A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVII, 2005
LE HARCÈLEMENT : DES MAUX. DES MOTS. DÉMO
Philippe ARQUES Parq Consultants
MOTS-CLÉS : HARCÈLEMENT – AUTONOMIE – DÉPENDANCE – DROITS DES PERSONNES
RÉSUMÉ : Dans le cadre de nombreux établissements, des phénomènes spécifiques de harcèlement moral apparaissent en contradiction avec les objectifs définis. Observation et expérimentation nous ont permis de développer un concept original pour expliquer pourquoi et comment le harcèlement naît ou fonctionne. Il rassemble les différents modèles proposés dans la littérature.
ABSTRACT : Within the framework of many establishments, specific phenomena of moral harassing appear in contradiction with the definite objectives. Observation and experimentation enabled us to develop an original concept to explain why and how harassing is born or functions. It gathers the various models suggested in the literature.
1. INTRODUCTION
La violence est naturelle chez chacun d’entre nous. Elle est contrariée par l’éducation familiale et scolaire et pourtant c’est dans la famille, parfois, à l’école et dans la cité que se développent actuellement des formes de brutalités incontrôlées. Le harcèlement en est une lorsque les brutalités psychologiques ou physiques sont répétées. Nous analysons ici l’importance du harcèlement dans la culture de notre pays et les différentes solutions pour en sortir.
2. QUELQUES FAITS
2.1. Discrimination. Ne doit-on pas mettre des mots sur ces choses-là ?
La discrimination commence à la naissance dans certains pays : Chine : 115 garçons pour 100 filles. (Moyenne mondiale : 105 filles pour 100 garçons), avec, entre autres, pour conséquence, une chute de la démographie en Chine. La discrimination continue à l’école (figure 1). L’alphabétisation des femmes et des hommes est égalitaire ou inégalitaire. Plus les hommes sont alphabétisés et plus l’alphabétisation des femmes est importante. Dans un pays, l'index de développement humain (HDI) mesure l'évolution moyenne dans trois dimensions fondamentales du développement humain : la longévité de la vie, la connaissance et le niveau de vie. L'indice composite, le HDI, qui caractérise la pauvreté, contient ainsi trois variables : l'espérance de vie, la réalisation éducative (alphabétisation d'adulte combinée avec la scolarisation tertiaire (université, secondaire et primaire), le produit intérieur brut (PIB) réel par habitant. L’indicateur de développement humain (figure 1) montre qu’il existe 2 types de pays : ceux pour lesquels idh(femmes)<idh(hommes) et ceux pour lesquels il y a égalité : idh(femmes)=idh(hommes).
Figure 1 : À gauche : Alphabétisation des femmes et des hommes dans 174 pays.
Alphabétisation : Elle est différente pour les garçons et les filles. Le taux d’alphabétisation des filles étant inférieur à celui des garçons pour devenir égal quand le taux d’alphabétisation des garçons atteint 100 %. (figure 1)
Jeux de défi et de soumission : Le Conseil Général du Rhône lance une campagne de prévention et d’information sur les jeux de défi et de soumission à l’école mettant en danger la santé de celui qui les pratique. En France, entre 1999 et 2004, 75 décès d’adolescents ont été répertoriés.
Harcèlement moral : 30 % des salariés estiment avoir subi un HM (Ipsos), 17 % : 1 fois, 26 % : 2 fois, 52 % : 3 fois et plus, 37 % ont été témoins de Harcèlement Moral.
Harcèlement conjugal. France : 1 femme sur 10 est harcelée avec 6 décès par mois (à l’hôpital). Au Pakistan, il y a 6 décès par jour (à l’hôpital).
2.2. Où ?
- Dans les systèmes et institutions hiérarchisés officiels ou réels : éducation nationale, systèmes militaires, instituts de recherche, institutions pénitentiaires, administrations.
- Dans le milieu familial despotique ou patriarcal.
- Dans les bandes d’adolescents ou de jeunes adultes.Le contexte
Le harcèlement est largement développé dans la littérature et autres médias. Il existe plusieurs niveaux d’analyse : Description simple des agressions de la répétition du harcèlement. Explication simpliste de la stratégie du harceleur : il veut vous faire partir… C’est un pervers… Observation du harcèlement → analyse → loi : Théorie du harcèlement, suivie d’applications. Il existe plusieurs niveaux d’intervention : Médical-psy qui ne connaît que les harcelés malades du harcèlement et qui les victimise, parfois à outrance. Médical généraliste qui doit décrypter la parole du patient et reconnaître un harcèlement au sein de son récit des symptômes qui l’affectent. Hors médical. Médiatisé. Légal dans un recours à la justice. Administratif dans la méconnaissance des fondements du harcèlement. C’est là le rôle des assistantes sociales, médiateurs et autres spécialistes de la Direction des Relations Humaines. (tableau 1).
2.4. Le harcèlement
Lorsqu’elle n’est pas d’indifférence, toute relation humaine qu’elle soit d’amitié, d’amour, professionnelle, ludique, etc., met en présence plusieurs personnes. Chacune de ces personnes a un passé, des compétences, une personnalité et une maturité qui s’expriment dans les capacités d’autonomie qu’elle développe pour progresser. Deux situations peuvent prendre place séparément ou alternativement.
« le harcèlement ? c’est une affaire d’interprétation » sous-entendu « il n’est pas possible de distinguer harceleur et harcelé » !
Liée à l’incompétence de l’observateur
Variable de 0 à 100 « La victime est incapable de comprendre et d’analyser ce qui lui
arrive »
Nulle pour le harcelé 0
« le harcèlement c’est comme dans tous les conflits et les divorces : les torts sont partagés »
partagée moitié-moitié entre harceleur et harcelé.
50
« Mais qu’avez-vous bien pu faire pour être harcelé ainsi ? dites-moi ? » et qui, trivialement, évoque le « Si elle s’est fait violer : c’est qu’elle l’a bien cherché ! »
C’est la victime harcelée 100
Tableau 1 : Interprétation du harcèlement et niveau de responsabilité du harcelé entre 0 et 100
L’une se base sur le respect mutuel où la compétence, l’autonomie et la personnalité des uns et des autres se partagent et s’entremêlent pour le plus grand bénéfice de tous. L’objectif est commun et peu importe qui mène : c’est toujours celui qui se montre le plus compétent à l’instant. Chacun des participants est capable de relayer l’autre dans une dynamique où toute erreur, fortuite ou non, est épongée par l’action commune dans le cadre d’une efficacité sans cesse renouvelée.
L’autre se base sur un rapport de force lié à la distance entre compétence et autonomie entre les différents participants. La tentative de réduction de cette distance va se traduire par la création d’une situation de harcèlement. Dans ce rapport de force, le plus faible va ressentir sa nullité, si ce n’est son inexistence, qu’il va interpréter en termes d’assaut contre sa personne. Ceci va l’amener à réagir. D’une part, en agressant selon le principe que la meilleure défense : c’est l’attaque. L’agression peut être verbale, physique, faible ou forte. Elle est là. D’autre part par une demande de soumission afin de pouvoir ravir la compétence et l’autonomie de l’autre qui sera bien en peine de les lui céder définitivement même s’il donne l’impression d’un transfert au cours de l’agression. Don qui est suivi d’une rétrocession lorsque la situation est redevenue normale. Cet effet est aggravé par la situation hiérarchique ou numérique des protagonistes.
Basée sur des concepts et non sur la description d’une situation, une définition du harcèlement est : « Le harcèlement est l’ensemble des dispositions mises en œuvre par une personne (le harceleur) pour obtenir une soumission totale ou partielle d’une autre personne (le harcelé) sans que le libre arbitre de cette dernière soit reconnu dans le cadre de son autonomie ».
2.5. Processus de sortie
Pour le harcelé, il semble évident que la meilleure façon de sortir du harcèlement est que la situation vraie soit franchement exprimée, la faute reconnue, les excuses présentées, la réconciliation certifiée, l’avenir clairement reconstruit. Les victimes de harcèlement psychologique sont attachées à ce que la justice leur soit rendue. Elles veulent que librement, il soit dit : « qu’elles sont devenues malades à cause de leurs conditions de travail ». Pour le harcelé, la méfiance reste « d’urgence ».
Comment un ensemble social qui a accepté un comportement pervers pendant plusieurs mois, plusieurs années ou décennies (!), qui en est devenu complètement stérile et improductif, peut-il être capable, tout d’un coup, de se transformer en un milieu dynamique, offensif, ouvert, fécond et accueillant ?
• 1-Processus de réconciliation
D’après LEYMANN, les quelques connaissances que nous ayons sur les mécanismes de
réconciliation proviennent de l’observation des comportements enfantins à la fin des disputes. En réalité, depuis plusieurs années, afin d’éviter la mise en place de procédures de vengeance, des processus sont mis en place à la fin des conflits religieux, ethniques ou d’États. Ils sont
maintenant clairement explicités et peuvent s’appliquer au harcèlement. La réconciliation est une affaire de principe mais également de pragmatisme.
• 2-Disputes.
Dans le cas des enfants, plusieurs degrés, du signe muet au geste d’accueil et aux cadeaux, ont été observés dans le cas d’une réconciliation.
• 3-Conflits.
Toute société connaît une quantité innombrable de contrastes et de contradictions allant de pair avec autant d’injustices. Aucun groupe de citoyens ne peut fonctionner s’il ne consent pas à tolérer la partialité dans une certaine mesure. Personne ne peut vivre heureux, s’il n’admet pas une portion d’abus, la plus réduite possible évidemment. La paix n’a pas seulement pour signification de « pardonner et oublier », elle nécessite une véritable démarche dont les différentes étapes chronologiques sont : la vérité, la réhabilitation, le jugement et la punition. o La vérité. Une constatation officielle de la « vérité » doit être faite car le fondement de la
paix est la reconnaissance de la souffrance de la victime. Les accusés doivent avoir droit à une assistance juridique et pouvoir donner leur version des faits. Le but du procès est de réintégrer, plus tard, les personnes inculpées dans une nouvelle dignité et non pas de les exclure dans leur avenir sans espoir.
o La réhabilitation. Une réhabilitation officielle du supplicié doit être entreprise et une compensation matérielle doit lui être fournie.
o Le jugement. Le juge doit être réputé « sans tache » et impartial.
o La prévention. Des mesures doivent être prises pour prévenir le retour de la violation des droits de la personne sur le même terrain ou dans le même groupe social.
o Stratégie de sortie. Il existe plusieurs stratégies de sortie qu’il est possible de faire progresser : intégrer et assimiler l’injustice, la réconciliation, la négociation, la médiation, l’arbitrage, la vengeance.
3. CONCLUSIONS
Le Harcèlement doit avoir une fin. La réconciliation, la négociation et la médiation restent des cas particuliers. À défaut d’arbitre et donc de prévention, c’est le harcelé qui assure cette fin lorsqu’il prend en charge le harcèlement et qu’il met en route une procédure de sortie efficace. Plusieurs manières de terminer un harcèlement existent. Chaque cas nécessite une procédure de sortie spécifique à choisir entre : Intégrer et assimiler l’injustice, la réconciliation, la négociation, la médiation, l’arbitrage ou finalement la vengeance.
BIBLIOGRAPHIE
ARQUES P. (2004). Le harcèlement dans l’enseignement. Causes. Conséquences. Solutions. Paris : Éditions L’Harmattan.
