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La Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec : nature et gouvernance de la résolution des litiges

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La Régie des marchés agricoles et alimentaires du

Québec

: nature et gouvernance de la résolution des

litiges

Mémoire

Laurence Robert

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

La Régie des marchés agricoles et alimentaires du

Québec

Nature et gouvernance de la résolution des litiges

Mémoire

Laurence Robert

Sous la direction de :

Annie Royer

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Résumé

La conduite du présent mémoire repose essentiellement sur la caractérisation de la nature de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) et l’analyse de sa gouvernance. Cette institution s’inscrit dans le système québécois de la mise en marché collective et se trouve, plus précisément, à l’interface entre le cadre général de la Loi sur la mise en marché des produits

agricoles, alimentaires et de la pêche et l’ensemble des acteurs et organisations qui gouvernent les

transactions de cette industrie. La RMAAQ traverse un moment charnière, affectée par ce qui semble être la judiciarisation des litiges. Ainsi, il devient de plus en plus pertinent de s’y intéresser, notamment en regard du rôle essentiel qu’elle joue dans cet écosystème, soit celui de régulateur économique et d’arbitre. Une meilleure compréhension de cette institution est possible que par l’entreprise d’un important déchiffrage de connaissances théoriques sur cette institution. À cet égard, les outils descriptifs et le cadre analytique explorent les notions et concepts qui permettent de mieux comprendre la nature institutionnelle, les interventions et l’environnement légal de la RMAAQ. Sur la base des attributs recensés, un guide d’entretien a été développé et soumis à dix-sept (17) utilisateurs de l’organe de résolution des litiges de la RMAAQ, en l’occurrence certains offices de commercialisation, associations accréditées d’acheteurs et leurs représentants (avocats). L’objectif était de connaître leurs perceptions à l’égard de la résolution des litiges et des interventions connexes de la RMAAQ. Les résultats empiriques qui en ressortent permettent de classer ses caractéristiques institutionnelles et économiques, selon qu’elles soient en concordance ou en écart avec ce qui est prédit par les approches théoriques. Ainsi, nous proposons une réponse schématique, qui se rapproche de la réalité, où sont exposées les nombreuses composantes du processus décisionnel. Enfin, nous discutons des forces et des faiblesses apparentes de la gouvernance de la résolution des litiges, notamment en termes de coûts de transaction.

Mots clés: mise en marché collective, tribunal administratif, Économie Néo-Institutionnelle, institution d’enforcement, guide d’entretien, recherche qualitative.

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Abstract

This search relies essentially on the characterization of the institutional nature and analyzing the governance of a regulatory body, called Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), supervising activities and arbitrating disputes in the agricultural products marketing. This institution is inserted between the general rules established by the Act respecting the marketing of

agricultural, food and fish products and the organizations making transactions and using those rules.

The RMAAQ is going through a particular moment, with the pressure of the apparent litigiousness of disputes. In this perspective, it is increasingly relevant to be concerned by this institution, especially in view of its important role in the global ecosystem that is an economic regulator and arbitrator. A better understanding is only possible if a significant decryption of academic knowledge is undertaken. Therein, the theoretical tools and the analytic framework browse notions and concepts that allow to understand the institutional nature, the interventions and the legal environment of the RMAAQ. On the basis of the identified attributes, an interview guide has been developed and administered to seventeen (17) users of the dispute’s resolution body: marketing boards, certified associations of buyers and their legal agents (lawyers). The objective was to know the perceptions toward disputes resolution and the related RMAAQ’s interventions. Empirical results involved make it achievable ranking institutional attributes (gap or matching) according to theoretical conjectures. In doing so, we propose a schematic representation, close to reality, where the numerous constitutive parts of the decision-making process are exposed. Finally, we discuss apparent strengths and weaknesses in the institution framing the dispute’s resolution governance, especially in terms of transaction costs.

Key words: collective marketing, administrative tribunal, New Institutional Economics, enforcement institution, interview guide, qualitative research.

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Table des matières

RÉSUMÉ ...III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES FIGURES ... VII LISTE DES TABLEAUX... VIII LISTE DES GRAPHIQUES ... IX REMERCIEMENTS... XI

INTRODUCTION ... 1

MISE EN CONTEXTE DES FAITS CONNUS ... 3

Mise en marché collective : divers niveaux institutionnels ... 5

PROBLÈME DE RECHERCHE ... 7

OBJECTIF GÉNÉRAL DE RECHERCHE ET SOUS-OBJECTIFS SPÉCIFIQUES... 7

PERTINENCE DE LA RECHERCHE ... 8

PLAN DE TRAVAIL ... 9

1. PRÉSENTATION DESCRIPTIVE DE LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC ... 10

1.1 HISTORIQUE : CONTEXTE DE CRÉATION DU SYSTÈME DE COMMERCIALISATION COLLECTIVE DES PRODUITS AGRICOLES ... 10

1.1.1 Plans conjoints et RMAAQ ... 12

1.2 NATURE ET CADRE D’INTERVENTIONS DE LA RMAAQ ... 13

1.2.1 Régulation économique ... 15

1.2.2 Surveillance ... 17

1.2.3 Résolution des litiges ... 18

1.2.4 Autres mandats en vertu de la Loi sur la mise en marché et des règlements d’application.. 21

1.3 RMAAQ ET SYSTÈME DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE ... 22

1.4 ORGANISATION INTERNE DE LA RMAAQ ... 26

1.4.1 Ressources ... 26

1.4.2 Fonctionnement de la RMAAQ ... 33

1.5 SYNTHÈSE ... 41

2. CADRE ANALYTIQUE : DOMAINE DE L’ÉCONOMIE NÉO-INSTITUTIONNELLE ... 43

2.1 CHOIX DU CADRE DE L’ÉCONOMIE NÉO-INSTITUTIONNELLE ... 43

2.2 DÉFINITION GÉNÉRALE D’UNE INSTITUTION ... 44

2.3 TROIS NIVEAUX INSTITUTIONNELS... 45

2.3.1 Macro-institutions ... 45

2.3.2 Micro-institutions ... 46

2.3.3 Méso-institutions... 46

2.3.4 Institution intermédiaire et gouvernance d’un secteur d’activités économiques ... 49

2.4 INSTITUTIONS D’ENFORCEMENT ... 52

2.4.1 Comparaison entre l’enforcement d’ordre privé et celui d’ordre public ... 53

2.4.2 Effets des institutions d’enforcement ... 58

2.5 INSTITUTIONS D’ORDRE LÉGAL ET CONTRATS EFFECTIFS ... 60

2.6 SYNTHÈSE ... 63

(6)

3.1 DÉMARCHE DE COLLECTE DES DONNÉES ... 67

3.1.1 Données pertinentes ... 68

3.1.2 Échantillonnage... 71

3.1.3 Collecte des données ... 79

3.1.4 Taille de l’échantillon ... 86

3.2 AUDIENCES DE LA RMAAQ : OBSERVATIONS DANS LE CONTEXTE D’UN ARBITRAGE DE CONVENTION ... 87

3.3 CONCLUSION ... 88

3.3.1 Aspects éthiques ... 88

4. ANALYSE ÉCONOMIQUE ET INSTITUTIONNELLE DE LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC ... 91

4.1 PROCÉDURES D’ANALYSE ... 91

4.2 PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 97

4.2.1 Concordance entre ce qui attendu et ce qui est observé ... 97

4.2.2 Écart entre ce qui attendu et ce qui est observé ... 107

4.2.3 Évolution qualitative des litiges dans l’agroalimentaire québécois ... 111

4.2.4 Synthèse en lien avec la problématique ... 117

4.2.5 Retour sur la collecte des données ... 119

4.3 INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS : L’ANALYSE ÉCONOMIQUE ET INSTITUTIONNELLE DE LA RMAAQ ... 121

4.3.1 Signification des résultats au regard des réalités théorique et empirique ... 122

4.3.2 Contribution finale du mémoire de recherche ... 127

4.4 PISTES DE RECHERCHE ... 132

CONCLUSION ... 134

BIBLIOGRAPHIE ... 137

ANNEXE A. CANEVAS DU GUIDE D’ENTREVUE ... 142

(7)

Liste des figures

Figure 1. Cadre réglementaire et organisationnel de la mise en marché collective au Québec. ... 2

Figure 2. Schéma simplifié de l'État québécois ... 14

Figure 3. Structure organisationnelle et administrative de la Régie ... 30

Figure 4. Description de la RMAAQ ... 42

Figure 5. Relation entre les règles et les joueurs du jeu au sens des propos de North (1990) ... 45

Figure 6. Différentes strates d'institutions et leurs interactions dans un système ... 48

Figure 7. Écosystème entourant les engagements contractuels ... 59

Figure 8. Coordination et interaction des composantes impliquées dans le processus de règlement d’un différend ... 63

Figure 9. Double nature de la RMAAQ selon le domaine du droit administratif et de l’ÉNI ... 65

Figure 10. Parties et personnes impliquées dans le cadre d’un dossier litigieux entre vendeurs et acheteurs ... 72

Figure 11. Les forces faisant pression sur la réforme des méso-institutions ... 118

Figure 12. Interaction et coordination des composantes de la mise en marché collective et du processus de résolution des litiges ... 123

(8)

Liste des tableaux

Tableau 1. Pouvoirs et devoirs de la RMAAQ en ce qui a trait à la résolution des litiges, en vertu de

la Loi sur la mise en marché ... 19

Tableau 2. Caractéristiques de la justice administrative et l’un des organismes qui la composent : la RMAAQ ... 24

Tableau 3. Description de la RMAAQ : nature, cadres d’interventions et pouvoirs ... 25

Tableau 4. Évolution des effectifs réguliers de la RMAAQ et de son budget d’opération ... 32

Tableau 5. Bilan des activités des séances publiques et régulières de 2000 à 20181 ... 39

Tableau 6. Conditions liées à la performance d'une institution selon Ménard (2016) ... 51

Tableau 7. Caractéristiques des mécanismes d'ordre privé qui limitent les coûts d’enforcement, comparées à celles de l’ordre public... 56

Tableau 8. Attributs de la RMAAQ dans la gouvernance de la résolution des conflits ... 64

Tableau 9. Grille d’analyse de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec ... 70

Tableau 10. Distinction de l'organisation et la représentation possible du côté des acheteurs de produits bruts ... 74

Tableau 11. Évolution annuelle des arbitrages de convention ou griefs, par plan conjoint agricole ou forestier, 1997-2017 ... 76

Tableau 12. Taille projetée de l'échantillon ... 79

Tableau 13. Canevas du guide d'entretien sous forme de tableau ... 80

Tableau 14. Réduction et codage des données, thèmes 1 à 7 ... 94

Tableau 15. Réduction et codage des données, thème 8 ... 95

Tableau 16. Statistiques descriptives de la participation à un dossier litigieux devant la RMAAQ, à partir de l’échantillon ... 120

(9)

Liste des graphiques

Graphique 1. Procédures et façons de faire : résultats des délais moyens de traitement des demandes et de production des décisions (en nombre de jours)... 40 Graphique 2. Classement des attributs de la RMAAQ dans la gouvernance de la résolution des litiges selon les résultats (tendances) obtenus... 128

(10)

« […] mais, comme toutes les institutions humaines, ils valent ce que valent les

hommes qui les dirigent »

- Gilles Prégent, 1979. (M. Prégent a œuvré pendant près de 30

ans à la Régie des marchés agricoles et alimentaires, notamment comme président jusqu’en 1994).

(11)

Remerciements

Les mois de recherche et de rédaction sont comme une montagne russe, il y a un point de départ et un point d’arrivée, parfois difficile à entrevoir. Entre les deux, il y a des sommets et des creux. Les sommets se gèrent relativement bien. Les creux, c’est une tout autre histoire! Dans ces moments de désarroi, avoir le support de son entourage, c’est comme mettre du baume au cœur.

Je pense à mes amis-collègues-professeurs du Département, surtout les étudiants du petit local 4326, où les sujets de discussion et les rencontres n’étaient pas toujours liés à nos recherches, par chance! Je remercie également mes amis personnels et ma famille, sans qui le point d’équilibre ne serait pas atteignable. Tous sauront se reconnaître ici. Je voudrais faire une mention spéciale à Olivier, car, par la force des choses, il m’a vue de près être atteinte de ces désarrois, et il a su me remettre sur les rails du manège! Merci d’être un complice hors pair et une tête curieuse intellectuellement pour me conseiller à domicile.

Je termine ici en beauté en remerciant Annie, cette directrice de recherche passionnée, disponible, à l’écoute et qui, par-dessus le marché, rehausse à la perfection le challenge académique.

Cette expérience de vie du deuxième cycle n’aurait pas été pas possible sans cette généreuse bourse d’études que j’ai reçue de la Chaire d’analyse de la politique agricole et de la mise en marché collective. Elle a permis d’éliminer de mon quotidien les soucis financiers et de me concentrer sur mes études et ma recherche. Je tiens sincèrement à remercier la Chaire pour cet appui significatif et déterminant.

(12)

Introduction

Au Québec, la commercialisation sous forme collective des produits agricoles permet aux producteurs et aux acheteurs de produits bruts d’organiser les modalités de mise en marché de façon efficace et ordonnée. La mise en marché collective fonctionne par l’adoption et l’utilisation d’un plan conjoint, c’est-à-dire un « plan dans lequel sont stipulées toutes les règles du jeu de la commercialisation du produit agricole auquel il s’applique » (Royer, 2009 : 44). Ce pilier de la mise en marché collective repose sur un ensemble de pouvoirs délégués par la Loi sur la mise en

marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche du Québec1 (ci-après Loi sur la mise en

marché) aux différents regroupements de producteurs, nommés les offices de commercialisation.

Ceux-ci sont chargés d’appliquer et d’administrer leur plan conjoint respectif. Ce mécanisme d’action collective permet notamment aux parties prenantes de négocier les conditions de mise en marché et de structurer l’offre des produits agricoles (RMAAQ, 2016). Cette négociation se traduit par la signature d’une convention de mise en marché, un contrat qui lie pour une période donnée un office de commercialisation et les acheteurs visés. Pour illustrer l’importance de la mise en marché collective au Québec, en 2012, approximativement 80 % des produits agricoles, forestiers et de la pêche étaient commercialisés sous forme collective (UPA, 2013). Cette mise en marché dans le domaine agroalimentaire est organisée via l’utilisation de trente-quatre (34) plans conjoints et d’une chambre de coordination, de même que l’application de 266 règlements spécifiques (RMAAQ, 2018).

Dans la constitution du système de commercialisation collective, remontant aujourd’hui à une soixantaine d’années, le législateur a prévu la création d’un tribunal administratif qui remplirait une mission bien précise dans ce secteur d’activité économique. C’est dans ce contexte que fut créée la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), un organisme de régulation économique chargé de surveiller et de contrôler la mise en marché des produits agricoles et alimentaires (Garant, Garant et Garant, 2011; Garant, Soldevila et Fortin, 1981 et Labrecque, 2006). Compte tenu notamment des importants pouvoirs délégués aux producteurs, le législateur a voulu instituer un organisme qui veille par le fait même à la protection de l’intérêt public. La

(13)

RMAAQ est donc une institution, créée en 1956 au même moment que l’adoption de la Loi sur la

mise en marché2, qui applique la loi et agit comme « chien de garde » de cette dernière.

Ainsi, la RMAAQ se trouve dans un système complexe et interrelié, qui s’articule autour de plusieurs piliers. Elle s’y insère de façon complémentaire et nécessaire dans le système de mise en marché collective (Garant et al., 1981 : 23). À cet effet, la Figure 1 illustre la structure organisationnelle et réglementaire qui caractérise ce système, dans lequel la RMAAQ se positionne à l’interface entre la législation et un ensemble d’organisations d’acteurs qui rendent opérationnelle la commercialisation.

Figure 1. Cadre réglementaire et organisationnel de la mise en marché collective au Québec.

Source : Inspirée de Royer (2009).

2 La mise en place de la forme actuelle de la RMAAQ remonte à 1963, année de refonte de la Loi sur la

mise en marché qui a donné lieu à des changements majeurs dans la législation (Labrecque, 2006).

Gouvernement du Québec, Assemblée Nationale

(initiateur du cadre réglementaire)

Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche

(RLRQ, Ch. M-35.1)

Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec

(organisme de régulation économique et tribunal administratif) Association ou acheteurs accrédités Office de commercialisation Plan conjoint

(14)

Mise en contexte des faits connus

Dans le cadre d’une réflexion stratégique amorcée en 20153, la RMAAQ a initié des consultations avec des organismes et parties prenantes dans le but de connaître leurs préoccupations quant au présent et au futur de son organisation (RMAAQ, 2017a). Plusieurs constats ont été faits. L’un d’eux faisant ressortir l’effritement potentiel du « rôle et [de] l’espace occupés par la Régie » (RMAAQ, 2017a : 3). Cela contribuerait entre autres à un positionnement flou de cette institution au sein de la société. Pour la RMAAQ, la suite de cette réflexion stratégique est l’entreprise d’une introspection sur son fonctionnement actuel et, conséquemment, une ambitieuse réorientation, comme elle le mentionne : « un exercice 360 degrés » (RMAAQ, 2017b ; CAP, 2015). Cette démarche a donné lieu à la publication d’une planification stratégique pour la période 2017-2020. Ce document semble apporter un réel changement de culture organisationnelle et démontre une volonté prometteuse.

Tel que le documente cette planification stratégique, l’agenda de la RMAAQ, l’environnement d’affaires et de marché ou encore le cadre réglementaire ne se sont pas amoindris avec les années (RMAAQ, 2017). Qui plus est, la difficulté à résoudre les conflits qui surviennent entre les acteurs signataires des conventions semble s’être accrue. Il apparaît effectivement que la judiciarisation des dossiers affecte de plus en plus le coût de fonctionnement des secteurs organisés par la mise en marché collective. En plus de nuire aux relations entre les intervenants, la judiciarisation croissante affecterait également le fonctionnement de la RMAAQ. La judiciarisation des litiges est un phénomène qui s’observe lorsque les parties ont recours de façon accrue à l'institution judiciaire pour régler les conflits, au lieu d’utiliser la médiation ou la conciliation de leurs intérêts, par exemple (OQLF, 2001). Les parties ont besoin d’un arbitre pour trancher leur conflit, car elles sont de moins en moins capables d’y arriver par elles-mêmes. Cela alourdit donc directement la résolution des différends, mandat que détient la RMAAQ (nous aborderons cet aspect à la section 1.2.3). À cet effet, il semble y avoir des changements perceptibles dans la façon dont les acteurs règlent leurs conflits. Durant les deux dernières années seulement, les

3 En 2015, la RMAAQ s’est présentée devant la Commission de l’administration publique. Cette institution

a la compétence et le mandat d’entendre les dirigeants d’organismes publics et de s’assurer d’une reddition de compte sur leur gestion. À la suite des échanges entre la RMAAQ et cette commission, plusieurs constats sont ressortis. Notamment que le dernier plan stratégique en vigueur couvrait la période 2006-2009, que la Régie composait avec un nombre et une complexité de demandes en progression, et ce, avec une équipe réduite, des délais de traitement des demandes préoccupants (CAP, 2015).

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arbitrages dans les secteurs de la volaille (44 jours d’audiences), du porc (6 jours)4 et le conflit dans le secteur forestier (à ce jour 25 jours d’audiences5) témoignent de l’existence de ce phénomène et de la complexité à régler les questions en litige pour les arbitres attitrés, les « régisseurs ».

La RMAAQ reconnaît la présence plus marquée de ce phénomène depuis une quinzaine d’années. Elle le souligne notamment dans ses deux plus récents plans stratégiques (RMAAQ, 2006; 2017). Si le plan stratégique est une occasion de rapporter les défis auxquels est confrontée son organisation dans l’application de la Loi sur la mise en marché, alors il s’agit d’un problème particulièrement prenant. Respectivement, en 2006 et en 2017, la RMAAQ écrivait :

« Le nombre de litiges liés à l’application du cadre réglementaire et conventionnel de la mise en marché va en croissant. La tendance à la judiciarisation de ces litiges a pour effet de les rendre plus complexes et d’alourdir indûment les relations d’affaires entre les intervenants concernés, ce qui pourrait affecter négativement la performance globale du système de mise en marché collective. En outre, cette situation entraîne des délais et des coûts additionnels pour tous les intervenants, incluant la Régie » (RMAAQ, 2006 : 15).

« La Régie constate un accroissement significatif des différends dans les secteurs sous sa juridiction. Elle doit donc continuellement améliorer sa gestion des différends afin de remplir sa mission et répondre efficacement aux attentes des parties. Face à la multiplication des litiges et leurs impacts sur le fonctionnement du tribunal, la Régie considère comme primordiale l’adoption de nouvelles pratiques en la matière, tout en restant à l’affût des nouvelles tendances de règlements des différends [conférences préparatoires et médiation] » (RMAAQ, 2017 : 4).

Ces deux extraits témoignent de l’importance et de l’aspect déterminant du rôle de la RMAAQ dans le contexte de résolution des litiges, où la tendance à la judiciarisation semble avoir des répercussions négatives sur les coûts qui y sont associés et sur la performance du système. À l’exception des constats avancés plus tôt, il est difficile d’obtenir la perception des acteurs (la

4 Voir : RMAAQ. (2018). Décision 11421. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. [En

ligne] : http://www.rmaaq.gouv.qc.ca//fileadmin/DocuCentre/Decision/2018/11421.pdf

(Cette décision donne lieu de convention arbitrée dans ce secteur. Elle a été publiée le 22 juin 2018 et rectifiée le 23 juillet 2018 pour le secteur de la volaille)

RMAAQ. (2018). Décision 11555. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. [En ligne] : http://www.rmaaq.gouv.qc.ca//fileadmin/DocuCentre/Decision/2019/11555.pdf

(Publiée le 30 avril 2019 pour le secteur du porc).

5 Information obtenue dans le cadre d’échanges confidentiels. Voir : RMAAQ. (2019). Décision 11552.

Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. [En ligne] : http://www.rmaaq.gouv.qc.ca//fileadmin/DocuCentre/Decision/2019/11552.pdf

(16)

clientèle6) quant à la qualité des services rendus, le fonctionnement du tribunal lui-même ou encore les impressions sur le phénomène dont nous venons de discuter. À la lumière de ces constats, il nous semble pertinent de se pencher sur le rôle de règlement des différends de la RMAAQ et les termes précis de sa gouvernance dans ce cadre. Ce que nous pouvons dire à ce stade, c’est que la ligne directrice de la RMAAQ renvoie à sa mission institutionnelle, soit de :

« de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires [et de la pêche], le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l’intérêt public » (Ch. M-35.1, a.5).

La prochaine section décrit brièvement les tenants et aboutissants du système de commercialisation collective et de cette mission que la RMAAQ détient dans ce système, ainsi que la manière dont nous prévoyons l’analyser.

Mise en marché collective : divers niveaux institutionnels

Afin d’analyser la nature et les outils de la RMAAQ dans le cadre de la résolution des litiges, nous allons mobiliser deux disciplines pertinentes. La première renvoie au droit administratif, domaine auquel appartient la RMAAQ. Il permet de situer son fonctionnement, ses limites et ses capacités. Les outils descriptifs ressortant du droit administratif sont la base de l’étude sur la RMAAQ. Le deuxième cadre, l’économie néo-institutionnelle (ÉNI), nous apparaît tout à fait pertinent, car il focalise son analyse sur les effets économiques des institutions. Or, comme la RMAAQ est une institution dont l’organe de règlement des litiges a des effets économiques sur les acteurs du secteur, l’utilisation de ce cadre, combinant à la fois l’intégration du rôle des institutions dans l’analyse économique et dans l’histoire économique, est tout indiquée. La littérature néo-institutionnelle stipule que les institutions fixent les « règles du jeu » et s’assurent, via des mécanismes de contrôle et d’exécution, de les faire respecter. En fixant les règles du jeu, les institutions vont créer une structure stable aux interactions humaines et permettent de réduire l’incertitude entourant les transactions commerciales (North, 1990). Les institutions contribuent ainsi à réduire ou à limiter les coûts de transaction d’un secteur d’activités.

6 La clientèle de la RMAAQ est l’ensemble des intervenants visés par l’application de la Loi sur la mise en

marché, soit les producteurs agricoles et forestiers, les pêcheurs, les représentants des producteurs et des acheteurs ou associations accréditées d’acheteurs de produits agricoles, forestiers et des pêches.

(17)

Au regard de cette littérature, il nous est possible de distinguer trois niveaux institutionnels dans le système général de mise en marché collective présenté à la Figure 1. Une contribution relativement récente à l’ÉNI s’intéresse à catégoriser les institutions selon leurs rôles et leurs impacts sur le système dans lequel elles s’inscrivent. Ménard (2016), un auteur dont l’apport y est marquant, distingue les micro-, les méso- et les macro-institutions. Les macro-institutions définissent les normes et les règles constitutives du système. Dans le cas de la mise en marché collective, la Loi sur la mise en marché prévoit le cadre général du fonctionnement de la commercialisation et est donc catégorisée comme une macro-institution. Les micro-institutions sont les acteurs, firmes ou regroupements de producteurs qui sont soumis aux règles générales qui définissent le système. Nous pouvons penser aux producteurs individuels qui œuvrent dans une filière donnée. Entre ces deux niveaux, il y aurait ce qu’on appelle les méso-institutions ou institutions intermédiaires, qui lient les deux autres niveaux. Les méso-institutions transforment les règles générales en des règles plus spécifiques, rendent possibles leur mise en œuvre et leur contrôle, applicables au niveau micro (Ménard, 2016 : 4-8). Ainsi, dans cette perspective théorique initiée par Ménard, la RMAAQ est considérée comme une méso-institution. Elle surveille l’application de la Loi sur la mise en marché, elle contrôle l’application des plans conjoints et elle assure, par divers mécanismes, l’exécution et le respect des conventions de mise en marché.

Pour résumer, en tant qu’institution intermédiaire, la RMAAQ a des répercussions économiques notables sur le coût de fonctionnement de l’économie agroalimentaire. Ainsi, sous des apparats de simple organisme d’encadrement et de régulation, cette régie possède une véritable fonction économique. De par son action, elle influence l’efficacité de la mise en marché et, par ricochet, l’efficacité de tout un pan du secteur agroalimentaire québécois. Que ce soit au niveau de la durée ou du processus de la résolution des différends, de la surveillance de l’adéquation des activités des offices de commercialisation avec leurs objectifs ou de ses décisions ou approbations, la RMAAQ influence le coût de fonctionnement de la commercialisation et du secteur agroalimentaire et ce, à différents niveaux. Or, il n’existe pas, à notre connaissance, d’études académiques qui aient analysé la nature de la RMAAQ, encore moins les effets économiques des activités de cette dernière en tant qu’institution de régulation et de règlement des litiges. Ce constat nous amène à définir le problème de recherche du présent mémoire.

(18)

Problème de recherche

La RMAAQ joue un rôle pour le moins nécessaire dans l’organisation efficace et ordonnée de la commercialisation des produits agroalimentaires au Québec. De par ses interventions, elle fait le lien entre la mission du cadre législatif de la Loi sur la mise en marché et les opérations des intervenants du secteur agroalimentaire, par l’intermédiaire des plans conjoints. Toutefois, nous pouvons difficilement saisir l’importance de ce rôle sans apporter des éclairages théoriques sur la nature institutionnelle et les effets des interventions de la RMAAQ dans le système. À titre d’exemple, nous pouvons comprendre les implications de la judiciarisation des litiges dans l’agroalimentaire que si nous nous intéressons d’abord à l’institution qui est chargée de trancher les différends dans ce secteur d’activités et au portrait de sa gouvernance à cet égard. Le problème étant principalement que toute personne voulant minimalement comprendre ou analyser la RMAAQ se rend vite compte de l’incomplétude des connaissances à son égard. En consultant le répertoire des publications, travaux, ouvrages et manuels dans le domaine de l’économie agroalimentaire, on n’aperçoit que très rarement des segments qui concernent spécifiquement la RMAAQ. Pourtant, nous l’avons vu, sa mission est vaste et ses moyens pour la réaliser ont des impacts concrets sur la performance du secteur. Par conséquent, nous devons mobiliser une approche économique dont les outils permettent d’analyser des institutions aux multiples dimensions (juridique, surveillance économique, régulation), telle que la RMAAQ. Comme il a été vu, la ÉNI permet d’atteindre cette ambition.

Objectif général de recherche et sous-objectifs spécifiques

En s’inscrivant dans une logique exploratoire, ce mémoire a pour objectif général d’Analyser la

RMAAQ d’un point de vue économique et institutionnel. Pour mieux comprendre la gouvernance

de la RMAAQ dans la résolution des litiges, c’est-à-dire les façons de faire qu’elle déploie pour régler les différends dans le cadre prescrit par la Loi sur la mise en marché, les sous-objectifs rattachés à l’objectif général sont de :

- Caractériser la nature institutionnelle de la RMAAQ, ses outils, ses interventions ;

- Faire l’analyse économique de la fonction de la résolution des différends et documenter la judiciarisation apparente des litiges.

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Pertinence de la recherche

L’absence d’analyse approfondie sur la nature, les multiples fonctions ou encore sur le portrait de la gouvernance actuelle de la RMAAQ pose un problème théorique et empirique. « En tant qu’organisme de régulation spécialisé, [la Régie] possède […] des attributs qui lui permettent de rendre fonctionnel, cohérent et efficace l’ensemble du cadre institutionnel de la mise en marché collective » (Gouin, 2013 : 33). L’atteinte de cette efficacité ou de cette performance n’est pas linéaire et sans obstacle, bien au contraire. La situation particulière de la gouvernance de la RMAAQ affecte directement la capacité du système à limiter les coûts qu’il supporte (coûts de transaction). L’ensemble des intervenants qui est visé par la Loi sur la mise en marché ou, de manière plus étroite, par l’utilisation d’un plan conjoint, est intimement impacté par les interventions de la RMAAQ. Bien qu’il soit difficile de chiffrer cet effet en termes économiques, il apparaît évident qu’à titre d’institution intermédiaire, la RMAAQ influence le coût de fonctionnement global du système de la mise en marché collective. De par l’état ou le portrait de sa gouvernance actuelle, il est possible de comprendre une part de l’efficacité du système. Considérant ce phénomène de la judiciarisation des litiges, et ses répercussions potentielles, il est impératif d’analyser les effets de la RMAAQ dans cette perspective. Elle possède une véritable fonction économique de limiter les coûts de transaction et nous devons en saisir les modalités.

Cette finalité est d’autant plus d’actualité que la judiciarisation des litiges semble être particulièrement prenante pour les personnes visées. L’atteinte des objectifs présentés ci-dessus, via la phase empirique pertinente, permettra de situer les forces et les faiblesses actuelles du processus de résolution des litiges gouverné par la RMAAQ, qui concerne, à un moment ou un autre, des centaines de producteurs agricoles et d’acheteurs de produits bruts ou encore des dizaines d’organisations les représentant. Ce décryptage pourra s’avérer utile afin de porter un regard vers une gouvernance améliorée, aux bénéfices de l’ensemble des parties prenantes. Il va sans dire que la gouvernance de la résolution des litiges ne dépend uniquement de la RMAAQ et de ses façons de faire. Elle possède un rôle défini dans le système selon ce que prescrit la Loi sur

la mise en marché (section 1.2.3) et ce rôle a ses limites intrinsèques. Tel que le suggère ce

principe de gouvernance (section 2.3.4), la gouvernance d’une activité, d’un processus ou autre repose toutefois sur une coordination d’acteurs vers l’atteinte d’objectif ou d’une fin convoitée collectivement (que nous pouvons associer à la mission de la RMAAQ, favoriser une mise en

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marché efficace et ordonnée, des relations harmonieuses et la résolution des difficultés). Ces éléments seront abordés dans le détail dans ce mémoire.

Plan de travail

Le corps du mémoire débute par une première partie consacrée à l’exploration du domaine du droit administratif et de la justice administrative, auxquels appartient la RMAAQ. Elle situe sa nature, ses interventions et son organisation interne. Ainsi, nous comprenons davantage ses outils intrinsèques pour remplir dûment son mandat. La deuxième partie s’intéresse aux outils analytiques pertinents permettant d’apporter des éclairages sur l’institution d’ordre économique qu’est la RMAAQ et sur ses effets dans le système de la mise en marché collective. La troisième partie tente de faire un rapprochement entre la théorie et l’empirique, en proposant une démarche méthodologique appropriée. Elle utilise la recension de la théorie et l’intègre à une collecte de données pour mieux comprendre la résolution concrète des litiges, via des entrevues avec des personnes concernées. En vue de conclure sur l’analyse économique et institutionnelle de la RMAAQ, une quatrième partie est dédiée à la discussion et l’interprétation des résultats. Cette partie bonifie la compréhension initiale de la RMAAQ en proposant un schéma synthétique reprenant les apports principaux de ce travail.

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1. Présentation descriptive de la Régie des

marchés agricoles et alimentaires du Québec

La RMAAQ est un tribunal administratif. Ce type de tribunal évolue dans le domaine du droit administratif (Garant, Soldevila et Fortin, 1981 ; Garant, 2014 ; 2017). Cette branche du droit public énonce les obligations, les pouvoirs et les règles générales qui régissent les interventions de telles institutions publiques (Garant, Garant et Garant, 2018). Nous ne pouvons donc pas outrepasser la revue de cette branche du droit public qui nous donne des outils descriptifs pour mieux comprendre la sphère spécifique dans laquelle la RMAAQ exerce son rôle et pour lequel elle est particulièrement conçue. Ces outils seront utilisés dans le chapitre Cadre analytique pour comprendre leurs effets économiques, notamment en ce qui a trait à la fonction de résolution des litiges de la RMAAQ. C’est dans cette logique que la présente section est construite. D’abord, un bref historique de la mise en place du système de commercialisation au Québec est donné, en faisant ressortir l’importance de la mission de la RMAAQ à l’intérieur de ce système Ensuite, il est question d’une description détaillée du fonctionnement, de l’organisation actuelle, des devoirs et pouvoirs de la RMAAQ et du domaine d’institutions dans lequel elle se trouve. Enfin, un aperçu est donné du système de justice dans laquelle la RMAAQ s’inscrit, c’est-à-dire la justice administrative. En somme, ces éléments s’avèrent essentiels pour cheminer dans l’atteinte de notre objectif, c’est-à-dire d’analyser la RMAAQ d’un point de vue économique et institutionnel.

1.1

Historique : contexte de création du système de

commercialisation collective des produits agricoles

Il existait une conjoncture particulière, au tournant des années 1950, lorsque le législateur québécois a chargé un comité d’enquête d’étudier les problèmes de la commercialisation des produits agricoles. Il était question notamment, d’une agriculture traditionnelle peu ordonnée, difficilement capable de répondre aux besoins grandissants des populations urbaines en marchandises agricoles, qui montrait des retards face à l’agriculture de l’Ontario et la nécessité d’améliorer la qualité, la quantité et la variété des produits agricoles (Morisset, 1987 : 110-125 ; Loi

relative aux problèmes de législation agricole7, Régnier, 1975). En 1952, le Comité d’enquête pour

la protection des agriculteurs et des consommateurs (Commission Héon) fut donc chargé

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d’apporter des éclairages sur cette situation autant vaste que problématique. Plus formellement, cette commission était mandatée pour « étudier les problèmes relatifs à la production, à la vente et à la distribution des produits agricoles et à la protection des légitimes intérêts respectifs des agriculteurs et des consommateurs » (Loi relative aux problèmes de législation agricole, a.1).

Le rapport final du comité fut déposé en 1955 (Commission Héon, 1955). Au travers de ses 455 pages, les conclusions et les recommandations y sont nombreuses, notamment en ce qui concerne l’amélioration des conditions de mise en marché des produits agricoles. L’une d’entre elles propose l’adoption d’une législation qui permettrait la mise en œuvre d’un mécanisme nouveau de mise en marché. Celui-ci donnerait aux producteurs l’opportunité de participer de façon collective et active au contrôle des conditions de vente de leurs produits. Ce nouveau mécanisme est le « plan conjoint de mise en marché ». Cette formule, qui a donc inspiré le comité Héon, existait déjà dans les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique et, bien avant, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et en Angleterre (Garant et al., 1981; Prégent, 1979). Il repose sur une extension juridique, pour rendre son déploiement obligatoire. Il permet ainsi aux producteurs d’établir leurs propres règles du jeu, avec un minimum d’intervention de l’État. Dès lors qu’il est adopté à majorité requise, une adhésion obligatoire lie tous les producteurs visés par le plan conjoint, incluant la minorité qui a pu voter contre. C’est ainsi que le comité Héon le définit comme étant du « coopératisme obligatoire » (Garant et al., 1981 : 3; Prégent, 1975 : 12). Ce design permet d’améliorer la coordination de la production et de la vente des produits agricoles, en renforçant le pouvoir de négociation des producteurs auprès des acheteurs (RMAAQ, 2006 : 23), tout en évitant les comportements de resquillage souvent présents dans le coopératisme volontaire. Reprenons la description faite par Prégent, où les mots donnent tout leur sens aux principes et aux effets du plan conjoint :

« le plan conjoint [est un] instrument juridique, démocratique et contraignant, que les producteurs agricoles se donnent pour assurer une mise en marché efficace […] les expressions démocratie et liberté ne doivent pas être interprétées comme signifiant le désordre, le chaos, et l’individualisme aveugle au bien commun. C’est pourquoi le plan conjoint est également un instrument contraignant, c’est-à-dire qu’il impose à tous des devoirs, des obligations, une discipline. […] [Ils] sont des instruments qui peuvent être souples et articulés à toutes les particularités de l’un ou l’autre des produits agricoles […] » (1979 : 10).

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Cette nouvelle formule de mise en marché ne devant pas s’autoréguler d’elle-même, le comité proposa la création d’un organisme gouvernemental qui serait chargé d’en surveiller les activités. Considérant l’étendue des pouvoirs délégués et mis à la disposition des producteurs agricoles, le rapport Héon suggéra effectivement que cet organisme puisse être le gardien de l’intérêt public. Le plan conjoint devait rester un instrument additionnel pour stabiliser et améliorer la mise en marché des produits, dans un contexte économique exempt d’abus (Prégent, 1979). Cet organisme, l’Office des marchés agricoles du Québec8 avait pour mission générale, mission dont l’esprit est sensiblement le même aujourd’hui, « de mieux organiser et ordonner la mise en marché des produits agricoles de la Province de Québec » (OMAQ, 1960). Parallèlement à la mise sur pied des plans conjoints, cette institution devait :

« sanctionner les nouvelles formules de mise en marché, d’aider à coordonner les diverses opérations assurant une commercialisation avantageuse des produits agricoles et de protéger les intérêts légitimes des secteurs intéressés à cette commercialisation : producteurs, commerçants et consommateurs » (Régnier, 1975).

L’adhésion du législateur québécois à la quasi-totalité du rapport Héon et à l’idéologie qu’il représentait fut concrétisée par l’adoption de la Loi des marchés agricoles du Québec9, en 1956.

1.1.1 Plans conjoints et RMAAQ

Par son caractère collectif, le plan conjoint fait passer la structure « atomistique » du secteur agricole, où les producteurs se dénombrent par centaines, à une structure où un seul agent les représente, l’office de producteurs ou tout autre organisme désigné par les producteurs intéressés. (Garant et al., 1981). Il importe ici de préciser les dispositions générales de mise en place d’un plan conjoint. Un groupe, minimalement de dix producteurs, doit d’abord faire la demande auprès de la RMAAQ pour la création d’un plan conjoint dans leur secteur de production. Ce projet de plan prévoit dès lors les règles du jeu spécifiques de la production et de mise en marché d’un produit agricole, de même que les modalités de création de l’organisme en charge d’appliquer le plan. Ce projet de plan peut faire l’objet d’une audience publique, où la RMAAQ reçoit des observations des personnes intéressées, soit les producteurs visés, mais aussi les intermédiaires, les acheteurs, etc. Le plan conjoint proposé peut être approuvé par la RMAAQ avec ou sans modification. La tenue d’un référendum est obligatoire pour l’entrée en vigueur du plan conjoint et de ses

8 Dès 1963, le nom sera changé pour « la Régie des marchés agricoles du Québec ». 9 S.Q. 4-5, Elizabeth II, Ch. 37.

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règlements d’application. Le taux d’approbation des producteurs intéressés est minimalement les deux tiers en faveur, et la moitié de la population de producteurs visés doit avoir participé au référendum (Ch. M-35.1, a. 45 à 63).

Dès sa mise en vigueur, le plan lie toute personne engagée dans la production en question et, dès lors, l’office de producteurs choisi au préalable représente tous les producteurs. Cet office est investi de nombreux pouvoirs, devoirs et attributions pour agir à ce titre (Ch. M-35.1, a. 64 à 66). Les producteurs doivent donc se conformer aux décisions de l’office, prises démocratiquement, et qui propose des règlements pour fixer les conditions spécifiques de mise en marché ou encore signe des conventions collectives avec les intermédiaires (Prégent, 1979). D’ailleurs, ces intermédiaires peuvent eux aussi se regrouper en une association, qui négocie collectivement avec l’office. Cela est conditionnel à une accréditation de la RMAAQ, qui témoigne d’un niveau suffisant de représentativité par rapport à l’ensemble des acheteurs ou autres (Ch. M-35.1, a. 110).

Ainsi, il ressort de cette présentation sommaire de la mise en œuvre du plan conjoint et des interventions subséquentes que la RMAAQ y joue un rôle de surveillance déterminé et essentiel. Pour pouvoir exploiter pleinement le potentiel de coordination des échanges, via le plan conjoint, il y un passage obligatoire, la RMAAQ, notamment avant l’adoption officielle du plan, mais aussi durant toute la vie active du plan conjoint et de ses activités connexes (ex. modification réglementaire). La RMAAQ est l’organisme public qui voit à l’équilibre des intérêts de tous les intervenants et du public au travers l’organisation de la mise en marché que permet le plan conjoint. Dans cette continuité, la prochaine section dresse un portrait plus approfondi et actuel de la RMAAQ.

1.2

Nature et cadre d’interventions de la RMAAQ

Nous commençons ici par nous pencher sur ce qu’est réellement la RMAAQ et ensuite nous dressons un sommaire de ses principales activités d’interventions. L’intérêt de cette section est de mieux cerner en quoi la conception de cette institution lui permet de déployer une gouvernance appropriée à son secteur d’intervention, l’agroalimentaire québécois. Fondamentalement, la RMAAQ est l’institution responsable de surveiller et de contrôler l’application de la Loi sur la mise

en marché et de 266 règlements d’application (RMAAQ, 2018). Ce mandat général se fait dans

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« de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l’intérêt public » (Ch. M-35.1, a. 5).

Ce descriptif du mandat général de cette régie nous permet d’apprécier le caractère spécialisé et complexe du rôle qu’elle exerce dans son secteur d’activités (Labrecque, 2006). Ce rôle s’opère dans la sphère publique, où se côtoient plusieurs autres institutions similaires à la RMAAQ, qui œuvrent dans des domaines tous aussi spécialisés10. Elles se regroupent dans une catégorie d’organismes appelés « organisme autonome »11, car ils ont effectivement une autonomie de gestion par rapport au gouvernement central (Garant, 2017 : 109 ; Benoit, 2017). Dans cette famille d’institutions, la RMAAQ appartient au groupe « organismes décisionnels et quasi judiciaires ». Ce type d’organismes œuvre dans la branche exécutive de l’État (voir la Figure 2) et détient des pouvoirs lui permettant d’appliquer correctement la législation qui lui est confiée par le législateur.

« [Un tribunal administratif est un] organisme situé en marge de la structure ministérielle et bénéficiant d’une autonomie juridique et fonctionnelle certaine, à qui l’État a confié la mission d’appliquer une ou plusieurs lois dans un secteur donné de l’activité économique ou sociale et dont les décisions sont susceptibles d’affecter les droits et intérêts des citoyens » (Reid, 2001 : 558).

Figure 2. Schéma simplifié de l'État québécois

Source : Adaptée de Benoit (2017).

10 Par exemple, on peut penser à la Régie de l’énergie, à la Régie du logement ou encore à la Régie de

l’assurance maladie du Québec. [En ligne] : https://www.quebec.ca/ministeres-et-organismes/

11 Aussi appelés administrations publiques. Selon le type, il peut être question de tribunal administratif,

agences, bureau, office, commission, etc.

POUVOIR EXÉCUTIF

Administration centrale

POUVOIR LÉGISLATIF POUVOIR JUDICIAIRE

Ministères Organismes autonomes

Entreprises publiques, organismes de gestion, organismes quasi judiciaires et

décisionnels, organismes de conseil, d’enquête et de concertation

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De manière plus spécifique à l’organisme qui nous intéresse dans ce mémoire, tout en considérant ce qui vient d’être énoncé, Garant, Soldevila et Fortin nous proposent une définition claire et succincte de la RMAAQ :

« [Elle] s’inscrit dans la famille des institutions que nous appelons ‘‘tribunaux administratifs’’. […] C’est un organisme chargé d’appliquer une politique de mise en marché et de trancher de nombreux conflits ou litiges entre groupes ou entre individus. [La Régie] est un organisme de réglementation et d’administration mais en même temps un tribunal quasi judiciaire assujetti comme tel aux principes généraux de la fonction quasi judiciaire et au contrôle des cours de justice » (1981 : i).

Pour rendre opérationnelle sa mission, la RMAAQ intervient de diverses façons et utilise les nombreux pouvoirs qui sont mis à sa disposition en vertu de la Loi sur la mise en marché. Sa nature intrinsèque, la façon dont elle est conçue, lui donne un éventail d’outils pour agir de la manière la plus appropriée en fonction des circonstances (Garant et al. 1981 : 111). Ces façons de faire sont regroupées sous trois grands cadres d’interventions : la régulation économique, la surveillance et la résolution des litiges.

1.2.1 Régulation économique

L’un des rôles de la RMAAQ est celui de la régulation économique, qui elle renvoie à une « pluralité de fonctions » (Issalys, 1983 : 845). Dès lors que le législateur délègue une fonction de régulation dans un secteur économique, il prévoit que l’organisme devra intervenir de diverses façons en utilisant des pouvoirs tout aussi étendus, et ce, conformément aux principes dégagés par sa loi constitutive. Ces principes représentent les volontés du législateur et ultimement la finalité souhaitée de l’application de la loi (Issalys, 1983 : 851). Dans son champ de compétence, ici la commercialisation collective des produits agricoles, la RMAAQ est donc amenée à employer « une combinaison variable de procédés » (Issalys et Lemieux, 2009 : 453) de types législatif, administratif et juridictionnel. Pour imager, Issalys et Lemieux (2009) comparent cette gamme d’interventions à celles que pourrait exercer un « appareil d’État miniature ». En raison de la nature diverse des actes accomplis, le rôle joué par ces organismes dans un secteur donné est souvent associé à la multifonctionnalité (Garant, 2014 : 529, Garant et al., 2018 : 77).

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Sans aller dans le détail, nous allons définir les trois grands types d’actes ou de procédés que peut déployer un organisme comme la RMAAQ dans sa fonction de régulation économique. D’abord, il est reconnu comme législatif, tout acte visant à édicter des règlements ou « toute disposition à caractère général, abstraite, impersonnelle, ou tout acte à portée générale ou impersonnelle » (Garant, 2017 : 165 ; Garant, 2014 : 526). À titre d’exemple, un règlement est formulé ou adopté de manière à viser l’ensemble des personnes ou organisations concernées par la législation. Dans le contexte du présent mémoire, chaque office de commercialisation peut déterminer par règlement l’essentiel des conditions de mise en marché qui s’applique au produit visé par le plan conjoint (Ch. M-35.1, ch. IV). En fonction de la spécificité de chaque secteur d’activités, les règlements adoptés vont prévoir une réalité économique propre aux besoins de la mise en marché. Par son caractère collectif et coercitif, la réglementation agit comme facilitateur en ce sens que tous les producteurs sont tenus de s’y conformer. Ainsi, un ensemble de règlements est pris pour rendre opérationnel le plan conjoint de mise en marché et vise donc l’ensemble des producteurs de chaque sous-secteur d’activités. La réglementation a donc le potentiel de concerner plusieurs facettes12 de la commercialisation et la RMAAQ, au regard de sa compétence et de ses connaissances spécialisées, mais aussi de l’opportunité créée par le règlement, donne son approbation que si elle juge que cette réglementation se conforme à l’esprit d’une mise en marché efficace et ordonnée (Labrecque, 2006).

Contrairement aux procédés législatifs (ou réglementaires), un acte administratif ou exécutif a une visée individuelle et particulière en lien avec une situation ou un contexte précis. Il renvoie à une décision prise à l’égard d’un administré, en fonction des normes référées par la loi ou par des règlements d’application. Il peut être question d’autorisation, de permis, de privilèges, d’indemnités, etc. (Garant, 2017 : 165). Plus généralement, cette catégorie d’actes désigne ceux qui sont exercés par une autorité administrative « dans l’exercice de sa mission de gestion, de régulation, de surveillance et de contrôle de différents secteurs de l’activité économique et sociale, d’enquête, de délivrance de permis, d’autorisation ou prestation économique ou sociale », et ce, dans l’intérêt du public et de sa protection (Garant, 2017 : 168-169).

12 Nous pouvons donner les exemples du Règlement sur l’agence de vente des producteurs acéricoles et sur

le surplus du produit visé (Ch. 35.1, r.7), du Règlement sur les quotas des producteurs de lait (Ch. M-35.1, r.208) ou encore du Règlement sur la conservation et l’accès aux documents des Éleveurs d’ovins du Québec (Ch. M-35.1, r.241).

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Enfin, la fonction juridictionnelle consiste à trancher un litige qui survient entre des parties externes au tribunal, et ce, en application de règles préétablies (Garant et al., 2018 : 95). Garant définit ce type de fonction exercée par un tribunal administratif, comme « la détermination de droits et obligations au terme d’un processus inspiré des principes de justice naturelle13, plus flexible que la procédure strictement judiciaire » (2014 : 527). Cette fonction est discutée en détail ci-après, au point 1.3.3.

1.2.2 Surveillance

En agissant à titre de régulateur économique, la RMAAQ exerce un rôle connexe : la surveillance du secteur. Plus précisément, la surveillance de l’application du principal outil de gestion contenu dans la Loi sur la mise en marché, soit le plan conjoint. Nous l’avons vu, les offices qui administrent ces plans dans leur secteur respectif détiennent un nombre et une variété significatifs de pouvoirs délégués afin d’exploiter le potentiel que leur offre leur plan conjoint. La RMAAQ a donc la fonction de veiller à ce que cette utilisation soit faite dans l’intérêt de l’ensemble des producteurs, de la société et plus largement dans l’intérêt d’une mise en marché efficace et ordonnée (Labrecque, 2006).

Concrètement, la RMAAQ intervient en matière de surveillance, car elle est le passage obligé pour les acteurs d’une filière qui ont rédigé une convention de mise en marché et qui souhaitent son entrée en vigueur. Avant cette ultime étape, la RMAAQ doit d’abord lire le contrat et ensuite l’homologuer, ce qui le rend légal du point de vue de cette législation et atteste les activités économiques qui en découleront. Par ailleurs, une convention non homologuée ne pourra pas faire l’objet d’un arbitrage ultérieur entendu par la RMAAQ (RMAAQ, 2003 : 34). La surveillance par la RMAAQ s’effectue également lorsqu’elle reçoit les évaluations périodiques des offices, s’effectuant au maximum tous les cinq ans. Durant cet exercice, les offices doivent dresser le portrait de leurs activités passées et futures (prochaine période). La RMAAQ reçoit les observations des organisations et évalue la pertinence de leurs interventions dans le cadre de chaque plan conjoint et de son stade de développement (RMAAQ, 2018a). Ainsi, elle « surveille » l’application des plans

13 Le droit d’être entendu, le droit à une audition impartiale devant une autorité impartiale (Issalys et

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conjoints (Ch. M-35.1, a.62). Pour résumer simplement, « la RMAAQ exerce une surveillance quant à la légalité, l’opportunité et l’efficacité des interventions […] des offices et des associations accréditées » (RMAAQ, 2017 : 14).

1.2.3 Résolution des litiges

Pour le rappeler, le présent mémoire s’intéresse à la RMAAQ de façon générale, mais analyse ultimement la fonction de résolution des litiges qu’elle exerce dans le secteur agroalimentaire. Tel qu’il l’a été avancé dans l’Introduction, ce mandat qu’elle détient nous apparaît essentiel et déterminant pour l’équilibre et le fonctionnement efficace de la commercialisation collective des produits agricoles au Québec. Dans la même logique que pour les deux précédents cadres d’interventions, c’est la loi qui prescrit les pouvoirs et devoirs de la RMAAQ à cet égard. Elle est l’organisme à qui le législateur a « confi[é] exclusivement […] la fonction d’arbitrer les litiges qui surviennent dans le cadre de l’application d’un plan conjoint (Labrecque, 2006 : 717). Dans un premier temps, la RMAAQ peut être amenée à trancher un litige (grief) survenant dans l’application d’un plan conjoint, l’exécution d’un règlement ou d’une convention existante. Cela renvoie aux articles 26 et 26.1 de la Loi sur la mise en marché. Dans un deuxième temps, elle peut être amenée à arbitrer un conflit survenant dans le cadre de l’écriture ou de la rédaction d’une convention de mise en marché, tel que l’article 116 le prescrit. Il s’agit ici d’un processus d’arbitrage de convention. Le Tableau 1 (page suivante) résume les principales modalités d’interventions de la RMAAQ lorsqu’un litige doit être tranché.

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Tableau 1. Pouvoirs et devoirs de la RMAAQ en ce qui a trait à la résolution des litiges, en vertu de la Loi sur la mise en marché

Loi sur la mise en marché

ARTICLE RÉSUMÉ DE L’ARTICLE

Grief sur l’application et l’interprétation d’un plan conjoint, dont les dispositions des conventions de mise en marché

26. La Régie peut résoudre les différends qui surviennent dans l’application d’un plan conjoint ou dans le fonctionnement d’une convention de mise en marché

26.1 La Régie peut désigner une personne pour entendre et disposer d’un grief né de l’application d’une convention

Arbitrage sur la conclusion des conventions de mise en marché

115. En cas d’échec de négociation conventionnelle entre parties, la Régie peut désigner un conciliateur, en vue d’une entente. Ce processus s’entame à la demande d’une des parties

116. En cas d’échec de conciliation, la Régie arbitre le différend. Ce processus s’entame à la demande d’une des parties

117. La Régie rend une sentence arbitrale sur la convention arbitrée. Elle devient effective, et peut être modifiée, suspendue, supprimée, à la demande d’une partie. En cas de non-respect des obligations découlant de la convention arbitrée, la Régie peut imposer des pénalités

118. La Régie peut décréter les conditions de production et de mise en marché, dans les cas où une partie refuse indûment de collaborer. La décision rendue tient lieu de sentence arbitrale et a donc les mêmes effets que ceux prévus à l’art. 117

Sources : Ch. M-35.1 ; Labrecque (2006 : 721).

Les activités économiques qui découlent de l’application des plans conjoints sont nombreuses et variées. Elles peuvent devenir un terreau fertile à des divergences d’intérêts, ce qui n’est pas unique au secteur agroalimentaire. Généralement, ces divergences peuvent survenir entre des producteurs et leur office de commercialisation14 ou encore entre un office et les représentants d’acheteurs de produits bruts15. Certaines divergences peuvent être dissipées grâce à la négociation des intérêts, où les parties ont trouvé de manière informelle un terrain d’entente. Dans le cas de différends liés à l’écriture de convention de mise en marché, la phase de négociation

14 Par exemple, l’application d’une modalité de règlement n’est pas respectée par un producteur visé par

cette même réglementation ou encore un producteur s’oppose à une intervention de son office de commercialisation.

15 Un ou des représentants d’acheteurs s’opposent à la portée ou la modalité d’un règlement ou d’une

disposition d’une convention existante et s’oppose à son homologue office de commercialisation (grief). Dans une autre mesure, dans le cadre de l’écriture ou du renouvellement d’une convention, les deux parties (office et acheteurs) ne s’entendent pas sur certains articles contractuels (arbitrage).

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précède la conciliation, comme il est présenté au Tableau 1 (a. 115), où la RMAAQ peut être sollicitée de façon à faciliter l’échange entre les parties sans que cela mène à une décision coercitive. À cet égard, le guide de la conciliation disponible sur le site de la RMAAQ explique les modalités de fonctionnement du mode de règlement des litiges (RMAAQ, 2009a). L’objectif de cette procédure est « d’aider les parties à communiquer, à négocier, à identifier leurs intérêts, à évaluer leurs positions et à explorer des solutions mutuellement satisfaisantes dans le but de régler un différend » (Guide de la conciliation, art. 2). En cas d’échec de cette alternative, le recours au mode « judiciaire » est l’étape suivante, c’est-à-dire que l’arbitrage semble être l’unique façon possible de résoudre le différend (Tableau 1, a.116). Pour les raisons évoquées dans l’Introduction, les modes alternatifs de résolution des litiges sont fortement encouragés, car ils diminuent le poids sur le service d’arbitrage de la RMAAQ. L’arbitrage étant le mode de règlement des conflits le plus exigeant en termes de coûts et de ressources, à la fois pour le tribunal administratif que pour les parties impliquées.

Pour mener à bien la résolution des litiges, la RMAAQ suit un processus particulier, inspiré du processus judiciaire. En effet, il n’y a pas « strictement […] de fonction […] ou de pouvoir quasi judiciaire ; il faudrait plutôt parler d’un processus quasi judiciaire, soit un ensemble de procédés ou de façons de faire inspirés de ceux des cours de justice […] [permettant] un débat loyal [et équitable] dans le respect du devoir d’agir de façon impartiale » (Garant, 2017 : 168). C’est donc dans ce cadre que se met en œuvre ce devoir de trancher les litiges de la RMAAQ. Par ailleurs, la loi habilite également la RMAAQ à régler les différends qui pourraient survenir entre un producteur et l’organisation le représentant (office de commercialisation). Cet aspect n’est pas négligeable, en ce sens que des conflits perpétuels entre des producteurs et leurs représentants peuvent causer des dommages à une mise en marché efficace et ordonnée. Pour le rappeler, les plans conjoints sont obligatoires à tous les producteurs d’un secteur dès lors qu’il est voté à majorité. Toutefois, le désir de la majorité lie automatiquement la minorité (Prégent, 1979 : 9). Dans les faits, les divergences restent entières, par exemple en ce qui a trait au modèle d’agriculture et de commercialisation des produits agricoles que permettent les plans conjoints et leurs règlements d’application et, plus généralement, la Loi sur la mise en marché. Des conflits peuvent donc

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survenir à bien des égards entre producteurs et représentants16. Ils représenteraient environ 60 % des demandes liées à un litige et adressées à la RMAAQ17.

Certes, les litiges sont nombreux entre des producteurs individuels ou des regroupements de producteurs et leur représentant, l’office. Cette catégorie de conflits peut en effet solliciter des ressources et des interventions régulières auprès de la Régie. Dans le cadre de cette recherche, nous avons donc fait le choix de nous en tenir aux litiges entourant la rédaction (arbitrage) ou l’application de conventions (grief), en raison de leur importance pécuniaire pour le secteur agroalimentaire. Les conventions de mise en marché témoignent des conditions de mise en marché déterminées par les parties prenantes qui façonneront l’activité économique de chaque secteur pour une période donnée. Une convention mal rédigée, non respectée ou encore en perpétuel renouvellement, peut s’avérer être économiquement dommageable sur le fonctionnement du secteur et les relations entre les parties prenantes. Ainsi, ce mémoire se penche spécifiquement sur ces litiges.

Pour finir, ce tribunal administratif a la compétence pour intervenir dans les litiges survenant en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles (RLRQ, Ch. P-28), notamment l’article 46 de cette dernière. Encore une fois, les ressources, les délais et l’organisation/préparation entourant les litiges entre acheteurs et vendeurs, notamment dans le cadre des conventions de mise en marché, nous apparaissent ici plus pertinents.

1.2.4 Autres mandats en vertu de la Loi sur la mise en marché et des règlements d’application

Dans le cadre de sa mission, la RMAAQ ou toute personne qu’elle désigne, peut mener des enquêtes et effectuer diverses inspections en lien avec une affaire (Ch. M-35.1, a.163 à 170). L’une des spécificités de la RMAAQ, c’est qu’elle détient « des pouvoirs d’enquête à caractère

16 Par exemple, selon la décision 9889 de la RMAAQ, un producteur individuel demande l’annulation d’un

cumulatif de 24 779 $ de pénalités imposées par son office (autrefois sous le nom de Fédération des producteurs de lait du Québec) et en retour l’office demande de faire enquête et inspection à l’encontre dudit producteur. La RMAAQ (le banc des trois régisseurs) doit donc trancher le litige, au regard des faits et des observations amenées par les parties et du cadre législatif et réglementaire applicables.

Voir : RMAAQ. (2012). Décision 9889. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. [En ligne] : http://www.rmaaq.gouv.qc.ca//fileadmin/DocuCentre/Decision/2012/9889.pdf

Figure

Figure 1. Cadre réglementaire et organisationnel de la mise en marché collective au  Québec
Figure 2. Schéma simplifié de l'État québécois
Tableau 2. Caractéristiques de la justice administrative et l’un des organismes qui la  composent : la RMAAQ
Tableau 3. Description de la RMAAQ : nature, cadres d’interventions et pouvoirs   Tribunal administratif  Organisme de régulation économique  Résolution des litiges  Cadres d’interventions  Régulation  Surveillance  Règlement des différends  Pouvoirs  De n
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