1
lolcGill University, I-iontréal
La préhistoire de Kh6stia
Thèse soumise
àla
Faculté des études supérieures et de la recherche
comme exigence partielle en vue de l'obtention du diplôme de
docteur ès philosophie (Ph.D.)
par
Jacques Morin
sous la direction de
John M. Fossey (professeur)
...
©
Jacques Morin 1991
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par
quelque procédé que ce soit sans le consentement de l'auteur est
illicite.
Listes des illustrations 1. Figures
2. Planches
Résumé / Abstract
Préface
Abbréviations utilisées dans le texte et les annexes
Chapitre 1: Introduction
1.1 Copsidérations générales 1.2 Présentation du matériel
Chapitre 2- ~e site et son territoire 2.1 Le
Kastron,
la fouille2.2 Le terr i toire de
Kh6stia
2.3 Les vestiges hors duKastron
Chapitre 3: La céramique de l'Helladique Ancien 3.1 Description générale 3.1.1 La technique 3.1.2 L'analyse statistique 3.1.3 Les fabriques 3.2 Analyse typologique 3.2.1 Le mode de classement 3.2.2 Les formes ouvertes
3.2.2.1 Considérations générales 3.2.2.2 Type l (rebord évasé)
3.2.2.3 Type II (bol à rebord rentrant) 3.2.2.4 Type IV (coupelle à paroi concave) 3.2.2.5 'type VI (bol hémisphérique)
3.2.2.6 Type VII (bol à rebord évasé)
3.2.2.7 Type VIII (bol à rebord très évasé) 3.2.2.8 Sau~ières
3.2.2.9 Cuillère 3.2.3 Les formes fermées
3.2.3.1 Considérations générales
3.2.3.2 Type XI (jarre à col légèrement évasé) 3.2.3.3 Type XII (jarre à col cylindrique) 3.2.3.4 Type XIII (jarre à col rentrant) 3.2.3.5 Type XIV (jarre à col très évasé) 3.2.3.6 Autre
3.2.4 Les bases
3.2.4.1 Considérations générales
3.2.4.2 Type l (base à élévation nulle)
3.2.4.3 Type II (base à élévation de profil rentrant) 3.2.4.4 Type III (base en anneau vertical)
3.2.4.5 Type IV (base en anneau évasé) 3.2.4.6 Type V (base en piédestal) 3.2.4.7 Pieds de vase v vii viii x xii 1 3 8 13 19 22 22 26 31 32 32 34 34 39 47 50 51 59 63 64 66 66 66 70 75 82 85 88 89 89 93 95 98 106 109 110
.
,
..
3.2.5 Les teSfJons décorés
3.2.5.1 Les décors d'applique
3.2.5.2 Les décors imprimés ou incisés
3.2.5.3 Les décors peints
3.2.6 Les fragments d'anses
3.2.6.1 Considérations générales
3.2.6.2 Les anses en bandeau
3.2.6.3 Les anses de section circulaire
3.2.6.4 Les anses de section ovale
3.2.6.5 Les anses pleines
3.2.7 Tesson
àsurface réaménagée
3.3 Sommaire, quelques éléments de chronologie
3.4 Catalogue
3.4.1 Rebords (formes ouvertes)
3.4.2 Rebords (formes fermées)
3.4.3 Bases
3.4.5 Parois décorées
3.4.5 Anses
3.4.6 Divers
Chapitre 4: La céramique de l'Helladique Moyen
4.1 Considérations générales
4.2
Les fabriques
4.2.1 Le minyen gris
4.2.1.1 Caractères physiques
4.2.1.2 Typologie
4.2.2 Le minyen noir
4.2.3 Le minyen jaune
4.2.3.1 Caractères physiques
4.2.3.2 Typologie
4.2.4 Le
matt-painted
4.2.4.1 Caractères physiques
4.2.4.2 Typologie
4.2.4.3 Motifs décoratifs
4.2.5 La céramique
àdécor polychrome
4.3 Sommaire, éléments de chronologie
4.4 Catalogue
4.4.1 Le minyen gris
4 • 4 •
1.1 Rebords
4.4.1.2 Bases
4.
4. 1. 3Anses
4.4.1.4 Parois
4.4.2 Le minyen noir
4.4.3 Le minyen jaune
4.4.3.1 Rebords
4.4.3.2 Bases
4.4.3.3 Anses
4.4.3.4 Parois
4.1.4Le
matt-painéed
4 • 4 • 4 • l Rebord
4.4.4.2 Bases
4.4.4.3 Anses
4.4.4.4 Parois
4.4.5 La céramique
àdécor polychrome
i i
111 112 116117
120
120
121
123
125
125
127
127
129
129
142
155
171
173
188 189190
190190
193 199200
200
202
205
205
207
210
212
215
217
217
217
218219
220228
229 229229
229 230236
236236
236237
2401
Chapitre 5: La céramique de l'Helladiq\le Récent 5.1 Caractères physiques 5.1.1 Considérations générales 5.1.2 Les fabriques 5.1.3 La peinture 5.2 La typologie 5.2.1 L'état de la collection 5.2.2 Les forlTles ouvertes5.2.2.1 Les rebords de vases coniques
5.2.2.2 Leg rebords ~e vases hémisphériques 5.2.2.3 Les rebords de vases de profil vert~cal 5.2.2.4 Les rebords de vases à vasque en
rebord évasé 5.2.2.5 Divers
5.2.3 Les cols de formes fe~Mées
5.2.3.1 Les cols s'évasant depuis la base 5.2.3.2 Les cols cylindriques
5.2.3.3 Les vases de type "hole-mouthed" 5.2.3.4 Vase à col rentrant
5.2.4 Couvercles?
5.2.5 Les rebords non identifiables 5.2.6 Les bases
5.2.6.1 Les fonds plats
5.2.6.2 Les bases en anneau vertical 5.2.6.3 Les bases en anneau évasé 5.2.6.4 Les bases en piédestal court 5.2.6.5 Les pieds de kylikes
5.2.6.6 Les bases non identifiables 5.2.7 Les anses
5.2.7.1 Les anses en bandeau
5.2.7.2 Les anses de section circulaire 5.2.7.3 Autres
5.2.8 Les fragments de parois
5.2.8.1 Considérations générales 5.2.8.2 Les tessons identifiables
cloche et à 241 241 241 246 247 247 251 251 259 167 27] 282 284 284 286 287 290 290 291 291 291 294 296 '2')7 299 300 300 301 303 304 304 304 306 5.3 Récapitulations 314 5.3.1 Sommaire de la typologie 314 5.3.1.1 Conidérations générales 314
5.3.1.2 Les tas&es plates (FS 219-220) ou les petits 316 bols (FS 283)
5.3.1.3 Les chopes (FS 225-226) ou les tasses 3J6 cylindriques (FS 230)
5.3.1.4 Les gobele~s (FS 254-2~5 et FS 263) 316 5.3.1.5 Les cratères (FS 281-282 et FS 7-10) 317 5.3.1.6 Les bol~ profonds (FS 284-286) ou les bols 317
à pied (FS 304-305)
5.3.2 Sommaire de la chronologie, éléments décoratifs 319 5.4 Provenances
5.5 Catalogue
5.5.1 Rebords, formes ouvertes 5.5.2 Rebords, formes fermées 5.5.3 Couvercles?
5.5.4 Rebords non identifiables
322 325 325 342 345 345
5.5.5 Bases 5.5.6 Anses
~.5.7 Parois peintes
Chapitre 6: L'occupation préhistorique du Kastron 6.1 Introduction
6.2 Méthodologie 6.3 Les données
6.3.1 L'acropole
6.3.2 Le quartier Est, section Nord 6.3.3 Le quar~~er Est, section Sud 6.3.4 Le quartiur Sud
6. 3. 5 Le secteur V. 4
6.3.6 Les terrasses du secteur V.1-V.3 6.4 Commentaire
Chapitre 7: Kh6stia dans son contexte régional 7.1 Introduction
7.2 Le site dans son environnement local 7.2.1 Environnement et démographie
7.2.2 Les sites préhistoriques de la côte a - Thisbé
b - Li'ladh6stro
c -
Aliki d - Zaltsa7.2.3 Evolution de l'habitat préhistorique 7.3 Les voies de communication
7.4 Récapitulation
Annexe 1: Liste des sites préhistoriques de Béotie
Annexe II: Eutrésis
Abbréviations et bibliographie Planches
iv
346 355 362 414 415 421 421 426 428 430 431 432 434 443 444 444 448 450 451 452 453 454 461 466 469 473 476 4891
Listes des illustrations 1. Figures2.1 Plan d'ensemble du Kastron Khosti6n 9
2.2 Le territoire dE> Kh6stia 14
3.1 Formes ouvertes, Helladique Ancien 35
3.2 Helladique Ancien, Inv. 1-22 40
3.3 Helladique Ancien, Inv. 23-45 43
3.4 Helladique Ancien, Inv. 46-72 52
3.5 Helladique Ancien, Inv. 73-103 55
3.6 Helladique Ancien, Il.V. 105-1'Z8 61
3.7 Formes fermées, H~lladique Ancien b7
3.8 Helladique Ancien, Inv. 129-157 72
3.9 Helladique Ancien, Inv. 160-182 78
3.10 Helladique Ancien, Inv. 185-209 83
3.11 Bases, Helladique Ancien 90
3.12 Helladique Ancien, Inv. 224-271 94
3.13 Helladique Ancien, Inv. 275-303 100
3.14 Helladique Ancien, Inv. 304-311 107
3.15 Helladique Ancien, Inv. 352-506 114
4.1 Helladique Moyen, Inv. 508-311 195
4.2 Helladique Moyen, Inv. 622-687 203
4.3 Helladique Moyen, Inv. 689-715 209
5.1 Helladique Récent, Inv. 716-746 252
5.2 He 11 adique Récent, Inv. 747-775 260
5.3 Helladique Récent, Inv. 776-798 268
5.4 Hel1adique Récent, Inv. 800-827 274
5.5 Helladique Récent, Inv. 828-849 283
5.6 Helladique Récent, Inv. 8S8-888 292
5.7 Helladique Récent, Inv. 889-915 298
5.8 Helladique Récent, anses et décors peints 302
5.9 He11adique Récent, décors peints 308
5.10 He11adique Récent, décors peints 309
6.1 Répartition des tessons de l , Helladique Ancien en surface 423 du site
6.2 Répartition des tessons de l'Hellad~que Récent en surface 424 du site
vi
6.3 Reconstitution des secteur habités du site durant 435 la préhistoire
7.1 Carte du Sud-Ouest béotien 449
7.2 Les sites de Béotie entre l'Helladique Ancien II et l'Helladique 456 Moyen
7.3 Les sites de Béotie entre l'Helladique Moyen et l'Helladique 458 Récent IlIA
7.4 Le Sud-Ouest de la Béotie et les régions avoisinantes, axes 462 de communication
8.1 Les sites préhiBtori~ues de Béotie 472
2. planches
1. Le Kaotron et la plaine vus de Malia Sénga; en arrière-plan le massif de l'Hélikon
2. Le Kastron vu de la crête Est
3. Le Kastron vu du seuil au Nord de l'acropole
4. La plaine de Saran di vue de l'extrémité Sud du Kastron 5. Rebords divers, Helladique Ancien
6. Pieds à crête, Helladique Ancien 7. Anses, Helladique Ancien
8. Décors plastiques, Helladique Ancien 9. Décors peints, Helladique Ancien
la.
Fabriques diverses, Helladique Ancien11. Base de gobelet en minyen ~ris, Helladique Moyen 12. Base de "panel cup" matt-pa~nted, Helladique Moyen 13. Anses matt painted, Helladique Moyen
14. Décors matt painted, Helladique Moyen
15. Décors polychromes et minyen jaune peint, Helladique Moyen 16. Rebords avec motifs divers, Helladique Récent
17. Parois avec motifs divers, H~lladique Récent 18. Petit gobelet, Helladique Récent
19. Anses diverses, Helladique Récent 20. Spirales à point, Helladique Récent 21. Spiralas, Helladique Récent
22. Spirales, Helladique Récent
23. Motifs linéaires variés, Helladique Récent 24. Festons, Helladique Récent
25. Zig-ZagE, Helladique Récent
26. Décors linéaires, Helladique Récent
27. Pi9ds de Kylix à décor linéaires, Helladique Récent 28. Parois à décors linéaires, Helladique Récent
29. Parois à fins décors linéaires, Helladique Récent
489 489 490 490 491 491 492 492 493 493 494 494 495 495 496 496 497 497 498 498 499 499 500 500 501 501 502 502 503
Résumé
La présente thèse a pour but de présenter une analyse du site de
Kh6stia dans le Sud-Ouest de la Béotie durant la préhistoire. Le matériel
étudié provient de deux campagnes de fouilles et de relevés de surface. On
présente d'abord (chapitre 2) une analyse du site et de son territoire: le
site lui-même occupe le sommet d'un kastron à mi-pente d'un contrefort de
l'Hélikon en retrait d'une petite plaine côtière qu'il domine; il
s'intègre dans un territoire en grande partie montagneux propice surtout au
pâturage. La superficie limitée du territoire dans son ensemble suggère
que le site ne fut jamais plus qu'un village. L'analyse de la céramique
(chapitres 3, 4, 5 et 6) prouve que le site fut habité de manière continue
entre l'Helladique Ancien (s'amorçant probablement durant l'HAI) et la
période mycénienne (le matériel le plus récent datant au plus tard de la
phase initiale de l'HRllIe), après quoi le site fut abandonné. Des
catalogues complets de la céramique sont intégrés aux chapitres analytiques
pertinents. Une analyse de la fréquence des divers types de céramique
(chapitre 6) suggère que la population du site atteignit sa densité
maximale durant la période mycénienne (HRIIIA-B). Finalement (chapitre 7)
on considère Kh6stia dans son contexte régional en présentant un aperçu de
l'occupation préhistorique de la zone côtière du Sud-Ouest béotien et des
The objective of the present dissertation ls to present an analysie
of the site of Kh6stia in South West Bolotia during prehistory. The
material under consideration cornes from two excavation campalgns and sUl'vey
seasons. An analysis of the site and its territory is presented first
(chapter 2): the site itself is limited to the summit of a kastron located
on a spur of the Helikon at the he ad of a small coastal plain which it
dominates; it is integrated within largely mountainous terrain suitable
mostly for herding. The limited are a covered by the territol'y as a whole
suggests that the site was never more than a village. The analysis of the
pottery (chapters 3, 4, 5 and 6) proves that the site was inhabited
continuously from the Early Helladic period (starting probably within EHr)
to the Mykenaian period (the most recent material dates from the earliest
phase of LHllle), the site was abandoned thereafter. Complete pottery
catalogues are integrated into the appropriate analytical chapters. An
analysis of the frequency of the various types of ceramics (chapter 6)
suggest that the population of the site reached its maximum density during
Mykenaian times (LHIIIA-S). Finally (chapter 7) Kh6st~a ie considered
within its regional context through an overview of the prehistoric
occupation of the coastal area of South West Soiotia and of the
communication axes linking it with its immediate neighbours.
Préface
L'étude qui suit présente une analyse détaillée de tout le matériel
préhistorique récolté en cours de fouille sur le site de
Kh6stia dans le
Sud Ouest de la Béotie. Le site lui-même, tout comme les établissements
avoisinants, était connu jusqu'à présent uniquement par des trouvailles de
surface.
La céramique elle-même, qui n'a jamais été publiée, nous permet
de préciser la séquence d'habitation sur le site même et de donner un
aperçu de la culture matérielle des habitants d'un site peu connu.
Les
relevés de surface effectués en même temps que la fouille nous permettent
d'évaluer de manière générale le mode d'occupation préhistorique du
territoire dans son ensemble en présentant des données également nouvelles.
La présente thèse n'aurait pu être complétée sans la contribution de
plusieurs organismes et individus.
Il me faut au premier chef remercier
les organismes dont les bourses m'ont permis de me consacrer à ce projet,
d'abord la Fondation McConnell (McConnell Memorial Fellowship 1984-85,
85-86 et 85-86-87) sans laquelle je n'aurais pu demeurer aux études;
la faculté
des études supérieures de l'Université McGill pour une bourse d'été qui m'a
permis de me rendre en Grèce pour amorcer l'analyse de la céramique; le
Conseil de la recherche en sciences humaines et sociales du Canada qui ont
financé le projet auquel j'ai pu m'intégrer à partir de l'été 1983; enfin
The Institute of the study of Aegean prehistory dont la bourse a permis de
mettre le point final aux analyses du matériel préhistorique.
En Grèce même je dois remercier le personnel du Musée de Thèbes en
particulier les gardiens qui, malgré l'espace limité et le peu de moyens,
ont su me faire une place au cours de trois saisons d'études.
Je remercie
également les autorités des réserves "Leonal."dho" du Musée de Nauplie de
m'avoir permis de prendre connaissance de leur collection de céramique
préhistorique par laquelle j'ai pu me familiariser avec une masse de
matériel.
Je suis reconnaissant aussi
àElisabeth Banks de m'avoir montré
une partie du matériel de Lerne au Musée d'Argos et
àNancy Wilkie pour sa
céramique de Phocide au Musée de Delphes.
Je reconnais également la
contribution de l'Institut canadien d'archéologie
àAthènes dont la
présence nous permet d'avoir accès au terrain et aux Musées Grecs.
Je remercie enfin tous les participants et collaborateurs du projet
Kh6stia, en particulier son directeur John M. Fossey de m'avoir confié
l'étude du matériel préhistorique, et Ginette Gauvin avec qui j'ai souvent
travaillé et qui a dessiné le plan général du site (figure 2.1) et la carte
de Béotie (figures 7.3, 7.4 et 8.1).
Abbréviations
La liste qui suit ne concerne que les abbréviations utilisées dans le
texte, les catalogues et les annexes;
les abbréviations bibliographiques
sont regroupées en tête de la bibliographie.
FM
=Motif décoratif selon Furumark (Furumark Motif)
FS
=Forme selon Furumark (Furumark Shape)
HA
=
Helladique Ancien
HM
=Helladique Moyen
HR
. "Helladique Récent
N=
Néolithique
n.d.
=
non disponible
S
=
Sub-mycénien
Introduction
1.1 Considérations générales
Le site de Kh6stia est localisé à environ 60km à l'Ouest-Sud-Quest de
Thèbes, à proximité de la côte du Golfe de Corinthe (Figure 1.1, infra), à
l'extrémité d'un éperon rocheux qui se détache de la base du massif de
palaiovoûno sur le versant Sud de l'Hélikon. Les vestiges diagnostiques
visibles en surface de l'établissement, y compris ceux de la préhistoire,
s'étendent sur une surface totale approximative de 4,45 hectares (Fossey,
1981: 12).
Le site est connu depuis fort longtemps, mais n'a accueilli qu'un
nombre restreint de visiteurs depuis Leake au début du 19ième siècle
(Fossey, 1981: 1
&
Il) et n'avait suscité qu'un nombre restreint de courts commentaires (sur sa position Gomme, 1911-12: 205; Frazer, 1913: V.134iPhilippeon
&
Kirsten, 1951: 456; sur la présence de matérielmésohelladique Philippson
&
Kirsten, 1951: 687), de sorte qu'aucune étude consacrée spécifiquement aux ruines apparentes en surface du Kastron n'estparue avant 1972 (Büsing
&
Bü~ing, 1972: 74-87). Les vestiges les plus caractéristiques et clairement visibles en surface du site appartiennentuniquement à la période historique. Ils consistent en un important ouvrage
fortifié ceignant la majeure partie de sa superficie; les quelques
segments qui subsistent de la forteresse expliquent son toponyme moderne
usuel de Kastron, précisément Kastron Khostion, le "Kastron de Kh6stia"
(pour une description de ces vestiges architecturaux voir Fossey 1981:
passim, particulièrement 62-70 et figs 15-21; Fossey 1988: 187-194). Ce
(
2
relatifs
àla cité historique qui ont suscité le plus d'intérêt de la part
des chercheurs dans le passé et qui ont permis d'assimiler le
Kastron
àla
cité béotienne de Chorsiai (pour la bibliographie principale du site voir
Fossey, 1988: 188; cf: également Roesch, 1965: 56-58
& 1970).
Les vestiges préhistoriques visibles en surface sont de nature
beaucoup plus discrète, puisqu'ils se limitent
àdes tessons. La séquence
d'habitation préhistorique fut établie au début de ce siècle par Heurtley
(1923-25: 42) et ensuite répétée dans les compilations de Hope Simpson
(1965: 123 no 420) puis de Hope Simpson & Dickinson (1979: 250, G36);
enfin Fossey (1988: 193) a publié une séquence beaucoup plus complète qui
résulte en partie de ses propres observations sur le matériel de surface
et, d'autre part, de l'étude préliminaire du matériel récolté en cours de
fouille (Fossey, 1981; Fossey
&
Morin, 1986; Fossey, 1988: 187-193; Fossey
&Morin, 1989) dont la présente étude constitue l'aboutissement.
Le projet d'étude du site de
Kh6stia lui-même découle d'un relevé
extensif des sites urbains de l'ensemble de la Béotie entrepris en 1965 et
poursuivi avec quelques
interruptio~sjusqu'au milieu des années 1980
(Fossey, 1988: xvi-xviii; Fossey
&
Morin, 1989: 165).
Le projet dans son
ensemble comporte deux volets, le premier centré sur le
Kastron lui-même,
consistant en un relevé systématique des vestiges disponibles en surface
suivi d'une fouille sélective
(infra 1.3.1) devant préciser la chronologie
de l'érection des murs (d'enceinte et de terrassement) uniquement
da~ables,en l'absence d'une fouille, par leur style architectural (Fossey, 1981;
Fossey
&
Morin, 1986:
passim);
le second aspect du projet consiste en un
relevé topographique du territoire au sein duquel la cité historique - et
donc l'établissement préhistorique - s'insérait, un territoire dont les
1
t
196; voir également planche l et figure 2.2 infra).
1.2 Présentation du matériel
La présente étude comporte six chapitres: la présentation du site et
de son territoire (chapitre 2), l'analyse du matériel (chapitres 3 à 5),
l'évolution de l'habitation sur le
Kastron
(chapitre 6) et l'intégration du site dans son environnement régional (chapitre 7).Le matériel discuté dans les chapitres qui suivent - et qui
constituent la majeure partie de la présente étude - se limite aux objets
récoltés en cours de fouille, c'est-à-dire la poterie uniquement car sur le
Kastron
ne survivaient aucune structure ni artefact datable de lapréhistoire autres que la céramique. L'absence de bronzes, de figurines et
d'outillage lithique dans notre catalogue s'explique en grande partie par
les aléas de la préservation des vestiges en contexte archéologique, par
les hasards de l'échantillonnage et par la surface fort limitée de
l'ensemble des sondages; elle ~e signi.fie aucunement qu'ils étaient
absents sur l'établissement. De plus, le matériel provenant du site de
Mali
(Fossey&
Gauvin, 1985), l'a1ablissement ayant succédé auKastron
(infra,
section 2.2), et dont une portion date de la fin de la période mycénienne, fera l'objet d'une étude séparée.L'analyse du mutériel et le catalogue - divisé en trois sections
distinctes - constituent les trois chapitres principaux de la présente
étude: l'Helladique Ancien (chapitre 3), l'Helladique Moyen (chapitre 4)
et l'Helladique Récent (chapitre 5). Puisqu'il existe des typologies
spécifiques à la céramique de chaque période, un bref commentaire pertinent
à ce sujet apparalt en introduction des chapitres. Nous avons adopté pour
(
(
4
Ancien nos 1 à 507, Helladique Moyen 50d à 715, Helladique Récent 716 à
1394). Pour faciliter la consultation des illustrations et éviter la
multiplication des numé~os, chaque tesson apparaissant dans les figures et
les planches est identifié par son numéro d'inventaire seulement.
Le commentaire pertinent à chaque division chronologique du catalogue
constitue les premières sections des chapitres analytiques. Ce commentaire
prend la forme d'une description détaillée de la collection, suivant la
typologie pertinente à chaque époque.
Dans chacune des sections du catalogue trois éléments déterminent
l'ordre du classement des tessons. Le premier critère très général
consiste à classer les tessons selon leur appartenance à une partie
identifiable d'un vase, dans l'ordre: les rebords, les bases, les anses,
les fragments de paroi décorés. On procè1e ensuite selon un cl;ssement
typologique. Le contexte dans lequel fut découvert le tesson constitue le
dernier élément de classement, nous avons procédé en suivant l'ordre
numérique des sondages et la stratigraphie. Nous n'avons pas tenu compte,
lors de l'établissement du classement, de la date spécifique de chaque
tesson à cause du nombre fort réduit de vases dont i l fut possible de
déterminer la date précise à l'intérieur de chaque période.
Le catalogue lui-même fut conçu et composé dans un but purement
analytique; la description de chaque objet peut comporter jusqu'à cinq
éléments présentés dans l'ordre suivant:
1)
Le contexte
apparait au début de chaque description et comprend:le numéro d'inventaire, la référence aux figures et planches (si
1
2) L'identification du tesson selon la typologie, c'est-à-dire la forme du vase dont il provient. 3) La description; d'abord les caractéristiques physiques dumatériau constituant le tesson et qui apparait eous deux aspecte:
la fabrique (sa couleur [selon le système Munsell], sa qualité
[fine, semi-fine ou grossière), une description des inclusions) et
la finition (la présence et la couleur des engobes et de décor~
peints ou plastiques; ou tout aut~e traitement de surface tel le
polissage), puis les dimensions du tesson (pour les rebords et les
bases: diamètre, pourcentage préservé, épaisseur; pour les anses:
soit diamètre soit épaisseur et largeur; pour les fragments de
paroi: épaisseur seulement). Toutes les dimension" sont données
en mêtres pour éviter la multiplication des termes. Il arrive que
certaines dimensions ne soient pas disponibles, cela est dû à
l'état de fragmentation des tessons qui nous a empêchés de
procéder à une mesure.
4) La date, dans les cas où il fut possible d'offrir une datation
plus précise que simplement H.A., H.M. ou H.R.; cela s'avère
surtout pour la cér.amique mycénienne.
S) Les remarque., dans les cas où nous avons jugé opportun d'offrir
un commentaire supplémentaire sur un tesson particulier.
En cours d'analyse nous considérerons chaque tesson comme
représentatif d'un vase complet. Nous devons procéder ainsi parce que nous
ne posaédons aucun vase complet et un nombre très limité de vases
suffisamment préservés pour justifier la restauration d'un profil complp.t
(un exemple chacun dans le matériel protohelladique, et le matériel
6
situation particulière résulte de trois facteurs principaux.
On doit
considérer au premier chef que les vases représentés dans notre collection
constituent - sans doute presqu& exclusivement - des rebuts domestiques
jetés au terme d'une période d'usage normal, c'ast-à-dire qu'ils étaient
déjà en fragments au moment de leur rejec; aucune tomba
~réhistorique,source potentielle de vases complets, ne fut découverte en cours de
fouille.
Après leur rejet, les tessons furent graduellement dispersés
d'abord en surface avant d'étre enfouis;
une dispersion qui ne put que
s'accentuer lors des nombreux remaniements que subirent les sédiments
archéologiques de la préhistoire après leur formation initiale. On peut
détecter de tels remaniements notamment durant la période hellénistique et
la période romaine tardive (Fossey,
1981:3-86 passim;
Fossey
&
Morin,
1986: 71-155passim). Le troisième facteur est la faible superficie de
chaque sondage.
L'état général de notre collection nous amène
àregrouper les tessons
pour tenter de dégager les caractères communs des divers types;
c'est
pourquoi nous présentons systématiquement, quand un nombre suffisant
justifie la démarche, des moyennes statistiques (valeur médiane et
écart-type) et des graphiques illustrant la répartition des diamètres pertinents.
Un tel usage de statistiques, pour fruste qu'il apparaisse au départ, n'est
pas fréquent dans la littérature archéologique et suscite quelques
problèmes quand vient le temps de comparer notre collection avec ce qui est
disponible ailleurs.
Au chapitre six les données globales tirées de la céramique récoltée
en cours de fouille sont présentées et comparées avec les résultats des
collectes de matériel en surface dans le but d'offrir un aperçu de
chapitre final on considère notre établissement préhistorique dans le
contexte de l'évolution de l'habitat au niveau de sa région in~édiate.
l
Le site et son territoire Chapitre 2 2.1 LeKastron,
ia fouilleOn peut souligner deux objectifs principaux
àla fouille; elle
visait en premier lieu
àéclairer, sur un établissement d'importance
moyenne, la datation des diverses phases de l'architecture militaire pour
en tirer des conclusions applicables
àl'histoire des aménagements de
nature équivalente ailleurs en Béotie et, par
e~tension, àl'ensemble de la
portion orientale de la Grèce centrale;
le deuxième objectif du projet
consistait à préciser, et hypothétiquement
àcompléter, la séquence
d'habitation sur le site dont la connaissancp. dépendait jusqu'alors, du
moins dans ses détails, presque uniquement de la présence de matériel
céramique diagnostique en surface (Fossey, 1981: 3; Fossey
& Morin, 1989:
165). Signalons enfin qu'à ce jour aucune séquence complète d'habitation
en Béotie n'a fait l'objet d'une étude détaillée, et que le projet
Kh6stia
vise également
àcombler cette lacune,
àtout le moins pour le Sud-Ouest
béotien.
C'est donc dans le contexte d'un objectif secondaire, mais non
négligeable, du projet dans son ensemble que s'inscrit l'étude des vestiges
de la préhistoire de
Kh6stia.
Pour les besoins de l'étude le site fut divisé en six secteurs dont
les limites furent définies par la nature du terrain et la présence du mur
d'enceinte de la cité historique (figure 2.1,
infra)~quatre des six
secteurs sont situés
àl'intérieur de la forteresse.
Le site culmine en
une Acropole (secteur III) de surface plane limitée au Nord au Sud et
àl'Est par un mur de soutènement et
àl'Ouest par des falaises.
Le quartier
Ouest (necteur I) occupe en contrebas de l'Acropole un petit plateau en
t
N
t
-"",
.~ .... mur tr .. (~ p,~\um~ • c,)vPfnfl"OtI \-OU' 'oc ....
tNuln/cllt'fnt KHOSTIA, BOIOTIA
o
10 tE?J
(j) QtJd' Iu.", 1 SN" ,~u, L - . -_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _Figure 2.1 Plan d'ensemble du K~stron
•
10
~ente
douce délimité
àl'Ouest et au Sud par de nouvelles falaises et au
Nord par le mur d'enceinte.
Le quartier Est (secteur IV), délimité
àl'Ouest par le mur de soutènement Est de l'Acropole, au Nord et
àl'Est par
le mur d'enceinte et prolongé au Sud par le quartier Sud, occupe une pente
assez raide, avec quelques surfaces planes derrière des affleurements du
roc.
Le quartier Sud (secteur II) est associé directement
àla porte Sud
de l'enceinte, aucune structure ne le sépare du quartier Est au Nord.
Le
secteur V
~'étenden un arc de
ce~cle àl'extrémité méridionale de
l'établissement, au Sud de la muraille. Le secteur VI occupe la marge Nord
du site et comprend la terrasse du temple (de Héra?) légèrement en
contrebas de l'Acropole et la partie supérieure de la pente Est du
Kastron.
Des sondages ont été effectués dans tous les secteurs sauf la terrasse du
temple et le quartier Ouest où des problèmQs légaux touchant la propriété
des terres nous ont empêchés de fouiller.
Les deux campagnes de fouilles dont les résultats ont été exposés
dans des rapports préliminaires ont été menées
àKh6stia respectivment en
1980 (Fossey, 1981) et en 1983 (Fossey & Morin, 1986)
du~antlesquelles
plus de vingt sondages de superficie limitée ont été effectués sur
l'ensemble du site: contre la face interne du mur d'enceinte de la cité
(des côtés Nord [sondages I.A, IV.A, IV.B et IV.C] et Sud [sondage II.B],
contre un
proteikhismadu côté Est [sondage IV.F]), sur l'Acropole (le long
du mur de soutènement Nord [sondage N-2], contre sa porte Sud [sondage
III.A], en surface interne [sondages P-3 et S/T-8]), contre divers murs de
soutènement dans les Quartiers Est (sondages IV.D, IV.E) et Sud (sondages
II.A, II.C, II.0, II.E et II.F), et hors de l'enceinte (du côté Nord
[sondages VI.A et VI.Bl et du côté Sud [sondages V.1, V.2, V.3 et V.4]).
Le positionnement de chaque sondage reflète l'objectif principal de la
,
,
,
,,
t.
f
1
•
11fouille qui consistait à documenter l'histoire des murs du site; en fait,
seuls les sondages P-3 et S/T-8 effectués à l'intérieur de l'Acropole
avaient pour but spécifique de vérifier la séquence d'habitation sur le
site (Fossey, 1981: 79; Fossey
& Morin, 1986: 147).
Il faut finalement
noter trois opérations de décapage effectuées près de la porte Nord-Rst, le
long de la route Sud et sur la terrasse "industrielle", près du secteur V.
Aucun vestige préhistorique notable ne fut récolté dans ces zones,
signalons cependant que la plupart des remblais dégagés consistaient en de
minces strates déposées sur le roc après l'abandon final du site.
La
répartition des sondages et des surfaces décapées est illustrée sur le plan
d'ensemble du Kastron (figure 2.1
supra, les carrés rouges correspondent
aux sondages, les hachures aux surfaces dégagées).
Il n'entre pas dans le cadre de la présente étude de discuter en
détail des résultats de la fouille comme telle; pour une description de la
stratigraphie et les proportions du matériel préhistorique dans l'ensemble
de la récolte on se reportera aux
~apportsde fouilles déjà publiés
(Fossey, 1981; Fossey
& Morin, 1986). Nous devons toutefois apporter une
précision qui se rapporte directement au contexte archéologique des
trouvailles, car on constate pour tous les niveaux (sauf un) dégagés durant
la fouille - y compris les niveaux les plus profonds atteints dans les
sondages de l'Acropole - des
termini post quos postérieurs à la période
mycénienne (Fossey, 1981: 31-70
passim, particulièrement 62-70; Fossey &
Morin, 1986: 67-155
passim, particulièrement 143-144).
Le seul niveau dont
la formation
pourraitdater de la préhistoire ne fut associé
àaucun
vestige
struct~rel;en fait il semble qu'il ait été protégé de toute
contamination postérieure par la présence probable d'un mur de soutènement
daté de la période Archaïque (Fossey
& Morin, 1986: 106 & 113). C'est donc
12
dire que la totalité de la récolte de vestiges céramiques datant de la
préhistoire provient de sédiments archéologiques secondaires, résultant le
plus souvent de processus de formation postérieurs de plusieurs siècles aux
contextes d'usage ou de dépôt primaire.
L'absence totale, dans la stratigraphie, de niveaux de formation
contemporaine des périodes d'usage de la céramique préhistorique, ou
àtout
le moins assimilables
àdes sédiments primaires, ne permet aucune
association directe entre les tessons et leur contexte d'usage spécifique
et nous impose de sérieuses limites affectant de façon fondamentale la
manière dont nous pouvons traiter les divers aspects de notre matériel.
Nous ne pouvons, par exemple, définir ou reconstituer aucun groupe qui
serait
àla
foi~uniforme chronologiquement et susceptible de jeter un
éclairage précis sur l'évolution de l'habitation sur notre établissement
durant la préhistoire.
Il nous est impossible, par exemple, de distinguer
parmi tout le matériel protohelladique entre les diverses phases de
l'Helladique Ancien, tout au plus sommes-nous en mesure de signaler la
présence de matériel diagnostique spécifique.
De plus, nous ne pouvons
préciser l'étendue chronologique de l'Helladique Moyen de part et d'autre
de la période et donc délimiter, du point de vue de la chronologie, la
phase transitoire durant laquelle la civilisation mycén ... nne s'est imposée
dans le Sud-Ouest béotien.
C'est pourquoi nous devons considérer, pour les
besoins de l'analyse de l'occupation préhistorique du
Kastron, sujet de
notre chapitre 6
(infra), l'ensemble de la céramique préhistorique de notre
site comme un seul et unique groupe, représentatif des grandes divisions de
la préhistoire, et limiter nos conclusions
àdes considérations de nature
malheureusement trop imprécises.
2.2 Le Territoire de
Kh6stia (Figure 2.2, Planches 1
à4)
Le territoire de Kh6stia se limite
àun petit bassin hydrographique
centré sur une plaine côtière plongeant au Sud dans une baie du Golfe de
Corinthe (la plaine et la baie de Sarandi), limitée du côté Ouest comme
àl'Est par des crêtes rocheuses (respectivement Rakhi Madha et Malia Sénga)
et s'adossant sur le massif principal (Palaiovouno) de l'Hélikon (Fossey,
1981: 11).Puisque nous ne pouvons, en principe, imposer les frontières
politiques de la période historique pour la préhistoire, nous devons
considérer, essentiellement pour des raisons d'ordre pratique, que la ligne
de séparation des eaux constitue la limite naturelle du territoire sur
lequel s'appuyait le Kastron et au sein duquel ses habitants puisaient les
éléments nécessaires
àleur survie;
notre évaluation du potentiel
économique disponible doit donc se baser uniquement sur ce bassin naturel
selon le concept de "catchment analysis" développé par les topographes
britanniques (Higgs
& Vita-Finzi, 1972: 28;
Jarman, Higgs
& Vita-Finzi,
1972).Le territoire ainsi défini occupe une superficie d'environ 3BKm2
(Fossey
&
Morin, 1989: 172).
On peut répartir l'ensemble du territoire en cinq zones écologiques
distinctes dont la définition S'appuie sur les caractéristiques du relief
et sur l'importance de l'accumulation des sols.
La définition de ces zones
vise
àétablir d'une manière générale, par une comparaison avec l'usage
actuel, le potentiel économique du territoire.
L'analyse du territoire se
base sur son état présent et résulte d'un examen du terrain lui-même et des
cartes géologiques (feuilles de perakh6ra et de Levadhia).
Il est bien
connu que la situation qui prévalait durant la préhistoire
diffé~aitsous
quelques aspects de l'état moderne du territoire; cependant il n'est pas
possible d'évaluer de manière précise l'ensemble des modifications
~ zones d'alluvions
Il
Kastron•
autres trouvailles préhist • 80 mètresautres courbes équidistance 200m
U 1 2 3
~
Figure 2.2 Le territoire de Khostia
1
1
15
survenues entre temps, notamment le déplacement massif d'alluvions,
fermement documenté pour l'ensemble de la Méditerranée (Vita-Finzi,
1969:101 et chapitre 8) et dans lesquels on peut distinguer jusqu'à quatre
épisodes répartis entre le troisième millénaire avant notre ère (durant
l'Helladique Ancien donc) et la période Byzantine (van Andel, Zangger &
Demitrack,
1990: passim,et notamment fig.
10).Sur notre territoire une
telle activité géologique peut-être observée en plusieurs endroits, par
exemple le long des berges du
Phikeza,un torrent de montagne coulant au
pied du
Kâstron,sur son côté Ouest, ou encore dans la plaine de
Sarândi(Fossey & Morin,
1989: 169-170).La montagne, caractérisée par un terrain en pente abrupte et
l'absence presque totale de sols, occupe 33% de la superficie de notre
territoire (Fossey
&
Morin, 1989:
172).Cette zone s'étend essentiellement
sur l'extrémité Nord du territoire de
Kh6stiaet correspond à la partie
supérieure des pentes du
Palaiovouno.La rareté des sols, et par voie de
conséquence de la végétation, confère un potentiel économique réduit à ce
segment du territoire dont la contribution ne put être que marginale dans
l'ensemble.
Au bas des pentes du
Pa~aiovoûno,toujours dans la partie Nord du
territoire, au Nord et
àl'Est du
Kâstron(Figure
2.2),on note la présence
d'une zone de relief moins accentué, présentant une couverture terreuse
généralement assez limitée et supportant une végétation arbustive et
herbeuse
clairsemée~par endroits, notamment là où des obstacles naturels
peuvent retenir les alluvions, les sols plus abondants permettent la
présence d'une végétation plus développée.
Cette zone correspond
à17% de
la superficie totale du territoire (Fossey
&
Morin, 1989:
172).Les
(
(
16
bordure Ouest du village de
Kh6stia)sont aujourd'hui plantées d'oliviers;
de plus, sur les surfaces les plus planes, on cultive aussi les céréales.
La majeure partie de cetta zone consiste toutefois en pâturages pour le
petit bétail.
La portion Ouest du territoire, comptant pour 20\ de sa superficie
(Fossey
& Morin, 1989: 172), consiste en un large plateau de basse
altitude, limité
àl'Ouest par la crête de
Rakhi Madhaet se terminant en
pentes très abruptes du côté Est. Les sols fort minces suffisent toutefois
àassurer une couverture d'arbustes très dense, suffisante pour que le
plateau puisse être aujourd'hui exploité comme pâturage pour les chèvres
surtout (mais aussi pour les moutons).
En quelques endroits, sur des
superficies fort limitées, on note la présence de poches d'accumulation de
terre, qui concordent avec quelques traces assez denses d'activités
humaines datées de l'antiquité et qui ont été assimilées
àl'élevage
(Gauvin, 1986:
passim,en particulier
81;Fossey
& Morin,
1989: 171,fig.
7.1) .Signalons enfin que les surfaces concernées apparaissent trop
limitées pour justifier une exploitation agricole intense telle la culture
des céréales;
par contre elles sont appropriées aux cultures arbustives
telle celle de l'olivier.
La prochaine zone écologique consiste en de basses collines, comptant
pour 20% du territoire (Fossey
&
Morin,
1989:172), localisées en bordure
Est du territoire (elles constituent la péninsule de
Maliet de
M41iaSénga)
ainsi que du côté Ouest de la baie de
Saran di(la péninsule Ouest).
Les collines de Mali et Malia Sénga présentent des pentes très accentuées,
mais une accumulation de sols appréciable, suffisante par endroits pour
permettre la croissance d'arbres (surtout des pins);
une bonne partie des
pentes comporte toutefois la même couverture arbustive que la crête Ouest.
,
17
Aujourd'hui les de~x collines sont utilisées exclusivement comme pâturages;
il est peu probable qu'il en fut autrement durant la préhistoire. Notons
toutefois que durant les "siècles obscurs" le sommet de Mali fut le lieu
d'un établissement fortifié exceptionnel (Fossey
&
Gauvin, 1985); il est possible qu'à cette époque une partie de la colline ait été l'objet d'uneexploitation agricole, comme semble l'indiquer la présence de quelques murs
de soutènement sur le pourtour de l'établissement lui-même, en particulier
sur son côté Sud. Les sols sont plus rares sur les pentes de la péninsule
Ouest, la couverture des sols tout comme la nature de la végétation sont
identiques à ce qu'on rencontre sur le plateau Ouest; de même les vestiges
qu'on y a repérés en surface ont été identifiés comme de petites fermes
(Gauvin, 1986: 70). Il faut donc conclure à un usage pastoral de la
péninsule Ouest.
La plaine côtière et ses marges, compte pour 10% de la superficie
actuelle du territoire (Fossey & Morin, 1989: 172). La plaine de
Sal"fmdi
s'étend, depuis la baie, jusqu'au pied et de part et d'autre de l'éperon
rocheux du
Kastron;
elle est constituée d'une accumulation importante d'alluvions et est arrosée par plusieurs torrents de montagne saisonniers(Fossey, 1988: 187). Aujourd'hui la plaine dans son entier - sauf les
superficies bâties du village de
Sarandi
lui-même - est consacrée à des cultures diverses, la majeure partie de sa surface est plantée d'oliviersentre lesquels on cultive les céréales; on y fait aussi la cult.ure de la
vigne. La plaine de
Sarandi
constitue la seule zone de superficieappréciable permettant une agriculture intensive; de ce point de vue elle
constitue le lieu essentiel de l'économie du site, et sans sa présence
l'établissement de
Kh6stia
n'aurait pu survivre ou exister de manière autonome. Durant l'antiquité, la plaine occupait une superficie moins18
importante que de nos jours;
il n'est pas possible d'offrir une évaluation
précise de la surface de la plaine durant l'antiquité, mais il fut déjà
signalé que
à500 mètres de la côte, le "New Fill" atteint une épaisseur
d'au moins trois mètres (Fossey
& Morin, 1989: 169).
Il nous faut enfin considérer un dernier biotope qui ne fait pas
véritabl.ement partie du territoire de
Kh6stia mais dont la contribution ne
doit pas être négligée (en dépit de l'absence de toute donnée pertinente):
la mer.
Cette contribution prit essentiellement deux formes:
nourriture
et communications.
Nous ne possédons bien sûr aucune donnée pour évaluer
le potentiel productif du Golfe de Corinthe, car aucun vestige marin
attribuable
àla préhistoire ne fut récolté en cours de fouille. Par
contre la large ouverture du territoire sur le Golfe de Corinthe et la
proximité de la péninsule de
Perakh6ra et du Péloponnèse souligne son
potentiel comme voie de communication (voir chapitre 7.3,
infra).
Le
Kastron occupe dans son territoire une position centrale
àplus
d'un égard: près de son centre géographique, et bénéficiant d'un
~ccèsfacile et raptde
àplusieurs biotopes exploitables. Sa position lui permet
àla fois d'exploiter la plaine qu'il domine sans avoir
àutiliser de
terres arables pour l'établissement lui-même et d'avoir un accès direct aux
quelques étendues de terres cultivables en bordure Nord du
Kas~ron.A
partir du site, et ce en dépit d'une pente assez raide, il est possible de
marcher vers la plaine en peu de temps;
aujourd' hui, mên·g en l'absence de
tout chemin dégagé, il faut environ 15 minutes pour descendre
àson niveau
depuis l'extrémité Sud de l'établissement. On peut également se rendre
assez rapidement aux secteurs propices aux pâturages des animaux qui
occupent le pourtour du territoire: en accédant aux pentes de l'Hélikon
vers le Nord ou le Nord Ouest directement depuis le
Kastron, en empruntant
le seuil au bas des pentes de l'Hélikon vers la partie Est du territoire
sans descendre dans la plaine, ou enfin
viala plaine vers la portion Ouest
du territoire au Sud du
Kast:ron.Le territoire ainsi défini est
àce point
compact qu'on peut aisément en atteindre toutes les parties en moins d'un
jour.
La description du territoire caractérisé par sa superficie globale
assez réduite et la faible disponibilité des terres à haut potentiel arable
- sûrement moins de 400 hectares - suggère une faible densité démographique
pour
Kh6stia.Sans doute notre établissement préhistorique ne fut-il
jamais plus qu'un petit village agricole.
2.3
Les vestiges hors du KastronLa proximité et l'abondance des pâturages soulignent l ' dpport
potentiel des ressources animales dans la vie économique du site, un apport
que l'on ne peut quantifier en l'absence de données.
Par contre, les
activités reliées
àl'exploitation des biotopes pertinents, c'est-à-dire le
passage saisonnier et répété des bergers et de leurs troupeaux, devraient
normalement laisser quelques traces sur le terrain qui nous permettraient
de reconnaitre des sites caractérisés par la présence d'un nombre limité
d'artefacts et surtout par des structures frustes, enclos ou bâtiments
(sans doute temporaires) semblables aux
mandeia qu'on rencontre abondamment
et qui sont utilisés encore do nos jours. La discrétion de vestiges de
cette nature rend notablement diff icile la détection des sites
d'exploitation pastorale.
Lee relevés effectués en même temps que les deux
campagnes de fouille ont produit peu de résultats dans ce sens, mais le
tableau n'est pas entièrement vide.
20
(
certain€!s portions du territoire ont donc fait l'objet d'un relevé
extensif:
une partie de la plaine, la basse crête bordant le site du côté
Est, le sommet de
Mali, le versant Ouest de Malia Sénga, le plateau et la
péninsule Ouest (Fossey
&Morin, 1989: fig. 7.1). t.a plupart des .... estiges
répertoriés appartiennent aux diverses phases de la période historique,
certains d'entre eux ont fait l'objet de rapports récemment (Fossey
&
Gauvin,
1985;Gauvin,
1986;Fossey & Morin,
1989).La plaine n'a révélé
aucun vestige préhistorique, un phénomène sans doute relié au fait que la
surface antique de la plaine est masquée par la présence de sédiments
récents.
Signalons également qu'une portion appréciable des zones propices
àl'exploitation pastorale et susceptible de receler des vestiges
pertinents - c'est-à-dire
l'extr~me Ouest du territoire ainsi que les
pentes de l'Hélikon - n'a pu être explorée faute de temps.
Par contre des indices suggérant l'exploitation des secteurs
marginaux du territoire durant la préhistoire furent retrouvés en pluElieurs
endroits.
Les vestiges découverts sont de nature très discrète;
ils
consistent en quelques fragments d'obsidienne isolés associés
àaucune
structure datable de la préhistoire (figure 2.2). La date préhistorique de
l'obsidienne n'est pas absoluement certaine
àcause de l'absence de toute
association avec des vestiges diagnostiques;
toutefois la nature des
outils récoltés (un segment de lame
àcrête [van Horn,
1976: 101-10G],un
segment de lame
àdébitage transversal au dos -
tabular core preparation
scars - [van Horn,
1976: 107-114]et plusieurs segments de lames
àbords
parallèles [van Horn,
197G: 115-128])permet de croire qu'elles datent de
la préhistoire, sans qu'on soit toutefois en mesure d'offrir une date
précise.
Le petit nombre de vestiges récoltés datables de la préhistoire,
ainsi que l'absence de toute association sûre avec des structures
permanentes, sauf peut-être dans ~e cas de Mal~, soulignent la nature
transitoire, non sédentaire, de l'occupation des marges du territoire
durant la préhistoir~. Un tel phénomène s'accorde bien avec le rôle
présumé de pâturage que laisse entrevoir la description de ces secteurs
(
(
Chapitre 3
La cér~fiique de l'Belladique Ancien
3.1 Description générale
3.1.1 La tect.4ique
D'un point de vue général, la céramique de l'Helladique Ancien de
Kh6stia appar~it comme un ensemble de bonne qualité. Les vases eux-mêmes,
bien qu'ils présentent surtout des fabriques de texture grossière (infra,
section 3.1.2
&
tableau 3.1), furent dans la très grande majorité des cas soigneusement montés et finis, ce qui témoigne d'une technique accomplie.L'épaisseur des parois est uniforme, ou encore elle varie de manière
régulière. Tous les tessons semblent provenir de vases montés à la main;
en fait, l'argument s'avère essentiellement négatif parce que les surfaces
des vases sont bien lissées et ne laissent voir aucune des marques
symétriques que l'on associe au mouvement du tour ou encore de la
tournette. Tout au plus remarque-t-on sur certains vases les traces
irrégulières laissées par de quelconques outils de finition, telles les
traces verticales de coups de polissoirs. Les techniques de montage et de
finition apparaitraient sans doute plus clairement si quelques vases
complets survivaient, mais ce n'est pas le cas sur notre site.
Les tessons présentent normalement une surface uniforme, soit qU'elle fut
engobée et polie, ou simplement polie. Il s'avère souvent difficile de
confirmer la présence d'un engobe, car ces derniers ne présentent presque
jamais une couleur qui tranche clairement sur la surface du biscuit
lui-même, de telle sorte que ce que l'on perçoit normalement comme un engobe
pourrait en fait correspondre à ce qu'il est convenu d'appeler un
Le plus souvent l'engobe est de même couleur ou alors
présent~une
tejnte légèrement décalée, dans un sens ou dans l'autre, par rapport
àla
couleur apparente
àla surface de la paroi.
Cette ressemblance résulte de
la combinaison de plusieurs facteurs:
d'une part le fait que, sans doute,
les engobes originent des mêmes dépôts que l'argile des parois, et d'autre
part les conditions dans lesquelles furent cuits les vases
(infra).Le
polissage se limite normalement
àla surface externe des tessons.
On note
une grande variété de lU3tres, certains vases présentent une surface très
luisante, reflétant une bonne part de la lumière, mais on note également la
présence de tessons entièrement mats.
Habituellement, le lustre varie peu
d'un endroit
àl'autre sur le même tesson.
On note une grande variation de la couleur tant de l'argile que de
l'engobe sur une bonne part des tessons répertoriés; en fait les tessons
de couleur véritablement uniforme apparaissent moins fréquemment que
l'inverse. Pour ce qui est de l'argile des parois, l'écart se manifeste
normalement entre la surface et le coeur du tesson;
lorsque cette
condition prévaut, le coeur présente une couleur plus sombre que la
surface, mais de même famille, ou encore une teinte franchement grisâtre,
un indice d'une oxydation soit incomplète ou nulle.
Des variations se
présentent aussi en surface des tessons, soit qu'elles qualifient les
engobes ou des surfaces non-engobées;
celles-ci prennent la forme de
taches localisées
àdivers endroits de la surface.
cette situation reflète
la nature instable des conditions de feu et il est peu probable, dans ce
cas précis, qu'on soit en présence d'un effet délibéré comme on en
rencontre ailleurs sur des céramiques plus fines (Wace
& Blegen, 19l6-191B:
177).
Les variations de ce type sont fort bien connues;
on les associe au
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d'oxygène présent dans l'athmosphère du milieu de cuisson ainsi que de la
température à laquelle fut cuite l'argile. C'est sans doute à cause de la
prédominance des teintes sombres que les couleurs des parois externe et
interne d'un tesson ne présentent pas d'écart signif icatif • La forte
proport ion de tessons de couleur inégale ref lète sans doute l'absence d'un
contrôle ferme des techniques de feu, correspondant à une cuisson de la
céramique dans des feux en fosse ou en meule; les vestiges connus ne
permettent nulle part de restaurer pour l 'Helladique Ancien de fours de
potier (Treuil, 1983: 196-197).
En général, malgré ce niveau technologique fruste, le processus de
cuisson de l'argile semble accompli; le fait que les tessons aient pu
résister sans mal à deux lavages (un bain dans une solution faible d'acide
chloridrique puis un rinçage à grande eau), ainsi que la présence de
tessons à surface lustrée en témoignent. La plupart des tessons présentent
tout de même certains des symptômes indicatifs d'une cuisson à basse
température: une prédominance des argiles et des engobes de couleur sombre
(brun, rougeâtre, gris et noir) plutôt que claire (rouge, orangé, chamois
et jaunâtre), des biscuits assez friables dont les cassures ont tendance à
s'effriter facilement et peuvent être marquées sans effort avec un poiçon
métallique; un phénomène presque général, car on ne remarque qu'un nombre
restreint de tessons dont les fractures sont encore nettes (ces tessons
présentent presque tous des fabriques se distinguant de l'ensemble par leur
finesse) •
En ce qui concerne la préparation des argiles avant le montage des
vases, on note l'omniprésence des dégraissants; seule une part négligeable
des tessons en était entièrement libre. On définit comme dégraissant tout