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Exploration de la transition professionnelle d'infirmières diplômées à l'internationel lors d'un programme d'intégration

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Academic year: 2021

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© Virginie Martineau-Aubin, 2018

Exploration de la transition professionnelle d'infirmières

diplômées à l'internationel lors d’un programme

d'intégration

Mémoire

Virginie Martineau-Aubin

Maîtrise en sciences infirmières - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Exploration de la transition professionnelle

d’infirmières diplômées à l’international lors d’un

programme d’intégration

Mémoire

Virginie Martineau-Aubin

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Les infirmières diplômées à l’international (IDI) vivent diverses difficultés tout au long de leur parcours d’intégration à la profession infirmière au pays d’accueil. La réalisation d’un programme d’intégration vient influencer leur cheminement. Le but de la recherche consistait à explorer la transition professionnelle telle que perçue par les IDI au moment de la réalisation d’un programme d’intégration. La théorie de la transition de Meleis, Sawyer, Im, Messias, & Schumacher (2000) a servi de guide à cette recherche. Par une approche qualitative inspirée de la théorisation ancrée (Strauss & Corbin, 2004), les données ont été recueillies auprès de 14 IDI dont 5 en entretiens individuels et 9 en entretiens de groupe. Les résultats montrent que les IDI perçoivent des différences professionnelles. Celles liées aux activités infirmières divergent selon le milieu de pratique de l’IDI au pays d’origine. En effet, les IDI ayant exercé en milieu hospitalier passent du rôle d’exécutante de soins techniques à une professionnelle de la santé ayant des activités diversifiées et empreintes d’autonomie. Alors que les IDI ayant exercé en milieu communautaire passent d’activités diversifiées et autonomes à un rôle axé sur les soins infirmiers. D’autres différences professionnelles ont également ressorti de l’analyse et concernent le contexte clinique. Les éléments relevés ont trait au cadre législatif, à la communication interpersonnelle verbale et non verbale, au type de clientèle soignée, aux situations de santé vécues par la clientèle et au matériel utilisé. Par la suite, des conditions personnelles, reliées au programme d’intégration et communautaires viennent influencer la façon de vivre la transition. Le modèle théorique émergent permet une compréhension plus approfondie de la transition professionnelle des IDI et des relations entre chacun des concepts au moment de la réalisation d’un programme d’intégration.

Mots clés : Infirmières diplômées à l’international, infirmières diplômées hors Canada,

infirmières immigrantes, rôle de l’infirmière, programme de transition, programme d’intégration.

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iv

Abstract

Internationally educated nurses (IEN) face a variety of challenges throughout their integration journey into the nursing profession. The participation to an integration program influences their progress. The purpose of the research was to explore the experiences of IEN in their professional transition when implementing an integration program. The transitions theory of Meleis, Sawyer, Im, Messias, & Schumacher (2000) served as a guide for this research. Using a grounded theory approach described by Strauss and Corbin (2004), data were collected from 14 IEN, including 5 in individual interviews and 9 in group interviews. The results show that IEN experiment professional differences. Those related to nursing activities differ according to the IEN working place in the country of origin. In fact, IEN who have worked in hospitals move from the role of technical care executant to a health professional with diverse and autonomous activities. While community-based IEN are moving from diversified, self-sustaining activities to a role that is focused on nursing care. Other professional differences also emerged from the analysis and refer to the clinical context. The elements identified relate to the legislative framework, interpersonal verbal and nonverbal communication, the type of clientele, the health situations experienced by the clientele and the equipment used. Thereafter, personals conditions, conditions related to the integration program and community conditions influence the way the professional transition is lived by the IEN. The emerging theoretical model provides a deeper understanding of the professional transition of IEN and the relationships between each of the concepts during an integration program.

Key words: Internationally educated nurses, overseas registered nurses, immigrant nurses,

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1. La problématique ... 2

1.1 L’immigration en croissance et l’emploi comme facteur déterminant de l’intégration ... 2

1.2 Les infirmières diplômées à l’international en réponse aux besoins de main d’œuvre ... 3

1.3 Les programmes d’intégration et la rareté des recherches visant leur amélioration ... 5

1.4 Le but général de la recherche ... 8

Chapitre 2. La recension des écrits et le cadre théorique ... 9

2.1 Le rôle et les fonctions de l’infirmière ... 9

2.2 Les perceptions des IDI en regard des programmes d’intégration ... 14

2.3 Les perceptions des IDI lorsqu’elles sont à l’emploi ... 20

2.4 Le programme d’intégration québécois ... 30

2.5 Le cadre théorique et les questions spécifiques de la recherche ... 33

Chapitre 3. La méthode de recherche ... 38

3.1 L’approche de recherche ... 38

3.2 Le milieu ... 40

3.3 L’échantillon ... 40

3.4 Les stratégies de recrutement ... 40

3.5 La collecte de données ... 41

3.6 L’analyse des données ... 44

3.7 Les considérations éthiques ... 46

3.8 Les critères de rigueur scientifique ... 47

Chapitre 4. Les résultats ... 50

4.1 Le profil sociodémographique des participantes ... 50

4.2. Les différences professionnelles ... 53

4.3 Les conditions d’influence ... 68

Chapitre 5. La discussion ... 85

5.1 Les considérations méthodologiques ... 85

5.2 Les considérations théoriques ... 90

5.3 Les considérations empiriques ... 91

5.4 Les limites de la recherche... 103

5.5 Les retombées de la recherche ... 105

5.6 Les implications ... 105

Conclusion ... 110

Liste des références ... 112

Annexes ... 118

(6)

vi

Annexe B : Logigramme des compétences visées par le programme Intégration à la

profession infirmière du Québec ... 121

Annexe C : Message lors de la présentation de la recherche en classe ... 122

Annexe D : Feuillet d’information destiné aux participantes ... 123

Annexe E : Questionnaire sociodémographique ... 124

Annexe F : Formulaire de consentement pour entretien individuel ... 125

Annexe G : Guide d’entretien individuel ... 128

Annexe H : Formulaire de consentement pour entretien de groupe ... 130

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Synthèse des informations sur les études recensées portant sur les IDI durant un programme d’intégration……….………...15 Tableau 2 : Informations sociodémographiques des participantes………….………51

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viii

Liste des figures

Figure 1. La théorie de la transition de Meleis, Sawyer, Im, Messias, & Schumacher (2000) traduite en français par Aubin et Dallaire (2008) …....………..33 Figure 2. Les différences dans les activités infirmières perçues par les IDI ayant exercé en milieu hospitalier dans leur pays d’origine………...56 Figure 3. Les différences dans les activités infirmières perçues par les IDI ayant exercé en milieu communautaire dans leur pays d’origine……… 61 Figure 4. Les différences dans les activités infirmières perçues par les IDI selon le milieu de pratique au pays d’origine………..……...61 Figure 5. Les différences professionnelles perçues par les IDI inscrites à un programme d’intégration………..…67 Figure 6. Un modèle émergent des différences professionnelles et des conditions perçues pouvant influencer la transition professionnelle des IDI lors d’un programme d’intégration ………..……….84

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Liste des abréviations

CÉGEP : Collège d'enseignement général et professionnel CHSLD : Centre d’hébergement et de soins de longue durée CII : Conseil international des infirmières

IDI : Infirmière diplômée à l’international

MIDI : Ministère de l’Immigration, Diversité et Inclusion

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques OIIQ : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

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x

« Comme infirmière, tu as déjà pratiqué, c'est plus difficile pour toi d'avoir une autre vision des choses que quelqu'un qui va commencer la formation dès le début. » (I10)

« Dès que notre esprit est imprégné de certains schémas de penser, de ressentir et d'agir, il nous faut les désapprendre pour en intégrer de nouveaux. Or, il est plus difficile de désapprendre que d'apprendre » (Hofstede, Hofstede, & Minkov, 2010, p. 15)

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xi

Remerciements

Merci…

À mes parents qui ne m’ont pas transmis d’intérêt particulier pour les personnes d’autres cultures et ni incité à faire des études supérieures, mais qui m’ont transmis une envie de faire les choses différemment, une forte croyance en mes capacités et une joie de vivre qui s’avèrent universelles pour faciliter la rencontre avec l’autre.

À Madame Kathleen Lechasseur, ma directrice de maîtrise, qui m’a montré les rouages de la recherche, m’a aidé à structurer ma pensée et qui m’a laissé diriger ma maîtrise à mon rythme tout en me ramenant à l’ordre dans les moments d’égarements. Elle a été une guide rassurante et encourageante.

À la Faculté des sciences infirmières et tout particulièrement à Madame Ginette Lazure, professeure retraitée, qui m’ont permis de réaliser un stage interculturel durant mon baccalauréat pour sortir de mon confort et être confrontée à la différence. Ce stage et l’accompagnement qui l’entoure ont été un moment tournant pour éveiller ma « fibre interculturelle ». De plus, durant ma maîtrise, mesdames Pamela Farman et Myriam Gauthier, également enseignantes à la faculté, ont été mes expertes en interculturel pour référer des auteurs, discuter d’idées et partager leurs expériences.

Aux coordonnateurs et au personnel enseignant du programme où s’est déroulée la recherche, votre accueil et votre générosité de temps et de réflexion ont permis que je me sente la bienvenue durant le recrutement et lors des entretiens avec les participantes.

Aux participants et participantes de cette recherche et à toutes les personnes de divers horizons que j’ai rencontrées dans ma vie professionnelle et personnelle. Chacune de vous m’a apporté quelque chose de significatif à mes yeux sur le plan des connaissances, mais aussi sur le plan relationnel et humain.

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xii

À l’Ordre régional des Infirmières et Infirmiers de la région de Québec et à la Faculté des sciences infirmières qui m’ont soutenue financièrement durant les études et pour la présentation dans des congrès.

À mon amoureux Charles qui s’est montré intéressé à mon sujet dès le début, qui est demeuré positif, patient et compréhensif et qui a agi à titre de réviseur/correcteur/conseiller pour les textes. Aussi, à mes deux magnifiques garçons que j’ai mis au monde, bercés et aimés au cours de ma maîtrise.

Finalement, merci au fabuleux groupe de rédaction Thèsez-vous qui m’a fourni le dernier élan pour enfin terminer la rédaction de ce mémoire!

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1

Introduction

Le vieillissement de la population dans les pays industrialisés et l’augmentation des besoins d’effectifs infirmiers qui s’ensuit amènent les organisations à innover pour recruter de nouvelles infirmières et assurer ainsi la qualité des soins. Dans ce contexte, l’emploi d’infirmières diplômées à l’international (IDI) apparaît comme une solution prometteuse. Toutefois, pour celles-ci, entre le moment de l’immigration et le début d’un emploi dans les milieux cliniques, plusieurs embûches se présentent, notamment la réussite d’un programme d’intégration et l’examen d’entrée à la profession. Ce que vivent les IDI avant d’être autorisées à exercer au pays d’accueil et les facteurs qui influencent cette période demeurent peu documentés par la littérature empirique. Il s’avère donc tout à fait pertinent de s’interroger sur la période de préparation à l’emploi dans un nouveau contexte clinique. À cet effet, le présent mémoire s’intéresse à la transition professionnelle telle que perçue par les IDI au moment de la réalisation d’un programme d’intégration.

Ce mémoire est composé de cinq chapitres. Le premier chapitre énonce la problématique ayant mené au choix du sujet de recherche. Le deuxième chapitre présente une recension d’écrits théoriques et empiriques qui touchent la profession infirmière, la population à l’étude et le programme d’intégration. Ce chapitre se termine par la présentation de la théorie de la transition de Meleis, Sawyer, Im, Messias et Schumacher (2000) qui a servi de guide dès les premières étapes de réflexion de ce mémoire et qui amène une vision particulière du phénomène à l’étude. Les questions spécifiques de la recherche terminent ce chapitre. Pour ce qui est du troisième chapitre, il aborde la méthodologie utilisée tout au long du processus de recherche. Le quatrième chapitre forme le cœur de ce mémoire et rapporte les résultats qui ont émergé de l’analyse des données. Une première partie des résultats porte sur les différences professionnelles perçues par les infirmières diplômées à l’international, alors que la deuxième partie porte sur les conditions qui influencent la transition de celles-ci. Enfin, le cinquième chapitre expose une discussion sur différents aspects du processus de la recherche et évoque les liens entre les résultats et la littérature. Les limites, retombées et implications pour le futur sont également avancées.

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Chapitre 1. La problématique

1.1 L’immigration en croissance et l’emploi comme facteur

déterminant de l’intégration

L’augmentation des flux migratoires représente une réalité internationale à laquelle plusieurs pays doivent s’adapter. Dans la dernière décennie, des pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE, 2013) tels que la Corée du Sud, le Mexique, la Norvège et le Canada constatent une croissance soutenue de l’immigration. Par exemple, au Canada, entre 1996 et 2011, des statistiques comparatives de l’Enquête nationale auprès des ménages démontrent une progression de 40% du nombre d’immigrants (Gouvernement du Canada, 2011). Les données provinciales québécoises de 2002 à 2011 (MIDI, 2013) montrent également une augmentation de l’immigration.

Les raisons ou les motivations qui mènent à un changement de pays de résidence sont de divers ordres. Par exemple, certaines personnes migrent pour des fins humanitaires, c’est-à-dire suite à une catastrophe naturelle ou un conflit sociopolitique qui mettent en jeu leur sécurité et leurs droits fondamentaux. D’autres migrent pour la découverte de nouveaux horizons ou pour assurer de meilleures conditions de vie économiques pour eux-mêmes et leur famille (Geist & McManus, 2012; MIDI, 2012; OCDE, 2012). Au cours des premières années dans le pays d’accueil, lorsque la période « d’enchantement » est terminée, l’intégration apporte son lot de défis qui touchent notamment la communication avec la société d’accueil (Legault & Fronteau, 2008). La participation à la vie collective et l’insertion à l’emploi forment deux autres défis fréquemment rencontrés par les immigrants (Abou, 2006; MIDI, 2012).

Au sujet de l’emploi, selon une analyse de données internationales portant sur les mouvements migratoires, l’emploi constitue un facteur critique d’intégration et de rétention au pays d’accueil (OCDE, 2012). Plus près d’ici, les résultats d’une enquête statistique commandée par le MIDI et par Emploi-Québec parviennent à la même conclusion (Lacroix, 2013). En somme, le motif majeur qui amène un immigrant et sa famille à s’établir et, surtout,

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3

à demeurer au pays d’accueil à long terme est principalement l’obtention d’un emploi qui correspond à ses compétences et présentant des conditions de travail jugées acceptables.

1.2 Les infirmières diplômées à l’international en réponse aux

besoins de main d’œuvre

Parmi ces immigrants, la majorité représente les travailleurs qualifiés, c’est-à-dire des personnes d’âge adulte qui arrivent au pays d’accueil avec une formation et une expérience professionnelle (www.immigration-quebec.gouv.qc.ca). Les personnes immigrantes qui ont suivi une formation initiale d’infirmière dans leur pays d’origine font partie de cette catégorie d’immigrants. Au Québec, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec [OIIQ], qui est l’organisation professionnelle régulant l’accès à la profession et la conformité aux règles déontologiques, les identifie comme des « Infirmières diplômées hors Canada » (https://www.oiiq.org). Toutefois, dans le présent mémoire, pour rejoindre le vocable Internationally educated nurses1 employé dans la littérature canadienne (Atack, Cruz, Maher, & Murphy, 2012; McGuire & Murphy, 2005; Newton, Pillay, & Higginbottom, 2012; Singh & Sochan, 2010) et américaine (Carter, Staples, Shen, & Xu, 2013; Cho, Masselink, Jones, & Mark, 2011), l’expression « Infirmière2 Diplômée à l’International » [IDI] sera utilisée.

D’un point de vue économique, les IDI constituent des ressources humaines intéressantes pour les pays confrontés à une pénurie de main-d’œuvre infirmière. En effet, plusieurs pays industrialisés rencontrent un manque d’effectif pour répondre aux besoins de santé de la population (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2013). Au niveau canadien, des données récentes de l’Association des Infirmières et Infirmiers du Canada (AIIC, 2012) montrent une croissance persistante de cette pénurie. Malgré de multiples efforts, le Québec

1Les qualificatifs suivants sont utilisés dans les articles d’auteurs de Nouvelle-Zélande, d’Australie et

d’Europe : International registered nurses, overseas registered nurses, internationally qualified nurses, internationaly recruited nurses.

2Compte tenu de la prédominance des femmes dans la profession infirmière au Québec, le genre féminin sera

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n’y échappe pas. Bien que l’OIIQ remarque dans ses données statistiques annuelles des cinq dernières années un accroissement du nombre d’infirmières, cette augmentation est tout de même minime, soit 0,6% en moyenne par année, ce qui suffit à peine à répondre aux besoins grandissants du réseau québécois de la santé (OIIQ, 2013). De plus, il y a tout lieu de croire que les besoins en personnel infirmier ne s’atténueront pas à court terme en considérant le vieillissement de la population québécoise jumelé à la prévalence des maladies chroniques (Fournier, Dubé, Cazale, Godbout, & Murphy, 2013) qui entraînent une augmentation de la demande des soins et de suivi régulier de la part des infirmières. À cet égard, depuis 2007, l’OIIQ voit l’intégration professionnelle des IDI comme une piste de solution pour pallier à cette pénurie (OIIQ, 2007).

Au-delà de la pénurie, l’embauche et le maintien à l’emploi des IDI dans les milieux cliniques présentent d’autres bénéfices à prendre en considération. Par exemple, des statistiques issues d’un sondage auprès de l’ensemble des infirmières aux États-Unis indiquent que les IDI occupent davantage d’emploi dans les soins directs et dans les maisons d’hébergement (Spetz, Gates, & Jones, 2013). En considérant le vieillissement de la population et la progression des maladies chroniques au Québec, ce constat peut s’avérer d’autant plus pertinent. Ce même sondage relève qu’un nombre plus élevé d’IDI travaillent à temps complet et détiennent plus d’un emploi, en comparaison avec leurs consœurs diplômées aux États-Unis (Spetz, Gates, & Jones, 2013). Au Québec, les données annuelles recueillies par l’OIIQ révèlent que les IDI ont un taux élevé de rétention après 5 ans à l’emploi (83%), similaire à celui de l’ensemble des infirmières au Québec (OIIQ, 2013). Enfin, selon le modèle théorique de Campinha-Bacote (2003), les rencontres fréquentes avec des personnes d’autres cultures favorisent le développement de la compétence culturelle des infirmières. La présence des IDI dans les milieux cliniques peut donc contribuer à accroître la compétence culturelle de toute l’équipe soignante. À la lumière de ces informations, nous pouvons donc considérer que la présence d’IDI dans les milieux cliniques a une incidence positive sur la qualité des soins prodigués.

Afin de favoriser la venue d’IDI au Québec, des instances gouvernementales et professionnelles se sont alliées pour mettre en place des stratégies. Elles incluent la sélection des nouveaux arrivants selon la catégorie d’emploi, l’établissement de partenariat pour

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accélérer la reconnaissance des acquis (MIDI, 2004, 2008, 2012), la préparation au marché de l’emploi avant la migration par le Programme canadien d’intégration des immigrants instauré en 2010 (www.cic.gc.ca/pcii). Ces efforts apportent des résultats positifs puisque de plus en plus d’IDI viennent s’établir au Québec. À titre d’exemple, entre 2009 et 2012, le nombre de décisions qui concernent la reconnaissance de leurs acquis est passé de 148 à 734 (OIIQ, 2013). Les IDI représente donc un bassin prometteur de personnes qui pourraient potentiellement pratiquer la profession infirmière au Québec.

1.3 Les programmes d’intégration et la rareté des recherches visant

leur amélioration

Pour la plupart, suite à l’évaluation de leur dossier par l’OIIQ, la réalisation d’un programme d’intégration s’avère nécessaire3. De manière générale, un programme d’intégration désigne un ensemble structuré d’activités d’apprentissage visant à préparer l’infirmière diplômée à l’extérieur du pays d’accueil à un nouveau milieu de travail (Xu & He, 2012). Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ces programmes sont gérés par les milieux de soins ou par des organisations privées (Xu & He, 2012). Alors qu’au Canada, ce sont des institutions d’enseignement qui prennent en charge ces programmes (Xu & He, 2012; Carter et al., 2013). Au Québec, les Collèges d'Enseignement Général Et Professionnel [CÉGEP] dispensent ces programmes d’intégration. Or, autant au Québec que dans plusieurs pays du monde, il semble que ces programmes d’intégration ne suffisent pas à bien préparer les IDI à la pratique infirmière dans les pays d’accueil. En effet, la littérature scientifique documente largement les difficultés rencontrées par les IDI lorsqu’elles occupent un emploi, donc après la réalisation de ces programmes d’intégration.

Par exemple, deux revues de littérature récentes mettent en lumière les difficultés, aussi appelées obstacles ou barrières, perçues par les IDI en cours d’emploi. Celle de Newton, Pillay et Higginbottom (2012) s’intéresse à la migration et aux expériences de transition des IDI. Les auteures ont utilisé quatre bases de données reconnues en sciences infirmières avec

3En vertu de l’Arrangement de reconnaissance mutuelle France-Québec établie en 2011, les infirmières

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des mots-clés liés aux IDI en ne gardant que les articles primaires de recherches scientifiques. Les listes de références des articles ont également été scrutées attentivement pour trouver des recherches supplémentaires pertinentes. Au total, la revue répertorie 21 recherches quantitatives et qualitatives publiées entre 2004 et 2009. Bien que ce ne soit pas une revue systématique, les auteures ont tout de même présenté une synthèse critique des idées ressorties dans ces recherches pour permettre aux lecteurs de bien évaluer le poids et les circonstances des résultats obtenus. Les difficultés identifiées réfèrent à la langue et à la communication, au sentiment de discrimination et aux différences culturelles et cliniques (Newton et al., 2012). Précédemment, une revue de littérature rapide effectuée par Woodbridge et Bland (2010) avait relevé des difficultés similaires en y ajoutant celles liées à l’immigration, à la reconnaissance des acquis et à la formation nécessaire pour s’adapter à la pratique au pays d’accueil. Cette revue incluait certes plus d’articles, soit 52, mais comprenait autant des recherches que des données statistiques brutes issues de sites internet et des recommandations d’experts. De plus, les auteurs n’y présentaient que les principaux thèmes jugés les plus significatifs sur le sujet, sans fournir d’informations sur la méthodologie ou les limites des articles (Woodbridge & Bland, 2010). Autant la revue réalisée par des auteures canadiennes (Newton et al., 2012) que des auteurs néozélandais (Woodbridge & Bland, 2010) n’incluent que des articles diffusés en anglais. Malgré les limites de ces revues, il demeure que des difficultés sont présentes à l’international et font l’objet d’une documentation suffisante. Il semble donc pertinent de s’interroger sur des modifications à considérer pour soutenir davantage l’intégration des IDI dans la pratique infirmière.

Une des solutions envisagées réside en l’amélioration des programmes d’intégration afin de mieux préparer les IDI à la pratique infirmière dans un nouvel environnement. Pourtant, les recherches portant spécifiquement sur les programmes d’intégration sont rares. Il existe bien des articles qui présentent des descriptions de ces différents programmes ou des recommandations par le personnel enseignant4 (Boylston & Burnett, 2010; Coffey, 2006; Fifield, 2008; Gerrish & Griffith, 2004; Konno, 2006). Toutefois, peu de recherches

4 Dans ce mémoire, le personnel enseignant réfère autant aux enseignants des cours théoriques et des

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rapportent les perceptions des IDI quant à ces programmes en réponse à leurs besoins ou leurs attentes. Or, selon une perspective naturaliste (Loiselle, Profetto-McGrath, Polit, & Beck, 2011), leurs visions méritent d’être prises en compte étant donné que ce sont elles qui vivent l’expérience de ces programmes d’intégration.

À ce jour, seulement deux recherches qualitatives présentent distinctement le vécu des IDI durant la réalisation d’un programme d’intégration (Atack et al., 2012; Sochan & Singh, 2007). Bien que ces recherches apportent des résultats pertinents, elles comportent des limites. D’abord, les deux recherches ont été réalisées dans la province ontarienne. Ce qui veut dire que les résultats s’inscrivent dans un milieu précis qui permet certes de prendre compte de données intéressantes mais, d’une manière très contextualisée. Ce qui empêche une vue d’ensemble du phénomène. Ensuite, la recherche de Sochan et Singh (2007) est peu récente, car la collecte de données a eu lieu en 2005. La réglementation entourant l’immigration, les services offerts aux immigrants et le programme d’intégration peuvent avoir été modifiés depuis l’étude. Dans l’étude d’Atack et al. (2012), plus récente, quatre entretiens de groupe ont été réalisés suivis de neuf entretiens individuels téléphoniques. Les entretiens téléphoniques apportent l’avantage de recueillir les données à moindre coût, de rejoindre plusieurs participantes éloignées et d’obtenir des informations davantage confidentielles. Cependant, contrairement à l’entretien en personne, l’entretien téléphonique permet moins l’approfondissement du sujet à l’étude, d’établir des liens entre les informations et de saisir la communication informelle (Creswell, 2013; Loiselle et al., 2011). Cet aspect est important surtout quand l’objectif est d’obtenir des impressions et des perceptions et non des données quantitatives ou descriptives (Creswell, 2013). De plus, en considérant les barrières de communication vécues par la majorité des IDI (Newton et al., 2012; Woodbridge & Bland, 2010), l’entretien téléphonique apparaît peu recommandé, car l’absence de communication visuelle vient accroître les difficultés d’expression et de compréhension de la part des deux interlocuteurs (Kvale, 2007).

En résumé, les recherches portant sur les perceptions des IDI durant un programme d’intégration offrent un certain éclairage. Toutefois, leur nombre est restreint et elles comportent certaines limites.

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8

1.4 Le but général de la recherche

Sur la base de ces constats, davantage de recherches intégrant des méthodes contribuant à l’approfondissement de ce que vivent les IDI pendant un programme d’intégration s’avèrent donc souhaitables. Les résultats permettront de mieux comprendre cette période charnière de leur intégration et du passage du rôle d’infirmière dans leur pays d’origine à celui au pays d’accueil. Le but général de la recherche est donc d’explorer la transition professionnelle des IDI, telle que perçue par celles-ci, au moment de la réalisation d’un programme d’intégration.

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Chapitre 2. La recension des écrits et le cadre

théorique

Afin de mieux cerner les connaissances actuelles portant sur le sujet de la recherche, la recension des écrits abordera le rôle et les fonctions de l’infirmière, les perceptions des IDI durant les programmes d’intégration et lorsqu’elles sont en emploi. Une description du programme d’intégration québécois sera ensuite présentée pour terminer avec le cadre théorique qui guide ce mémoire et les questions de recherche.

Pour cette section, une recherche d’articles pertinents a été réalisée au moyen des bases de données MEDLINE, CINAHL, Education source et ERIC. Les mots clés « internationally educated nurses » (106 résultats, 15 pertinents) « foreign-educated nurses » (61, quatre pertinents) et « overseas nurses » (98, huit pertinents) ont été utilisés. Aucun article pertinent n’était présent dans les deux banques liées à l’éducation, soit Education source et ERIC. De plus, les registres de mémoires et de thèses ont été consultés, Archimède et Papyrus, mais aucun document pertinent n’a été retenu. Comme critères d’inclusion, les articles devaient présenter des résultats de recherche scientifique détaillée ou une revue de littérature portant spécifiquement sur le sujet. Les critiques politiques, les articles de magazines et les réflexions sur l’immigration ont été regardés sommairement, mais n’ont pas été rapportés dans la présente recension. De plus, les recherches qualitatives où seuls les propos du personnel enseignant avaient été recueillis ont été exclues afin de se concentrer sur le point de vue des IDI. Des lectures théoriques portant sur le rôle professionnel ainsi que des sites internet de regroupement d’infirmières d’ici et d’ailleurs ont permis de compléter la recension. La recension a débuté à l’automne 2013 pour se terminer en avril 2014 et la littérature publiée 2007 et 2014 a été prise en compte.

2.1 Le rôle et les fonctions de l’infirmière

Quel que soit le pays où elle exerce, le rôle premier de l’infirmière est de soigner (Collière, 1996), mais le soin peut prendre diverses formes et s’accompagner d’autres actes.

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Une définition reconnue à un niveau international du rôle de l’infirmière sera présentée, pour ensuite décrire plus spécifiquement le rôle de l’infirmière au Canada et au Québec. Dans un deuxième temps, un regroupement des différentes fonctions que l’infirmière peut exercer sera énoncé.

2.1.1 Le rôle de l’infirmière à l’international, au Canada et au Québec

Les IDI ont été formées et elles ont travaillé dans différents pays du monde. Il s’avère donc pertinent de prendre connaissance de ce point de départ. À cet égard, le Conseil International des Infirmières [CII], une instance qui regroupe plus de 130 associations nationales d’infirmières, propose une définition des soins infirmiers à l'intérieur de laquelle le rôle de l’infirmière est décrit.

On entend par soins infirmiers les soins prodigués, de manière autonome ou en collaboration, aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés – malades ou bien-portants – quel que soit le cadre. Les soins infirmiers englobent la promotion de la santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins dispensés aux personnes malades, handicapées et mourantes. Parmi les rôles essentiels relevant du personnel infirmier, citons encore la défense, la promotion d'un environnement sain, la recherche, la participation à l'élaboration de la politique de santé et à la gestion des systèmes de santé et des patients, ainsi que l'éducation (CII, mise à jour 2013).

Le CII fait mention ici des soins prodigués de façon autonome ou en collaboration que l’infirmière peut dispenser, de son rôle en promotion de la santé, en prévention de la maladie, en santé publique (promotion d’un environnement sain), en recherche, en politique, en gestion et en éducation.

Du côté canadien, l’Association des Infirmières et Infirmiers du Canada (AIIC) présente la définition suivante du rôle de l’infirmière :

Les infirmières sont des professionnelles autoréglementées de la santé qui travaillent de façon autonome et en équipe. Elles permettent aux personnes, aux familles, aux groupes, aux communautés et aux populations d’atteindre un niveau optimal de santé. Elles coordonnent les soins de santé, offrent des services directs aux clients et les aident à prendre les décisions et les mesures relatives à l’autogestion de leurs soins en cas de maladie, de blessure et d’invalidité, à chaque étape de la vie. Les infirmières apportent une contribution au système de santé grâce à leurs qualités de chef de file dans les domaines de la pratique, de la

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formation, de l’administration, de la recherche et de l’élaboration de politiques dans une vaste gamme de milieux (AIIC, 2007).

Cette définition apparaît très similaire à celle du CII. Par exemple, malgré des appellations différentes, quatre composantes du rôle de l’infirmière sont les mêmes, soit la recherche, l’éducation (la formation), la gestion (l’administration) et l’implication au niveau politique. Par contre, au contraire de la définition internationale, la conception du rôle de l’infirmière de l’AIIC met peu l’emphase sur la prestation directe des soins, mais davantage sur la coordination des soins, l’accompagnement pour la prise de décision et pour l’autogestion des soins.

Plus spécifiquement au niveau du Québec, il n’existe pas de définition officielle du rôle de l’infirmière. Par contre, l'article 36 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers définit le champ d'exercice de la profession comme suit :

L’exercice infirmier consiste à évaluer l’état de santé, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs (Gouvernement du Québec, 2013, article 36).

Cette loi s’accompagne d’une liste de 17 activités réservées à la profession. En comparaison avec les définitions internationale (CII) et canadienne (AIIC), l’article de loi de la province du Québec se distingue par la mention explicite de l’évaluation de l’état de santé. Il s’agit d’ailleurs de la première activité réservée : « évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique » (Gouvernement du Québec, 2013, article 36). Par la suite, une seconde particularité de l’article de loi provincial concerne la notion de soins. Il inclut non seulement de prodiguer des soins, mais aussi de les déterminer, c’est-à-dire de les choisir et de les initier de façon autonome. Les rôles d’évaluation et de détermination du plan de soins sont interreliés puisque c’est avec les informations obtenues lors de l’évaluation que l’infirmière détermine le plan de soins. L’évaluation et la détermination des soins ne sont pas mentionnées explicitement dans les définitions internationale et canadienne.

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12 2.1.2 Les fonctions infirmières

Maintenant que le rôle de l’infirmière a été clarifié ainsi que son champ d’exercice, un regard sur les fonctions infirmières permet de comprendre plus particulièrement les actions posées au quotidien. Bien que des théoriciennes en sciences infirmières telles que Moyra Allen, Virginia Henderson, Rosemarie Parse et Jean Watson, décrivent indirectement le rôle de l’infirmière en expliquant leur conception du soin (Pepin, Ducharme, & Kérouac, 2010), ces descriptions demeurent générales et abstraites. Pour sa part, le regroupement des fonctions infirmières de Dallaire et Dallaire (2008) apporte l’avantage de classifier précisément et concrètement ce que fait une infirmière et ainsi mieux saisir l’étendue de son rôle. D’ailleurs, pour ces auteures, les fonctions infirmières réfèrent à « […] l’ensemble des activités accomplies par les infirmières afin de jouer leur rôle dans le système de santé » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 267). Le regroupement inclut cinq fonctions : soigner, éduquer, coordonner, collaborer et superviser.

La première fonction infirmière est celle de soigner. Elle s’articule en deux catégories, c’est-à-dire les activités de soins généraux et les activités de soins techniques. Les activités de soins généraux regroupent les soins qu’une personne soignée se donne habituellement elle-même et qu’elle ne peut faire momentanément en raison de sa situation physique ou mentale (Dallaire & Dallaire, 2008). Il incombe alors à l’infirmière de les prodiguer. La division des activités de soins généraux provient d’un ouvrage de Collière (1996, citée dans Dallaire & Dallaire, 2008). Les soins d’hygiène, l’aide à l’alimentation, les soins de confortation et d’apaisement font partie des activités de soins généraux. Quant aux activités de soins techniques, elles réfèrent aux méthodes ou manipulations techniques exécutées par les infirmières. La surveillance des signes vitaux, l’exécution des ponctions veineuses, les changements de pansements et l’administration de la médication en sont des exemples.

Dallaire et Dallaire (2008) ajoutent qu’une étude menée au Québec par Labarre (2007) a constaté que les infirmières prennent en charge non seulement les soins proprement dits, mais elles évaluent également la personne soignée et ses besoins pour décider des soins à administrer. Cette précision concorde avec la description du champ d’exercice de l’infirmière au Québec citée précédemment (Gouvernement du Québec, 2013, article 36).

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Éduquer représente la deuxième fonction infirmière. Elle consiste à « […] éduquer et à renseigner la clientèle sur la santé et la maladie. Les infirmières donnent des conseils et aident les personnes à prendre des décisions » (Dallaire & Dallaire, 2008, p.283). L’éducation de la clientèle demeure étroitement liée à la promotion de la santé physique et mentale ainsi qu’à la prévention des maladies.

La fonction de coordonner consiste à organiser les actions pour répondre de façon logique, harmonieuse et efficace aux besoins de la personne soignée. Selon les circonstances, les actions peuvent impliquer autant le personnel infirmier, les autres professionnels de la santé que la famille. L'infirmière agit alors à la manière d’un chef d'orchestre. La fonction de coordination implique aussi pour l’infirmière de décider si l’intervention des différents professionnels de la santé est souhaitable. Le cas échéant, elle leur transmet l'information nécessaire, planifie leurs actions dans le temps et assure un suivi régulier (Dallaire & Dallaire, 2008).

La quatrième fonction, collaborer, implique aussi le contact avec d’autres personnes. Cependant, la fonction collaborer concerne davantage « […] les actions accomplies conjointement avec les autres professionnels de la santé » (Dallaire & Dallaire, 2008, p. 288). La consultation et la concertation entre les différents professionnels impliqués permettent alors de déterminer un objectif commun qui servira de fil conducteur pour améliorer la condition de santé de la personne soignée. Le leadership forme ainsi un atout majeur pour remplir cette fonction. Pour ces auteures, autant la fonction coordonner que celle de collaborer contribuent à l’utilisation d’ordonnances collectives de médicaments ou de traitements.

La dernière fonction infirmière décrite par Dallaire et Dallaire (2008) est celle de superviser. Elle s’applique aux milieux où plusieurs titres d’emploi font partie du personnel infirmier, par exemple les infirmières auxiliaires et les préposées aux bénéficiaires. Dans ce cadre, l’infirmière veille à ce que chacune des actions accomplies par ceux-ci soient exécutées de façon sécuritaire et bienfaisante pour la clientèle soignée. L’encadrement des étudiantes et des infirmières nouvellement graduées ne fait pas partie de cette fonction selon ces auteures.

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Pour conclure, la comparaison des différentes définitions du rôle de l’infirmière et du champ d’exercice permet de constater que la pratique infirmière au Québec se distingue par l’évaluation de la condition physique et mentale de la clientèle et la détermination d’une manière autonome des actions infirmières nécessaires. Quant à la classification des fonctions infirmières de Dallaire et Dallaire (2008), elle permet de préciser d’une façon structurée la portée de la pratique infirmière. Il importe de prendre en compte que ces deux auteures sont québécoises et que les écrits ayant contribué à ce regroupement proviennent d’auteurs canadiens, français, américains et britanniques. C’est donc dire que ces fonctions peuvent certes rejoindre la pratique des infirmières de ces mêmes pays. Par contre, il s’avère difficile de savoir si ces fonctions s’appliquent à l’ensemble des infirmières de tous les pays du monde.

2.2 Les perceptions des IDI en regard des programmes

d’intégration

Comme mentionné au premier chapitre, les recherches portant sur les perceptions des IDI durant un programme d’intégration demeurent rares. En effet, seulement deux études qualitatives rapportent distinctement les propos des IDI durant leur participation à un programme d’intégration, ce qui contribue peu à offrir un éclairage approfondi de ce que vivent les IDI lors de cette période. Tout de même, à cause de leur lien direct avec le sujet de cette recherche, les résultats de ces études méritent d’être considérés avec attention. D’une part, la recherche narrative de Sochan et Singh dont les résultats ont été publiés dans deux articles distincts (2007, 2010) permet une description détaillée de l’expérience vécue des IDI. Le premier article paru en 2007 présente le processus émotionnel rapporté par les IDI, alors que leur second article publié en 2010 fait ressortir des recommandations des IDI en regard du programme d’intégration et des démarches d’accréditation. D’autre part, l’étude plus récente d’Atack et al. (2012) inclut une description du programme en place, ce qui permet de mieux situer les résultats obtenus. De plus, elle fournit davantage de précisions sur les éléments du programme d’intégration à améliorer. En ce sens, les deux études en arrivent à des résultats complémentaires. Le Tableau 1 présente une synthèse de la méthode et des données sociodémographiques de ces deux études.

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15 Tableau 1

Synthèse des informations sur les études recensées portant sur les IDI durant un programme d’intégration

Auteurs (année)

Atack, Cruz, Maher et Murphy (2012) Sochan et Singh (2007, 2010) Pays

d’accueil

Canada (Ontario) Canada (Ontario)

Type d’étude

Qualitative longitudinale Biographique narrative Instruments

de collecte

Entretiens de groupe (temps 1 et 2) Entretiens téléphoniques (temps 3)

Entretiens individuels narratifs Nombre de participants Temps 1 : 12 + 17= 29 Temps 2 : 19 + 7= 26 Temps 3 : 9 Questionnaire sociodémographique 62 12 Genre 53 f; 9 h 11 f ; 1 h Pays

d’origine Philippines 27 Autres pays non spécifiés, mais langue maternelle : fanti, français, gujarati, hindi, luganda, mandarin, perse, russe, serbe, sinhalese, espagnol, tamil et tigrigna.

Philippines 5 Chine 2 Corée du Sud 2 Inde 2 Ukraine 1 Formation initiale

Diplôme équivalent à une formation collégiale 33 Diplôme universitaire 29 nd Durée d’emploi Aucune expérience 11 Entre 1 à 10 ans 38 Plus de 10 ans 11 nd

Note. L’article d’Atack et al. ne précise pas si certaines personnes ont participé à plusieurs temps de l’étude. Le questionnaire a été distribué à toutes les personnes inscrites au programme. Les IDI ayant rempli le questionnaire n’ont pas nécessairement participé aux entretiens.

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Les deux thèmes principaux qui émergent de ces études portent sur l’expérience générale du programme d’intégration rapporté par les IDI et sur l’appréciation qu’elles font du contenu de ce programme.

2.2.1 L’expérience générale du programme d’intégration

L’expérience du programme d’intégration est considérée comme une période difficile et chargée d’émotions. Dans l’article de 2007, Sochan et Singh décrivent le processus émotionnel vécu par les IDI en trois étapes :

1. L’espoir : vouloir devenir une infirmière ontarienne.

2. Le désillusionnement : découvrir que leurs qualifications professionnelles ne satisfont pas aux exigences de l’Ontario.

3. Naviguer dans le désillusionnement : vivre un rêve canadien redéfini en retournant à l’école pour suivre une formation.

Alors que le début semble plutôt positif et énergisant à cause de l’espoir rattaché à la vie nouvelle, la suite provoque davantage de bouleversements émotifs. Les IDI doivent ensuite « naviguer » donc trouver des moyens de vivre et d’avancer, malgré une différence entre leurs attentes et la réalité. Pour compléter, ces auteures soulignent que les IDI auraient souhaité être mieux informées, avant leur immigration, de la formation à suivre pour accéder à la profession. Selon elles, leurs attentes auraient été plus réalistes et elles auraient vécu moins de déception et de désillusionnement (Sochan & Singh, 2007). Cette étude s’inscrit dans le contexte particulier où la formation universitaire est devenue obligatoire pour les infirmières ontariennes. En effet, ce changement a été effectif en 2005 (Ministère de la santé et des soins de longue durée de l'Ontario, 2013), la même année que la collecte des données de la recherche de Sochan et Singh. Cette exigence a modifié le processus de reconnaissance des acquis puisque l’écart entre les qualifications professionnelles des IDI et celles attendues en Ontario vient s’élargir. Il est donc possible que le désillusionnement rapporté par les IDI soit accentué par ce contexte spécifique. Aussi, étant donné que la formation initiale des IDI ayant participé à cette recherche n’est pas présentée, il devient alors difficile de poser un jugement éclairé sur ce résultat.

Dans ce même article, Sochan et Singh (2007) ajoutent que durant le programme, les IDI vivent le sentiment d’être débordée par l’horaire des cours et par une charge de travail

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trop importante. Par contre, l’article ne décrit pas le programme (durée, horaire, contenu des cours) auquel les participantes sont inscrites.

Suite à l’étude de Sochan et Singh (2007), Atack et al. (2012) ont procédé à une étude longitudinale qui visait aussi à explorer l’expérience des IDI, mais également à évaluer l’efficience d’un programme d’intégration. Tout comme leurs prédécesseurs, leurs résultats révèlent que les IDI se sentent débordées durant le programme. Ces auteurs précisent que les IDI ont fréquemment à concilier les études à la vie familiale et à un travail à temps partiel pour subvenir à leurs besoins (Atack et al. 2012). En effet, 42% des IDI ayant rempli le questionnaire sociodémographique disent qu’elles travaillent à temps partiel durant le programme d’intégration, sans précision sur le nombre d’heures et le type d’emploi (Atack et al., 2012). Donc, il semblerait que le sentiment d’être débordées ou surchargées pendant le programme soit lié à la charge de cours, mais également à d’autres facteurs externes au programme, soit la présence d’un emploi à temps partiel et des responsabilités familiales.

Afin d’adoucir cette période exigeante en émotions et en énergie, les participantes de l’étude de Sochan et Singh (2007) avancent que les stages devraient être rémunérés, ce qui permettrait d’éviter de travailler durant cette période. Dans la même lignée, les participantes de l’étude d’Atack et al. (2012) suggèrent que les coûts d’inscription du programme d’intégration soient défrayés par le gouvernement. Toutefois, le prix d’inscription à ces programmes n’est pas mentionné. Aussi, même si les participantes de l’étude d’Atack et al. (2012) se disent débordées, elles recommandent qu’il n’y ait pas d’extension du programme afin d’éviter une augmentation des coûts associés.

2.2.2 L’appréciation du contenu du programme d’intégration

En ce qui a trait à l’appréciation des IDI en regard du contenu du programme d’intégration, les sujets relevés par les deux études mentionnées précédemment concernent le contexte professionnel, les notions d’évaluation de la santé et de physiopathologie, la langue ainsi que les stages cliniques.

Dans l’article de 2007 et de 2010, Sochan et Singh relèvent que les programmes d’intégration devraient inclure une section permettant de connaître le contexte professionnel

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en y incluant les rôles et les responsabilités de l’infirmière ainsi que le fonctionnement du système de santé du pays d’accueil. Par contre, les auteures énoncent ces résultats dans un tableau, sans précision supplémentaire. De leur côté, Atack et al. (2012) vont plus loin en mentionnant que tous les aspects qui influencent la profession infirmière devraient être précisés tels que les lois et les règlements, les considérations éthiques, les notions d’interdisciplinarité, le partenariat infirmière-client, l’approche centrée sur le client et son application concrète dans la pratique infirmière.

Atack et al. (2012) rapportent également que les notions théoriques et pratiques entourant l’évaluation de la santé s’avèrent fondamentales puisque la plupart des IDI mentionnent que l’évaluation ne faisait pas partie de leur fonction dans leur pays d’origine. Puis, une mise à niveau concernant les pathologies rencontrées fréquemment dans le pays d’accueil figure aussi parmi les éléments importants (Atack et al., 2012). Quant aux périodes de laboratoires pratiques, ces mêmes auteures mentionnent qu’elles font partie des sections utiles dans le programme, sans clarification exacte du contenu qui devrait y être. Mais, certaines IDI affirment que leurs habiletés techniques méritent un rafraîchissement dû au fait que leurs formations initiales peuvent dater de 5 à 10 ans ou même plus (Atack et al., 2012). De plus, l’utilisation de mannequins dans les laboratoires permettant de simuler des situations cliniques est considérée aidante par les IDI (Atack et al., 2012).

Tout comme l’ont fait valoir précédemment Sochan et Singh (2007), Atack et al. (2012) mentionnent que des cours de langue spécifiques aux professions de la santé sont recommandés dans les programmes d’intégration. D’ailleurs, Sochan et Singh (2007) insistent sur l’influence continuelle que les difficultés de langue apportent sur le plan de l’estime de soi de l’infirmière. Pour Atack et al. (2012), la clé pour l’amélioration demeure dans la pratique de la langue pour augmenter la fluidité et affiner la prononciation. Dans la description du programme décrit par Atack et al., des séances de pratique de la langue en font déjà partie, mais ces auteures mentionnent qu’il devrait en avoir davantage sous la forme de discussion en petit groupe, de pratique de scénario de simulation orientée sur la pratique infirmière et de courte présentation orale devant la classe (Atack et al., 2012). Par contre, dans cette étude, 90 % des participantes affirment que l’anglais est une seconde langue, ce

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qui peut expliquer leurs désirs que le temps accordé à l’apprentissage et à la pratique de la langue soit bonifié.

Les deux études soulignent que la période des stages en milieux cliniques demeure nécessaire dans le programme d’intégration (Singh & Sochan, 2010; Atack et al., 2012). Plus précisément, Atack et al., (2012 spécifient que le programme inclut 15 semaines de jumelage avec une infirmière. Selon les résultats de l’étude, les IDI ayant des stages en milieux aigus se sentent plus en confiance et disent qu’elles ont plus d’opportunités d’appliquer les apprentissages que celles ayant des stages en milieux de longue durée (Atack et al., 2012).

Pour terminer, Atack et al. (2012) expriment que les participantes étaient plus habituées à un style d’enseignement directif où l’enseignant est un expert qui transmet les connaissances. La pratique réflexive et les cours avec une intégration des savoirs sont nouveaux pour elles. La méconnaissance de cette manière d’apprendre et du rôle attendu de l’apprenant suscite des frustrations et des incompréhensions nuisibles à l’apprentissage (Atack et al., 2012). Toutefois, les auteures soulignent que ces frustrations s’amenuisent pendant le programme, car les IDI comprennent mieux les raisons de cette façon d’apprendre. Le caractère longitudinal de cette étude a donc permis de nuancer ce résultat. Ainsi, Atack et al. (2012) recommandent que le personnel enseignant explique et justifie la philosophie éducationnelle du programme et la participation attendue en début de programme.

En guise de conclusion, deux recherches répertoriées s’attardent aux perceptions des IDI pendant un programme d’intégration. Autant Sochan et Singh (2007; 2010) qu’Atack et al. (2012) rapportent que les IDI vivent le sentiment d’être surchargées durant le programme d’intégration et estiment qu’un soutien financier aiderait notamment à les soulager. De plus, le contenu du programme mérite des améliorations. L’apprentissage du contexte professionnel de travail, les cours de langue spécifiques à la profession de même que le nombre de jours accordé aux stages devraient être bonifiés selon ces deux études, (Atack et al., 2012; Sochan & Singh, 2007, 2010). Atack et al. (2012) soulignent également que la théorie et la pratique de l’évaluation de la condition de santé doit faire partie du programme. Il n’existe pas d’uniformisation des programmes d’intégration dans le monde et, selon les pays, les programmes peuvent être organisés autant par des établissements

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d’enseignement, des milieux cliniques et des agences privées (Xu & He, 2012). Il est donc possible que d’autres recherches portant sur les IDI dans les programmes d’intégration aient été réalisées, mais que les résultats aient été gardés dans ces milieux sans publication scientifique.

2.3 Les perceptions des IDI lorsqu’elles sont à l’emploi

Étant donné que les recherches réalisées auprès des IDI lors d’un programme d’intégration sont rares, la section qui suit rapporte les résultats d’études effectuées auprès d’IDI déjà à l’emploi. Chez les participantes de ces études, le nombre d’années depuis le début de l’emploi varie entre quelques semaines (Higginbottom, 2011; Takeno, 2010) à 30 ans (Wheeler, Foster, & Hepburn, 2013). Ce qui veut dire qu’elles peuvent avoir immigré depuis plus longtemps que les IDI inscrites dans les programmes d’intégration. De plus, puisque les programmes d’intégration ne sont pas obligatoires dans certains pays, elles peuvent ne pas avoir participé à un programme d’intégration. Ces recherches ne s’inscrivent donc pas dans le même contexte physique et temporel que celui qui concerne ce mémoire. De plus, à l’exception de l’étude de Van Rooyen, Telford-Smith et Strümpher (2010) qui a eu lieu en Arabie Saoudite, toutes les études recensées ont été réalisées dans des pays majoritairement anglophones, soit l’Australie, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni. Néanmoins, ces résultats peuvent contribuer à mieux comprendre l’expérience vécue par les IDI. Les défis rencontrés en cours d’intégration à l’emploi mentionnés par les IDI seront d’abord décrits pour ensuite rapporter les facteurs qui contribuent à surmonter ces défis, donc à faciliter le passage vers leur nouveau rôle professionnel. Par mesure de référence, l’Annexe A présente une synthèse méthodologique des études recensées portant sur les IDI à l’emploi. 2.3.1 Les défis rencontrés

Durant leur parcours d’intégration, les IDI rencontrent divers obstacles, difficultés ou embûches qui rendent leur cheminement plus laborieux. Le terme défi réfère à tous ces éléments et est utilisé ici pour sa vision plus positive. Les défis rencontrés par les IDI portent sur les démarches administratives, l’appropriation de la langue du pays d’accueil, les ajustements cliniques ainsi que le sentiment de discrimination et d’isolement.

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Les démarches administratives préemploi

Le premier défi auquel les IDI font face concerne les démarches administratives qu’elles effectuent à partir du moment de la décision d’immigrer jusqu’à ce qu’elles soient autorisées à exercer la profession au pays d’accueil. En 2011, dans une étude ethnographique canadienne réalisée auprès de 23 IDI, Higginbottom a mis en lumière les difficultés liées aux demandes d’immigration, à la reconnaissance des acquis et à l’obtention du permis professionnel. Autant lorsqu’elles demeurent au pays d’origine qu’après leur arrivée dans le pays d’accueil, les IDI estiment manquer d’information et de support pour les diriger vers les bonnes ressources (Higginbottom, 2011). La lenteur des démarches est aussi relevée. Par exemple, certaines soulèvent qu’elles étaient déjà embauchées dans un centre hospitalier au pays d’accueil, mais devaient attendre le numéro d’assurance sociale pour débuter cet emploi (Higginbottom, 2011). L’auteure mentionne également que le manque de coordination entre les agences internationales de recrutement et les employeurs complexifie les démarches et augmente les délais (Higginbottom, 2011).

Cette situation importune les IDI, car elle occasionne des soucis financiers imprévus pour elles et, bien souvent, pour leur famille (Higginbottom, 2011). Dans la même année, une étude phénoménologique réalisée aux États-Unis auprès de 20 IDI relève également que les délais des démarches d’immigration et de reconnaissance professionnelle et les nombreux coûts associés incommodent les IDI (Jose, 2011). Précédemment, Walters (2008) avait publié les résultats d’une étude narrative auprès de 16 IDI ayant immigré de l’Asie du Sud à l’Australie et en était arrivé aux mêmes constats. Ce qui dénote qu’autant au Canada, aux États-Unis que du côté de l’Australie, le processus d’immigration et de reconnaissance des acquis demeure difficile, long et dispendieux pour les IDI. Une particularité de ces trois études est que les participantes s’avèrent nouvellement à l’emploi au pays d’accueil (moins de 1 an pour Higginbottom, 2011; moins de 5 ans pour Jose, 2011; appelées « nouvelles recrues » pour Walters, 2008). Ce qui implique donc que les démarches sont récentes et qu’elles les ont en mémoire au moment des entretiens, contrairement à d’autres études où les participantes exercent au pays d’accueil depuis plus de 10 ans (Smith, Fisher, & Mercer, 2011; Wheeler et al., 2013) où cet aspect ne ressort pas de l’analyse.

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L’appropriation de la langue

L’appropriation de la langue officielle du pays d’accueil représente la difficulté la plus fréquemment citée dans les études. En effet, dans une étude phénoménologique, Xu, Gutierrez et Kim (2008) ont effectué des entretiens en profondeur auprès de 9 IDI chinoises ayant immigré aux États-Unis. Elles témoignent qu’elles se sont senties frustrées, gênées et humiliées de ne pas être en mesure de bien s’exprimer et de bien comprendre la langue dans leurs interactions autant avec leurs collègues qu’avec la clientèle soignée(Xu et al., 2008). Plus précisément, la terminologie spécialisée, le nom des médicaments, la langue populaire et la prononciation rendent la communication plus difficile, ce qui peut ultimement nuire à la sécurité de la clientèle (Xu et al., 2008). Les auteures donnent l’exemple des ordonnances verbales de la part d’un médecin qui peuvent être mal comprises par les IDI, et ce, encore plus lors d’une conversation téléphonique (Xu et al., 2008). Une autre étude réalisée auprès d’IDI originaires du Japon et de la Corée relève aussi des incompréhensions fréquentes lors des rapports interservices et des communications téléphoniques (Takeno, 2010).

Ces deux études pourraient laisser croire que le défi de l’appropriation de la langue concerne surtout les IDI provenant des pays d’Asie. Or, les difficultés de compréhension et d’expression de la langue ressortent également de recherches qualitatives subséquentes où les participantes proviennent de pays d’Asie, mais aussi des Caraïbes (Alexis, 2013; Wheeler et al., 2013), de l’Afrique subsaharienne (Jose, 2011; Wheeler et al., 2013) et d’Afrique du Sud (Van Rooyen et al., 2010). Notamment, dans une étude phénoménologique qui jumelle les entretiens individuels et de groupe (n=36), Alexis (2013) spécifie que les abréviations médicales et techniques s’avèrent différentes d’un pays à l’autre, ce qui peut apporter de la confusion dans les communications avec les collègues. Il rapporte l’exemple des différences terminologiques entre l’anglais américain (npo : nil per os) et l’anglais britannique (nbm : nil by mouth) (Alexis, 2013).

Pour Wheeler et al. (2013) qui ont effectué une étude descriptive auprès de 42 IDI aux États-Unis, les difficultés de la langue influencent les communications avec les collègues, mais aussi les relations avec la clientèle. Elles précisent qu’un accent différent et des erreurs de mots nuisent aux relations avec la clientèle qui leur accorde moins de confiance et qui leur transmette moins d’informations (Wheeler et al. 2013).

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Bref, s’approprier une nouvelle langue, mais aussi la prononciation associée au pays d’accueil représente un défi de taille pour la majorité des IDI. La terminologie et les abréviations différentes apportent des soucis supplémentaires aux IDI. Les incompréhensions qui s’ensuivent lors les communications interprofessionnelles ou avec la clientèle peuvent nuire à la qualité des soins prodigués.

Les ajustements cliniques

Des ajustements dans la pratique clinique rapportés dans les recherches concernent divers niveaux. En somme, même si l’essence du soin est la même, il existe de profondes nuances. Plusieurs études font le constat général que l’accent sur les habiletés techniques constaté au pays d’origine se substitue à une pratique plus élargie dans le pays d’accueil (Jose, 2011; Smith et al., 2011; Takeno, 2010; Wheeler et al., 2013; Xu et al., 2008). Par exemple, Smith et al. (2011), dans une recherche phénoménologique, se sont intéressées à l’expérience de 13 ID. Elles rapportent que les IDI étaient habituées d’être des expertes des habiletés techniques (Smith et al., 2011). Rendues en Australie, elles qualifient leurs soins d’holistiques dans le sens où elles sont maintenant amenées à accomplir des actions qui visent le rétablissement physique, mental, émotionnel et social. L’étude de Smith et al. (2011) inclut des participantes provenant de neuf pays différents de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. Ce qui veut donc dire que ce résultat ne semble pas lié à un pays ou une région d’origine en particulier. L’étude de Wheeler et al. (2013) où les participantes proviennent aussi de divers pays va dans le même sens en rapportant que les IDI passent des soins fragmentés à des soins globaux.

Cette pratique élargie s’explique dans les études par l’augmentation du temps consacré aux soins de base, aux communications entre collègues, aux prises de décisions entourant les soins et les traitements et au soutien psychologique et éducatif de la clientèle.

Soins de base. Certaines IDI donnent en exemple les soins de base, tels que les soins

d’hygiène, les changements de culotte de protection ou les déplacements de la clientèle, qui s’ajoutent désormais à leurs tâches quotidiennes (Smith et al., 2011; Takeno, 2010; Xu et al., 2008). Xu et al. (2008) et Smith et al. (2011) expliquent que dans le pays d’origine des participantes, la famille s’occupait de ces soins, et elles considèrent donc la prise en charge

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des soins de base comme une surcharge. Inversement, Takeno (2010) soulève que les soins de base aident à mieux connaître le client sur le plan psychologique. Cependant, il importe de tenir compte que l’étude exploratoire de Takeno ne comporte que 5 entretiens auprès d’exclusivement des IDI d’origine asiatique. Ainsi, de façon générale, la pratique des soins de base est surtout perçue comme une surcharge de travail dérangeante par les IDI.

Communications entre collègues. Un autre point soulevé est qu’au pays d’accueil,

il y a davantage de communications entre collègues que ce soit de façon verbale, téléphonique ou écrite. Par exemple, Xu et al. (2008) soulèvent que ces communications visent régulièrement à coordonner les soins entre les infirmières, une fonction dont les IDI n’avaient pas l’habitude dans leur pays d’origine. L’étude de Smith et al. (2011) soutient qu’à cela s’ajoutent des rencontres de collaboration avec d’autres professionnels de la santé, tels que des physiothérapeutes, des nutritionnistes, des psychologues ou des intervenants sociaux. Cette situation est nouvelle pour des IDI, car comme ces auteures le mentionnent, dans certains pays, il n’y a pas ou très peu de professionnels de la santé autres que les infirmières et les médecins dans les milieux de soins (Smith et al., 2011). Higginbottom (2011) soulève également la présence plus marquée des communications entre professionnels, mais met surtout l’accent sur la communication écrite, notamment les notes d’observations infirmières. En considérant les difficultés avec l’appropriation de la langue précédemment rapportées, l’ajustement à la communication verbale et écrite entre collègues représente un défi d’autant plus marquant pour les IDI.

Prise de décisions pour les soins et les traitements. Des recherches soulignent que

les IDI avaient l’habitude d’appliquer des actions dictées par le médecin dans leur pays d’origine. Alors que dans le pays d’accueil, elles doivent faire preuve de jugement clinique pour analyser des situations et prendre des décisions, notamment pour ajuster la médication ou les traitements (Smith et al., 2011; Xu et al., 2008). Pour décrire la pratique au pays d’origine, Xu et al., (2008) rapportent que l’infirmière en Chine assiste le médecin, est considérée comme une no brain et qu’elle ne peut exercer un jugement clinique comme il est attendu aux États-Unis. Smith et al. (2011) explique cette différence par les aspects légaux qui encadrent la profession dans chacun des pays et par la présence moins marquée des médecins dans les milieux de soins des pays d’accueil. Elles doivent donc d’abord évaluer la

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