trouvé d’effet de l’émotion sur la N170 pour diverses raisons. En ce qui concerne Liddell et al. (2004), les sujets ne devaient que regarder les stimuli passivement. Il est donc possible qu’ils n’y aient pas prêté attention, ce qui a pu altérer la modulation de la N170. Dans l’expérience de Kiss et Eimer (2008), par ailleurs, la référence utilisée était le lobe des oreilles, une région proche de l’aire temporale dans laquelle est observée la N170. Il est donc possible que les activations de cette dernière aient été plus proches de la ligne de base et donc que les différences d’activation au sein de cette aire aient été moins visibles qu’avec une référence moyenne, utilisée dans l’expérience de Pegna et al. (2008).

Enfin, dans une étude parue cette année, Carlson et Reinke (2010) ont demandé à leurs sujets de réaliser une tâche de détection de cible en EEG. Les stimuli utilisés étaient 4

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visages neutres et 4 visages de peur. Les sujets devaient fixer une croix de fixation durant tout l’essai, puis deux visages apparaissaient. Selon la condition, il s’agissait de deux visages neutres, deux visages de peur (utilisés comme lignes de base), ou un visage neutre et un visage de peur. Ces visages étaient suivis du masque puis un point apparaissait à gauche ou à droite et le sujet devait appuyer sur une touche si le point apparaissait à gauche ou sur une autre touche si le point apparaissait à droite. Il y avait des essais congruents (point du même coté que le visage de peur) ou incongruents. Au niveau comportemental, un effet significatif de la congruence est ressorti: les essais congruents avaient des temps de réaction plus rapides que les essais incongruents. Les conditions avec deux visages neutres et deux visages de peur ont permis de mettre en évident que les visages de peur d’une part accélèrent l’orientation de l’attention et d’autre part en retardent le désengagement. Les résultats EEG montrent une augmentation de la N170 contralatérale aux visages de peur présentés dans le champ visuel droit. De plus les résultats comportementaux corrélaient fortement avec les résultats EEG, ce qui laisse croire que la N170 et les effets comportementaux peuvent être attribués à une facilitation de l’attention spatiale par des visages de peur masqués. Comme la N170 précède en temps la réponse comportementale, elle pourrait être un des éléments qui l’influence.

En définitive, une série d’études récentes sur des visages avec expression émotionnelle présentés pendant une durée supérieure au seuil de conscience plaident en faveur d’une modulation de la N170 par l’expression émotionnelle (Batty & Taylor, 2003;

Blau et al., 2007). Dernièrement, cette modulation de la N170 a été répliquée pour des visages présentés de manière subliminale (A. J Pegna et al., 2008), quoi que cette conclusion reste controversées (Kiss & Eimer, 2008; Liddell et al., 2004).

6. Question de recherche

Le cadre théorique dans lequel s’inscrit cette recherche est l’hypothèse de LeDoux. Si l’être humain est capable de percevoir des stimuli inconsciemment et qu’il possède cette aptitude parce qu’elle lui apporte l’avantage évolutionnaire de détourner son attention vers un danger potentiel, alors, en présence d’un tel danger, le décours temporel du traitement visuel devrait être différent de celui en l’absence de ce danger.

Le but de notre étude est donc d’investiguer le décours temporel du traitement visuel d’un stimulus pertinent biologiquement présenté de manière subliminale et hors du focus attentionnel. Notre question de recherche est la suivante : « Est-ce qu’un visage, même si on ne le perçoit pas consciemment, et exprimant une émotion de peur a un effet sur notre attention et sur notre cerveau? ». A notre connaissance, cette hypothèse n’avait pas encore été

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vérifiée en EEG avec des visages comme stimuli avant l’étude très récente de Carlson et Reinke (2010). En effet, jusqu’à lors, les expériences en EEG sur l’attention avaient été menées sur des stimuli dont la durée de présentation est relativement longue. Et en ce qui concerne les expériences sur les stimuli subliminaux, ces dernières étaient généralement menées sur des stimuli sur lesquels l’attention du sujet est portée. Nous émettons l’hypothèse qu’un visage exprimant une émotion de peur, présenté de manière subliminale et sur lequel l’attention du sujet n’est pas focalisée influencera sa réponse tant comportementale que cérébrale. Pour investiguer cette question, nous avons mené une expérience en EEG dans laquelle le sujet effectuait une tâche de discrimination en présence d’un visage neutre ou avec expression de peur, perçu de manière subliminale ou non.

Nous pensons pouvoir tester l’hypothèse de LeDoux (1996) au moyen de l’EEG. En effet, la N170 est engendrée dans le cortex visuel. Par conséquent, si une activité électrique telle la N170 est modulée par une expression de peur sur un visage (c’est à dire, un stimulus biologiquement pertinent) présenté hors du focus attentionnel et de manière subliminale, cela pourrait être interprété comme une modulation par l’amygdale de la réponse visuelle à ce stimulus perçu non consciemment. Une telle modulation électrique pourrait être une manière de coder quelque part dans le cerveau du sujet cette information importante, peut-être dans le but qu’il dirige par la suite son attention dans sa direction.

7. Hypothèses opérationnelles.

Nous émettons les hypothèses opérationnelles suivantes :

H1 : Au niveau comportemental, nous émettons l’hypothèse que lors de la présentation d’un visage de peur, de joie ou neutre durant 16 ms suivi d’un masque nos sujets ne percevront pas consciemment l’expression du visage. En d’autre termes, nous pensons que, dans l’expérience seuil, lors de la présentation de stimuli subliminaux les sujets rapporteront ne pas avoir perçu l’expression émotionnelle (H1-1), ni ne pourront la deviner avec un taux de réussite supérieur à la chance (H1-2).

H2 : Nous nous attendons également à un nombre plus élevé d’erreurs à une tâche attentionnelle portant sur deux barres lorsque le visage présenté est un visage de peur, comparé aux visages neutres et de joie, indépendamment de la durée de présentation du visage. En effet, le visage exprimant la peur détournerait l’attention du sujet de la perception optimale des deux barres.

H3 : En EEG, nous nous attendons à observer la composante N170, une déflection négative à 170 ms dans le cortex occipital (électrodes T5 et T6), apparaissant dans un

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intervalle compris entre 160 et 200 ms post-stimulus typique de l’encodage des visages, dans nos quatre conditions (peur-supraliminal, neutre-supraliminal, peur-subliminal et neutre- supraliminal) (Bentin & al., 1996; Itier & Taylor, 2004).

H4 : Cette composante devrait avoir une amplitude plus grande lors de la présentation de visages avec expression de peur que lors de la présentation de visages avec expression de type non-peur (H3-1) (Blau et al., 2007; Pizzagalli et al., 2002), cela tant lors d’une présentation subliminale (H3-2) que supraliminale (H3-3) des visages, puisque nous supposons que l’expression de peur sera perçue dans la condition subliminale, bien que non consciemment, par le biais de la « voie directe » de LeDoux (1996). Cette modulation de la N170 par l’expression émotionnelle devrait être observée, bien que le sujet ne porte pas attention aux visages (Blau et al., 2007).

H5 : Pour la même raison, la latence de la N170 lors de la présentation d’un visage avec expression de peur devrait être plus courte que celle lors de la présentation d’un visage avec expression de type non-peur (H4-1), tant lors d’une présentation subliminale (H4-2) que lors d’une présentation supraliminale (H4-3).

III. METHODE

Nous avons fait passer à nos sujets deux expériences, séparées par une pause d’une dizaine de minutes et dont l’ordre de passation était contrebalancé pour la moitié des sujets.

L’expérience 1, pour laquelle nous n’avons pas analysé les données EEG, avait pour but de nous assurer que nos sujets ne percevaient pas consciemment des stimuli présentés pendant une durée de 16 ms et suivis d’un masque (H1). L’expérience 2 nous a permis d’investiguer la performance de nos sujets à une tâche attentionnelle lors de la présentation de visages avec expression de peur et leur activité cérébrale lors de la présentation de visages de peur, de joie ou neutre de manière subliminale ou supraliminale, lorsque leur attention était engagée ailleurs (H2, H3, H4 et H5).

1. Expérience 1

Participants.

Dix-neuf sujets adultes (neuf hommes et dix femmes), pour la plupart des étudiants universitaires d’un âge compris entre 19 et 34 ans et (m=25,9, (3,7)) ont été recrutés pour cette expérience. Nous nous sommes assuré que nos sujets avaient une vision normale, ou corrigée, de sorte qu’ils puissent voir correctement les stimuli à l’écran. Par ailleurs, à

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l’exception d’un sujet souffrant d’asthme et d’un sujet ayant subi une commotion cérébrale, nos sujets ne rapportaient aucun problème de santé actuel ni aucun antécédent neurologique.

Un sujet a rapporté avoir pris la veille ou le jour-même de l’expérience un médicament (Algifor-L®/-forte) susceptible de diminuer les capacités de réaction de manière occasionnelle à fréquente (Morant & Ruppanner, 2001). Toutefois, pour des raisons mentionnées plus loin, ledit sujet a dû être exclu de nos analyses EEG. Nous avons restreint notre échantillon à des sujets droitiers, l’organisation cérébrale des gauchers pouvant en différer quelque peu. Pour nous assurer de la latéralité manuelle de nos sujets, nous leur avons fait passer le questionnaire d’Edimbourg (Oldfield, 1971). Le quotient de latéralité de tous les sujets était supérieur à 0 (min = 25, max = 100), ce qui indique qu’ils étaient tous droitiers. Le quotient de latéralité moyen était de 80,2% (24,2), un chiffre compris entre les déciles 5 et 6. En moyenne, nos sujets avaient dormi durant 7 heures (1,3) la nuit précédant l’expérience. Sur les 19 sujets, neuf estimaient que leur durée de sommeil la nuit avant l’expérience était un peu trop courte, neuf l’estimaient comme normale et un comme plutôt longue. La consommation de café, thé et cigarettes de tous les sujets le jour de l’expérience était estimée comme normale par rapport à leurs habitudes, à l’exception d’un et de trois sujets qui estimaient leur consommation de cigarettes, respectivement de thé ou de café comme inférieure à leur habitudes. Cinq de nos sujets ont rapporté avoir consommé de l’alcool dans les vingt-quatre heures précédant le début de l’expérience. Toutefois, le nombre d’heures entre la dernière consommation d’alcool et le début de l’expérience n’était jamais inférieur à sept heures. Chaque participant était payé 60 CHF pour sa participation et a donné son consentement écrit certifiant notamment qu’il avait été informé des buts généraux de l’étude (pour ne pas fausser les résultats de l’expérience, les buts précis de celle-ci n’étaient expliqués au sujet qu’après la passation de l’expérience), qu’il avait eu suffisamment de temps pour réfléchir avant de prendre sa décision volontaire de participation, que les informations recueillies resteraient strictement confidentielles et qu’il pouvait à tout moment retirer son accord de participation sans avoir à donner de raison. Toutes ces données ont été récoltées au moyen de questionnaires écrits dont une copie figure en annexe (annexe I, II et III).

Matériel et dispositif.

Le logiciel E-prime, version 1.1 (Schneider, Eschman, & Zuccolotto, 2002) a été utilisé pour créer l’expérience et collecter les réponses comportementales. Les stimuli émotionnels, présentés sur fond noir, étaient des visages photographiés en nuances de gris de

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12 individus (6 hommes et 6 femmes) issus d’une série d’images d’affects faciaux (Ekman &

Friesen, 1976). Dans un quart des essais le visage présenté avait une expression neutre, dans un deuxième quart, une expression de joie et dans la moitié restante, une expression de peur.

Nous avons ôté les cheveux ainsi que les contours non-faciaux de chaque visage, au moyen du logiciel Adobe Photoshop (version 11), pour éviter que ces derniers aient un effet sur nos résultats (tous les visages étaient délimités par une forme ovale). Ces visages (voir figure 1) couvraient une région de 14.42 degrés d’angle visuel horizontalement x 9.65 degrés d’angle visuel verticalement. Nous avons également dû utiliser un masque, afin d’éviter toute persistance de l’image sur la rétine après sa disparition. Nous avons opté pour une image apparaissant au même endroit que le visage, proche dans le temps (backword masking), une technique largement utilisée dans les études sur la vision dans le but de limiter l’accès visuel à la cible (Enns & Di Lollo, 2000). Celui-ci consistait en le même visage neutre qui était apparu comme cible mais découpé en carrés réorganisés de manière aléatoire sur la surface du visage (voir figure 2). Ces masques, également générés par le logiciel Adobe Photoshop (version 11), avaient déjà été utilisés dans des études antérieures (Kiss & Eimer, 2008) et présentent l’avantage de conserver les mêmes couleurs, texture et contrastes que le visage présenté précédemment. Nous avons choisi de présenter un visage neutre et non de peur, brouillé dans toutes les conditions afin d’éviter une situation dans laquelle un de ces masques contiendrait un segment avec des propriétés reconnaissables associées à la peur, comme par exemple des yeux largement ouverts (Kiss & Eimer, 2008).

Nous avons choisi l’expression émotionnelle de peur, car beaucoup d’auteurs estiment que cette dernière est traitée par un module spécialisé dans le cerveau (LeDoux & Bemporad, 1996; A. Ohman & Mineka, 2001). En outre, certains auteurs estiment que cette émotion est particulièrement adaptée pour attirer l’attention du sujet. Les visages avec expression neutre et de joie nous serviront de ligne de base pour inférer l’effet de la peur sur l’attention, indépendamment de l’effet de la perception d’un visage et de celui d’une autre émotion. La figure 3 montre un exemple de visage avec expression émotionnelle neutre, de peur et de joie tels qu’utilisés dans notre expérience. Nous avons choisi de placer les stimuli émotionnels dans la région fovéale du champ de vision du sujet. En effet, une expérience de Holmes, Kiss et Eimer (2006) a montré que des sujets devant focaliser leur attention sur des lignes présentées en périphérie et sur lesquels on mesurait des ERP répondaient précocement à des visages exprimant la peur s’ils étaient disposés fovéalement. A l’inverse, plusieurs autres expériences n’ont pas mesuré d’effets de l’expression émotionnelle quand leur sujets devaient

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focaliser leur attention sur des stimuli secondaires et que les stimuli émotionnels étaient situés en périphérie (Eimer et al., 2003; Holmes et al., 2003).

Figure 2. Visages et masques tels qu’utilisés dans notre expérience.

Procédure.

L’expérience, présentée au sujet comme une étude sur les fonctions visuelles, s’est déroulée dans une cage de Faraday, dans un environnement calme où le sujet ne risquait pas d’être distrait de sa tâche. Elle s’est faite sur un ordinateur ayant un écran de 30 cm x 41 cm, placé de telle sorte qu’une distance d’environ 70 cm séparait les yeux du sujet du centre de l’écran.

Une croix de fixation (1.64° x 1.64° d’angle visuel, épaisseur du trait : 0.08° d’angle visuel), d’une durée aléatoire de 800, 1000 ou 1200 ms était affichée au centre de l’écran avant chaque essai. Puis, un visage avec expression de peur, de joie ou neutre apparaissait pendant une durée de 16 ms (condition subliminale) ou de 166 ms (condition supraliminale).

Il était ensuite remplacé par un masque d’une durée de 284 dans la condition subliminale ou de 134 ms dans la condition supraliminale. Le masque disparaissait ensuite et une première question apparaissait à l’écran demandant au sujet s’il avait vu l’expression émotionnelle du visage. Une fois que le sujet avait répondu, une deuxième question apparaissait à l’écran, demandant au sujet de deviner si l’expression émotionnelle du visage était de peur ou de non- peur (voir figure 4 pour un schéma de l’expérience et l’annexe IV pour les consignes exactes

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données aux sujets). La question restait visible jusqu’à ce que le sujet ait appuyé, avec l’index ou le majeur de sa main droite, sur une des deux touches de réponse. La réponse correspondant à chacune des touches était contrebalancée entre les sujets. Avant l’expérience à proprement parler, le sujet effectuait dix essais non analysés pour se familiariser avec la tâche.

Figure 3. Visages avec expression émotionnelle neutre, de peur et de joie.

Plan d’expérience

Chaque sujet passait un bloc de 96 essais (=2 x 12 visages x 2 conditions émotionnelles x 2 durées) dans un ordre aléatoire. Ainsi chacune de nos quatre conditions (non-peur subliminal / peur subliminal / non-peur supraliminal / peur supraliminal) était représentée par 24 essais par sujets.

Notre première variable indépendante est la durée de présentation des stimuli : dans la condition subliminale, les visages sont présentés pendant 16 ms, suivi du masque pendant 284 ms (durée totale: 300 ms), alors que dans la condition supraliminale, les visages sont présentés pendant 166 ms suivis du masque pendant 134 ms (même durée totale de 300 ms).

Le choix de ces deux durées se base sur l’observation dans des études antérieures qu’à 16 ms, aucun sujet ne perçoit un stimulus et qu’à 166 ms, tous les sujets perçoivent le stimulus, alors que pour les durées comprises entre 16 ms et 166 ms, il y a des différences interindividuelles quant à la perception consciente ou non du stimulus (Eimer et al., 2003;

Holmes et al., 2003). La seconde variable indépendante est l’expression du visage: cette dernière peut être une expression émotionnelle de peur, une expression neutre ou une

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expression de joie. Les variables dépendantes de notre expérience sont le nombre de réponses « oui » et « non » à la première question sur la perception de l’expression émotionnelle, et le nombre de réponses correctes et erronées lorsque les sujets devaient deviner l’expression du visage.

Figure 4. Exemple schématisé du déroulement d’un essai de l’expérience 1.

2. Expérience 2

Participants

Les mêmes participants de l’expérience 1 ont effectué l’expérience 2.

Matériel et dispositif

Les mêmes visages utilisés dans l’expérience 1 étaient utilisés et présentés aux sujets.

De plus, sur la gauche et la droite du visage, à une excentricité de 6.84° d’angle visuel, deux barres verticales blanches alignées par leur milieu, pouvant être de longueur identique ou différente, étaient présentées. Deux hauteurs de ligne étaient utilisées : des lignes courtes (0.33° x 2.2° d’angle visuel) et des lignes longues (0.33° x 4.82° d’angle visuel). Il y avait ainsi quatre arrangements de lignes possibles : une ligne courte de chaque côté, une ligne longue de chaque côté, une ligne courte à gauche et une ligne longue à droite ou une ligne longue à gauche et une ligne courte à droite. Nous avons choisi des lignes comme stimuli sur lesquels le sujet doit porter son attention car comme il s’agit de stimuli fins, le sujet n’aura pas besoin de déplacer son regard afin de les percevoir correctement, d’autant plus qu’elles sont placées très près du visage présenté. Ainsi, nous avions plus de chance que le visage émotionnel reste dans le champ visuel central du sujet, même lorsque ce dernier portait son

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attention sur les lignes. De plus, Pour la même nécessité de disposer nos stimuli le plus près possible du visage, nous avons renoncé à la possibilité de présenter des lignes inclinées de diverses façon de part et d’autre du visage et de donner comme tâche au sujet d’indiquer si ces lignes sont parallèles ou pas. En effet, cela aurait impliqué qu’une des extrémités de la ligne soit forcément plus éloignée du visage que l’autre.

Procédure.

Afin de nous assurer que le focus attentionnel du sujet ne porte pas sur les visages nous avons donné aux sujets une tâche portant sur les deux barres présentées de part et d’autre des visages. Il s’agissait d’une tâche de comparaison: le sujet devait appuyer sur une touche si deux barres présentées sur un écran étaient de longueur différente, ou sur une autre si elles étaient de même longueur. La disposition des touches était intervertie pour la moitié des sujets.

Figure 5. Exemple schématisé du déroulement d’un essai de l’expérience 2 en condition supraliminale et subliminale.

Une croix de fixation, dont la durée était aléatoirement de 800, 1000 ou 1200 ms était affichée au centre de l’écran avant chaque essai. Le visage et les barres apparaissent ensuite simultanément. Le visage était ensuite remplacé par un masque, alors que les deux barres restaient affichées. Bien que le sujet devait maintenir son point de fixation à l’endroit indiqué par la croix, endroit où apparaît par la suite le visage, il leur était dit explicitement de ne pas prêter attention à ce dernier s’il le voyait (pour la consigne intégrale, voir annexe V). Ainsi, si

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le sujet traitait l’expression émotionnelle du visage, ce traitement était de nature implicite.

Après 300 ms, le masque et les deux barres disparaissaient et un écran de réponse apparaissait sur lequel figurait le texte « Même ou différent ? ». Ce dernier restait visible jusqu’à ce que le sujet ait appuyé, avec l’index ou le majeur de sa main droite, sur une des deux touches de réponse (voir figure 5 pour une schématisation d’un essai de l’expérience 2). La réponse correspondant à chacune des touches était contrebalancée entre les sujets et avant l’expérience à proprement parler, le sujet effectuait dix essais non analysés pour se familiariser avec la tâche.

Plan d’expérience

Chaque sujet passait deux blocs de 192 essais (=12 visages x 2 conditions émotionnelles x 2 durées x 4 compositions de barres) dans un ordre aléatoire. Ainsi chacune de nos quatre conditions (non-peur subliminal / peur subliminal / non-peur supraliminal / peur supraliminal) était représentée par 96 essais par sujets.

Nos deux variables indépendantes étaient les mêmes que dans l’expérience 2, à savoir la durée de présentation du visage (16 ms vs 166 ms) et l’expression du visage (peur vs joie vs neutre). Afin de simplifier la tâche du sujet en EEG, nous avons regroupé les visages avec expression neutre et de joie en une seule catégorie « non-peur ». Les variables dépendantes de notre expérience étaient, au niveau comportemental, le nombre d’erreurs produites dans chaque condition dans la discrimination du caractère identique ou différent des deux barres et, au niveau électroencéphalographique, les réponses cérébrales enregistrées.

Pour éviter la présence d’artéfacts moteurs dus aux mouvements des doigts du sujet pour répondre, le sujet ne pouvait donner sa réponse qu’après l’apparition à l’écran de la question

« même ou différent ? ». Il en résultait toutefois que la mesure des temps de réponse des sujets perdait de son sens, puisque le sujet ne pouvait pas répondre plus rapidement que 300 ms après l’apparition des barres à l’écran, durée correspondant à l’apparition de la question.

3. Enregistrements et analyses EEG-ERP.

L’étude EEG a été menée dans une cage de Faraday, avec un système Géodesic (Electrical Geodesics, Inc., USA) à haute densité. Les données ont été enregistrées de manière continue avec un échantillonnage de 500 Hz, à partir de 256 électrodes équidistantes montées sur un casque couvrant le scalp du sujet et référencées au vertex. Toutes les impédances étaient maintenues en-dessous de 50kΩ.

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