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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC

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Academic year: 2022

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Dossier : 141-07-10-38

Décision : 11931

Date : 5 février 2021

Présidente : France Dionne

Régisseurs : André Rivet

Lucille Brisson

OBJET : Demande afin d’autoriser le Centre acéricole Matapédien inc. à conserver un contingent intérimaire d’agrandissement

SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DES RESSOURCES DE LA VALLÉE et

CENTRE ACÉRICOLE MATAPÉDIEN INC.

Demandeurs Et

LES PRODUCTEURS ET PRODUCTRICES ACÉRICOLES DU QUÉBEC Mis en cause

DÉCISION

CONTEXTE

[1] Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (les PPAQ) sont chargés de l’application du Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec1 (le Plan conjoint) de même que des règlements pris dans le cadre de celui-ci, dont le Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec2 (le Règlement).

1 RLRQ, c. M-35.1, r. 19.

2 RLRQ, c. M-35.1, r. 9.

(2)

[2] La Société d’exploitation des ressources de la Vallée (la SERV) est une coopérative de solidarité qui compte environ 1 100 membres, lesquels sont des propriétaires de boisés privés.

Le Centre acéricole Matapédien inc. (le CAM) est une entreprise qui exploite une érablière avec contingent.

[3] Pour diversifier ses activités, la SERV désire se lancer dans la production acéricole.

Dans ce but, elle fait l’acquisition, en 2018, de toutes les actions du CAM.

[4] Or, en 2016, dans le cadre du volet agrandissement prévu par le Règlement, le CAM a obtenu des PPAQ l’ajout de 2 028 entailles à son contingent.

[5] Le 17 mars 2019, la SERV demande aux PPAQ de permettre au CAM de conserver en exploitation les 2 028 entailles obtenues dans le cadre du volet agrandissement de 2016, malgré la vente des actions intervenue. Cette demande est refusée par les PPAQ.

[6] Le 25 novembre 2019, la SERV et le CAM déposent une demande auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) afin d’être autorisés à conserver les 2 028 entailles concernées, au motif que le CAM a continué à exploiter les entailles sans interruption pendant une période de trois ans après leur obtention.

QUESTION EN LITIGE

[7] La Régie doit déterminer si le CAM a le droit de continuer à exploiter les 2 028 entailles obtenues en 2016 dans le cadre du volet agrandissement et, sinon, s’il y a lieu de lui accorder une exemption de l’application du Règlement de manière à lui permettre de continuer à exploiter ces entailles.

ANALYSE ET DÉCISION

[8] La Régie conclut que le CAM ne peut être autorisé à exploiter les entailles obtenues dans le cadre du volet agrandissement de 2016 et qu’il n’a pas fait la preuve de circonstances qui justifient une exemption en vertu de l’article 36 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche3 (la Loi).

[9] Le 13 novembre 2018, François Gaudet, seul actionnaire du CAM, vend à la SERV, par acte notarié, la totalité des actions émises de l’entreprise de même que les dénominations sociales et les marques de commerce détenues au nom d’une personne physique ou morale dans le cadre des affaires du CAM. Le contrat prévoit que le transfert des actions est rétroactif au 1er juillet 2018.

[10] Au moment de la vente, le CAM exploite environ 44 000 entailles, dont 2 028 ont été accordées en 2016, dans le cadre du volet agrandissement prévu dans le Règlement.

3 RLRQ, c. M-35.1.

(3)

[11] Le contrat de vente des actions prévoit ce qui suit au paragraphe 37 concernant le contingent :

Contingent : Le contingent de production de sirop d’érable à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec est et sera d’un minimum de quarante-deux mille cent quatre-vingt-douze (42 192) entailles. L’acheteur a été informé que les 2 028 entailles de l’agrandissement seront soustraites du contingent lors du changement de contrôle de la société « Centre acéricole Matapédien inc. ».

(notre soulignement)

[12] Le contrat prévoit également que le vendeur, François Gaudet, demeure à l’emploi de l’acheteur à titre de gestionnaire et de professionnel pendant une période de trois ans.

[13] Le 17 mars 2020, le directeur général de la SERV, Sébastien Jean, écrit à Sylvain Bernier, directeur du contingentement et de la réglementation des PPAQ, pour contester la perte des entailles du volet agrandissement obtenues par le CAM.

[14] Il soumet que, depuis l’obtention du contingent d’agrandissement, et pendant la période de trois ans qui a suivi, le CAM a toujours exploité et exploite toujours ces 2 028 entailles.

[15] ll souligne également qu’à la suite de la vente des actions, François Gaudet est devenu un employé de la SERV et que sa tâche est de diriger les activités acéricoles du CAM. Il conclut que le Règlement a été respecté et que le CAM ne devrait pas perdre les entailles du volet agrandissement.

[16] Dans sa demande à la Régie d’être autorisée à conserver le contingent d’agrandissement, la SERV réitère la position mise de l’avant auprès des PPAQ concernant l’exploitation continue des entailles visées. Elle ajoute que ces 2 028 entailles n’ont pas donné lieu à une surenchère lors de la vente, que les PPAQ avaient prévu la production de sirop pour ces entailles et que le réseau connecteur est en place. Le retrait de ces entailles du contingentement du CAM causera une perte économique à l’entreprise de même que la dégradation de l’équipement installé en toute légalité.

[17] Le Règlement prévoit les conditions qui doivent être respectées pour obtenir des entailles dans le cadre du volet agrandissement de 2016, l’une des conditions étant l’engagement du producteur à exploiter personnellement l’érablière :

9.15.47. Pour obtenir un contingent intérimaire pour un projet d’agrandissement, un producteur doit faire parvenir à la Fédération, au plus tard le 15 septembre, un document semblable au formulaire reproduit en annexe 11.5 sur lequel il inscrit les renseignements demandés et auquel il joint les documents suivants :

[…]

un engagement à l’effet qu’il continuera à exploiter personnellement l’érablière où il exploite son contingent et les entailles pour lesquelles il obtiendra un contingent intérimaire pour un projet d’agrandissement pour une période 3 ans à compter du début de son exploitation suivant l’octroi de son contingent.

(4)

[18] Il est pertinent de noter que le formulaire signé par le producteur au moment de la demande de contingent d’agrandissement comporte la mention expresse suivante : « Je comprends que je devrai exploiter personnellement la nouvelle érablière pendant au moins 3 ans et m’engage à le faire. » C’est cet engagement qui a été signé par François Gaudet, le seul actionnaire et administrateur du CAM en 2016.

[19] François Gaudet a compris que le mot « personnellement » pour son entreprise signifiait qu’il ne devait pas y avoir de changement de contrôle de l’entreprise. La mention faite au paragraphe 37 de l’acte de vente des actions, reproduite au paragraphe [11] ci-dessus, est claire à ce sujet.

[20] Il est de plus établi qu’en raison de la rareté de contingent en acériculture dans un contexte de forte demande, les PPAQ veulent encourager les producteurs à produire le contingent qu’ils obtiennent et décourager la spéculation. L’ensemble de la réglementation est claire quant à la poursuite de cet objectif. L’obligation d’exploiter personnellement un contingent d’agrandissement pendant une période de trois ans poursuit précisément cet objectif.

[21] La preuve démontre que l’actionnaire qui détenait le contrôle du CAM et qui exploitait les entailles était au courant de cette exigence pour conserver les 2 028 entailles. Il est également établi que c’est en toute connaissance de cause – qu’elle perdrait ces entailles au moment du changement de contrôle du CAM – que la SERV a fait l’acquisition des actions.

[22] Le changement de contrôle du CAM intervenu le 1er juillet 2018 par la vente de toutes les actions de François Gaudet à la SERV est incontestable. Or, c’est ce qui est expressément visé par la réglementation, la Régie ne peut que le constater. Le contrat d’embauche signé par l’ancien actionnaire n’y change rien. Il y a eu changement de contrôle, et la condition requise pour conserver les entailles allouées dans le cadre du projet d’agrandissement n’a pas été respectée puisque ce changement est intervenu moins de trois ans après l’obtention du nouveau contingent .La Régie ne peut faire droit à la demande du CAM et de la SERV.

- L’exemption

[23] Le pouvoir de la Régie d’exempter une personne impliquée dans la production ou la mise en marché d’un produit agricole de l’application de dispositions réglementaires est prévu au paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 36 de la Loi, lequel se lit ainsi :

36. La Régie peut, aux conditions et pour la période qu’elle détermine :

exempter de l’application totale ou partielle de l’acte constitutif d’une chambre, d’un plan, d’un règlement ou d’une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société engagées dans la production ou la mise en marché d’un produit agricole ou la mise en marché d’un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits;

[24] La Régie constate qu’accorder l’exemption demandée irait à l’encontre des objectifs poursuivis par les PPAQ et mentionnés plus haut, à savoir d’exiger que le contingent d’agrandissement soit conservé et exploité pendant au moins trois ans avant qu’un changement de contrôle n’intervienne.

(5)

[25] Il convient de rappeler dans quelles circonstances la Régie peut exercer le pouvoir d’exemption qu’elle détient.

[26] Dans la Décision 11688 du 17 septembre 20194, la Régie a résumé ainsi les éléments qui la guident dans l’exercice de son pouvoir :

[29] La Régie a établi au fil des ans quelques principes généraux quant à l’exemption prévue à l’article 36 de la Loi, que l’on peut résumer comme suit :

L’exemption ne doit pas être contraire à l’objet de la loi ou du plan conjoint ni venir en opposition à l’intérêt général des producteurs6.

Les autres producteurs qui sont dans une situation semblable doivent également être en mesure de demander une exemption7.

L’exemption ne doit pas avoir pour but de contourner des normes réglementaires contraignantes8.

Le pouvoir d’exempter est discrétionnaire, et seule la Régie peut l‘exercer. Il est réservé à des situations exceptionnelles9, bien précises et doit être interprété strictement10.

Le fardeau de convaincre la Régie du bien-fondé de l’exemption repose sur celui qui en fait la demande11. Il est beaucoup plus difficile d’accorder une exemption à une personne qui souhaite faire passer ses intérêts avant ceux des autres12. La Régie sera plus souple dans le cas d’une personne qui recherche un avantage qui n’enlève rien à personne13.

____________

6 RMAAQ, Décision 5044 du 9 janvier 1990, Décision 9022 du 16 juin 2008, Décision 9772 du 7 octobre 2011, Décision 9916 du 20 juillet 2012, Décision 10740 du 18 août 2015, Décision 10914 du 22 juillet 2016.

7 RMAAQ, Décision 9747 du 18 août 2011, Décision 9786 du 1er novembre 2011, Décision 9839 du 27 février 2012, Décision 10630 du 17 février 2015, Décision 10914 du 22 juillet 2016.

8 RMAAQ, Décision 11292 du 31 août 2017.

9 RMAAQ, Décision 5044 op. cit. note 6, Décision 9786 op. cit. note 7, Décision 9916 du 20 juillet 2012.

10 RMAAQ, Décision 7794 du 2 mai 2003, Décision 8707 du 13 octobre 2006, Décision 10060 du 17 juin 2013, Décision 10630 op. cit. note 7, Décision 10914, op. cit. note 6.

11 RMAAQ, Décision 11316 du 9 novembre 2017.

12 RMAAQ, Décision 9747 op. cit. note 7, Décision 9756 du 26 août 2011, Décision 9974 du 18 janvier 2013, Décision 10388 du 14 avril 2014, Décision 11258 du 28 juin 2017.

13 RMAAQ, Décision 10630 op. cit. note 7, Décision 11258 op. cit. note 12.

[27] En tenant compte du fait que l’obligation d’exploiter le nouveau contingent pendant au moins trois ans vise à empêcher la spéculation et constitue une norme contraignante pour tous les producteurs, la Régie ne saurait, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’exemption, mettre de côté cette règle sans égard aux conséquences pour l’ensemble des producteurs.

[28] Elle ne peut pas non plus assouplir la règle pour y substituer d’autres critères. En agissant ainsi, elle en viendrait, dans les faits, à modifier le Règlement. Ce n’est pas ce que vise l’exercice du pouvoir d’exemption. C’est pourquoi la Régie conclut qu’il n’est pas justifié

4 Décision 11688 du 17 septembre 2019, rectifiée le 12 novembre 2019, Les Élevages Madystar SENC, Ferme Gaé-Laine inc. et Les Producteurs de lait du Québec.

(6)

d’exempter le CAM non seulement de l’application des exigences réglementaires, mais également du respect de l’obligation à laquelle elle a volontairement souscrit.

POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC :

REJETTE la demande de la Société d’exploitation des ressources de la Vallée et du Centre acéricole Matapédien inc.

(s) France Dionne (s) André Rivet

(s) Lucille Brisson

M. Sébastien Jean

Pour la Société d’exploitation des ressources de la Vallée et le Centre acéricole Matapédien inc.

M. Sylvain Bernier

Pour Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec

Séance publique tenue par moyen technologique le 18 novembre 2020.

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