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Les déplacés environnementaux dans le contexte de la disparition graduelle d'États insulaires : une protection partielle par le droit international

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Les déplacés environnementaux dans le contexte de la

disparition graduelle d’États insulaires :

Une protection partielle par le droit international

Mémoire

Marilyn Tremblay

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL.M.)

Québec, Canada

© Marilyn Tremblay, 2015

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Résumé

Les changements climatiques ont des répercussions de plus en plus importantes à l’échelle planétaire, tout particulièrement pour plusieurs États insulaires qui font face à d’importantes dégradations environnementales. Dans certains cas, ceux-ci voient même leur existence menacée du fait de la montée du niveau de la mer. À l’heure actuelle, il n’existe toutefois aucun régime de protection spécifique en droit international pour les habitants de ces États qui doivent chercher refuge au sein d’États tiers. Cette recherche vise donc à démontrer que bien que certains domaines du droit international semblent en mesure d’offrir une protection à ces déplacés, celle-ci est incomplète et peu effective. Puisque le droit international ne traite pas de la problématique des déplacés environnementaux dans son ensemble, des pistes de solution sont explorées afin de développer un régime de protection plus complet pour ces déplacés.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des abréviations et des sigles ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

1. Le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie : des domaines du droit international ne permettant pas une prise en compte directe des déplacés environnementaux ... 21

1.1 Le droit des réfugiés invoqué par des insulaires ... 22

1.1.1 L’impossibilité de recourir à la Convention relative au statut des réfugiés 23 1.1.2 Les limites des instruments régionaux de protection des réfugiés ... 32

1.2 L’applicabilité incertaine et contestée du droit de l’apatridie lorsqu’un État devient inhabitable ... 37

1.2.1 La difficile qualification des déplacés environnementaux comme apatrides de jure ... 38

1.2.2 Le droit de l’apatridie : un domaine du droit ne répondant pas à la spécificité de la problématique des déplacés environnementaux ... 44

2. Des droits reconnus aux déplacés environnementaux par le droit international des droits de la personne : une protection réelle accompagnée d’une mise en œuvre hypothétique ... 49

2.1 L’incidence des dégradations environnementales sur la jouissance des droits fondamentaux des populations insulaires ... 51

2.1.1 Les atteintes potentielles aux droits des déplacés environnementaux, ou quand le changement climatique amplifie les vulnérabilités des populations insulaires ... 53

2.1.1.1 Le droit à la vie et les droits fondamentaux connexes des déplacés environnementaux ... 53

2.1.1.2 Le droit à l’autodétermination des peuples ... 60

2.1.1.3 Le droit au respect de la vie privée et familiale... 61 2.1.2 Les limites des recours judiciaires pour les déplacés environnementaux

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2.2 Les protections contre les mesures de renvoi en droit international et régional : entre développements jurisprudentiels insuffisants et normes

impraticables ... 74

2.2.1 Le droit des déplacés environnementaux à ne pas être renvoyés sur leur île : le non-renvoi vers des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ... 76

2.2.2 La directive européenne 2004/83 sur la protection subsidiaire : une application qui demeure théorique ... 84

3. L’inévitable nécessité d’un nouvel apport du droit international pour assurer une protection effective des déplacés environnementaux : mythes et réalités ... 89

3.1 La modification de la Convention relative au statut des réfugiés : une voie risquée ... 90

3.2 Le recours à des mesures de protection ad hoc nationales et régionales ... 93

3.3 Quelques propositions doctrinales en vue de la création d’un régime sui generis de prise en compte des déplacés environnementaux... 98

3.3.1 Les caractéristiques du régime sui generis faisant consensus dans la doctrine ... 100

3.3.2 Les diverses propositions d’instruments internationaux sui generis à l’étude ... 102

3.3.3 L’élaboration d’un régime spécifique : la souveraineté étatique des pays d’accueil fait obstacle ... 112

Conclusion ... 117

Bibliographie ... 125

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Liste des abréviations et des sigles

AG Assemblée générale

AP Assemblée parlementaire

CCNUCC Convention-cadre des Nations Unies

sur les changements climatiques

CCPR Human Rights Committee

CE Communautés européennes

ConvEDH Convention de sauvegarde des droits

de l’homme

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CIJ Cour internationale de Justice

COP Conference of the Parties

CPJI Cour permanente de Justice

internationale

CSC Cour suprême du Canada

DUDH Déclaration universelle des droits de

l’Homme

EJIL European Journal of International Law

Envtl L Environmental Law

Eur J Migr & L European Journal of Migration and Law

Ga J Int'l & Comp L Georgia Journal of International and

Comparative Law

GES Gaz à effet de serre

GIEC Groupe d’experts intergouvernemental

sur l’évolution du climat

Harv Envtl L Rev Harvard Environmental Law Review

Hastings Int’l & Comp L Rev Hastings International and Comparative

Law Review

HCR / UNHCR Haut-Commissariat des Nations Unies

pour les réfugiés

HRC Human Rights Council

Inter-Am Ct HR Inter-American Court of Human Rights

(8)

Int’l Rev Red Cross International Review of the Red Cross

Law & Pol’y Law and Policy

NAPA National Adaptation Programme of

Action

Nordic J Int’l L Nordic Journal of International Law

NU Nations Unies

N-Z Nouvelle-Zélande

NZIPT New Zealand Immigration and

Protection Tribunal

OÉA Organisation des États Américains

OIM Organisation internationale pour les

migrations

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OUA Organisation de l’Union Africaine

PIDCP Pacte international relatif aux droits

civils et politiques

PIDESC Pacte international relatif aux droits

économiques, sociaux et culturels

RCS Recueil des arrêts de la Cour suprême

du Canada

Rev DI & DC Revue de droit international et de droit

comparé

RRTA Refugee Review Tribunal of Australia

RSAA Refugee Status Appeals Authority

RTNU Recueil des Traités de l’ONU

STE Série des Traités Européens

TPIY Tribunal pénal international pour

l’ex-Yougoslavie

Transnat’l L & Contemp Probs Transnational Law and Contemporary

Problems

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Remerciements

Je tiens à remercier tout d’abord mon directeur de recherche, le professeur Olivier Delas, de m’avoir encouragée à entreprendre ces études à la maîtrise en droit et de m’avoir soutenue et encadrée au cours de ces deux années.

Je remercie également les professeurs Julia Grignon et Richard Ouellet pour les commentaires et conseils grandement pertinents qu’ils m’ont adressés suite à l’atelier de présentation de mon projet de mémoire.

Un énorme merci à mon conjoint Louis, mon premier lecteur, pour son appui indéfectible. Merci aussi à mon fils Hugo qui a été ma plus grande motivation lors de la rédaction de ce mémoire.

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Introduction

Les déplacements environnementaux : un phénomène endémique accentué par les changements climatiques

Les migrations et déplacements ont toujours été un moyen d’adaptation des populations pour faire face aux changements environnementaux et pour avoir de meilleures conditions de vie. Comme l’affirme à juste titre François Crépeau, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants depuis 2011, « [l]a migration est aussi ancienne que l’humanité »1. Il est vrai que

depuis la préhistoire, les changements du climat ont toujours provoqué des mouvements de population. Toutefois, depuis la révolution industrielle, la nature anthropique des changements climatiques a conduit à une augmentation de la fréquence et de l’impact des événements météorologiques et climatiques extrêmes, à d’importantes sécheresses et inondations et à une hausse du niveau moyen de la mer2. Il est indéniable que ces dégradations environnementales

affectent un nombre croissant de personnes et pourront mener à des violations des droits de la personne, de même qu’à des déplacements3. Au sujet de cette

migration environnementale, l’Organisation internationale pour les migrations note qu’elle « revêt diverses formes : elle peut être interne, régionale ou internationale, temporaire ou permanente, forcée ou volontaire, […] la distinction entre migration forcée et migration volontaire [étant] vague »4.

1 François Crépeau, Les migrations internationales contemporaines, Montréal, Les Presses de

l’Université de Montréal, 2009 [Les migrations] à la p 8.

2 GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques : Rapport de synthèse : Résumé à l’intention des

décideurs, Genève, GIEC, 2007 à la p 8 [GIEC, Bilan 2007 : Résumé à l’intention des décideurs].

Bien que certains groupes remettent en cause la nature anthropique des changements climatiques, et ce pour des raisons parfois politiques, ce mémoire reste en dehors de ces débats, se basant principalement sur l’opinion du GIEC et de l’ONU en la matière.

3 GIEC, Climate Change 2014 : Impacts, Adaptation, and Vulnerability : Summary for Policymakers,

2014, en ligne : Intergovernmental Panel on Climate Change <http://www.ipcc.ch/report/ar5/wg2/> à la p 20 [GIEC, Impacts, Adaptation, and Vulnerability : Summary for Policymakers].

4 OIM, Atelier d’intersession sur le thème : Changement climatique, dégradation de l’environnement

et migration : Résumé de la présidence, 2011, en ligne : OIM

<http://www.iom.int/jahia/Jahia/policy- research/international-dialogue-migration/intersessional-workshops/climate-change-environmental-degradation-and-migration/lang/fr> à la p 2.

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Bien que le nombre de personnes déplacées fasse l’objet de débats entre les chercheurs, certains étant qualifiés d’« alarmistes » ou de « maximalistes » et

d’autres de « sceptiques » ou de « minimalistes »5, ceux-ci s’entendent

généralement pour dire qu’au bas mot, des millions de personnes se seront déplacées à l’échelle planétaire pour des raisons environnementales d’ici la moitié du XXIe siècle6. Il demeure difficile, voire impossible, de prédire le nombre de

déplacés selon leur État d’origine en raison de la complexité des déplacements et des mesures d’adaptation actuelles et futures mises en place7. De plus, le

déplacement est toujours multicausal, ce qui rend les estimations imprécises, et ce même dans le cas des petits États insulaires8. Ces États, qui se situent à

seulement quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, sont particulièrement affectés par les impacts des changements climatiques et des dégradations environnementales géophysiques. Ces impacts, qui accentuent des vulnérabilités souvent déjà présentes, pourraient même mener à la disparition physique des territoires d’États insulaires tels les îles Marshall, les Maldives, le Kiribati et le Tuvalu, qui sont les quatre États insulaires les plus menacés9. Conséquemment,

les populations des États insulaires pourraient avoir à migrer en entier ou en grande partie dans d’autres États, en raison de la dégradation de leurs conditions

5 François Gemenne, « How they became the human face of climate change. Research and policy

interactions in the birth of the “environmental migrations” concept » dans Étienne Piguet, Antoine Pécoud et Paul De Guchteneire, dir, Migration and Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, 225 à la p 230 [Gemenne, « How they became the human face of climate change »].

6 François Gemenne, « Why the numbers don’t add up: A review of estimates and predictions of

people displaced by environmental changes » (2011) Global Environmental Change S41 à la p S45.

7 Laura Westra, Environmental Justice & the Rights of Ecological Refugees, Londres, Earthscan,

2009 à la p 82.

8 GIEC, Impacts, Adaptation, and Vulnerability : Summary for Policymakers 2014, supra note 3 à la

p 20; GIEC, Climate Change 2014 : Impacts, Adaptation, and Vulnerability : Chapter 29. Small

Islands, 2014, en ligne : Intergovernmental Panel on Climate Change <http://www.ipcc.ch/report/ar5/wg2/> aux pp 12-13 [GIEC, Climate Change 2014 : Small Islands].

9 Katrina M. Wyman, « The National Immigration Policy Option : Limits and Potential » dans Michael

B. Gerrard et Gregory E. Wannier, Threatened Island Nations : Legal implications of Rising Seas

and a Changing Climate, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, 337 à la p 341 [Wyman, «

The National Immigration »]; Mary-Elena Carr et al, « Sea Level Rise in a Changing Climate : What Do We Know? » dans Gerrard et Wannier, supra note 9 aux pp 40-41. Comme il sera mentionné ultérieurement, les impacts des changements climatiques sur ces destinations lointaines ne doivent cependant pas faire oublier les impacts qu’ils ont sur les côtes canadiennes, où des sites et villages entiers devront être déplacés en raison de la fonte du pergélisol dans l’Arctique canadien.

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de vie (les changements climatiques n’étant pas les seuls phénomènes en cause dans le déplacement de ces populations). Toutefois, les États insulaires ne s’entendent pas sur la place à accorder aux changements climatiques comme moteur du déplacement : alors qu’au Tuvalu l’accent est mis sur la responsabilité des changements climatiques comme cause du déplacement pour souligner la gravité et l’urgence de ce phénomène, au Kiribati ce sont davantage les changements climatiques qui sont considérés comme augmentant les vulnérabilités déjà présentes et nuisant aux mesures d’adaptation10. Dans les faits,

une dégradation environnementale va entrainer le mouvement d’une population en tenant compte de trois facteurs, soit l’intensité et la fréquence de la catastrophe naturelle ou de la dégradation, la vulnérabilité des populations quant à celle-ci et la capacité des personnes à s’y adapter11.

Déjà, des nationaux de ces États insulaires intentent des recours juridiques afin d’obtenir une protection au sein d’États tiers. En octobre 2013, M. Ioane Teitiota, un ressortissant de l’État insulaire du Kiribati se définissant comme un « réfugié du climat », échouait dans sa tentative de porter en appel12 une décision de

l’Immigration and Protection Tribunal de Nouvelle-Zélande13, qui avait refusé de lui

accorder une protection en tant que réfugié au sens de la Convention relative au

statut des réfugiés [ci-après « Convention de Genève »]14. Selon ce Kiribatien, la

montée du niveau de la mer, qui constitue l’un des effets les plus inéluctables des changements climatiques15, affecte l’île à un point tel qu’il lui était impossible d’y

10 Jane McAdam, « Refusing “refuge” in the Pacific: (de)constructing climate-induced displacement

in international law » dans Piguet, Pécoud et De Guchteneire, supra note 5 aux pp 112-113 [McAdam, « Refusing “refuge” »].

11 Walter Kälin et Nina Schrepfer, « Protecting People Crossing Borders in the Context of Climate

Change : Normative Gaps and Possible Approaches » (2012) 1 Legal and Protection Policy Research Series, Division of International Protection 1 à la p 6 (HCR, PPLA/2012/01).

12 Ioane Teitiota v The Chief Executive of the Ministry of Business Innovation and Employment,

[2013] NZHC 3125 (N-Z) [Ioane Teitiota].

13 [2013] NZIPT 800413 (N-Z) [AF (Kiribati)].

14 Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 RTNU 137 [Convention de

Genève].

15 GIEC, Climate Change 2013 : The Physical Science Basis : Summary for Policymakers, 2013, en

ligne : Intergovernmental Panel on Climate Change <http://www.climatechange2013.org/images/report/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf> à la p 18 [GIEC,

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fonder une famille. C’est pour cette raison qu’il a émigré en Nouvelle-Zélande et y a demandé le statut de réfugié. Ce n’est pas la première fois qu’un Kiribatien demande la protection d’un État tiers en raison des effets des changements climatiques sur l’île. Déjà en 2009, un Kiribatien s’appuyait sur la Convention de Genève pour demander un visa de protection à l’Australie en raison des impacts nuisibles des changements climatiques sur le Kiribati, dont la montée du niveau de la mer, la salinisation des réserves d’eau douce et les impacts d’une diète non équilibrée, insuffisante en fruits et légumes, sur sa santé16. Sans surprise, le

tribunal a considéré que l’individu ne pouvait prétendre au statut de réfugié en l’espèce.

Malgré le refus des tribunaux d’accorder une protection aux demandeurs dans ces deux cas, les tribunaux des pays de destination seront de plus en plus saisis de demandes de protection pour des motifs environnementaux dans les années à venir. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (ci-après « GIEC »), « les effets [des changements climatiques] vont persister pendant de nombreux siècles même si les émissions de CO2 s’arrêtent »17. Ainsi, la hausse

du niveau moyen mondial de la mer se prolongera sur une longue période, alimentée principalement par le réchauffement des mers et océans et par la fonte des glaciers et des inlandsis, mieux connus sous le nom de glaciers continentaux ou calottes glacières18.

Entre le quatrième rapport du GIEC paru en 2007 et son plus récent rapport, dont la publication s’effectue graduellement entre 2013 et 2014, la fiabilité des projections quant à cette élévation du niveau de la mer s’est précisée19 et les

projections ont été revues à la hausse. En effet, depuis le quatrième rapport, les experts ont accru l’impact de la fonte des inlandsis (glaciers continentaux) sur

16 0907346 [2009] RRTA 1168 (Australie) [0907346 RRTA].

17 GIEC, communiqué 2013/20/PR, « Selon un rapport du GIEC, l’influence de l’homme sur le

système climatique est claire » (27 septembre 2013), en ligne : Intergovernmental Panel on Climate Change <http://www.ipcc.ch/news_and_events/docs/ar5/press_release_ar5_wgi_fr.pdf> à la p 2.

18 GIEC, The Physical Science Basis : Summary for Policymakers, supra note 15 à la p 18. 19 Ibid, à la p 18.

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l’élévation de la mer et se sont basés sur des observations plus récentes20. Ainsi,

dans le cinquième et dernier rapport, les estimations moyennes de l’élévation du niveau de la mer varient de 0,26 m à 0,82 m d’ici l’année 2100, selon la hausse de la température globale projetée, alors que l’élévation maximale prévue dans le quatrième rapport était de 0,59 m d’ici l‘année 210021. Si les États ne parviennent

pas à contrôler rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre (ci-après « GES »), la hausse du niveau de la mer pourrait aller jusqu’à trois mètres d’ici l’an 230022.

Les estimations du GIEC quant à la hausse du niveau de la mer sont contestées par certains scientifiques, qui considèrent que le GIEC est trop prudent dans ses prédictions et que la hausse du niveau moyen mondial de la mer sera beaucoup plus importante que celle actuellement prévue23. Malgré ces débats sur le nombre

de mètres d’élévation du niveau moyen de la mer, il demeure que celui-ci s’élèvera inévitablement pendant de nombreux siècles, même si les États cessaient aujourd’hui toute émission de CO2. Ce phénomène s’explique par le lent

réchauffement et l’expansion graduelle des eaux profondes des océans, qui contribuent à l’élévation du niveau de la mer24.

20 Réseau Action Climat France, « 5ème rapport du GIEC sur les changements climatiques et leurs

évolutions futures », en ligne : <http://leclimatchange.fr/>.

21 GIEC, Bilan 2007 : Résumé à l’intention des décideurs, supra note 2 à la p 8.

22 GIEC, The Physical Science Basis : Summary for Policymakers, supra note 15 à la p 20.

23 John Abraham et Dana Nuccitelli, « Vision Prize : scientists are worried the IPCC is

underestimating sea level rise », The Guardian (18 février 2014) en ligne : theguardian.com <http://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2014/feb/18/scientists-worried-ipcc-underestimate-sea-level-rise>; Stéphanie Foucart, « Par prudence, le GIEC aurait sous-estimé les effets du réchauffement », Le Monde (28 septembre 2013) en ligne : Le Monde.fr <http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/09/28/par-prudence-les-experts-du-giec-auraient-sous-estime-les-effets-du-rechauffement_3486406_3244.html>.

24 GIEC, The Physical Science Basis : Summary for Policymakers, supra note 15 à la p 20. Il est à

noter que la disparition de certaines côtes en raison de l’élévation du niveau de la mer n’est qu’une des facettes des changements climatiques. Ceux-ci ont des conséquences variées, mais la hausse du niveau de la mer est d’un intérêt tout particulier en relation avec la problématique des déplacés environnementaux provenant d’États insulaires.

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La problématique

Il est largement admis au sein des Nations Unies qu’il existe un lien indissociable entre l’environnement et l’exercice de plusieurs droits fondamentaux25. En 2008, le

Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a reconnu dans sa résolution 7/23 le lien précis qui existe entre changements climatiques et droits de la personne. « Climate change poses an immediate and far-reaching threat to people

and communities around the world and has implications for the full enjoyment of human rights »26. Le rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de

l’homme de 2009 démontre quant à lui comment les changements climatiques peuvent nuire à l’exercice des droits de la personne, notamment les droits à la vie, à la santé, à l’alimentation, à l’eau et au logement27. Ainsi, des atteintes aux droits

fondamentaux peuvent être causées ou exacerbées par les dégradations environnementales. Ces atteintes deviendront particulièrement préoccupantes dans le cas où un État ne serait plus en mesure de protéger ses nationaux contre ces atteintes, ce qui pourrait être éventuellement le cas au sein de petits États insulaires situés à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est dans ce cadre que se pose la problématique des déplacés environnementaux provenant d’États insulaires.

25 Conseil des droits de l’Homme, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de

l’homme sur les liens entre les changements climatiques et les droits de l’homme, Doc off HRC NU,

10e sess, Doc NU A/HRC/10/61 (2009) aux pp 8-9-10 [Conseil des droits de l’Homme, Rapport

10/61]; François Crépeau, Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants,

Doc off AG NU, 67e sess, Doc NU A/67/299 (2012) [Crépeau, Rapport du Rapporteur spécial] aux

paras 26-29; Frank Biermann, Philipp Pattberg et Fariborz Zelli, Global Climate Governance

Beyond 2012, Cambridge, Cambridge University Press, 2010 à la p 260.

26 Conseil des droits de l’Homme, Droits de l’homme et changements climatiques, Rés HRC 7/23,

Doc off HRC NU, 7e sess, Doc NU A/HRC/7/78 (2008).

27 Conseil des droits de l’Homme, Rapport 10/61, supra note 25 aux pp 9-15. Ces atteintes aux

droits mentionnés ci-dessus sont des atteintes primaires et évidentes qui peuvent être reliées assez facilement aux modifications de l’environnement. L’impossibilité des États à maintenir un cadre de vie décent pour la population engendrera toutefois une multitude d’atteintes secondaires et indirectes aux droits fondamentaux, comme l’impossibilité de travailler, de fonder une famille, etc. Ces atteintes indirectes, plus difficiles à relier aux dégradations environnementales, ne seront pas abordées dans le cadre de ce mémoire.

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Il est vrai que ces populations insulaires font face aux impacts des changements climatiques tout comme les populations de nombreux autres pays, principalement celles d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, mais aussi de pays tels les États-Unis et le Canada (principalement les communautés d’Alaska et du nord du Canada menacées par les changements climatiques)28. Elles doivent entre autres faire face

à la hausse de la température globale, qui affecte les productions agricoles, crée un risque pour la biodiversité et augmente le risque de maladies infectieuses. Elles font également face à des variations de précipitations affectant les réserves d’eau et la fertilité du sol, à une hausse de la température de l’eau et à une acidification des océans. Puis, comme dans de nombreuses régions du globe, elles seront témoins d’événements météorologiques extrêmes plus fréquents et plus puissants. Enfin, elles subissent les effets de la montée du niveau de la mer, qui cause de l’érosion et la salinisation des réserves d’eau potable, comme les habitants du

Bangladesh tout particulièrement29. Néanmoins, ces populations sont

singulièrement affectées par les changements climatiques. En effet, dans leur cas, le territoire de l’État pourrait devenir complètement inhabitable, que ce soit en raison de la hausse du niveau de la mer ou des autres impacts des changements climatiques et dégradations environnementales géophysiques, qui réduisent entre autres de façon dramatique leurs réserves d’eau douce30.

Dès lors que le territoire ne peut plus soutenir la vie humaine, les populations des États insulaires n’auront d’autre choix que de se déplacer de façon permanente vers un État tiers. Toutefois, il est loin d’être acquis que ces individus obtiendront

28 Katrina M. Wyman, « Responses to Climate Migration » (2013) 37 Harv Envtl L Rev 167 à la p

173 [Wyman, « Responses to Climate Migration »]; Pierre-François Mercure, « Les conséquences du réchauffement climatique sur les Inuits de l’Arctique canadien » dans Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille et Michel Prieur, dir, Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au

droit, Bruxelles, Bruylant, 2012, 209 à la p 219. Voir aussi Anthony Bond, « America’s first climate

change refugees : Hundreds forced to flee their Alaskan cillage before it disappears underwater within a decade », Mail Online (30 juillet 2013) en ligne : Mail Online <http://www.dailymail.co.uk/news/article-2381218/Kivalina-Americas-climate-change-refugees-Hundreds-forced-flee-Alaskan-village-disappears-underwater-decade.html>.

29 Carr et al, supra note 9 aux pp 41-46.

30 Selma Oliver, « A New Challenge to International Law; The Disappearance of the Entire Territory

of a State » (2009) 16 International Journal on Minority and Group Rights 209 à la p 210; Kälin et Schrepfer, supra note 11 à la p 37.

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le droit d’accéder au territoire dudit État tiers et le droit d’y rester. D’une part, les États ont des politiques restrictives en matière d’immigration et de contrôle des frontières31 et sont généralement peu enclins à accueillir les individus étrangers

lorsqu’ils n’en ont pas l’obligation. D’autre part, en droit international, il n’y a aucun instrument juridique spécifique accordant une protection explicite à ces déplacés environnementaux, instrument qui leur octroierait en toutes lettres un droit d’accès et un droit de rester sur le territoire de l’État de destination.

Considérant que la problématique des déplacés environnementaux est l’un des problèmes les plus pressants et les plus complexes à résoudre, ce mémoire tentera de déterminer la protection qu’offrent les divers domaines du droit international public aux déplacés environnementaux, en répondant à la question suivante : dans quelle mesure le droit international peut-il faire l’économie d’un régime spécifique afin de protéger les droits des déplacés environnementaux de façon effective?

L’hypothèse formulée est la suivante : s’il est vrai que le droit international, dans son état actuel, permet une prise en compte normative des déplacés environnementaux, cette dernière est lacunaire et ne permet pas une protection effective de leurs droits. Considérant les insuffisances du droit international dans la protection des déplacés environnementaux, il s’avère qu’il y a une nécessité de développements juridiques pour que le droit international leur assure une protection directe et plus effective. Ces développements se heurtent toutefois à la souveraineté des pays d’accueil qui fait obstacle.

31 Derek R Bell, « Environmental Refugees : What rights? Which duties? » (2004) 10 Res Publica

135 à la p 136; Oli Brown, Migrations et changements climatiques, Genève, OIM, 2008 à la p 40; Silja Klepp, « A Contested Asylum System: The European Union between Refugee Protection and Border Control in the Mediterranean Sea » (2010) 12:1 Eur J Migr & L 1 aux pp 1-3.

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Les déplacés environnementaux : un concept à définir

Il convient de circonscrire et de définir le concept clé des déplacés environnementaux avant d’aborder de façon plus exhaustive cette problématique.

Tout d’abord, l’absence de consensus entre les chercheurs sur leur désignation en droit international permet d’expliquer en partie qu’il n’existe pas de régime spécifique les prenant en charge et leur permettant d’accéder à un territoire tiers afin d’y trouver refuge. Les chercheurs emploient des termes très variés pour

dénommer ces personnes fuyant les impacts des dégradations

environnementales32. Richard Black souligne cette réalité en mentionnant : « there

are perhaps as many typologies as there are papers on the subject »33. Alors que

certains auteurs parlent des personnes déplacées en employant les termes « réfugiés climatiques ou environnementaux »34, d’autres en dénoncent l’utilisation,

car elle induit en erreur35. Cette terminologie se rapporte à la Convention de

Genève, qui prévoit un certain nombre de conditions relatives à l’octroi du statut de réfugié. Or, cet instrument international ne prévoit pas de protection précise pour les personnes déplacées à la suite de dégradations environnementales36. Il est

32 Pour une recension des termes employés dans la doctrine, voir Chloé Anne Vlassopoulos,

« Defining Environmental Migration in the Climate Change Era : Problem, Consequence or Solution? » dans Thomas Faist et Jeanette Schade, Disentangling Migration and Climate Change, Dordrecht et New York, Springer, 2013, 145 à la p 148.

33 Richard Black, « Environmental refugees : myth or reality? », (2001) 34 UNHCR Working paper à

la p 1.

34 Voir notamment Bonnie Docherty et Tyler Giannini, « Confronting A Rising Tide: A Proposal For

A Convention On Climate Change Refugees » (2009) 33:2 Harv Envtl L Rev 349; Frank Biermann et Ingrid Boas, « Preparing for a Warmer World: Towards a Global Governance System to Protect Climate Refugees » (2010) 10:1 Global Environmental Politics 60; Norman Myers, « Environmental Refugees : A Growing Phenomenon of the 21st century » (2001) 357:1420 Philosophical Transactions of the Royal Society of London 609; Astrid Epiney, « “Environmental refugees”: aspects of international state responsibility » dans Piguet, Pécoud et De Guchteneire, supra note 5 aux pp 390-391.

35 Conseil des droits de l’Homme, Rapport 10/61, supra note 25 à la p 22; Jane McAdam, Climate

Change, Forced Migration and International Law, Oxford, Oxford University Press, 2012 à la p 3

[McAdam, Climate Change].

36 Il existe d’ailleurs une crainte légitime des États et du HCR concernant une éventuelle dilution de

la protection offerte par le régime international de protection des réfugiés, protection qui est par ailleurs déjà malmenée. Cette crainte de dérive du droit des réfugiés sera abordée plus en profondeur dans le chapitre 3 du mémoire. Voir par ex Fabrice Renaud et al, « Control, Adapt or

(20)

donc préférable d’employer le terme plus neutre de « déplacé environnemental », qui reçoit l’aval de nombreux chercheurs37. Il ne faut cependant pas confondre le

terme de déplacé environnemental, qui est une création doctrinale, avec ceux de réfugié et de déplacé, qui contrairement au premier sont définis en droit international38.

L’absence de consensus sur les termes à employer fait en sorte qu’il n’existe pas en droit international de définition communément admise de ces déplacés. Toutefois, au travers de toutes ces études ou définitions, il est possible de dégager cinq critères auxquels les chercheurs semblent recourir. Ces délimitations consistent à distinguer les déplacés selon les causes de leur déplacement (dégradations d’origine anthropique ou géophysique), la dimension interne ou internationale de celui-ci, l’aspect soudain ou graduel des dégradations environnementales, le caractère permanent ou non du déplacement et le degré de coercition du mouvement.

Dans le cadre de ce mémoire, le terme « déplacé environnemental » se limitera à désigner les déplacés internationaux permanents provenant des petits États insulaires39 dont le territoire deviendra inhabitable dans le futur en raison de la

dégradation des conditions de vie, engendrée du moins en partie par la dégradation graduelle de l’environnement. Il importe peu que cette dégradation soit d’origine géophysique ou climatique du point de vue de la protection des individus :

Flee: How to face Environmental Migration? » (2007) 5 Interdisciplinary Security Connections 9 à la p 34.

37 Agnès Michelot, « Vers un statut de réfugié écologique? » dans Lavieille, Bétaille et Prieur, supra

note 28 à la p 517; Vikram Kolmannskog et Finn Myrstad, « Environmental Displacement in European Asylum Law » (2009) 11 Eur J Migr & L 313 à la p 315. François Crépeau, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, emploie pour sa part le terme de « migrant induit par le changement climatique ». Voir Crépeau, Rapport du Rapporteur spécial, supra note 25 au para 25.

38 En droit international, un réfugié est une personne se trouvant hors de son pays de nationalité ou

de résidence et répondant à la définition inscrite dans la Convention de Genève, qui sera étudiée au chapitre 1 de ce mémoire. D’autre part, le terme de déplacé fait davantage référence à une personne déplacée à l’intérieur de son propre pays, au sens des Principes directeurs relatifs au

déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, Doc NU E/CN.4/1998/53/Add.2 (1998).

(21)

« [f]rom a policy perspective, it would seem both practically impossible and

conceptually arbitrary to attempt to differentiate between those displaced people who deserve ‘protection’ on account of climate change, and those who are victims of ‘mere’ economic or environmental hardship »40. De plus, le moment où une zone

devient inhabitable peut être discutable, car la dégradation s’effectuera en suivant un continuum. Néanmoins, la définition d’Elizabeth Ferris peut être employée pour stimuler la recherche et les discussions à ce sujet : « [a]n area will be considered

as uninhabitable necessitating relocation when the habitat has been irreversibly changed such that the majority of the affected population could not survive and adaptation strategies have been exhausted or are not feasible »41. Du reste, en

raison de la spécificité de leur situation inéluctable et irréversible, ces populations insulaires sont souvent classées par les chercheurs en tant que sous-catégorie des déplacés environnementaux entendus dans un sens plus large et inclusif42.

Il existe, en outre, un réel problème de protection lorsqu’il s’agit des déplacés environnementaux provenant de petits États insulaires. Premièrement, les individus de ces îles, bien que se déplaçant à l’intérieur de leur propre pays au départ, n’auront d’autre choix en définitive que de se déplacer hors de leur pays d’origine43, alors que la majorité des déplacés provenant d’États continentaux se

déplaceront à l’interne44. Les déplacés internes sont à la fois protégés par le droit

40 Jane McAdam, « Swimming Against the Tide: Why a Climate Change Displacement Treaty is Not

the Answer » (2011) 23:1 Int’l J Refugee L 2 à la p 13 [McAdam, « Swimming Against the Tide »]; Margareta Wahlström, « Chairperson’s Summary », Nansen Conference on Climate Change and Displacement in the 21st Century, présenté à Oslo, 6-7 juin 2011 [non publié], en ligne : HCR <http://www.unhcr.fi/en/media/artikel/44f7ef9cdddf849042a560f6204f8e8a/nansen-conference-on-climate-change.html> à la p 2.

41 Elizabeth Ferris, « Protection and Planned Relocations in the Context of Climate Change »

(2012) 4 Legal and Protection Policy Research Series, Division of International Protection 1 à la p 26 (HCR, PPLA/2012/04).

42 Ibid, à la p 10; Kälin et Schrepfer, supra note 11 à la p 16; Marie-Pierre Lanfranchi, « Migrations

environnementales et droit international public : quelques observations » dans Habib Gherari et Rostane Mehdi, La société internationale face aux défis migratoires : colloque des 13 et 14 janvier

2011, Paris, A. Pedone, 2012, 179 aux pp 181-182; Vikram Kolmannskog, « Climate change,

disaster, displacement and migration: initial evidence from Africa » (2009) 180 New Issues in Refugee Research 1 à la p 3 (HCR).

43 Kälin et Schrepfer, supra note 11 à la p 41.

44 Michele Klein Solomon et Koko Warner, « Protection of Persons Displaced as a Result of Climate

(22)

interne de leur État et par les Principes directeurs relatifs au déplacement de

personnes à l’intérieur de leur propre pays, principes non contraignants, mais

ayant acquis le soutien de la majorité des États45. Ainsi, lorsqu’on compare la

protection dont bénéficient les déplacés internes et les déplacés internationaux, on remarque que ces derniers sont davantage confrontés à un vide juridique : « there

is a risk that these persons end up in a legal and operational limbo »46. Les lacunes

quant au mouvement transfrontalier ont été réitérées par des experts internationaux réunis à Bellagio en 2011 pour discuter des changements climatiques et du déplacement. Ceux-ci ont souligné que des développements normatifs étaient nécessaires pour protéger les déplacés internationaux, mais qu’ils n’étaient pas nécessaires dans le cas des déplacés internes47.

Deuxièmement, les individus qui se déplacent en réaction à une dégradation lente de l’environnement, comme la montée du niveau des eaux et la sécheresse, sont souvent considérés comme des migrants volontaires ou des migrants économiques48, c’est-à-dire des personnes qui « chang[ent] de pays afin

d’entreprendre un travail ou afin d’avoir un meilleur futur économique »49. Cela pp 244-245; Crépeau, Rapport du Rapporteur spécial, supra note 25 au para 46. François Crépeau souligne que bien que le mouvement demeure majoritairement interne, de plus en plus de « migrants environnementaux » traversent les frontières.

45 Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 16 septembre 2005, Rés AG 60/1, Doc off AG

NU, 60e sess, Doc NU A/RES/60/1 au para 132. Les Principes directeurs relatifs au déplacement

de personnes à l’intérieur de leur propre pays ont été établis pour protéger des personnes fuyant

des conflits, mais ne se qualifiant pas comme réfugié en l’absence de franchissement de frontières. Aujourd’hui, la plupart des auteurs s’entendent sur le fait que ce texte précis peut offrir une certaine protection aux individus fuyant les effets de dégradations environnementales qui se déplacent à l’intérieur de leur État.

46 Walter Kälin, « Displacement Caused by the Effects of Climate Change: Who Will Be Affected

and What Are the Gaps in the Normative Framework for Their Protection? » dans Scott Leckie, Ezekiel Simperingham et Jordan Bakker, dir, Climate Change and Displacement Reader, New York, Earthscan, 2012, 135 à la p 138.

47 HCR, Summary of Deliberations on Climate Change and Displacement, 2011, en ligne : HCR

<http://www.unhcr.org/4da2b5e19.pdf> au para 19 [HCR, Summary of Deliberations].

48 David Hodgkinson et Lucy Young, « In the Face of Looming Catastrophe : A Convention For

Climate Change Displaced Persons » dans Gerrard et Wannier, supra note 9 à la p 314; Roger Zetter, « The role of legal and normative frameworks for the protection of environmentally displaced people » dans Frank Laczko et Christine Aghazarm, dir, Migration, Environment and Climate

Change : Assessing the Evidence, Genève, OIM, 2009, 385 à la p 418.

49 Conseil canadien pour les réfugiés, « À propos des réfugiés et des immigrants : Un glossaire

terminologique », en ligne : Conseil canadien pour les réfugiés <https://ccrweb.ca/glossaire.PDF>,

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peut être dû au fait que le mouvement sera graduel, et non soudain, comme dans le cas des dégradations qui surviennent de façon précipitée50. Il est vrai que

certains insulaires entreprennent la migration de façon tout à fait volontaire pour obtenir de meilleures conditions de vie à l’étranger, et sont, dans ce cas, des migrants. Il ne faut cependant pas nier que dans certaines situations, les conditions de vie sont tellement dégradées que le déplacement devient forcé. Ces déplacés forcés ne pourront bénéficier de tous les programmes d’assistance que les États mettent en œuvre s’ils sont considérés à tort comme des migrants économiques51. Le Conseil canadien pour les réfugiés souligne d’ailleurs qu’il est

« dangereux d’appliquer ce terme [de migrant économique] trop rapidement à un individu ou à un groupe de migrants »52. Comme l’expliquent François Gemenne et

Agathe Cavicchioli, « la distinction entre migrations volontaires ou forcées [est] déterminante pour définir les moyens de protection et d’assistance à mettre en œuvre »53.

Troisièmement, les victimes de dégradations graduelles, et tout spécialement les habitants des petits États insulaires, ne pourront retourner sur leur territoire devenu inhabitable ou en voie de le devenir. Ils devront donc se reloger de façon permanente au sein d’État tiers en raison du caractère irréversible des dégradations les affectant. À l’opposé, les individus fuyant les dégradations soudaines vont souvent retourner dans leur milieu d’origine peu de temps après la catastrophe54. De plus, les déplacés permanents ne pourront bénéficier des

50 Sheila C. McAnaney, « Sinking Islands? Formulating a Realistic Solution to Climate Change

Displacement » (2012) 87 NYUL Rev 1172 à la p 1179.

51 La difficulté de distinguer entre déplacés forcés et migrants économiques n’est pas nouvelle. Des

situations similaires ont d’ailleurs été connues par le passé, notamment au Zimbabwe, où les personnes déplacées ne sont pas considérées comme des réfugiés, ni comme des migrants volontaires. Voir Alexander Betts, « Towards a ‘Soft Law’ Framework for the Protection of Vulnerable Irregular Migrants » (2010) 22:2 Int’l J Refugee L 209 aux pp 218-219 [Betts, « Towards a ‘Soft Law’ Framework »]; HCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à

appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, Genève, HCR, 2011 aux paras 62-64

(HCR/1P/4/FRE/REV.3) [HCR, Guide et principes directeurs].

52 Conseil canadien pour les réfugiés, supra note 49 sub verbo « un migrant économique ».

53 François Gemenne et Agathe Cavicchioli, « Migrations et environnement : prévisions, enjeux,

gouvernance » (2010) 8 Regards croisés sur l'économie 84 à la p 90.

54 CE, Commission, Climate change, environmental degradation, and migration, Bruxelles, CE,

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mesures de protection ad hoc mises en place par les États, qui sont généralement temporaires et visent les victimes de dégradations soudaines55.

En somme, il est pertinent de limiter le sujet aux déplacés provenant de petits États insulaires, car là se réunissent de nombreux problèmes et lacunes dans la protection dont ils peuvent bénéficier. La mutation irréversible du territoire de ces États qui est en cours justifie une réponse urgente : en effet, il faut à la fois identifier la protection dont les déplacés environnementaux bénéficient à l’heure actuelle et établir des solutions pour pallier les lacunes du droit international, le cas échéant.

L’approche théorique et méthodologie

Les déplacements environnementaux, bien que souvent étudiés sous l’angle du droit de l’environnement, sont de plus en plus pensés en fonction des droits de la personne56. L’approche fondée sur les droits de la personne, qui sera adoptée

dans le cadre de ce mémoire, permet d’étudier en profondeur la protection que le droit international peut (ou ne peut) offrir aux déplacés environnementaux, ainsi que les recours dont ils disposent pour faire valoir ces droits. Par ailleurs, cette approche, contrairement à l’approche du droit de l’environnement57, met l’accent

davantage sur la nature du préjudice subi par les personnes déplacées plutôt que sur les causes du déplacement58. Lorsque l’on s’attache à la protection de la

personne, celle-ci doit pouvoir bénéficier d’une protection, et ce peu importe la cause de son déplacement. Ipso facto, ce travail ne porte pas sur la montée des eaux en soi, mais sur la disparition d'États en tant qu’États habitables.

55 Zetter, supra note 48 à la p 419; Megan Bradley et Roberta Cohen, « Disasters, Displacement

and Protection : Challenges, Shortcomings and Ways Forward » dans Faist et Schade, supra note 32 à la p 214.

56 Commission du droit international, Rapport préliminaire sur la protection des personnes en cas

de catastrophe par M. Eduardo Valencia-Ospina, Rapporteur spécial, Doc off AG NU, 60e sess,

Doc NU A/CN.4/598 (2008) à la p 5 [CDI, Rapport de M. Eduardo Valencia-Ospina].

57 Voir par ex Laura Westra, supra note 7.

(25)

L’approche des droits de la personne est utilisée entre autres par le Rapporteur spécial de la Commission du droit international, Eduardo Valencia-Ospina, dans son Rapport préliminaire sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Il y décrit l’approche comme suit : « [L]a matière est envisagée du point de vue particulier de la victime de la catastrophe et [il] convient de l’aborder selon une approche fondée sur les droits de celle-ci. En matière de protection et d’assistance, cette approche consiste essentiellement à fixer un niveau précis de traitement que la victime d’une catastrophe est en droit d’attendre »59.

Le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en poste de 1997 à 2006, a également fait référence à l’approche fondée sur les droits de la personne dans le cadre de son rapport sur les activités de l’organisation en 199860. Si l’on applique

cette approche au cas des déplacés environnementaux, elle permet non seulement de mettre l’accent sur les besoins des personnes touchées, mais aussi de souligner les obligations que la société a quant à ces personnes dont les droits fondamentaux sont menacés. Comme le dit à juste titre M. Annan, « [i]t empowers

people to demand justice as a right, not as charity, and gives communities a moral basis from which to claim international assistance where needed »61. Enfin, Jane

McAdam, spécialiste des questions liées aux réfugiés, apatrides et migrants internationaux, utilise également une approche centrée sur les droits de la personne dans son livre Climate Change, Forced Migration and International Law. « The book takes a human rights-based approach to climate change-related

movement. This requires more than simply identifying which rights are at risk. It also mandates understanding about what drives such movement, what the nature of that movement is likely to be, and what those who are affected by it actually desire in terms of legal and policy solutions »62.

59 CDI, Rapport de M. Eduardo Valencia-Ospina, supra note 56 à la p 5.

60 Report of the Secretary-General Kofi Annan on the work of the Organization, Doc off AG NU, 53e

sess, supp n°1, Doc NU A/53/1 (1998) à la p 23.

61 Ibid, à la p 23.

(26)

La méthode de recherche employée pour la réalisation de ce mémoire se base quant à elle sur l’analyse de diverses sources juridiques, dont les traités relatifs aux réfugiés, à l’apatridie et au droit international des droits de la personne, de même que la coutume applicable en ce qui concerne les droits de la personne. Cette étude des traités et de la coutume permettra de déterminer si les déplacés environnementaux peuvent bénéficier du statut de réfugié ou d’apatride et des droits qui sont assortis à ces régimes de protection. Une analyse subséquente de la jurisprudence internationale et régionale permettra de déterminer les recours potentiels pour les déplacés environnementaux, ou encore soulèvera les limites de ces recours. La jurisprudence extensive de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « CEDH ») sera particulièrement intéressante à analyser, puisque cette juridiction a une influence qui dépasse largement le territoire européen, que ce soit au sein de juridictions internes ou internationales, ces dernières n’hésitant pas à s’y référer63. Au fil des ans, la Cour a non seulement

développé une jurisprudence en lien avec l’environnement, notamment en explorant la relation entre l’environnement et l’exercice des droits fondamentaux, mais également en matière d’immigration. L’étendue de son influence et la richesse de sa jurisprudence sont dues, entre autres, au fait qu’elle a été la première cour à connaître des recours contentieux accessibles tant aux États qu’aux individus en matière de protection des droits de la personne. La Convention

de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après

« ConvEDH »)64 qui l’a créée est d’ailleurs le premier traité contraignant de

protection des droits de la personne. Enfin, une analyse des publications officielles d’organisations internationales (particulièrement celles provenant des organes des Nations Unies) et des textes de doctrine concernant divers domaines du droit international fera ressortir les lacunes du droit international et les solutions proposées pour augmenter la protection dont peuvent se prévaloir les déplacés environnementaux.

63 Voir par ex Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c Italie), Ordonnance du 6 juillet

2010, [2010] CIJ rec 310, où la CIJ se réfère à de nombreux arrêts de la CEDH.

64 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre

(27)

Le plan du mémoire

Selon Walter Kälin et Nina Schrepfer, les réponses à apporter à la situation des déplacés environnementaux se situent à trois niveaux, soit ceux de la mitigation (réduction des GES), de l’adaptation aux effets des changements climatiques et de la protection des personnes affectées négativement par les effets des changements climatiques65. En lien avec la mitigation, le droit international de

l’environnement pourrait offrir des réponses indispensables en ce qui concerne la protection des déplacés environnementaux66. En effet, ce domaine du droit

international fait ressortir la nécessité pour les États de réduire leurs émissions polluantes, de ralentir les effets des changements climatiques et ainsi d’agir en amont sur les déplacements environnementaux67. Néanmoins, le droit international

de l’environnement ne permet pas d’apporter une protection à court et à moyen terme aux personnes touchées par ces déplacements. De plus, les réponses offertes par ce domaine du droit permettraient difficilement aux individus d’obtenir une protection en aval, une fois le déplacement imminent ou effectué. En effet, le droit international de l‘environnement s’intéresse peu à la protection internationale des droits de la personne. Bien que la Déclaration de Stockholm de 1972 ait tenté de rapprocher les droits de la personne et la protection de l’environnement, en stipulant que « l’homme a un droit fondamental […] à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être »68, cette préoccupation n’apparaît plus dans la Déclaration

65 Kälin et Schrepfer, supra note 11 à la p 17.

66 Michèle Morel, « Human rights law, refugee and migration law, and environmental law: exploring

their contributions in the context of ‘environmental migration’ » dans Paul Martin et al, dir,

Environmental Governance and Sustainability, Northampton, Edward Elgar Publishing, 2012, 248 à

la p 261.

67 Susan Martin, « War, Natural Disasters, and Forced Migration » dans Marc R Rosenblum et

Daniel J Tichenor, dir, The Oxford handbook of the politics of international migration, New York, Oxford University Press, 2012, 53 à la p 71; Myers, supra note 34 à la p 612.

68 « Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement » dans Rapport de

la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Doc off AG NU, 1972, Doc NU

(28)

de Rio sur l’environnement et le développement de 199269. Lors de cette

Conférence, « la principale préoccupation des États […] était de concilier la protection de l’environnement et le développement économique, et non pas d’assurer le respect des droits humains par une protection accrue de l’environnement »70. Puisque le droit international de l’environnement s’intéresse

peu à la protection des droits fondamentaux des individus, l’étude de ce domaine du droit est volontairement exclue de cette recherche.

Le premier chapitre du présent mémoire s’intéresse à deux domaines du droit international qui, a priori, semblent en mesure d’offrir une protection directe aux déplacés environnementaux, soit le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie. Certes, ces deux domaines prévoient des structures et des mécanismes leur permettant d’accorder une protection directe et effective aux individus se qualifiant comme réfugiés ou apatrides. L’analyse subséquente du droit international et régional des réfugiés et du droit de l’apatridie démontrera néanmoins que ces domaines du droit sont mal adaptés à la réalité des déplacements environnementaux, qu’ils ne considèrent pas ou difficilement comme entrant dans leur champ d’application.

Le droit international des droits de la personne sera le domaine du droit international à l’étude dans le deuxième chapitre du mémoire. Les droits de la personne protègent tous les individus sur un territoire ou sous la juridiction d’un État71, en déterminant un seuil minimal de droits et libertés auxquels ils ont droit.

Ce chapitre s’attardera dans un premier temps à la protection du droit à la vie et d’autres droits fondamentaux connexes des déplacés environnementaux, la jouissance du droit à la vie étant de la plus haute importance pour garantir

69 « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » dans Rapport de la Conférence

des Nations Unies sur l’environnement et le développement, Doc off AG NU, 1993, Doc NU

A/CONF.151/26/Rev.1 (vol 1) [Déclaration de Rio].

70 Jean-Maurice Arbour, Sophie Lavallée et Hélène Trudeau, Droit international de l’environnement,

2e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012 à la p 148.

71 Jane McAdam, « Environmental Migration » dans Alexander Betts, dir, Global Migration

Governance, Oxford, Oxford University Press, 2011, 153 aux pp 12-13 [McAdam, « Environmental

(29)

l’exercice des autres droits de la personne. Dans un deuxième temps, la protection subsidiaire telle qu’appliquée en droit international et régional sera étudiée. Ce type de protection permet à un individu ne se qualifiant pas comme réfugié de bénéficier d’un droit à ne pas être renvoyé vers son territoire d’origine, parce que le renvoi irait à l’encontre de droits fondamentaux, comme le droit à ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou le droit au respect de la vie privée et familiale. Ce chapitre permettra de démontrer que bien que le droit international des droits de la personne garantisse des droits aux déplacés environnementaux, cette protection est difficilement mise en œuvre dans la pratique en raison des limites aux recours judiciaires accessibles aux États et aux individus affectés par les dégradations environnementales et compte tenu de l’état actuel de la jurisprudence.

Pour aller plus loin dans l’analyse de la protection offerte par le droit international aux déplacés environnementaux, plusieurs auteurs et chercheurs proposent des réformes au droit international existant. Le troisième et dernier chapitre du mémoire veillera à recenser ce qui a été proposé par les divers chercheurs et fera le point sur le bien-fondé et la faisabilité de ces développements normatifs proposés. Ceux-ci pourraient comprendre une modification de la Convention

relative au statut des réfugiés ou encore la création d’un régime sui generis de

protection des déplacés environnementaux. Toutefois, ces solutions pour augmenter la protection dont bénéficient les déplacés environnementaux se heurtent à des difficultés de concrétisation qui seront exposées dans ce chapitre. C’est pourquoi certains auteurs allèguent que des initiatives régionales ou locales pourraient être plus appropriées pour augmenter la protection dont bénéficient les déplacés environnementaux.

(30)
(31)

1. Le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie :

des domaines du droit international ne

permettant pas une prise en compte directe des

déplacés environnementaux

Le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie sont presque toujours invoqués dans la doctrine lorsqu’il s’agit de traiter la problématique des déplacés environnementaux72. A priori, il est vrai que ces deux domaines du droit

international semblent en mesure de protéger ces personnes déplacées. Toutefois, il s’avère qu’en pratique, le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie sont très mal adaptés à la protection de cette nouvelle catégorie d’individus vulnérables. Il demeure néanmoins nécessaire d’étudier la protection que ces domaines du droit offrent aux déplacés environnementaux, de même que leurs limites, puisque ces derniers peuvent les protéger dans certaines situations ponctuelles. De plus, l’évaluation des lacunes de ces deux domaines du droit permet de faire le point sur le défaut de protection envers les déplacés environnementaux. Par ailleurs, il est pertinent d’aborder le droit des réfugiés et le droit de l’apatridie de façon conjointe et liminaire, car ils partagent certains points en commun non négligeables. Premièrement, contrairement au droit international des droits de la personne, ces deux domaines du droit ne protègent pas tous les individus en leur qualité d’êtres humains. Les conventions qui se trouvent à la base de ces deux domaines du droit comprennent des définitions et des critères afin d’évaluer ceux qui peuvent bénéficier de ces régimes de protection ou, à l’inverse, ceux qui ne se qualifient pas comme réfugié ou apatride. Une protection directe est donc offerte aux individus se qualifiant comme réfugié ou apatride au sens des instruments internationaux ou régionaux, et ce dès qu’ils sont reconnus comme tels73.

72 Voir par ex McAdam, Climate Change, supra note 35; Kälin et Schrepfer, supra note 11;

Lanfranchi, supra note 42; Alice Edwards, « Climate Change and International Refugee Law » dans Rosemary Gail Rayfuse et Shirley V. Scott, International Law in the Era of Climate Change, Cheltenham, Edward Elgar, 2012 58 [Edwards, « Climate Change »].

(32)

Deuxièmement, tant les personnes se qualifiant comme réfugiés que celles se qualifiant comme apatrides connaissent des problèmes en ce qui concerne l’effectivité de leur nationalité. Dans les deux cas, les individus ne peuvent ou ne veulent pas se réclamer de la protection de leur État de nationalité ou du pays dans lequel ils avaient leur résidence habituelle. Ainsi, alors que tous les réfugiés sont apatrides (du moins des apatrides de facto) dans une certaine mesure ou pour un certain laps de temps, tous les apatrides ne sont pas des réfugiés74. Des

explications détaillées sur ces catégories de personnes nécessitant une protection seront données dans le présent chapitre. Enfin, les deux domaines du droit comprennent des critères pour déterminer les personnes à protéger, de même qu’une organisation responsable de la protection des individus répondant à ces critères, soit le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après « HCR »)75.

1.1 Le droit des réfugiés invoqué par des insulaires

Les déplacés environnementaux, tels que définis dans l’introduction de ce mémoire, devront se déplacer hors de leur pays de nationalité ou de résidence, les conditions de vie dans leur pays devenant de plus en plus dégradées en raison, entre autres, de la détérioration graduelle de l’environnement. Souvent appelés « réfugiés climatiques ou environnementaux »76 dans les médias et la doctrine, il

s’avère pertinent d’évaluer les critères d’attribution du statut de réfugié au niveau international et régional et de déterminer dans quelle mesure le droit des réfugiés pourrait ou non protéger ces déplacés internationaux. La réponse est plus complexe que la simple constatation de l’inapplicabilité de la Convention de Genève77, qui est la pierre angulaire du droit international des réfugiés. D’abord,

74 Hugh Massey, « UNHCR and De Facto Statelessness » (2010) 1 Legal and Protection Policy

Research Series, Division of International Protection 1 à la p i (HCR, LPPR/2010/01).

75 HCR, « Apatrides », en ligne : HCR <http://www.unhcr.org/pages/4aae621d3d4.html>. 76 Voir les précisions sur l’emploi de ces termes à la p 9 ci-dessus.

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