FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1896-1897 S*
IDE LA.
flOMNE PRÉVENTIVE
Dans la Prophylaxie du Paludis
A S <i\SJ-z? ' wf
\ . 2 «77/
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquementle 22 Janvier 1897
PAR
Guillaume - René LA.RTIGTJE
Né àMonbahus (Lot-et-Garonne), le 7 mars 1873
Elève du Service de Santé de la Marine
S MM. LAYET o?nnfr/IL
SABRAZESprofesseur....
agrégéprofesseur
j Juges.Président.
LEDANTEC agrégé.
Le Candidatrépondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI - PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORÏE-DIJEAUX — 91
1897
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS MM. MIGE.
AZAM Professeurs honoraires.
MM.
t PICOT Cliniqueinterne j piTT>pPITRES.
DEMONS.
LANEl-ONGUE.
DUPUY.
Physiologie '.
Hygiène Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABI AS.
FERRÉ.
BADAL.
Clinique externe Pathologie interne...
Pathologie et théra¬
peutique générales.
VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que CO\ NE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
fants P1ECHAUD.
histologie YIAULT.
Clinique
gynécologiqueBOURSIER.
AGRÉGÉSJEA
SECTION DEMÉDECINE (Ptttliolog MM. MESNARD. |
CASSAET.
AUCHÉ. |
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
(MM.YILLAR. I . , . \MM.
RIVIÈRE.
Pathologieexterne BINAUD. |
Accouchements.... CHAMBRELENT
\
BRAQUEHAYE |SECTIONDESSCIENCES ANATOMIQUESET PHYSIOLOGIQUES
JMM. PRINCETEAU |
Physiologie MM. PACHON.
"\ CANNIEU. I Histoire naturelle BEILLE.
EXERCICE :
ie interneetMédecinelégcde.) MM. SABRAZÈS.
LE DANTEC.
Anatomie..
SECTIONDES SCIENCESPHYSIQUES
Physique MM.
SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimieet Toxicologie
DENIGÈS.
|COURS COSIPUÉ1IFATAIRES :
Cliniqueinterne des enfants
MM. MOUSSOUS.
Clinique des maladiescutanées etsyphilitiques
DUBREUILH.
Clinique desmaladies des voiesurinaires
POUSSON.
Maladies dularynx, des oreilles etdu nez
MOURE.
Maladies mentales REGIS. ,
Pathologieexterne
DENUCE.
Accouchements RIVIERE.
Chimie
DENIGÈS
LeSecrétaire de la Faculté: LEMA1RE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thèsesqui luisontprésentées doivent êtreconsidérée^ commepropres à leurs auteur», et
qu'elle n'entend leur donner niapprobation niimprobation.
A MES PARENTS
Témoignage de ma profondé affection.
TOUS CEUX QUI ME SONT CHERS
■A MONSIEUR LE DOCTEUR ARNOZAN
PROFESSEUR DE THÉRAPEUTIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
MÉDECIN DES HOPITAUX OFFICIER' DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Hommage reconnaissant.
A MONSIEUR LE DOCTEUR LE DAN TEC
MÉDECIN DE lro CLASSE DE LA MARINE
PROFESSEUR RÉPÉTITEUR A L'ÉCOLE PRINCIPALE DU SERVICE DE SANTÉ
DE LA MARINE ET DES COLONIES
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR LAYET
MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE EN RETRAITE
PROFESSEUR D'HYGIÈNE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
Nous publions dans ce travail un certain nombre d'obser¬
vations que nous devons à l'amabilité des docteurs Taburet et Gaide, nosaînés; nous sommes heureux de leur adresser
nos plus sincères remerciements.
M. le professeur agrégé Le Dantec nous a été d'un grand
secours en nous donnant des conseils éclairés. Nous le
supplions de ne pas voir là l'accomplissement d'une banale obligation officielle. Pendant de longues années, nous avons pu apprécier, et l'homme et le professeur; c'est avec le plus
vifplaisir que nouslui offrons ce témoignage de reconnais¬
sance et de respectueuse sympathie.
M. leprofesseur Layet, dont nousavons suivi avec le plus grand intérêt les attrayantes leçons, a droit à.toute notre gratitudepour son lin enseignement et pour le grand hon¬
neurqu'il nous fait aujourd'hui en acceptant la présidence
de notre thèse.
Bordeaux, 12 janvier 1897.
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INTRODUCTION
Dansla Revue
Encyclopédique
de 181)0 paraissait, enjuinoujuillet, un articlevenant du Soudanen droiteligne etdans lequel l'auteur, une femme d'esprit cependant, traitait avec une légèreté par trop grande la thérapeutique intertropicale:
« Quant à la quinine, il faut croire, au moins pour les siens, à sa vertu préventive » ; tel est,
après
quelques conseils d'hy¬giène, fort pratiques d'ailleurs, l'arrêt formel de Mmo Bon- netain.
De douteràneplus croire, il n'ya qu'un pas.Aux colonies, devant la subite et terrible invasion du mal, on arrive vite à
ne plus croire à l'efficacité du médicament. Que penser, dès lors, d'une substance qui doit prévenir l'un des plus terri¬
bles fléaux, lepaludisme,dans samanifestationlaplusnoire, la fièvre? De nombreuseset très coûteuses expériences ont cependant été faites, qui ont suscité de longues et savantes discussions. La question a»paru assez importante pour être minutieusement examinée; elle est la base de tout un sys¬
tème
d'hygiène
et, si ledoute a pu se glisserdans cetteprati¬que que tant de médecins ont adoptée comme excellente et indispensable aux pays chauds, nous devons faire notre possible pour l'en arracher. Convaincude l'importance de la méthode, nous la préconisons telle qu'elle est établie et pres¬
que officielle auSoudan, heureux en cela si nous pouvons être dequelque utilité à nos camarades et à tous ceux qui doivent affronter les climats tropicaux.
— 12 —
Nous n'avons voulu faire ni l'histoire de laquinine ni celle
du paludisme; mais seulement montrer l'importance de l'administration préventive de la quinine dans cetteaffec¬
tion. C'estunemise au point d'une question de gronde impor¬
tance, discutée tout récemment par des hommesde haute valeur,telsque MM. Laveran, Laborde, Just Navarre, Le Roy de Méricourt.
Notre travail comprend
quatre
parties: Le premierchapi¬
tre contient
l'historique
de la question; nous y avons fait voircorriment la plupart des médecins, exerçantdans la
zoneexotiqueou
paludéennne,en
sont arrivésà
appliquer tous,àpeu de choses
près,
la même thérapeutique. Nous avonspublié dans la deuxième partie les observations desdocteurs Tabuiet et Gaide et c'est sur elles que nous nous sommes basé pour combattre autant que
possible
pointparpoint les opinions contradictoires, discussion qui fait l'objet denotre troisième chapitre.Enfin;
dans nosconclusions,
nous avons tâché de formuler unemédication quiniquepréventive qui, ànotreavis, doit varier suivant les pays.
CHAPITRE PREMIER
Historique de la question. Opinions favorables à la
médication
quinique préventive.
Ce n'est pas d'hier que date la
prophylaxie
quinique du paludisme. En 1717, sousles mursde Belgrade, le comte de Bonneval, à ce qu'en dit Gonzalès, fit distribuer de la poudre de quinquina à chacun de ses hommes, qui purent ainsi résister aux fièvrespaludéennes et continuer lesopérations
du siège.
Plus prèsde nous, dans la première moitié du siècle, les médecins anglais exerçant
dans l'Inde
avaient vu tout le parti qu'ils pouvaient tirer d'une substancemédicamenteuse aussiefficace dans la guérison de la malaria; toutefois les résultats de leurs expériences n'eurent rien de concluant.Lind, cité parM. Longuet dans la Semainemédicale de 1891, dit avoir employé préventivement la poudre de quinquina; mais bien qu'elle ait semblé être d'un bon emploi, les conditions danslesquellescetraitementfut instituéétant des plus défectueuses, il est obligé de reconnaître « qu'il n'existe
encore aucune base sérieusepour formuler une médication dece genre». Morehead.deson côté,fit prendre auxhommes de trois régiments anglais en marche dans les jungles de l'Inde, 13 centigrammes de sulfatede quinine tous les deux
jours etpendant dix jours. Aucun d'euxn'eutla
lièvre;
maison nepeut tirer de ce fait des conclusions sérieuses, car la mauvaise saison était alorspassée et la maladie épargna des corps de troupes restés en dehors de cette mesure.
En 1831, lors de son voyage au
Zambèze, Livingstone se
servit de la
quinine
pourprévenir les accès fébriles, ce fut
envain,« c'est à
peine si elle eut
unefaible influence préser¬
vatrice, dit-il; que nous
prissions ou non de la quinine, la
fièvre revenait «
impartial
».En 1841,
pendant l'expédition du Niger, on ne semble pas
non plus en
avoir retiré de grands services. Malgré son em¬
ploi
à
peuprès constant, Griesinger rapporte que les résul¬
tats furent
déplorables.
Cependant, dans des expéditions ultérieures, la quinine
parut
avoir quelque efficacité. C'est ainsi que, dès 1851, le
docteur Raoul, qui
servait
auSénégal, prescrivait aux mate¬
lotsde retour d'une corvée
de nuit à terre, 0
gr.50 de sulfate
de
quinine. Grâce à cette mesure, la morbidité avait été con¬
sidérablement abaissée. «
Si la quinine n'empêche pas tou¬
jours
la fièvre, écrit-il, elle garantit au moins certainement
de la fièvre
pernicieuse
».A Sierra-Leone, si nous en croyons
Bryson,
vingt matelots envoyés à terre pour y travailler re¬
çurent
et prirent du quinquina; l'officier qui les commandait
voulut s'en abstenir, lui seul eut
la fièvre. Sur la même côte,
deuxchaloupesde
YHydra explorèrent pendant quinze jours
la rivière marécageuse
le Sherbo
;leurs équipages prirent
du
quinquina dans du vin et furent épargnés : en revanche,
une troisième chaloupe,
qui séjourna deux jours seulement
dansla même région, et dont
les matelots s'étaient soustraits
à la mesure
prophylactique, eut tout
sonéquipage attaqué.
Lapoudre
de quinquina fit bientôt place au sulfate de qui¬
nine, et c'est sur
la proposition de Bryson, nous dit M. Lave-
ran
{Revue d'hygiène, 20 mars 1.896), que ce sel fut employé
dans les stationsanglaises
de la côte occidentale d'Afrique.
« On versait une forte solution
alcoolique de quinine dans plusieurs fûts de vin, de façon que 30 gr. de vin renfermas¬
sent environOgr. 25
de sulfate de quinine; les rapports des
médecins anglais
Sibbald, Heath, Henderson, Stuppart,
Hayne,
sont très favorables à cette manière de faire. »
« Unofficier
qui
necroyait
pasà l'action prophylactique
— 15 —
de la quinine, écrit
Sibbald,
refusa d'en faire usage. Il fut le seul qui prit lafièvre,
elle eut une issue funeste ». Et plus loin : « Des hommesdel'équipage
du Phaéton remontèrent le Pongo(Sierra-Leone);
tous prirent du vin dequinine
quo¬tidiennement,
à dosesrégulières.
L'und'eux,
ayant vomi après la première dose, cessa d'en prendre. Il fut le premier à tomber malade; il n'y eut qu'un seul autre cas de fièvre parmi ces hommes. »Au Lagos, Heatli donnait le vin de quinine matin et soir à ses hommes. Tous en prirent, à
l'exception
de deuxaspirantsde la marine et de deux matelots. Ces quatre personnes eu¬
rent de violents accès de fièvre. « De tout
l'équipage
du Tea-zer qui s'élevait à 220
hommes,
iln'yeut que très peu d'au¬tres cas de
fièvre,
et encoreoffrirent-ils très peu de gravité ».Henderson, médecin-major
de laWater-Witch,
raconte quetrente-six hommes del'équipage
envoyés àl'attaque
de Lagos passèrent quatre ou cinq jours dans la rivière. Tous, sauf trois, prirent du vin de quinine durant cetemps
et quinzejours après. Cinq hommes eurentla fièvre : les trois qui n'avaient pas pris de quinineetdeux autres qui avaient fait de graves imprudences. Pendant la môme campagne,Stuppart
fit prendre avant ledépart,
àsoixante-dix-sept
hommes et à leurs officiers un verre de vin de quinine. Un seul s'en abstint, un jeune
officier;
quinzejours après, ileutune violente attaque de fièvre intermittente et lui seul fut malade.
Dans la même région, Hayne raconte que, dans une pre¬
mière exploration sur la rivière de Pongo, il
n'y
eut que quatreaccès bénins sur trente-deux hommes auxquels on distribua touslesjours delàquinine;
que,dansunedeuxièmesur la rivière de Lagos, sur
trente-quatre matelots,
il y en eutdix-sept frappés
de violents accès : on leur donnait de la quinine tous les deuxjours seulement. «On nepeutaffirmer,
dit-il, que la quinineprévient
toujours lafièvre;
mais,quand elle ne la prévient pas, elle en atténue du moins la gravité. »Fonssagrives
rapporte le cas suivant, cité par Gestin. A— 16 —
Assinie, surla
côte ouest d'Afrique, les officiers de la Péné¬
lope, faisant
uneexcursion dans la rivière marécageuse le
Tanoë, prirent
du sulfate de quinine à l'exception d'un seul,
commissaire de la marine,
qui
sefiait à
sonimmunité habi¬
tuelle. Huit jours
après, il était pris de violents accès de
fièvre bilieuse. Deux
seulement parmi les autres éprouvè¬
rentun léger
malaise.
En 1854, le
Médical Times and Gazette, de Londres, publie
les
Rapports médicaux de la marine britannique, et Van
Buren nous donne là des
renseignements précieux
:Les équipages
des navires faisant le service entre New-
York et
Aspinwal (Panama) étaient fortement éprouvés par
les fièvres
palustres. A l'arrivée à Aspinwall et pendant la
durée du séjour
dans
ceport,
onfit distribuer à ces hommes
une
préparation de vin et de quinine sous le nom de bitter.
Lesrésultats
dépassèrent toutes les espérances. David Iload-
leyfit
de même distribuer de la quinine aux employés du
chemin de fer de Panama
et n'eut qu'à
seféliciter de cette
heureuse innovation.
Dans sa relation d'un voyage en
Afrique, voici
ceque nous
dit Baikie : « Le
grand progrès moderne consiste dans la
découverte de ce faitque non
seulement la quinine guérit,
mais qu'elle
préserve réellement et qu'en prenant ce précieux
médicament dans les
localités malsaines,
onpeut
ensortir
sain et sauf». Résultat bien
plus probant
encore ;Hutchin-
son, un
explorateur africain, fait prendre de la quinine à
tousles Européens
pendant 140 jours et conclut de la sorte :
« Je n'ai pas reconnu
d'insuccès dans un seul cas ; lorsque
quelques-uns
de
nosofficiers, pour ne pas avoir pris delà
quinine régulièrement, eurent quelques légères atteintes de
fièvre rémittente, l'accès
céda toujours
autraitement appro¬
prié avec
des doses de quinine portées jusqu'à dix grains.
Les
symptômes disparus, je revenais à la dose primitive ».
Aux ilesAndaman, ledocteur
Mouat
nepermettait jamais à
unhomme de descendre
à terre
sansavoir pris une certaine
quantité de quinine et cette mesure a donné des résultats
extrêmement
favorables.
- 17 —
En 1855 cependant, à l'occasion de la guerre de Crimée, l'emploi de la quinine à titre préventif ne parut pas donner de bons résultats. «Les hommes la refusaient, dit John Hall, l'accusant de les rendre malades». Mais, en 1859, pendant l'expéditionde Chine, les Anglais n'eurentqu'àenbénéficier.
Dès 1861, le professeur G. Wood, de
Philadelphie,
admetcomme démontrée l'action préventivede la quinine dans le paludisme, et les docteurs H.-W. de Saussure (de Charles-
ton)
et J.-S. New Berry citent des exemples remarquables de l'efficacité de cette prophylaxie, dans VAmerican Journal of Médical Sciences.Des documents d'une précision remarquable nous sont fournis par VHistoire
médico-chirurgicale de la
guerre de Sécession etsignés duchirurgien-major
Smart. Bien que da¬tant de 1888, époque assez éloignéede celle de laguerre
(1865),
les renseignements médicaux sont des plus complets. L'ar¬
mée des fédéraux, sur le rapport de médecins expérimentés, tels que Van Buren, Chamberlain, Wilson, Hamlin, Bradt, David Merrit, Thompson, Maylert, Bâche, Swift, fut abon¬
damment pourvue de quinine que l'on distribua préventive¬
ment. Les troupes confédérées, de leur cô.té, se prémunirent
de la même façon et dans le même but; J. Jones, Warren, Samuel Logan obtinrent de très beaux résultats. Un seul cri discordant, dit M. Longuet, dans l'ensemblede
témoignages
motivés et formels des médecins des deux armées: ce fut
l'opinion de l'aide-chirurgien Woodhull qui déclara la qui¬
nine « unprofitable» et même «detrimental». Sa seule objec¬
tion est que la quinine était administrée dans de l'eau-de-vie et pouvait, de cette façon, favoriser l'alcoolisme. Les méde¬
cins américains donnaientquotidiennement0gr. 25 de qui¬
nine; ils ne comptaient plus que 19 0/0 de
fiévreux,
au lieu de 580/0, et encoreexpérimentaient-ils
dans des contrées où le paludismesévissait
avectouté
sa rigueur. Toutefois, la gravité des cas nesemblait
pasdiminuée;
peut-être cela tenait-il àl'insuffisancedes doses. «L'expériencede la guerre d'Amérique, dit M. Longuet, aété
concluante, décisive, enfaveur del'emploi préventif de la quinine. »
Lartique 2
*
Beaucoup de médecins de la
marine française
semontrè¬
rent d'ailleurs du même avis. M. le professeur
Layet, alors
médecin-major duTalisman (1865-1868),
asoumis l'équipage
à l'influence dela
quinine préventive, pendant toute la durée
d'une campagne sur
les côtes occidentales du Mexique (Aca-
pulco, Sanblaz,
Manzanillo, etc.). Il n'a
eu quetrès
peude
cas à enregistrer. Avec Fonssagrives et H.Rey, les docteurs Mo-
rani
(1865), Ch. Gaillard
etSiciliano (1870) furent dans leurs
thèses des plus affirmatifs. Le
docteur Thorel, dans
sesnotes
médicalesduvoyage
d'exploration duMékong (Th. Paris, 1870),
nous renseigne sur la
thérapeutique qu'il employait
:il
donnait à ses hommes, sitôt que les
prodromes de la fièvre
étaient reconnus,
l,gr. 50 de sulfate de quinine la veille ou
Lavant-veille de l'accès ; mais il nes'en
tenait
paslà
;toutes
les fois qu'on venait de traverser un
marais
ou uneforêt
humide, il prescrivait en
arrivant, le soir,0
gr.60 à 0
gr.80 à
titre purement
préventif. Ceux de
ses compagnons qui s'étaient astreints à la mêmeprécaution échappèrent
comme lui auxfièvres palustres.
Dans la
première
partiede la
guerreentreprise
parles
Anglais contreles Achantis (1872), les résultats médicaux
ne furentguère encourageants. Le
rapport du médecin
en chef, AnthonyHome, estempreint de la plus amère désillu¬
sion: « Les résultats de l'administration
préventive de la
quinine ontété des plus douteux. C'est
avecregret et dési¬
rantbien sincèrement me tromper,
qu'il
mefaut reconnaître
que la
quinine n'a
aucunevertu prophylactique
».Quand
l'organisation de la campagne
fut complètement terminée et
que le
service médical fonctionna
avecla plus grande
régularité lessuccès furent indiscutables. C'est grâce à la
quininepréventive
quele général Wolseley put faire fournir
à ses liommes une marche de 33 kilomètres, marche qui
décida delà victoire ettermina presque
l'expédition. Cepen¬
dant, il faut bien avouer, comme le
dit
M L.Colin,
quela
campagne fut
faite pendant le mois de
mars,le seul moment
de bonne saison sur la Côte d'Or. D'ailleurs, d'autres méde-
— 10 —
cins dela marine anglaise, Thomson, Lucas, Gore, assurent que les résultatsobtenus ontcausé un « considérable desap- pointment » ; certains corps de troupes ont eu, sur la Côte d'Or, une grande partie de leur effectifatteint par la fièvre.
Aux Indes, Staples dans le Puchmurree (1871), le chirur¬
gien Mac Namara pendant l'expédition du Sunghie-Ujong (1874), Gollis, pendant celle de Laroot et Perak (1876); au Zoulouland, Woolfryes
(1879)
avaient expérimentéla quinine, maisavecinsuccès. «Il faut bien dire, écrit M. Longuet,qu'ilsfaisaient
beaucoup
moins de la prophylaxieque de la théra¬peutique». Et, d'ailleurs, les doses qu'ils
employaient
étaient beaucouptrop faibles, puisqu'ils ne donnaient que 0 gr. 20 tous les deuxjours.Jilek, de Pola
(Istrie),
rapporte le fait suivant : 736 soldats sont logés dans une même caserne en pays palustre;500 d'entre eux prennent
chaque
matin 0gr. 10 de sulfate de quinine, 18 0/0 seulement ont des fièvres légères; les 236 hommes qui n'avaient pas pris de quinine fournissent 28 cas defièvre par 100 hommes(Wochenbl.
cler Gesellsch.cl.
Titien.
Aertz, 1870).En
188!,
Nielly(Eléments
depathologie exotique)-,
en 18S6, Keisser, et en 1888, Bizardel, dans leurs thèsesinaugurales,se montrent de ferventsadeptes de la médication préventive.
Bizardel rapporte le fait suivant cité par le docteur Delislc, médecin-major de la flotille du Sénégal ;
(trois
canonnièresremontent le fleuve; l'équipage d'une seule prend 0 gr. 25 de quinine parjour, il est
incomparablement
moinséprouvé
que celui des deux autres. Bizardel, embarqué lui-même sur le Dumont-d'Urville, donne préventivement 0 gr. 25 de qui¬
nine parjour
à
chacun deses hommes, chaque fois que lenaviretouchait un point dangereux delà côte ouest d'Afri¬
que; il eut
très
peu de malades. Sur la flotille du Niger, le docteur Bellamy, à ce que nous dit Bizardel, fit prendre àtous les matelots de la canonnière le
Niger
de la quinine à titre préventif. Qu'arriva-t-il? C'est que, malgré la mauvaise saison et les travauxles plus durs sous le plus chaud dessoleils, il y
eut très
peude
casde fièvre, et que, d'autre part,
les équipages
du Phaéton et de l'Archimède, restés en dehors
de cettemesure, furent
décimés
parla malaria.
Le docteur Nicolas, ancien
médecin de la marine, fort
d'une
expérience qui datait de la campagne du Mexique, fît
prendre préventivement de la quinine aux ouvriers du canal
de Panama
(1888) et eut de beaux succès»
Nousempruntonsau
bel article de M. Laveran, sur la Pro¬
phylaxie du paludisme, le fait suivant, rapporté par Grœser,
qui a
expérimenté le traitement préventif à Batavia. Le port
de cette ville,
Tandjouk-Priok, est infecté de paludisme à un
tel
point
quebeaucoup de capitaines hésitent à y toucher;
on citele cas d'un
navire anglais immobilisé pendant de
longs
mois,
parl'envoi à l'hôpital de tout l'équipage. Deux
navires marchands
firent cinq traversées de Hollande à
Batavia et
séjournèrent à Priok; le soir de l'arrivée, on don¬
nait àchaque
matelot 1 gramme de sulfate de quinine dans
du
genièvre et
onrépétait la même dose les 8e, 12e et 16e
jours; on
donnait seulement 0 gr. 50 les 10e et 14e. Sur 78 per¬
sonnes,6
seulement ont la fièvre après un premier séjour;
9 sont atteintesaprès un
deuxième séjour. Il
yeut un décès
par
accès syncopal.«La quinine administrée préventivement,
dit Grœser,
diminuait d'une façon évidente le nombre et la
gravité
des
cas »(Berlin. Klin. Wochenschr., 1888). Grœser
fut remplacé
à bord
parle docteur Buwalda ; celui-ci fit
observer si bien le
traitement préventif, qu'il n'y eut pas un
seul cas de fièvre
pendant toute la traversée de retour. Seuls,
deuxofficiers,qui
n'avaient
pasvoulu s'y soumettre, présen¬
tèrent des fièvresgraves
et très rebelles. Il donnait 1 gramme
de
quinine avant d'arriver à Priok et la même dose trois fois
par
semaine pendant toute la durée du séjour dans ce port
{Berlin. Klin. Wochenschr., 1889),
Dansle SudAlgérien,
à Ouargla, le docteur Lanel faisait prendre à chaque homme de la garnison, 0 gr. 30 à 0 gr. 40
desulfatede
quinine deux fois
parsemaine. Cette année-là
(1888), il
yeut deux fois moins de fiévreux que les années pré-
cédentes ; un officier sur quatre a la fièvre et
c'est justement
le seul qui ait refusé de prendre de la quinine; Cette mesure
se généralisa et, en 1891, 1892 et 1893, la quinine
fut donnée
d'une façon préventive
à Constantine, Lambèse, Guelma,
Tuggurth, Biskra, Batna,Sidi-bel-Abbès,
Mostaganem. Par¬tout les résultats furent bons.
Pendantl'expédition du Dahomey,
les médecins du
corps expéditionnaire n'eurentqu'à
selouerdes heureux effets de
la prophylaxie quinique. C'est ainsi que
le docteur Barthé¬
lémy nous apprendque chez les
sous-officiers européens, il
n'y eut pas un seul cas d'exemption pourfièvre palustre,
mais ces hommes suivaient à la lettresa prescription et pre¬
naient religieusement 10 à 20 centigr. de sulfate de quinine,
selon quelajournée devait être plus oumoins
fatigante.
Ledocteur Saint-Macary, qui a fait la
même
campagne, asé¬
journé pendant une
année entière
dansl'intérieur du
pays, passant environ huit mois dansla forêt vierge,
«véritable
laboratoire de poisonpaludiquô », comme
le dit
avecraison
M.Vallin, et le reste en colonne dans le Haut-Dahomey. Du jour où il a pu administrer la
quinine à titre préventif, il n'a
pas observé un
seul accès pernicieux. Or, les conditions dans
lesquelles il setrouvait étaient des plus mauvaises
; « nous vivions, écrit-il, en pleine forêt vierge,mijotant dans le
pa¬ludisme». Et plusloin : « Commeje tenais constamment
la
main à ce que la quinine fût toujours
régulièrement donnée,
la conclusion meparaît la suivante :
l'administration de
la quinine commeprophylaxie du paludisme est efficace, elle
écarte l'accès pernicieux et c'est
déjà
beaucoup. »Sézary et
Cornebois
ont,dans la province d'Alger, obtenu
d'excellents résultats de cette médication; ils ont pu ainsi maintenirles habitants dans un état de parfaite santé. Sé¬
zary
formulait ainsi l'emploi de la quinine
:prendre tous les
jours à l'un des repas, 0gr. 15à
0gr.20,
maisjamais davan¬
tage. Quant à Cornebois, il
donne, dans
sathèse (1894),
desobservations qui démontrent également l'efficacité de la qui¬
nine administrée d'une façon
préventive, à
ladose
de 0gr. 15 à 0 gr. 20parjour.A cette listedéjà
longue d'observateurs compétents,
nous pouvonsajouter les nomsdu docteur Bertrand, médecin de
la marine, du docteur Dubergé, qui
concluent tous dans le
même sens. A Mojunga, d'après le
docteur Quennec, les
cas de fièvre ont été nombreux malgré l'emploi dela quinine,
mais ils n'ontpas étégraves
et les troupes de la marine ont
pu
être employées à des travaux de terrassement
sansqu'on
ait observé un seul accèspernicieux. Au
Tonkin, pendant les
colonnes du Ilaut-Song-Cau
(1895), le docteur Fruitet fit dis¬
tribuer à tous les soldats européens une
dose quotidienne de
0 gr. 20 de
quinine, les résultats furent très satisfaisants;
dans la mêmerégion, le docteur
Bonnefoy n'eut qu'à
selouer
d'avoir adopté une
telle
mesure.Tout dernièrement, dans
son rapport sur la colonne dirigée
dans le Haut-Niger contre
Bossi
(1896), le docteur Manin n'est
pasmoins affirmatif.
Enfin, dans un travail
communiqué récemment à l'Acadé¬
mie demédecine, deux médecins delà marine
dont la grande
expérienceetle profond savoir sont
connusde tous, MM. Vin¬
cent etBurot, seprononcent
formellement
pourl'emploi pré¬
ventif de la
quinine. Ils ont cependant observé à Madagascar,
où ce médicament passe pour
avoir perdu toute efficacité
dans la dernière campagne. Nous savons
tous
avecquel
dévouement lesmédecins du corps
expéditionnaire
sesont
attachés à préservernos
malheureux soldats des atteintes du
terribleennemi, le paludisme.
Mais, il faut bien le dire, dans
un tel pays
où
cefléau revêt
unesi grande intensité, peut-être
les dosesde quinine
étaient-elles de beaucoup insuffisantes.
Peut-être aussi, et c'est de là, nous le croyons
bien,
quevient
l'échec, les soldatsneprenaient-ils
pas avecrégularité les
cachets
qu'on leur distribuait, si même ils
enprenaient.
La questiona été portée,
il
y aquelques mois, à la tribune
de l'Académie de médecine, parle
docteurHenrot (de Reims).
Le rapportdeM.
Maurel (de Toulouse)
aéveillé l'attention de
toutesles célébrités médicales, et M. Laborde, dans un bril¬
lantcommentaire,amontré toutl'intérêtqu'avait la
méthode
prophylactique
et toutesles
ressources quel'on pouvait
en— 23 —
retirer. Il serait donc inutile de traiter plus longuement de
ce sujet, si des voix dissidentes, en même temps que très autorisées, ne s'étaient élevées avec force contre la quinine
* préventive et ne l'avaient proclamée inutile, plus même, dangereuse.
C'est l'opinion de M. P. Just Navarre et nous allons l'exa¬
miner.
Mais, auparavant, nous nous permettrons d'insérer les observations des docteurs Taburet et Gaide. Prises avec le plus grand soin, elles montrent d'une façon irréfutable que la prophylaxie quinique est la méthode de choix dans les pays paludéens. Elle est toujours utile, sinon souveraine;
c'est un point sur lequel nous nesaurions trop insister.
CHAPITRE II
Observations recueillies au poste de Djenné (Soudan) (Dr
Taburet).
Observation I
R..., canonnier conducteur, trente ans.
A faitdix-sept mois à Madagascar, etsept mois à la Réunion, colo¬
nies où il a été traité pour rhumatisme articulaire aigu et endocardite.
Est auSoudan depuis le 22 août 1894.
Prend de laquinine préventive pendant la durée de mon serviceà Rayes, c'est-à-dire jusqu'en octobre 1894. Constipations rebelles pen¬
dant son séjour àKayes.
A Djenné, se porte parfaitement. Quinine préventive depuis juil¬
let1895, à la dose de 0,20 centigrammes avant le principal repas, dissoutedans du tafia. Deuxhivernages.
Observation II
B..., caporal-fourrier, vingt-deux ans.
Pasde colonies antérieures.
Débarqué à Saint-Louis le 22 avril 1894. Arrive auSoudan en octo¬
bre de la même année.
ADjenné, dysenterie qui dure deux mois. Plusieurs accès de fièvre, mais légers.
Depuis le mois de
juillet 1895, prend de la quinine à la dose de
0,20 centigrammes dans
du tafia. N'a
pasété indisposé depuis pendant
l'hivernage.
Observation III
S..., sergent
d'infanterie de marine, vingt-huit
ans.A déjà été au
Sénégal et
auDahomey.
Rentré enFrance pouranémie
paludéenne.
Arrivé à Saint-Louis en novembre 1894, part
aussitôt
pourle Sou¬
dan. S'esttoujours
bien porté avant
commependant l'hivernage.
Prend de la quinine
préventive à la dose de 0,20 centigrammes
chaque jour, au moment
du
repas,depuis le mois de juillet 1895.
Observation IV
P..., adjudant,
trente-deux
ans.Colonies antérieures: Cochinchine et Formose, où il passe
dix-sept
mois et où ilest atteint d'accès pernicieux
algide
etde fièvre palustre.
Tonkin,vingt-cinq mois,
fièvres palustres et accès comateux. Tonkin,
quarante mois,
dysenterie
etfièvre palustre.
Débarqué au Soudan en
novembre 1894,
cesous-officier, atteint
depuis le mois de décembre de
dysenterie, est rapatrié
enoctobre 1895.
sans avoir fait unjour de service.
N'a
jamais
eude fièvre pendant
sonséjour. A pris chaque jour
0.20 centigrammes de quinine dans
du tafia.
Observation Y
Br..., sergent-major
d'infanterie de marine, trente-deux
ans.A fait vingt-septmois enCochinchine et a
souffert pendant
ceséjour
d'hépatite;rapatrié
pouranémie.
Débarque au Sénégal le 12 septembre 1894, arrive au Soudan le 27octobre. Quelques douleurs hépatiques et très légersaccès de fièvre
avantqu'il ne prenne de la quinine préventive.
A partir du mois de juillet 1895, quinine préventive, à la dose de 0,20 centigrammes, dissoute dans du tafia et prise au moment du repas. S'est très bien porté pendantl'hivernage.
Observation VI
Lieutenant d'infanterie demarine, vingt-sept ans.
Colonies antérieures: Dahomey, trois moiset demi, pendant lesquels
ilprend de la quinine préventiveet se porte bien.
Sénégal, deux moiset demi; rapatriépour troubles gastriques, pro¬
bablement neurasthéniques.
Arrivé à Djenné enoctobre 1894. A pris presquetout le temps de la quinine préventive en natureou du tafia quininé. A eu deux outrois
embarras gastriques dontunseul provoque unléger mouvement fébrile qui ne l'indispose qu'un seul jour. Foie très volumineux, débordant de 4 centimètres les fausses côtes.
Observation VII
Docteur X..., médecin-major de la flotille du Niger, vingt-six ans.
Débarqueau Sénégal le 3 juin 1894. Prend chaquejour0 gr. 10 c.
de quinine préventive.
Arrivé à Kayes
(Soudan)
le 13 juillet 1894. Quinine préventive dansdu vin,à la dose de 0 gr. 20. Malgré un service très pénible pendant
cethivernage n'a jamais été indisposé.
A Ivita, où il arrive en octobre 1894, très légeraccès de fièvre
(38°),
après une longue étape sur la route.Atteint Gourao le2décembreet semetaussitôten marchesur Tom- bouctou. Embarrasgastrique et fièvre, indisposition causée surtoutpar la grande chaleurse dégageant de la machine de la canonnière; elle
— 28 —
dure d'ailleurs à peiné deux heures,
la température
nedépassant
pas40°.
A Tombouctou, dysenterie qui dure
trois semaines. Légère conges¬
tion du foie.
Arrive àSégouenjuin età
Djenné
enjuillet 1895.
Depuis le 1er
janvier 1895
a eudeux
outrois légers accès de fièvre
trèsespacés, à
peine 38°,
nel'empêchant
pasde faire son service. Deux
hivernages.
Observation VIII
Capitaine
d'infanterie de marine, trente-huit
ans.Seize ans de ser¬
vice.
Colonies antérieures: Tonkin, Dahomey,
Sénégal.
Atteintde fièvrepaludéenne.
Congestion du foie.
Arrive au Soudan le 13 avril 1894. A souffert de
rhumatisme
pen¬dantla route. Fait un séjour àSégou, où
il arriva très fatigué; fièvre
quotidienne
pendant
unmois. Pendant cet hivernage, prend la quinine
préventiveen
poudre à la dose de 0
gr.20.
Cesse l'ingestionde la
quinine
endécembre. A Djenné, recommence à
enprendre, au mois
de juin 1895,
sousforme de tafia quininé au mo¬
mentdu repas(0 gr.
20). N'a jamais
eupendant cet hivernage que des
indispositions sans
fièvre.
Observation IX
F...,capitaine
d'infanterie de marine, trente-quatre ans.
Colonies antérieures: Madagascar, la
Réunion, Annam, où il souffre
dedysenterie,
de diarrhée rebelle qui
necède qu'à quatre ans de trai¬
tement, de fièvre et de
rhumatisme d'origine paludéenne. Rentré de
Madagascar et
de la Réunion
pourcachexie palustre.
Débarque àDakar en
avril 1894,
passecinq mois à Saint-Louis et
partpour
Djenné
enoctobre 1894. Dès
sonarrivée à Kayes, a pris très
- 29 —
régulièrement 0gr. 20 de quinine préventiveen poudre ou en solution alcoolique.
Deux ou trois mouvements fébriles très légers depuis son arrivée.
Appétit réellement remarquable.
Observations recueilliessurla flottille duNiger (Soudan).
(Dr
Taburet).
Observation I
H..., lieutenant de vaisseau, trente et un ans.
Colonies antérieures : Tonkin, Madagascar.
Fait un séjour ininterrompu de deux années au Sénégal et de quatre annéesau Soudan, d'où ilrepart en civière après un accès de
bilieusehématurique.
Arrive à Kayesen février 1894. A Ségou, où il est au mois de mai suivant, légère indisposition; pendant le voyagede Ségou à Gourao, huitjours d'embarras gastrique
fébrile.
Commence la quinine préven¬tive enjuin 1894
(chaque
jour 0 gr. 20 dans du vin ou mieux du tafiaau moment du
repos).
Part pourTombouctouoù, de juin à novembre,en plein hivernage, il faitunenavigation fatigante avec les chalands de laflottille, surles grands lacs des environs de Goundam,mouilléparles tornades queles paillottes des chalands laissent passer. Séjourne quel¬
que temps à Kabara, dans les
marais
de I)aye : surle Dhebo à Gourao,de décembre 1894 à mai 1895.
Quitte le Soudanet rentreen Franceen juillet 1895, sans avoir eu,
depuis qu'il s'est
mis
aurégime de la quinine préventive,
le plus petitmouvement fébrile.
Observation II
I)e B..., enseigne de vaisseau, vingt-huitans.
Vientdu Sénégal, oùilest déjà depuisquinze mois.
Arriveau Soudan aucommencement
de l'année 1894. Circule sur le
fleuve pendant
l'hivernage
;séjourne à Daye, Kabara, Gourao. A Ka¬
bara; un accès pernicieux
précédé de plusieurs accès ordinaires, de
moyenne
intensité.
Cetofficier,qui
prenait très irrégulièrement sa quinine préventive, si
même ilenprenait, dut
être rapatrié
pourcause de santé au mois de
décembrede cettemême année.
Observation III
DocteurF..., médecin de 2eclasse
des colonies, vingt-cinq ans.
Arrive au Soudanenjanvier
1894.
Occupe
jusqu'en décembre le poste de médecin de la flottille, en atten¬
dantl'arrivée du titulaire et fait du
service à bord et à terre, à Guidio,
Gourao, Daye et
Kabara.
Occupele poste
de Djenné de décembre 1894 à juillet 1895. (A donc-
fait unséjour
de dix-huit mois pleins
auSoudan.)
Soumis àlaquinine
préventive pendant tout ce temps, cet officier est
rentré en France, sans avoir eu
la moindre manifestation mala¬
rienne.
ObservationIII
B..., enseignede
vaisseau, vingt-sept
ans.Arrive auSoudanen février 1894.
En mars, partpour
Ségou, Guidio, Gourao, où il commence en juin
de prendre
de la quinine préventive. Dirigé sur Saraféré, Kabara, il ex¬
ploreen
plein hivernage différents affluents ou marigots du Niger dans
un chaland des moins
confortables. Séjourne
assezlongtemps à Kabara,
Daye et
Mopti.
N'a présenté
jusqu'à
sarentrée
enFrance (juin 1895) que cinq ou
six heures
d'indisposition,
avec unléger mouvement fébrile.
Observation IV
R...,deuxième maître mécanicien, quarante-troisans.
Vint-cinq ans de service. Arrive au Soudan en février 1894.
A Ivayes, fait un séjour d'unmois et demi à l'hôpital pour fièvre.
A Guidio
(mai),
au moment de la plus forte chaleur, est employé aux travauxlesplus pénibles dans lavase et en plein soleil, réparant lescanonnières échouées.
Prend de la quinine préventive dès le débutde juin 1894. Pendant
onze mois de séjour,n'a eujusqu'à sa rentrée en France, en mai 1895, qu'une légèreindisposition.
Observation V
Pr..., deuxième maître de manœuvre, trente-trois ans.
Arrive auSoudanen février 1894.
Malade à Kayes et à Kita. Pendant le reste de la route, jusqu'à Guidio, est repris par une dysenterie qui date d'un séjour précédentau Tonkinetlefatigue aupoint de mettre sesjours en danger; serétablit
en mai 1894, et, àpartir de juin 1894, est soumis à la médicationpré¬
ventive.
De décembre 1894 à février 1895, quelques poussées congestives du
côté du foie.
Mais, en somme, après avoir fait en plein hivernage les voyages de Tombouctou, Ségou, Goundam, est rentré très bien portant en mai 1895.
Observation VI
L..., quartier-maître demanœuvre,trente-deuxans.
Après un an de séjour auSénégal, arrive au Soudan sanscongé préa¬
lable.
Au mois demai 1894, il doit faire,
matin et soir,
untrajet de six kilo¬
mètres, entre Gouraoet
Guidio, et travailler dans les vases, surchauffées
par le
soleil le plus fort de l'année, à la réparation des canonnières.
Soumis,depuis le
mois de juin 1894, à la quinine préventive, rentre
en France en mai 1895, après
vingt-neuf mois de séjour total, très
anémié, il estvrai, maissans
avoir jamais été indisposé.
Observation VII
W...,
quartier-maître fourrier, vingt-quatre
ans.Après un an
de séjour
auDahomey et
auSénégal, arrive au Soudan
en mars 1894 etsesoumet àla médication
préventive dès le mois de juin
delà mêmeannée. Suitsoncommandant dans toutesses
expéditions et
ses explorations.En mai 1895, deuxjours
d'embarras gastrique
sansfièvre et rentre
trèsbienportantau
mois de juillet suivant, après vingt-neuf mois de
séjour
total.
Observation VIII
S...,
quartier-maître mécanicien, vingt-quatre ans.
Arrive au Soudanen mars 1894, aprèsun an
de séjour
auDahomey
etau Sénégal.
Quininepréventive à
partir de juin 1894. N'a jamais été malade, bien
quesaprésence
dans les chambres des machines des canonnières, dont la
température
était très élevée, le mît c^ans
unétat d'infériorité très mar¬
quée. Rentre en
mai 1895 très bien portant.
Observation IX
G..., fourrier, vingt-quatre ans.
Est au Soudan depuis février
1894
et sesoumet, dès le mois de juin
delamême année, àlaquinine
préventive.
Pendantson
séjour
à la Flottille, a été plusieurs fois légèrement indisposé, sans présenter de mouvement fébrile. Mais, d'un tempéra¬mentlymphatique, il estrapatrié dansun état d'anémie très prononcé, aprèsun séjour de vingt-cinq mois.
Observation X
M..., ouvrier mécanicien, vingt-quatre ans.
Adéjà fait un an de séjourau Sénégal. Passeun an à la Flottilleet séjourne successivement à Tombouctou, Gourao, Guidio.
Gravement anémié par une suppuration assez considérable, suite d'une blessure par arme àfeu àla main gauche, il se rétablitet quitte
laFlottille en février 1895.
A partir de juin 1894, a pris quotidiennement sa dose de quinine préventive etn'a jamais eu d'accès paludéenjusqu'à son départ.
Observations recueilliesau postede Ségou (Soudan. Région N-Ej
(D,r Gaide)
Observation I
Henri II..., brigadierd'artillerie de marine, vingt-quatre ans.
Colonies antérieures : Sénégal, séjour de quinze mois, où il a eu à Kaëdi plusieurs accès de fièvre intermittente et à Saint-Louis un accès pernicieux. Plusieurs crises hystéro-épileptiquespendant ce séjour.
Est auSoudan depuis ao.ùt 1894. A Kayes, accès fébrile. De Kayes à Ségou, diarrhée continue. Arrivé à Ségou en novembre 1894, il a un accèspernicieux ;puis est atteint en avril 1895 de troubles dyspeptiques
et defièvre rémittentequi dure huit jours.
Lartique 3