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Utopies vertes : résurgence de l'utopie au XXIe siècle ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01658061

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01658061

Submitted on 7 Dec 2017

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Cyril Butel

To cite this version:

Cyril Butel. Utopies vertes : résurgence de l’utopie au XXIe siècle ?. Architecture, aménagement de l’espace. 2017. �dumas-01658061�

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UTOPIES VERTES

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ésuRgencede l

utopie au

XXi

èmesiècle

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Sous la direction de Jean-Louis VIOLEAU

Cyril BUTEL

Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes Juin 2017

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Je souhaite adresser mes remerciements à l’ensemble des personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire.

En particulier à Jean-Louis Violeau, directeur de mémoire, pour m’avoir accompagné tout au long de ce travail, pour ses conseils avisés et pour le temps qu’il m’a accordé .

Egalement à ma famille et à mes amis pour leur soutien et leur aide précieuse.

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Écologie - Utopie. Derrière les apparences, la nature et le rêve, se cachent des réalités bien plus complexes qui dépassent souvent le simple champ auquel ces thématiques peuvent être couramment associées.

Le mémoire qui suit se positionne dans la continuité de travaux, réflexions et lectures que je mène maintenant depuis quelques années sur l’écologie et l’utopie ainsi que sur les systèmes de pensées qui y sont associés. J’essaye de livrer une analyse aussi complète que possible de l’un des nombreux phénomènes associés à l’écologie moderne, les utopies vertes, en prenant une posture, non pas de fervent croyant, mais d’observateur critique.

Il s’agit avant tout pour moi de satisfaire une certaine curiosité à l’égard de ces projets et de ce qu’ils impliquent réellement et de remettre en question le courant écologique moderne ainsi que la réalité qu’il peut parfois masquer. Ce travail d’analyse est d’autant plus intéressant à titre personnel, que j’ai eu l’occasion dans le cadre de mes études de réfléchir au projet d’une utopie verte, exercice qui s’est avéré plus complexe que prévu mais extrêmement révélateur quant aux difficultés inhérentes à ce mécanisme de conception et à ses dérives possibles.

A la manière d’une étude que j’ai pu précédemment réaliser sur les différents courants écologiques, je tente ici de déconstruire les nouveaux modèles que représentent les utopies vertes au travers du prisme des utopies historiques et grâce à une analyse comparée des travaux de deux utopistes contemporains, Vincent Callebaut et Luc Schuiten. avant-pRopos

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1.

intRoduction

1962-1987

Le rapport Brundtland

Du rapport Brundtland à 2007, une prise de conscience généralisée ? Le cas Hulot

Utopies Vertes

2. naissancedes utopiesveRtes

3. lesutopistes : vincentcallebaut faceà lucschuiten Introduction

Schuiten le rêveur... ...face à Callebaut le réaliste Deux visions du «vert» Callebaut Technicien Schuiten et l’Archiborescence Archibiotic face à Archiborescence Sociétés vertes ? Exemplum et critique conclusion bibliogRaphie

s

ommaiRe

p22 p31 p36 p44 p46 p56 p60 p66 p72 p74 p84 p92 p94 p102 p7 p107 p112

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INTRODUCTION

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Île d’utopie, gravure réalisée par Ambrosius Holbein pour la première édition De optimo reipublicae statu deque nova insula Utopia

Ile d’utopia, gravure, Ambrosius HOLBEIN, 1516

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topie, synonyme pour beaucoup de fantasme, d’irréalisable, de rêve, ce terme désigne en réalité bien plus que cela. Il ne s’agit pas simplement de quelque chose de fou mais plutôt d’une représentation idéale ayant un véritable but sous-jacent.

« L’utopie n’est pas l’irréalisable mais l’irréalisé » Citation attribuée à Théodore Monod

Le mot, néologisme utilisé par Thomas More dans son ouvrage éponyme*, est une construction tirée du grec ou-topos signifiant, si l’on traduit littéralement, « en aucun lieu » ou si l’on se base sur la phonétique eu-topos qui veut alors dire « le bon lieu », il y a sans aucun doute un peu de chaque dans ce qu’imagine More . On pourrait voir deux raisons à cette appellation, une première étant que cette île imaginée par More est une construction imaginaire et idéale, qu’il détache de la réalité (la perfection n’étant par essence pas réelle), une seconde, plus terre à terre, étant qu’en passant par une fiction il peut contourner la censure.

Toujours est-il que depuis ce premier usage du terme, celui-ci a été associé à un mécanisme, un système permettant la critique d’une réalité et/ou la construction d’un idéal en se détachant de la réalité. C’est une manière de prendre du recul vis-à-vis du système dans lequel l’auteur vit et donc de pouvoir le re-questionner de manière globale. André Gorz dirait que « l’utopie [...] a pour fonction de nous donner, par rapport à l’état de choses existant, le recul qui nous permette de juger ce

* MORE Thomas, De optimo reipublicae statu deque nova insula Utopia (que l’on peut traduire du latin par du meilleur état de la chose publique et de la nouvelle île d’Utopie), paru en 1516

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La Tour de Babel. Il s’agit d’une vision utopique, dystopique sous certains points de vue, d’une cité monde où l’ensemble de l’humanité pourrait habiter. Il est intéressant d’observer le retour de ce mythe biblique avec le développement de l’humanisme, au XVIème siècle, qui va alors en retourner son sens originel de justification de la diversité des langues et de mise en garde contre l’orgueil en un rêve d’une société unie appuyée sur la suprématie technique de l’Homme.

La tour de Babel, BRUEGHEL, 1563

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que nous faisons à la lumière de ce que nous pourrions faire. »*. Dans le cas de l’île d’Utopia il s’agit avant tout de critiquer le modèle de société de l’Angleterre du XVème, XVIème siècle, il masque ainsi un grand nombre de ses attaques au travers de la description du modèle social qui régit la vie de l’île qu’il décrit comme idéale. Il montre donc ce que serait la société « parfaite » et par le contraste avec la réalité rend bien compte de son mécontentement au regard de celle anglaise. Il évite ainsi la censure. Mais ce qui est particulièrement intéressant est qu’en parallèle il commence à théoriser une nouvelle forme d’organisation sociale et économique, et cet usage de l’utopie va se répandre. L’utopie permettra ainsi de critiquer le monde actuel –celui de l’auteur- sous couvert d’une fiction tout en théorisant un nouveau modèle de société qui serait le but à atteindre.

On parlera alors d’horizon critique, formation d’un idéal lointain comme objectif. Il s’agit d’imaginer le parfait pour tenter de réaliser le meilleur. L’utopie ne reprend là que le principe même de ce qui nous pousse à avancer tous les jours, à progresser. C’est le fait de s’être imaginé visitant les étoiles qui nous a finalement emmenés sur la Lune. Il en va de même pour le fond des océans (on remarquera la constance avec laquelle Jules Verne participera à la construction de ces rêves). La plupart de nos progrès techniques, lorsqu’ils ne sont pas liés à des situations de guerre sont nés d’un rêve, parfois même des deux. Il en va pareillement de nos sociétés et c’est là que l’utopie prend tout son rôle, elle permet de rêver une civilisation meilleure, image qui pourra ensuite faire germer dans l’esprit de ses lecteurs la volonté de faire changer les choses, ou du moins faire réfléchir sur l’état actuel des choses.

* GORZ André, Misères du présent, richesse du possible, Editions Galilée, 1997

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politico-économique qui est systématiquement particulier. Ainsi Voltaire* et Marivaux** mettront en question respectivement les dérives de la société du XVIIIème siècle (noblesse, commerçants, religieux) et le principe de l’esclavage en montrant deux sociétés nouvelles et parfaites. L’Eldorado de Voltaire, lieu empli de richesse où chacun peut profiter des commodités habituellement réservées à la noblesse en Europe, où l’hébergement des commerçants est pris en charge par l’état et où l’on fait simplement la bise au roi pour le saluer. L’île aux esclaves de Marivaux est plutôt une sorte d’école ayant pour but de réconcilier maître et esclave afin qu’ils se rendent compte qu’il n’y a besoin ni de l’un ni de l’autre. Il s’agit des principales préoccupations des utopies humanistes qui se consacreront comme le signifie le terme « humaniste » à la place de l’Homme dans le monde, à ses capacités et aux rapports qu’il entretient avec son prochain.

Au cours du XIXème siècle naitront d’autres utopies liées à d’autres questionnements et en particulier à la révolution industrielle qui transforme alors complétement la société et le travail ouvrant de nouveaux possibles. En réaction vont alors apparaître différentes utopies, marxiste, socialiste, communiste. En revanche on ne peut pas réellement parler d’utopie capitaliste, l’un des premiers auteurs à avoir théorisé le capitalisme étant Marx en analysant le système dans lequel il vivait, il n’y a donc pas eu de démarche utopique à la naissance de ce mouvement, et pour cause, si l’on lit attentivement et de manière croisée les textes de Marx et Du Contrat Social de Rousseau,

* VOLTAIRE, Candide ou l’optimisme, 1759

** MARIVAUX, L’île aux esclaves, 1725

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le capitalisme trouverait son origine dans la formation de toute société humaine suivant le pacte social définit par Rousseau, il s’agirait donc uniquement d’un état des choses existant et non pas une vision nouvelle. Il y aura cependant quelques démarches, courants de pensée qui seront qualifiés d’utopies capitalistes, notamment avec Broadacre City de Franck Lloyd Wright et le fameux rêve américain.

Le marxisme, le socialisme et le communisme naissent donc en réponse à une intensification de ce même capitalisme provoquée par l’industrialisation naissante, et à la poursuite de la lutte sociale engagée lors des révolutions américaine et française. Marx va donc commencer, après avoir largement analysé et critiqué le modèle existant –celui du XIXème-, imaginer ce que pourrait être un système détaché des considérations capitalistes. Il ne posera cependant que des bases de réflexion (ce qui peut poser question quant à la dimension utopique de sa démarche),ne désirant pas imaginer une application totale de sa pensée compte tenu de la complexité des rapports de la société de son temps, mais préférant donner des leviers de compréhension et d’action aux classes « opprimées », à la différence des utopistes socialistes et communistes qui chercheront à appliquer cette « philosophie » à la réalité au travers de leurs utopies qui se réaliseront par la suite, donnant naissance dans un premier temps à quelques projets de petites communauté, et dans un second aux régimes politiques que l’on connaît tous. Deux courants qu’Engels nommera « socialisme scientifique » (ce que je nomme ici marxisme) et « socialisme utopique » (ici socialisme et communisme) - « Socialisme utopique » dont la plupart des conceptions sont d’ailleurs antérieures au marxisme, regroupant notamment les travaux du comte de Saint-Simon et de Charles Fourrier.

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Le Phalanstère tel qu’imaginé par Fourrier représente l’une des premières formes de communauté utopique «concrète», préfigurant les mouvements communistes et socialistes.

Le phalanstère de Fourrier, gravure, auteur et date inconnus

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Voilà un bref tour d’horizon des utopies qui ont pu se développer jusqu’au milieu du XXème siècle, nombre d’entre elles s’étant finalement réalisées (en bien ou en mal), chacune profondément ancrée dans les problématiques de son époque. Il existe toutefois un point commun à toutes ces utopies, c’est la place qu’y jouent architecture et urbanisme.

En effet chacune de ces utopies a imaginé, à son niveau de précision, une architecture, un urbanisme qui lui sont propres et sur lesquels sa société va pouvoir se développer.

« Les utopistes savent que construire une cité,

c’est aussi construire une demeure »

Patrick Lang dans Visite guidée sur les sentiers de l’avenir, Revue 303

Voltaire parle dans son Eldorado d’édifices majestueux, de maisons dignes de palais, tout comme Thomas More décrit l’organisation globale de ses villes, toutes de mêmes dimensions, composées de longues enfilades de maisons de qualité dont les façades sont séparées par de larges rues, etc. Mais c’est sans aucun doute les utopies socialistes et communistes qui pousseront le concept le plus loin, peut-être parce qu’elles ont eu le moyen de s’exprimer concrètement.

Les utopies socialistes notamment au travers de la conception du phalanstère, imaginé par Charles Fourrier, et de sa réalisation, la plus célèbre étant celle de Jean-Baptiste André Godin. Celui-ci se veut comme une île utopique, un village à part où chacun participe à la vie commune au mieux de ses capacités, il prend la forme – dans l’utopie- d’un seul et unique bâtiment long de six cents toises

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une d’honneur, de galeries et d’arcades facilitant les rencontres et de nombreuses pièces dédiées à des activités spécifiques (opéra, ateliers, cuisines, etc…), l’ensemble jouerai alors le rôle d’une petite ville.

Les utopies communistes vont, elles, faire naître une architecture spécifique lors de leur mise en application qui prendra dans un premier temps la forme d’immenses barres de logements collectifs, dont la violence sera ensuite remise en question par les avant-gardes russes sous la forme utopique du désurbanisme –comprendre la ville diffuse- utopie soviétique donc, mais inspirée clairement de Broadacre City, aujourd’hui considérée comme l’utopie capitaliste par excellence, cherchez l’erreur… (Cette utopie ne sera d’ailleurs jamais réalisée en URSS faute de moyens). Ainsi l’utopie communiste donne naissance aux énormes barres de logements, machines à loger fonctionnalistes, seul projet finalement soutenable par l’économie soviétique. Paradoxalement, l’autre architecture qui prend forme avec l’utopie communiste, à l’instar des dictatures du moment, est celle des grands projets publics, alors même qu’en théorie le communisme avait pour vocation l’abolition d’un gouvernement central, son application a conduit au totalitarisme et au fascisme et avec lui aux projets symboliques du pouvoir. Certes on avait déjà eu quelques exemples de cette architecture auparavant avec les palais royaux, les cathédrales mais cela montre une fois encore le rapport étroit entre démarche politique et architecture (et urbanisme), fait encore amplifié par la dimension dictatoriale du régime.

Il est donc particulièrement intéressant de remarquer ce lien qui existe entre les « élites » et l’architecture, comment celle-ci peut servir de

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vitrine à une démarche intellectuelle, un peu à la manière des vitraux dans les églises qui avaient pour but de faire comprendre les grands principes religieux, ces constructions sont la transcription concrète, la partie émergée de l’iceberg des utopies et des politiques que l’on donne à voir à la masse de la population. George Orwell appuie d’ailleurs énormément sur cet aspect-là lorsqu’il décrit sa dystopie*, les différents ministères étant représentés par des architectures spécifiques, liées à leur fonction et surtout bien visible par l’ensemble de la population comme un symbole leur rappelant sans cesse Big Brother. Si l’on se rattache à la France on peut aussi prendre l’exemple des grands projets, le Centre Pompidou, mais surtout les grands travaux du président Mitterrand qui marquent aujourd’hui encore son passage et surtout ont su symboliser sa politique culturelle qu’il voulait pour la France. Cette question de la relation entre architecture, élites et pouvoir serait particulièrement intéressante à traiter en profondeur mais il ne s’agit là que de l’une des facettes du questionnement que je pose.

Après cette période de « réalisation des utopies » qui marque toute la première moitié du XXème siècle, on va assister à un « creux » dans le développement des utopies. Celui-ci est peut être lié à l’échec de la concrétisation des pensées utopiques communistes, socialistes , qui se sont certes bien appliquées, mais ont systématiquement dérivé en régime totalitaire et ont causé la chute économique de leur pays comme le monde entier s’en rendra compte avec le mur de Berlin, à sa construction, le mur ayant pour objectif d’endiguer la fuite de la population, et encore plus lors de sa destruction en 1989, où les séquelles laissées par l’utopie seront bien visibles. Peut-être ce désamour de l’utopie vient-il aussi de la course technologique engendré par la

* ORWELL George, 1984, 1949

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Celle-ci n’aurait alors que peu d’utilité en dehors de la critique, rôle déjà endossé avec soin par les dystopies, celles de Orwell, Ray Bradbury* ou Aldous Huxley** qui se développent dès les années 1930 avec la monté des totalitarismes et justement la dérive des utopies.

N’y aurait donc plus de place pour l’utopie dans la société post-seconde guerre mondiale ? Toujours est-il que les faits sont là, elle a disparu des écrans, on en parle toujours, on la critique, on l’analyse, mais aucun auteur ne se lance dans la formation d’une nouvelle utopie, tout au plus certains conceptualisent ce que pourrait être des morceaux d’utopies ou des procédures d’évolution, je pense là à Ivan Illich ou encore Alberto Magnaghi***.

« Je ne propose pas une utopie normative, mais les conditions formelles d’une

procédure qui permette à chaque collectivité de choisir continuellement son utopie réalisable.»

ILLICH Ivan, La convivialité, 1973

L’utopie a-t-elle définitivement disparue, laissant la place à quelques «utopies » concrètes, locales qui n’en sont donc pas réellement ? Rien n’est moins sûr. Une nouvelle problématique émerge à la fin des années 80, celle du climat, de l’écologie, et de l’activité humaine. Nous revoilà donc dans la droite lignée des humanistes, questionnant notre place – celle de l’Homme- dans le monde, remettant en question notre position

* BRADBURY Ray, 451 fahrenheit, 1953 ** HUXLEY Aldous, Brave New World, 1932

*** MAGNAGHI Alberto, Le Projet Local, Editions Mardaga, 2003, 123 pages

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actuelle, de domination et d’exploitation de l’environnement, mettant au premier plan notre évidente capacité à modifier, à altérer, ce qui nous entoure, craignant que cette capacité nous conduise à détruire l’écosystème permettant notre vie. Le développement soutenable fait son entrée et dans sa traînée suivent les « utopies vertes ». Symboles d’une prise de conscience des élites de la question écologique et résurgence de l’utopie au XXIème siècle ?

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NAISSANCE DES UTOPIES VERTES

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our véritablement comprendre ce que sont les utopies vertes et tout l’arrière-plan qui les sous-tend, il me paraît nécessaire d’analyser l’évolution mondiale qui a conduit à la naissance du développement soutenable, durable dirions-nous en France, terme plus doux à l’oreille. Il est nécessaire également d’analyser la « philosophie » que ce terme renferme, sorte de doctrine humaniste de notre époque. Analyser, encore, les changements que cette conception a engendrés jusqu’ à ce qui me semble être le point d’orgue d’une prise de conscience « écologiste » généralisée, l’année 2007.

Comment donc en sommes-nous arrivés à remettre en question le modèle que nous avions conduit depuis la révolution industrielle et à nous demander si notre société pouvait être pérenne ?

Je pense qu’il s’agit surtout d’un concours de circonstances ou d’une accumulation de faits qui ont commencé à faire douter notre système quant à sa fiabilité, ainsi que de séries d’alertes lancées par différents spécialistes (biologistes, botanistes, zoologistes etc…) et l’apparition flagrante des premières défaillances majeures du modèle.

Dès la fin de la guerre, certains aspects de notre société, on l’a dit, font déjà l’objet d’attaques multiples au travers de différentes dystopies*. Mais d’une part, elles ne se préoccupent pas ou peu de la question écologique (Huxley aborde légèrement le sujet au travers de ses

* 1984, Brave New World et 451 Fahrenheit, respectivement par George Orwell,

Adlous Huxley et Ray Bradbury

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«réserves») et d’autre part, le monde est trop occupé par les tensions de la guerre froide et de la décolonisation qui battent alors leur plein. Il faudra attendre un certain temps pour que les messages d’alertes finissent par avoir leur effet.

Peut-être peut-on considérer comme premier signal celui lancé par Rachel Carson** en 1962. Elle publie cette année-là un ouvrage, Silent

Spring (printemps silencieux), qui va avoir l’effet d’une bombe dans

le milieu industriel américain, dénonçant la destruction de notre environnement par le biais de l’utilisation de différents pesticides et par les rejets polluants émanants des industries. Elle y dresse un état des lieux alarmant, en particulier concernant la dégradation d’espaces naturels « banals » tels que les bords de routes, mais aussi sur les populations d’oiseaux menacés par certains produits. Ce constat, ainsi que les accusations qu’elle lance à l’encontre d’entreprises de chimie, vont d’ailleurs faire d’elle l’objet d’une campagne de décrédibilisation, sans aucun doute lancée par ces mêmes industriels, et dont des éléments ont été relayés par des journaux tel que le Washington Post***. Toujours est-il que cet ouvrage marque pour une grande partie des sphères intellectuelles le début de l’écologisme moderne ou plus exactement d’une prise de conscience écologique.

** Rachel Carson (1907-1964) est une zoologiste et biologiste américaine, elle s’est fait connaître dans un premier temps en tant que spécialiste du milieu marin avec ses ouvrages The Sea Around Us et The Edge of the Sea.

*** « Silent Spring » Drew Faulty Conclusions, House Study Says (« Printemps Silencieux » tire de fausses conclusions, déclare une étude gouvernementale), The

Washington Post, 20 Avril 1965.

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L’aéroport Notre Dame des Landes, projet conçu par Jacques Ferrier, est peut être l’exemple local le plus frappant issu de l’écologie fonctionnelle dénoncée par Arne Naess puis Alberto Magnaghi. En réaction à la crise environnementale commencent à apparaître des projets de ce type, déconnectés du tissu urbain et prônant un écologisme fonctionnel dont l’idée mère est de permettre le maintien de nos modes de vie tout en impactant au minimum l’environnement, équation rendue possible à court terme par les progrès techniques.

Aéroport Notre Dame des landes, Jacques Ferrier Architecture, 2010

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On pourrait effectivement plutôt citer Arne Naess* comme « fondateur » de cet écologisme moderne qu’il développera de manière quasi-parallèle aux travaux de Carson au travers de la « deep ecology », également connue sous le terme d’écosophie, reprise en grande partie dans Our Common Future**. Nous y reviendrons. Celle-ci a pour volonté de remettre en question l’écologie telle qu’elle est en train d’émerger, à savoir une écologie que l’on pourrait dire fonctionnelle et n’ayant pour seul objectif que de nous permettre de maintenir nos modes de vies en impactant moins l’environnement et en réduisant nos consommations de ressources naturelles et nos rejets en tous genres.

Arne Naess tente en réalité de mettre le doigt sur le fait que cette écologie n’est que superficielle et donc inefficace, un peu comme le fera Magnaghi dans la première partie du Projet Local*** une trentaine d’année plus tard, lorsqu’il parlera des différentes approches du développement durable, celle anthropo-centrée, bio-centrée et celle par le milieu.

Dans la lignée de ces lanceurs d’alertes ou premiers penseurs d’une nouvelle conscience écologique, on pourrait encore citer le travail de Garett Hardin**** dans le même mouvement mais surtout la formation du Club de Rome, association de scientifiques, économistes, et autres intellectuels qui livrera en 1972 un rapport sur les limites du modèle

* NAESS Arne, « The shallow and the deep, long range ecology movement. A summary », Inquiry, 1973, p95-100

** HARLEM BRUNDTLAND Gro, Our Common Futur, Editions Oxford University Press, 1987

*** MAGNAGHI Alberto, Le Projet Local, Editions Mardaga, 2003, 123 pages **** HARDIN Garett, « The Tragedy of Commons » (la tragédie des biens communs), Science, 13 décembre 1968

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économique et sociétal de l’époque (et toujours actuel ?) connu sous le nom de rapport Meadows* (Les limites à la croissance en français). Rapport qui posera une véritable interrogation sur la possibilité ou plutôt l’impossibilité de poursuivre avec notre modèle basé sur la croissance, croissance que l’environnement ne serait pas en mesure de supporter l’un et l’autre étant étroitement lié. La croissance se basant sur la production de biens et celle-ci s’appuyant elle-même sur l’exploitation de ressources naturelles, une crise de ces ressources entrainerait nécessairement une crise économique (n’oublions pas qu’il est publié à la veille du premier choc pétrolier). Comment pourrait-on donc continuer à faire des projets dans un monde dont on a mesuré la finitude et où la croissance, en apparence indispensable au progrès, ne pourra pas durer indéfiniment ? On peut aussi voir dans ce texte un prélude à la naissance du mouvement des objecteurs de croissance et à la dualité développement durable/décroissance qui marque toujours l’écologie moderne.

Face à ce nouveau paradigme qui prend peu à peu forme l’ONU décide de lancer son programme pour l’environnement UNEP (United Nation Environment Program) avec pour objectif de s’intéresser à un vaste champ de questions environnementales. On peut cependant noter l’absence d’action remarquable de ce programme avant la création du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 1988 qui découlera directement du rapport Brundtland. La création de l’UNEP en 1972 restera finalement assez anecdotique même si elle

* MEADOWS Dennis, MEADOWS Donella, RANDERS Jorgen, The Limit to Growth, Editions Univers Books, 1972, 205 pages

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marque le point de départ d’un mouvement international.

Ces premiers mouvements presque exclusivement au sein des sphères « intellectuelles » ne vont cependant pas suffire à faire bouger les choses, et pour cause, ces travaux ne touchent pas le « grand public » mais uniquement une sphère d’initiés, ou tout au moins n’ont pas d’impact suffisamment visible pour provoquer l’attention des populations et par conséquent pour faire agir concrètement les sphères politiques. C’est sans aucun doute la série de crises qui va se produire entre le début des années 1970 et la fin des années 1980 qui finira par faire réagir l’opinion mondiale.

On peut d’abord citer les deux chocs pétroliers successifs de 1973 et 1979 qui vont largement contribuer à une prise de conscience des populations quant aux limites de notre modèle de vie, non pas que ces crises soient directement des crises environnementales, mais elles vont révéler la dépendance de notre système à une ressource de toute évidence limitée en quantité (on retrouve là les conclusions du rapport Meadows). Celles-ci impacteront alors directement les populations sur le plan économique, en provoquant une hausse des prix (du pétrole et de toute marchandise nécessitant d’être transportée). En 1974, au lendemain du premier choc pétrolier sera d’ailleurs mise en place, en France, la première RT**. Un hasard ? Probablement pas, il s’agit peut-être là de l’une des premières décisions politiques « contraignante » issue d’une prise de conscience de la fragilité de notre modèle, prise de conscience qui va continuer à s’élargir par la suite.

La série se poursuit, particulièrement retentissante, et qui cette fois ci aura des conséquences environnementales, les accidents nucléaires de

** Réglementation Thermique –1962-1967–

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Three Mile Island (1979) et Tchernobyl (1986) ainsi que l’accident de l’usine chimique à Seveso (1976) en Italie, catastrophe qui donnera par la suite son nom à la classification de sites industriels dangereux. Alors certes il ne s’agit pas d’accidents réellement impactant sur le plan du réchauffement climatique ou sur la biodiversité mondiale puisqu’il s’agit d’évènements relativement localisés, mais ils se sont avérés marquants dans le sens où ils ont démontré notre capacité potentielle à détruire notre environnement. Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que cette fois le monde entier y a assisté ! Il ne s’agit pas d’un article scientifique sur une dégradation progressive d’un espace observable sur dix ans publié dans une revue scientifique –et donc qui passerait inaperçu aux yeux de la population- mais bien de crises ayant un impact immédiat sur la population. Dès lors, on peut raisonnablement penser que ce sont ces événements en lien avec les publications de la même période qui ont poussé (forcé ?) les politiques à agir, en témoigne la création de la RT en France et les réactions de l’ONU en 1983, 1987 et 1988, 1983 marquant la fondation de la commission mondiale sur l’environnement et le développement. Gro Harlem Brundtland, ancienne ministre de l’écologie et première ministre de Norvège, est alors nommée à sa tête. Cette commission est chargée de penser « Un programme global de changement »10* d’après les mots de sa présidente dans la préface du rapport Brundtland. Celle-ci doit proposer des stratégies sur la durée et des objectifs à atteindre sur les questions environnementales, avec toujours en toile de fond la problématique de la coopération internationale, qui n’aura pas été le point fort du siècle.

* HARLEM BRUNDTLAND Gro, Our Common Futur, Editions Oxford University Press, 1987

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C’est le travail qui sera fait et « livré » sous la forme du rapport Brundtland. –1962-1967–

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Le développement durable énoncé par le rapport Brundtland amène au cœur de la logique écologiste jusqu’alors surtout bio-centrée une dimension socio-économique. La ville de Songdo en Coréee du Sud est l’une des interprétations (regrettable) qui a pu être faite de cette vision nouvelle : investissements économiques, cadre de vie «idyllique», hautes technologies et végétation omniprésente. La recette est complète. On peut cependant se questionner sur le véritable intérêt écologique de ce type de réalisation...

Ville de Songdo, Corée du Sud, photographie, auteur inconnu

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nitialement nommé Our Common Future (notre avenir à tous), il s’agit sans aucun doute de l’un des ouvrages majeurs de notre époque et peut être bien l’un des textes ayant eu l’impact le plus concret sur notre société. On le connaît en particulier pour avoir défini le terme de développement soutenable (durable en France).

Ce qui est particulièrement intéressant c’est qu’en partant d’une problématique strictement environnementale, on va arriver à un principe englobant également les notions d’équilibres socio-économiques (ou déséquilibres). Pour rappel le développement soutenable se structure selon trois axes que sont les enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Cette approche qui n’est finalement pas si évidente, le rapport aurait tout à fait pu ne s’attacher qu’aux problématiques environnementales, émane entre autre du fait que Gro Harlem Brundtland s’appuie sur deux commissions préexistantes, la commission Brandt sur les problématiques Nord Sud et la commission Palme sur celles de désarmement et sécurité. On pourrait également y voir une autre raison. Cette approche « multifacettes » n’est pas totalement nouvelle et a déjà commencé à être théorisée sans nécessairement avoir retenue l’attention voulue. Il s’agit en effet d’une poursuite des réflexions sur l’éco-développement, réflexions lancées entre autre par le rapport Meadows* et formule utilisée la première fois par Maurice Strong en 1972 qui préside alors le sommet de Stockholm sur l’environnement (sommet qui sera à l’origine de l’UNEP). Il

* MEADOWS Dennis, MEADOWS Donella, RANDERS Jorgen, The Limit

to Growth, Editions Universe Books, 1972, 205 pages

le RappoRt bRundtland –le RappoRt bRundtland–

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La ville de Masdar, ville nouvelle bâtie au milieu du désert, se réclamant tout comme Songdo du cercle restreint des «éco-cities» et «smart cities» est l’exemple, peut être le plus absurde, de ce qui a pu être fait au nom du développement durable. Rappelons que smart-city signifie ville intelligente, quelle logique peut donc justifier la construction d’une ville «verte» intelligente dans un milieu qui n’y est clairement pas adapté ? Pas si «smart»...sauf peut être en terme de développement économique...

Masdar City, Foster + Partners, 2007

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–le RappoRt bRundtland–

pourrait encore s’agir d’une mise à jour plus politique du raisonnement d’Arne Naess. Toujours est-il que ce travail ne nait pas de nulle part mais s’inscrit dans une démarche en cours.

« Ce qu’on appelle développement durable s’inscrit dans la continuation des

débats autour de l’éco-développement. Ceux qui opposent ces deux concepts s’attachent à des nuances qui n’ont guère d’intérêt »

Ignacy Sachs, 1999.*

Il y a tout de même une différence notable. Le développement soutenable ne nie pas la possibilité de croissance, bien au contraire. Elle est même parfois amenée comme l’élément qui nous permettra de résoudre certaines problématiques telles que les déséquilibres économiques (et de ressources) et comme le moteur du progrès qui répondra aux enjeux auxquels nous faisons face. Cet ouvrage pourrait donc être perçu comme profondément humaniste, dans le sens où il défend les capacités de l’Homme à réussir à contrôler son environnement (ce qui est parfois un peu paradoxal avec le constat qu’il dresse). On peut cependant se demander si ce positionnement n’est pas avant tout politique. Il est à peu près sûr que si le rapport avait annoncé l’impossibilité pour les différents pays de poursuivre leur croissance il aurait été nettement moins bien reçu. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit du premier travail de ce genre et que l’objectif est alors surtout de sensibiliser les différents pays et donc qu’il est plus politiquement correct de ne pas remettre en question le fondement même de leur économie pour un problème qui n’est pas encore tout à fait reconnu.

* Développement durable : pourquoi le rapport Brundtland est-il si populaire?, par ZEROUAL Thomas, Les Echos, 21 Mai 2012

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Dans ses grandes lignes le rapport Brundtland reprend donc une partie de l’approche de la Deep ecology, mais sa principale ligne de conduite est de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Concrètement le rapport tire dans un premier temps un constat de l’état de notre société et de ses dysfonctionnements (réels ou potentiels), accroissement de la pauvreté, démographie en hausse constante dans les zones n’ayant pas nécessairement les ressources, surexploitations de certaines zones pour des logiques économiques mais sans raison matérielle réelle, tous ces points étant liés. On pourrait évidemment nuancer ce constat qui situe de temps en temps dans une logique moralisatrice et parfois insuffisamment fondée. Comment savoir que la pauvreté dans le monde a augmenté alors qu’on ne fait pas d’étude à ce sujet depuis plus d’une vingtaine d‘année (au moment de la rédaction du rapport) et qu’une bonne partie du monde est inaccessible à ce genre d’étude en raison du bloc de l’Est ? Toujours est-il que même si la réalité est peut être moindre, ces problèmes existent bel et bien et

Our Common Future tente de les dénombrer et d’en analyser les causes.

Dans un second temps le rapport développe des séries de recommandations et d’objectifs à atteindre, précisant les intrications dans les différents domaines, comme par exemple les relations entre planning familial et déforestation de certaines zones au profit d’une agriculture peu efficiente, etc… . Je ne m’attarderai pas plus sur la description de ce travail (particulièrement long et complexe), mais il faut en retenir les idées fortes qui sont de parvenir à limiter les dégâts environnementaux sans pour autant interrompre la croissance (ce qui peut paraître paradoxal), et de nous obliger à bien réfléchir aux tenants et aboutissants de chaque direction de développement vis-à-vis de notre

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environnement au sens large du terme, contrairement à ce qui a pu être fait durant les Trente Glorieuses et auparavant, périodes où l’on se plaçait dans une sorte de posture dominante pensant pouvoir tout contrôler. Il s’agit en quelque sorte de revenir dans une conception plus horizontale que verticale de la position de l’Homme dans son milieu*. On commence là à voir naître l’idée mère des utopies vertes.

* Milieu : Ensemble des éléments matériels et des circonstances physiques qui entourent et influencent ou conditionnent les cellules, les organismes vivants; domaine où s’effectue une réaction ; Ce qui entoure un être ou une chose, ce dans quoi un corps ou un être vivant est placé. Il s’agit donc de replacer l’Homme comme faisant partie d’interactions plus larges.

–le RappoRt bRundtland–

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ur Common Future* paru, on va alors assister à une évolution majeure du développement de la pensée écologique. Auparavant cantonnée au domaine de quelques scientifiques et intellectuels et d’une poignée de politiques, elle va commencer à se répandre rapidement, sur une quinzaine d’année, au point de prendre une place centrale dans de nombreux milieux, politique internationale, certaines « élites » intellectuelles, industriels du bâtiment. Il faut toutefois être objectif, le rapport Brundtland n’est pas l’unique déclencheur de cette évolution mais plutôt sa pierre d’angle, il marque un réel tournant ou, devrait-on dire plutôt, une accélération.

Immédiatement après la publication du rapport est mis en place le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), première réelle action de l’UNEP. Pour la première fois de l’histoire un groupe international va être chargé de surveiller tous les domaines environnementaux (climat, biodiversité, etc…), surveillance jusqu’alors exercée de manière indépendante par les quelques scientifiques attachés à la question. La prise en compte dans la politique internationale de la problématique environnementale sera réellement actée quatre ans plus tard avec le sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 qui aboutira à la signature d’une déclaration (Déclaration de Rio) sensée responsabiliser chaque état vis-à-vis de la question environnementale. Cet accord n’est cependant pas contraignant et donc n’aura pas de réelles répercussions, mais il marque toutefois

* HARLEM BRUNDTLAND Gro, Our Common Future, Editions Oxford University Press, 1987

duRappoRt bRundtlandà 2007, pRisedeconsciencegénéRalisée ?

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l’un des premiers engagements internationaux sur cette thématique, engagement qui se sera confirmé en 1997 lors de la ratification (ou non) du protocole de Kyoto visant à engager une réduction de l’émission de gaz à effets de serre.

Ce qui nous intéresse plus particulièrement c’est ce qui va se passer durant la même période dans les champs extérieurs à la politique internationale. Je prendrai là principalement l’exemple des milieux du bâtiment, de l’architecture et de l’urbanisme qui sont, je pense, assez représentatif du mouvement.

Penchons-nous d’abord sur une étude menée par Chuan Wang** sur l’usage du terme éco-city des années 1980 à 2014 et sur l’évolution de son sens. Il y questionne la signification de ce terme qui semble désigner une nouvelle approche de la ville et qui gagne peu à peu de la place dans les publications d’architecture et d’urbanisme.

Il rentre dans le cœur du sujet au travers de la morphologie de ce terme et en particulier de la racine « éco » qui jusque dans les années 90 n’était qu’un préfixe mais va prendre à partir de cette période une indépendance dans le langage. Le terme « éco » devient peu à peu une abréviation d’écologie et « environmental friendly » (environnementalement amical). Synonyme de prise d’importance du phénomène écologique ? Toujours est-il qu’au-delà de cet aspect linguistique, on assiste au développement d’un terme le plus souvent associé à de nouvelles pratiques de conceptions urbaines et à de

** WANG Chuan, Ecocity : a new creative ambiguity or an adopted fashion ?, Encore l’architecture Encore la philosophie, sous la direction de YOUNES Chris, BODART Céline, Editions Hermann, 2016, p83-95

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Au-delà des projets «d’éco-cities» qui naissent avec la montée du développement durable, ce sont les éco-quartiers qui font leur apparition, de manière finalement similaire aux villes nouvelles il s’agit surtout d’opérations immobilières se justifiant d’une certaine qualité environnementale. On peut cependant se demander dans l’exemple de la Bottière Chénaie (ci-dessus) s’il ne s’agit pas en réalité d’une manière de faire avaler la pillule. Ce quartier pour s’installer nécessite la destruction des terres maraîchères locales qui auraient pu servir à une production agricole urbaine, n’y a t’il pas un certain paradoxe entre le discours présenté et la réalité des faits ?

Bottière Chénaie, photographie, auteur inconnu

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nombreuses réflexions sur les questions de résilience, de qualité de vie et d’environnement. L’écologie et le développement soutenable seraient-ils en train de gagner le terrain de l’urbanisme ? Il semblerait. En particulier lorsque l’on regarde l’évolution de l’usage des termes « éco » dans les publications liées à l’urbanisme et à l’architecture, usage de plus en plus fréquent et qui explose entre 2007 et 2010.

Cette étude n’est pas le seul élément indicateur de la prise d’importance du courant écologique moderne.

Je me suis personnellement penché sur la question en m’attachant à l’analyse des revue d’A (D’Architectures) et AA (L’Architecture

d’aujourd’hui) depuis le début des années 1990 jusqu’en 2015 et je

suis tombé à peu de chose près sur les mêmes conclusions, dans un premier temps avec le basculement de la vision environnementale, qui s’opère au début des années 2000 de manière analogue au basculement sémantique du terme « éco », et dans un second temps avec la montée du phénomène écologique.

Durant la première moitié des années 1990, dans le peu d’articles traitant de la question de l’environnement, on perçoit de la part des auteurs une vision assez archaïque de l’écologie teintée parfois d’un certain mépris. On parle alors beaucoup de « végétation dans la ville », de « végétalisation d’espaces publics » termes pas nécessairement utilisés comme faisant partie d’une logique écologique. L’objectif avancé est plutôt de ramener un peu de campagne en ville, de nature, plus que de lutter contre des évolutions climatiques. On sent cependant un profond scepticisme vis à vis de ces sujets et des qui pèsent quant à la place de l’architecture –au sens de la conception architecturale- dans le phénomène écologique.

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Autre projet (non réalisé) d’éco-quartier, à la Vecquerie à St-Nazaire. Ce projet imaginé par Philippe Madec se place dans la même logique que celui de Bottière Chénaie à Nantes. Il s’agit de concevoir un ensemble de bâtiments répondant aux normes BBC (Bâtiment basse consommation) sur un site jusqu’alors naturel. Cette qualité environnementale du bâti permet de justifier une fois de plus la destruction d’un écosystème. S’agit il de se donner bonne conscience ? Ou d’un effet de mode, d’une astuce de marketting ?

Eco-quartier de la Vecquerie à St Nazaire, Atelier Philippe Madec, 2009

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« Rien de tel que la nature, la verdure pour changer d’air. Une charte d’écologie urbaine de 1992 prévoyait la sauvegarde et le développement de son patrimoine naturel. Lyon suivait en cela les remontrances du CAUE du Rhône. Depuis le tissu vert dense et assez bien préservé de Lyon est devenu une trame verte. On ne cite plus les jardins et les parcs […] Lyon respire. Cette verdure peut être assez suspecte »*. C’est avec le basculement dont je parlais précédemment, qui se déroule sur un temps assez court de la fin des années 1990 au début des années 2000, que semble émerger une vision différente des rapports architecture/urbanisme/écologie, prenant en considération l’importance de la conception urbaine et architecturale dans le cadre d’économie de ressources et de « meilleures performances » des bâtiments, mais également dans la capacité de ces projets à « communiquer l’écologisme ».

En quelque sorte, comme dans le cadre de la sphère politique internationale, la concrétisation de la démarche mise en route par le rapport Brundtland dans le champ architectural se fait sentir à la fin des années 1990. Est-ce le laps de temps nécessaire à la formalisation de normes, RT, labels et certifications, ou celui de la prise de conscience des acteurs de l’architecture ? Un peu des deux sans doute…

Ainsi avec l’approche du nouveau millénaire, des articles traitant de constructions bio-climatiques et d’éco-architectures commencent à apparaître, présentant divers projets « avant-gardistes » dans ce domaine, cherchant à diminuer au maximum les consommations

* VERMEIL Jean, Dossier Planète Ville, D’Architectures, n°67 Août 1996, p26-28

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d’énergies et certains imaginant de « nouveaux » concepts de jardins verticaux, de bâtiments parcs*, etc. Préludes aux utopies vertes ? En tout cas ces articles semblent maintenant prendre très au sérieux ces questions, au point d’en faire le sujet de quelques dossiers. On peut s’avancer à dire qu’il y a là un impact assez clair du protocole de Kyoto et de la médiatisation qu’il engendre, ainsi qu’un lien avec à la création de labels et certifications de qualité environnementale de projets architecturaux. On assiste en parallèle de l’écriture du protocole et depuis la parution de Our Common Future à la naissance de trois d’entre eux. La certification BREEAM créée en 1990 au Royaume Uni, le label HQE, français, créé en 1996 qui deviendra en 2005 une certification et enfin la certification LEED, créée en 1998 aux Etats Unis. Trois certifications architecturales, associées au développement de nouvelles normes environnementales, conduiront à un développement spécifique de l’architecture en faisant rentrer de nouvelles considérations durant les phases de conception et de réalisation et engendrant assez directement le développement de nouvelles technologies du bâtiment (à moins que ce ne soit le contraire…). François Grether parlera de «style zéro émission». On assiste à ce moment-là à une transformation radicale de l’architecture dans le champ environnemental, plus normative, et qui nous amènera d’ici trois ans –RT 2020- à devoir concevoir une architecture produisant de l’énergie.

Toujours est-il que l’on note une médiatisation croissante de projets de ce type dans les revues spécialisées, que l’on peut voir d’une part comme la résultante d’une prise d’importance de l’écologie dans la conception architecturale et urbaine, et d’autre part comme une évolution

* MIGAYROU Frédéric, Les enjeux de l’éco-architecture, D’Architectures, n°87 Octobre 1998, p48-49

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généralisée de la conscience collective qui devient plus réceptive à ce type de travaux. Et celle-ci atteint un pic aux alentours de … 2007 avec pléthore de dossiers, articles et éditoriaux touchant aux questions d’économies d’énergie, de la relation architecture/écologie, de normes, de certifications mais surtout de politique environnementale et du rôle de l’architecte dans le processus.

Politique environnementale devenant le sujet central en raison de la campagne présidentielle française qui bat son plein en vue de l’élection de 2007, et qui va alors véritablement faire rentrer l’écologie au cœur des politiques publiques.

–duRappoRt bRundtlandà 2007, pRisedeconsciencegénéRalisée ?–

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L

e déroulement de la campagne présidentielle française de 2007 sera sans précédent, peut-être même au niveau mondial. Pour la première fois la question de l’écologie va réellement percer au sein de débats politiques, au-delà de la question des engagements internationaux déjà existants, jusqu’à prendre une place centrale dans les discussions. Ce mouvement part initialement de la candidature, ou plus exactement de la menace de candidature, de Nicolas Hulot à la présidence, particulièrement inattendue, qui va alors bouleverser les équilibres en place, avec pour but de propulser l’écologie de l’autre côté du rideau politique.

La notion d’écologie est déjà bien ancrée dans la conscience collective. Les problèmes posés par le réchauffement climatique, la destruction d’écosystèmes, le trou dans la couche d’ozone sont compris par la majorité de la population. Le tri sélectif et le recyclage existent depuis quelques années. On peut dire en quelque sorte que l’écologie a déjà impacté le monde civil. La fondation Hulot obtient 750 000 signatures pour son pacte écologique, liste d’objectifs à poursuivre (étonnamment pragmatiques) et prenant en compte les notions économiques et sociales. Toutes les conditions semblent réunies pour que l’écologie devienne un vrai sujet de politique nationale.

« A cette époque, les recherches sur le climat se précisent. Le film d’Al Gore fait un carton. L’opinion est de plus en plus réceptive et le fameux «Pacte écologique» de Hulot recueille 750.000 signatures de soutien. »*.

* Il y a 10 ans, le « Pacte Hulot » installait l’écologie en politique, AFP (Agence

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Mais pourtant personne en-dehors des quelques partis écologistes n’aborde la question dans la sphère politique… jusqu’à l’intervention de cette candidature potentielle. Il faut rappeler que certains sondages le donnaient alors crédité d’environ 10% des voix au premier tour alors que Dominique Voynet, candidate officielle du parti écologiste, recueillait moins de 2% des voix**. On comprend alors l’impact qu’une telle candidature aurait pu avoir. Nicolas Hulot finit par se retirer mais son objectif est atteint. Il a réussi à faire peser l’écologie dans la campagne, et oblige la sphère politique à se pencher sur la question. Profitant de l’intérêt que l’opinion publique porte sur les questions écologiques, intérêt révélé par sa candidature et son score dans les sondages, il va alors proposer aux différents candidats à l’élection de signer son Pacte Ecologique à l’issu d’un « grand oral » où chacun va présenter le volet écologique de son programme (développé spécialement pour l’occasion pour la majorité des candidats), sorte de labellisation de leurs programmes en matière d’environnement.

Nicolas Sarkozy alors élu président va, dans le cadre des engagements qu’il a pris dans ce domaine, lancer le Grenelle Environnement qui aboutira à une série de décisions plus ou moins satisfaisantes. Mais ce n’est pas le sujet qui nous intéresse ici. Ce qu’il faut retenir c’est que l’écologie acte son entrée dans la politique publique, et il s’agit là à mes yeux du véritable point de départ de ce que j’appellerai les utopies vertes.

** D’après un sondage IPSOS réalisé le 16 Novembre 2006

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n ne peut réduire la naissance du concept d’utopies vertes, qui se développera à l’international, à ces événements français que sont le Pacte Ecologique et le Grenelle Environnement. Mais ils sont assurément à une échelle « locale » symptomatique du phénomène plus global qu’est la prise en compte de l’écologie par les « élites » au sein des politiques publiques, politiques qui donneront par la suite naissance aux utopies vertes.

Avec la volonté affichée de mettre en place une démarche environnementale au cœur même de la politique publique et compte tenu de l’importance que celle-ci semble alors occuper dans l’opinion, on peut assez aisément comprendre le besoin de donner une certaine visibilité aux actions menées, à leur donner un visage. Il s’agit en quelque sorte de montrer que l’action est bien menée, qu’elle possède une dynamique constructive au sens où elle serait génératrice de progrès, et qu’elle ne consiste pas exclusivement en une accumulation d’entraves (lois, normes). On retrouve d’une certaine manière ce rapport historique entre architecture et pouvoir que l’on a évoqué précédemment, notamment en tant qu’expression (symbolisation) concrète d’une volonté ou pensée politique. Il ne faut pas oublier que l’architecture possède une dimension fortement symbolique. François Mitterrand l’avait bien compris comme d’autres avant lui*, et ce nouveau mouvement que représente le développement durable a alors besoin de symboles auxquels se rattacher.

* Je fais ici référence aux Grands Travaux que le président François Mitterrand lancera dans le cadre de sa politique culturelle, notamment le Grand Louvre et la Bibliothèque Nationale, projets portant une symbolique particulière à ce regard.

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D’une part l’idée est de fournir un cadre, un écrin dans lequel développer cette nouvelle vision de la société car c’est bien ce dont il s’agit. Tout comme le phalanstère de Fourrier** a pu servir d’écrin au développement de la vision socialiste/communiste, le développement durable a besoin de s’appuyer sur une forme concrète pour permettre le développement complet de sa pensée. Il s’agit d’une certaine manière de mettre en place un canevas sur lequel va pouvoir venir se développer le système de pensée.

D’autre part pour une raison beaucoup plus électorale le développement durable semble devenir une « mode » politique, les acteurs de la politique publique doivent donc montrer aux citoyens qu’ils sont attachés à ce sujet, en quelque sorte faire du marketing électoral. Comme je l’ai déjà dit et le répèterai sûrement, rien de tel qu’une image pour communiquer, sans oublier que cela permet de montrer une vision moins rebutante et dépassant les restrictions que le développement durable amène.

« Honni soit celui qui, s’engageant en politique, n’aura rien à dire sur le

sujet, car il sera ignoré des médias comme du grand public, et, rapidement, des électeurs »

Hugo Bellagamba. Les Utopies Vertes. Revue 303

C’est dans ce cadre et dans cette optique que les architectes et/ou urbanistes vont faire leur entrée, représentant et imaginant ce que pourrait être la ville, l’habitat, d’une certaine manière le cadre de vie, de la société de demain dans la continuité de la pensée écologiste du moment.

** FOURIER Charles, La théorie des quatre mouvements, 1808

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Réponse de Lacaton Vassal au projet d’éco-quartier, à la Vecquerie à St-Nazaire. On observe ici une logique de projet clairement différente. Afin de limiter au maximum l’impact du projet sur le milieu naturel ils viennent installer les logements sur pilotis à une grande hauteur du sol. La démarche n’est plus ici de rectifier après coup l’impact environnemental négatif que pourrait avoir le projet mais de le limiter dès la phase de conception, d’imaginer une véritable intégration.

Eco-quartier de la Vecquerie à St Nazaire, Lacaton & Vassal, 2009

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Comment cette entrée se fait-elle ? On l’a dit, la politique environnementale officiellement lancée en 2007 a besoin de représentations concrètes, de symboles. Il est cependant assez difficile de définir si ce sont les architectes et urbanistes -que l’on appellera par la suite utopistes- qui ont intégré le mouvement général y voyant un créneau intéressant en termes de marché, de possibilité d’apporter leur pierre à l’édifice et d’entrée dans les sphères intellectuelles (dont les architectes sont habituellement assez exclus) ou si, au contraire, ce sont les commanditaires publics qui sont allés chercher leurs services dans un premier temps. Il y a sans doute un peu des deux. Toujours est-il que ces acteurs vont finir par travaest-iller ensemble, imaginant la vest-ille du futur, dans le cadre de réflexions sur le long terme. Il s’agit surtout de démarches prospectives plus que de véritables projets destinés à être réalisés, même si certains se voudront réalisables. On retrouvera notamment des études pour les villes de Paris, Strasbourg, Monaco, Sao Paulo menées en collaboration avec différents acteurs publics, mais également quelques projets plus libres, sorte de manifestes que les utopistes développeront en parallèle afin d’approfondir leurs réflexions.

Ces projets se veulent donc « verts », couleur chlorophylle. Ce terme, tout comme le préfixe « éco »*, est devenu en parallèle de l’avènement du développement durable intimement lié à la question de l’écologie, de l’environnement, de la nature. Le vert devient la bannière du mouvement écologiste moderne qui remet en question notre modèle de société, déconnecté de la capacité de notre milieu à le soutenir et par conséquent entrain de l’endommager de manière irréversible. Cette

* WANG Chuan, Ecocity : a new creative ambiguity or an adopted fashion ?, Encore l’architecture Encore la philosophie, sous la direction de YOUNES Chris, BODART Céline, Editions Hermann, 2016, p83-95

–utopies veRtes–

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Ville Spatiale. Le parallèle avec le projet de Lacaton Vassal à la Vecquerie semble plus qu’évident. Une approche utopique de la question environnementale pourrait elle ouvrir de nouveaux horizons face à la crise que notre modèle sociétal traverse ?

Ville Spatiale, Yona FRIEDMAN, année inconnue

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