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partir du début des années 2000, le développement durable et l’importance du phénomène écologique fait son chemin parmi les élites, et chez les politiques en particulier. Le cadre de développement des utopies vertes est alors en place. Les travaux de Vincent Callebaut et Luc Schuiten les représentent en particulier avec des optiques souvent divergentes tant dans la démarche que dans la forme qu’elles prennent, mais s’attaquant toujours à la question brûlante du « vert ».

Mais a-t-on là à faire à de « simples » manifestes ? Ou de simples prises de position architecturale et urbanistique sur la question du développement durable ? D’après l’analyse comparée du regard porté par les deux architectes ces utopies me semblent plus complexes, en particulier vis à vis des liens très étroits qu’elles tissent avec le contexte socio-politico-culturel extrêmement spécifique qui accompagne la montée du développement durable. En quelque sorte elles reflètent le basculement de la conscience écologique collective qui s’opère au début des années 2000. Il ne s’agit pas en ce sens de « simples » projets d’architectures et d’urbanismes mais de véritables éléments de réflexion reprenant le ou devrais-je dire les rôles de l’utopie. On observe ainsi au travers de ces utopies vertes ce qui s’apparente, à mes yeux, à une première prise de position de l’architecte dans le milieu assez fermé des utopistes, milieu quelque peu abandonné au cours du XXème siècle. Les bouleversements mondiaux sont alors suffisamment importants pour se passer de l’usage de l’utopie.

C’est bien d’utopies dont on parle. Certes, celles-ci ne passent pas utopiesdu XXième siècle ?

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– utopiesdu XXième siècle ?

dans un premier temps par un travail de théorisation purement écrit, comme cela a pu être historiquement le cas, y compris dans le cadre du phalanstère de Fourrier*, mais prennent directement la forme de projets architecturaux et urbanistiques (tout de même accompagnés de courts écrits). La démarche de projet n’est-elle pas cependant assez similaire à celle de l’utopie ?

Toujours est-il que l’usage de mécanismes utopiques dans les discours que mènent les deux architectes est prégnant. Mais au-delà de de la question du procédé de communication, le cœur même de ces projets relève véritablement de l’horizon utopique qui prend ici deux formes bien différentes, avec deux objectifs distincts au travers du travail de chacun des architectes, faisant en ce sens remonter de nombreux aspects historiques de l’utopie. Rappelons-le, elle est loin d’être un objet bien cadré. Il suffit pour cela d’observer les nombreuses variations auxquelles elle a été sujette tant dans la forme que dans le but poursuivi au cours des siècles. Compte tenu des rapports inextricables entre une utopie et les préoccupations de l’époque qui l’a vu naître, elles- mêmes filtrées par le regard de l’utopiste, ces variations sont en somme inévitables.

Ce sont donc deux utopies très personnelles et fondées sur la crise écologique que traverse notre société que Schuiten et Callebaut développent. En cela elles représentent quelque chose de tout à fait inédit. Il ne faut donc pas s’attendre à retrouver une île d’Utopia ou un phalanstère, là n’est pas la question. Ce qui me permet de considérer ces projets comme de véritables utopies à part entière ce sont finalement

* FOURIER Charles, La théorie des quatre mouvements, 1808

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ces horizons utopiques qu’elles mettent en place et les similitudes de «typologies» que l’on peut observer.

D’une part, on l’a vu, Schuiten développe un horizon utopique s’apparentant à un horizon critique, réflexif, projetant un monde onirique nous questionnant sur notre modèle sociétal actuel et sur les enjeux qui y sont liés. Ainsi il nous force à prendre du recul, nous poussant à réinventer notre pensée. Ce mécanisme n’est pas sans rappeler les origines de l’utopie et les travaux de Thomas More, Voltaire,etc…

D’autre part Callebaut, lui, met en place un horizon utopique à visée constructive, projectuelle, usage de la notion d’exemplum, démontrant la faisabilité et le fonctionnement précis d’un modèle qui se veut nouveau, à l’image des utopies socialistes et communistes à visées concrètes.

Ces utopies vertes marquent donc, à mon avis, une véritable résurgence de l’utopie au XXIème siècle, jouant leur rôle dans cette nouvelle révolution qu’est l’écologie là où l’utopie s’était auparavant exprimée lors des révolutions d’abord humanistes puis industrielles.

En somme, à chaque révolution son utopie.

Vincent Callebaut et Luc Schuiten, au-delà des caractéristiques de l’utopie, vont aussi en reprendre les travers. Callebaut va notamment faire usage d’une pensée déterministe dont les échecs sont bien connus : le totalitarisme soviétique devenu nécessaire pour maintenir une société utopique qui avait oublié de penser l’acculturation d’une population complète à un nouveau modèle sociétal. Cette dictature serait, à en croire Hans Jonas, potentiellement nécessaire au changement d’une

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société, comme il l’affirme au travers de son Principe responsabilité*. Seul l’application d’une « tyrannie douce » permettrait à la société d’évoluer (dans le cadre de l’écologie). Le modèle utopique doit-il passer par une forme de mise en œuvre « brute » -au sens d’immédiate- pour permettre l’évolution de la société, au risque de la brusquer ? Ou son rôle est-il autre, non pas de mettre en place un nouveau modèle de société mais d’ouvrir de nouveaux horizons au regard des évolutions les plus récentes ?

L’utopie a pu historiquement assurer ces deux rôles mais cela m’amène à douter de l’efficacité d’une utopie qui serait trop concrète. Marx en faisait la critique avec les utopies socialistes et communistes qui relevaient plus de l’objet fini que du processus. Finalement la question peut se poser avec les utopies de Callebaut qui commencent peu à peu à être dépréciées dix ans à peine après leur naissance en raison d’un durcissement de la politique et d’une inflexion de la conscience environnementale.

Le réalisme technique souhaité par Callebaut aurait-il finalement limité la portée de ses utopies en s’ancrant dans un mouvement trop spécifique : le développement durable qui cédera ensuite sa place à la transition énergétique ? Le mouvement global quant à lui ne serait-il pas au contraire celui écologiste dont le développement durable et la transition énergétique ne sont que des événements passagers ?

* JONAS Hans, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, 1990 (originalement 1979 en Allemand)

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