FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1898-1899 IW°
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DES FORMES CLINIQUES ET DU DIAGNOSTIC
DU
Cancer de llsopliage
—<♦!♦>—*
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 2 Décembre 1898
PAR
Lucien-Léon MUNIER
Néà Dommartin-le-Franc(Hte-Marne), le 31 Janvier 1874
Élèvedu Service de Santé de la Marine
tMM. PICOT professeur Président.
„ . , , m., \ MASSE professeur....}
Examinateurs dela These: ■ SABRAZÈS agrégé Juges.
(
CHAVANNAZ agrégé )Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI —
PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 189 8
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
t'HOEESSBdBJSiS
MM. MIGÉ \
AZAM DUPUY MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
Clinique interne
MM.
1 PICOT. ♦
/ PITRES.
„.. . . \ DEMONS.
Clinique externe
j
LANELONGUE.Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments LEFOUR.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGIIÉGÉS EN
SKCTION DE MÉDECINE(PcitllOÏOg
MM. CASSAET. | AUCHÉ.
SABRAZÈS. |
SECTION DE CHIRURGIE (MM. BINAUD. I Pathologie
externe]
BRAQUEIIAYEj (
CHAYANNAZ.j
MM.
MORACHE.
BERGONïÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedesmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicaledes maladiesdesenfants Chimie biologique...
EXERCICE :
ie interne etMédecine légale.)\
MM. LE.DANTEC.
HOBBS.
ET ACCOUCHEMENTS
(MM. CHAMBRERENT PIECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
Accouchements.■
FIEUX.
Anatomie,
SECTION DESSCIENCES ANATOMIQUliS ETPHYSIOLOGIQUES
(MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACIION.
••••} CANNIEU. Histoire naturelle BEILUE.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
€ OBJ ES& C OSB B» BiÉ91 13 A T A. I II
Clinique des maladiescutanées et syphilitiques Clinique des maladies des voies urinaires Maladiesdu larynx,des oreilles etdunez
Maladiesmentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférenced'HydrologieetMinéralogie
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
ES :
MM. DUBREUILH.
POUSSON.
M DURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELElV DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE.
CARLES.
Par dilibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèses qui luisontprésentées doiventêtre considérées commepropres à leursauteurs,et qu'elle n'entend leur donner niapprobationniimprobation.
A MONSIEUR LE DOCTEUR SABRAZÈS
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
MÉDECIN DES HOPITAUX
DIRECTEUR DU LABORATOIRE DES CLINIQUES DE LA FACULTÉ
DE BORDEAUX
A mon Président de
Thèse
MONSIEUR LE
DOCTEUR PICOT
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE A LA
FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
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AVANT-PROPOS
Au mois de juin
dernier,
ensuivant le service de M. le
professeur
Picot, suppléé
parM. le professeur agrégé Sabra-
zès, nouseûmes
l'occasion d'observer
un cancerde l'œso¬
phage à forme
simple;
enétudiant plus à fond cette affection,
nous fûmes
frappé
dunombre de
sescomplications et de la
diversité deses formes, c'estce qui nous a
donné l'idée de
ce travail. Nous avons recueilli, dans la
littérature médi¬
cale, un certain
nombre d'observations,
nous enavons joint
d'inédites, en bien petit
nombre malheureusement, et nous
les avons réunies en
cinq
groupesprincipaux;
nousnous
sommes attaché ensuite à établir la
symptomatologie et la pathogénie
dechacun de
ces groupes.Enfin, dans un der¬
nier chapitre, nous avons
étudié les
moyensde faire le diag¬
nostic du cancer de l'œsophage.
M. le professeur
agrégé Sabrazès
abien voulu nous guider
dans notre travail, il ne nous a
ménagé ni
sontemps, ni
ses conseils,
qu'il soit assuré de notre profonde reconnais¬
sance.
C'est pour nous un
devoir d'offrir en même temps, au
moment de quitter
cette Faculté,
unsincère témoignage de
gratitude à tous nos
maîtres
:si le
peu que noussavons nous
sert unjourà faire
quelque bien, c'est à
euxque nous en
sommes redevable.
Nous nousadressons en
particulier ici à M. le professeur
Picot, dont nous avons toujours suivi avec profit
renseigne¬
ment
clinique
si pratique, nous le remercions en même temps du grand honneur qu'il nous a fait enacceptant la
présidence de cette thèse,CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Le cancer de
l'œsophage est
uneaffection relativement peu
fréquente, d'après Tanchou (cité par Lacour, Thèse de Paris
1881),on
n'en trouverait que 1 cas sur 1800 cas de cancer. Cette
assertion est
peut-être
un peuexagérée, le nombre d'obser¬
vations quenousavons
rencontrées, les occasions que nous
avons euesd'en rencontrer nous
font penser que cette affec¬
tion est plus
fréquente
quene le dit Tanchou. Il est à remar¬
quer que cecancer ne
s'observe guère chez la femme; sur
44 cas observés à
l'Institut anatomo-pathologique de Berlin
et
publiés
parPétri,
onne trouve que 3 femmes. Michel
(de
Nancy)
enaobservé 10 cas toujours sur des hommes; les
quelques
malades que nous avons eu l'occasion de voir
nous-mème étaient
également des hommes. Pourquoi cotte
prédominance chez l'homme ? Il semble qu'on doive l'attri¬
buer à
l'importance étiologique de l'alcool, et surtout du
tabac. Quant à
l'âge, le cancer de l'œsophage se comporte
comme tousles cancers, on ne
le rencontre guère chez des
malades âgés de
moins de quarante ans; l'influence de l'hé¬
réditéest indéniable, nous en
avons un exemple frappant
dans le malade
qui fait le sujet do notre première observa¬
tion et qui
meurt à cinquante-sept ans d'un cancer de l'œso¬
phage,
alors
que sonpère est mort à soixante ans de la
même affection. La cause
déterminante échappe le plus sou¬
vent à toute recherche,
cependant on en a cité certains cas
imputables à l'irritation causée par un corps étranger:
noyau
de cerise, de prune (Béhier); quelquefois les malades
— 10 —
s'aperçoivent
subitement del'apparition
cle la maladie, d'au¬tres la rapportent à une angine ancienne.
Le
siège
le plusfréquent
semble êtresurtout le tiers infé¬rieur, à l'union de la portioncervicale avec la portion thora- cique. Le cancer de l'extrémité
supérieure
n'est le plus sou¬ventqu'une propagation ducancer du
larynx
ou dupharynx,
celui de l'extrémité tout à fait inférieure est quelquefois aussi, quoique plus rarement, dû à la propagation d'un néo¬
plasme stomacal.
Quant à la forme
anatomo-pathologîque
de cecancer, c'est le plus souvent un épithélioma pavimenteuxlobulé;
on trouve aussil'épithéliorna cylindrique développé
auxdépens
des glandes œsophagiennes
(Chavannaz
etSabrazès, 1891);
enfin lecarcinome s'y présente aussi, tantôt sous la forme de squirrhe, tantôtsous celle
d'encéphaloïde.
Le
siège
du cancerdel'œsophage
explique la fréquence deses
complications;
en effet, dans son tiersinférieur,
l'œso¬phage est en rapport avec plusieurs organes importants que la tumeur finit par comprimer, engloberou ulcérer. Suivant l'organe atteint, la maladie prend une forme
clinique
diffé¬rente avec des symptômes, une marche et une terminaison tout à fait particuliers que nous allons nous efforcer de
déterminer;
nous avons rangé ces formes encinq
groupes que nous allons passer en revue en commençant par l'exa¬men d'une forme
simple, classique,
ne présentant aucunecomplication.
CHAPITRE PREMIER
Forme
simple,
sanscomplication.
La forme simple du cancer
de l'œsophage est loin d'être
l'ordinaire, puisque Lacour
(thèse de Paris 1885) n'en compte
que 24 cassur75
observations
; nous avons pucependant en
observer un cas dont nous publions
plus loin l'observation.
Le premier
symptôme qui attire l'attention est la difficulté
qu'éprouve le malade à avaler
sesaliments; cette dysphagie
apparaît
quelquefois brusquement
;dans d'autres cas, elle
apparaît peu
à
peu,elle devient de plus en plus intense et
s'accompagne
de douleur de plus
enplus vive à mesure que
le rétrécissementcausé par la tumeur
s'accentue. Quand
cerétrécissement arriveà un degré tel que
les aliments
ne peu¬vent plus
pénétrer dans l'estomac, l'œsophage se trouve
tiraillé par la masse
alimentaire et
sedilate en forme de po¬
che qui peut
présenter divers aspects; dans une de nos ob¬
servationson trouvait une double
dilatation en.sablier. Les
aliments s'amassentdans cette sorte d'estomac
supplémen¬
taire,qui a
quelquefois plus d'un litre de capacité, et alors se
produit un
phénomène qui constitue
unsymptôme de la
plus hauteimportance,
c'est la régurgitation improprement
appelée
vomissement œsophagien. Quand la poche est rem¬
plie, sous l'influence
de la tension exagérée des parois de
l'œsophage, de la
réaction musculaire, de l'excitation ner¬
veuse,etc.,ellesevide, et
cela plus
oumoins longtemps après
l'absorption des
aliments (de quelques minutes à deux heu¬
res)
suivant lacapacité de la dilatation. Cette régurgitation
diffère du vomissement en ce
qu'elle
sefait
sonseffort, les
aliments remontent à la bouchecomme chez les ruminants.
Les matières ainsi expulsées ne contiennentpas de suc gas¬
trique, elles renferment quelquefois un peu cle sang; elles
sont généralement très liquides, ce qui estdû à ce que le ma¬
lade salivebeaucoup. Il éprouveunegrande difficulté à faire passer ses aliments: instinctivement il les mastique longue¬
ment pour les rendre plus fluides. Picard attribue un rôle très important donscette salivation abondante à la compres¬
sion par la tumeur du
laryngé supérieur
qui aurait, dit-il,sur la salivation une influence presque égale à celle de la corde du tympan.
Le hoquetest assez rare; il n'existe, dit Béliier,que quand il y a excitation des houppes nerveuses du pneumogastrique qui sontle point de départdel'action réflexecausedu hoquet.
Le bruit de glouglou qui se produit quand on fait avaler un
liquide au malade estégalementassez rare, il est causé par l'air qui
s'échappe
à travers le rétrécissement et que vient remplacer le liquide.Quant à l'engorgement ganglionnaire, les auteurs ne sont pas d'accord sur sa fréquence; Mondière prétend qu'il existe presque toujours; d'autre part, Béliier nel'a trouvé qu'une
fois sur 39 observations; dans les cas que nous avons observés il n'existait pas.
Lemalade a une haleine extrêmement fétide etprend bien¬
tôtun aspeçt presque repoussant à cause de la salive qui
s'écoule sans cesse de sa bouche mêlée à des débris alimen¬
taires. Il devient bientôt pourlui-même et pourles outres un
objetde dégoût, ce qui necontribue pas peu à hâter sa fin.
Au point devue des symptômes
généraux,
ce sont les mê¬mesque pour les autres formes de cancer: amaigrissement rapide, teintejaune
paille
des téguments, etc.Dans cette forme la marche est en général rapide, sauf dans certains cas où le cancer reste à l'état latent pendant
de longues
années;
en quelques mois, souvent même enquelques semaines, le malade, si l'on n'intervient pas, meurt par inanition.
— 13 —
Observation I
(Personnelle).
F..., âgé de
cinquante-sept ans, colporteur, entre à l'Hôpital Saint-
Andréle 10juin
1898, dans le service de M. le professeur Picot, suppléé
par M.
le professeur agrégé Sabrazès. Il prétend que ses aliments ne
peuventpaspasser au
delà du creux épigastrique et qu'il les rend un
moment après
les avoir avalés.
Interrogéau
point de
vuede ses antécédents héréditaires, il nous
apprendque son
père est mort à l'âge de soixante ans d'une affection
semblable àlasienne.
Quant à lui, il est légèrement alcoolique; comme
maladiesantérieures il
n'a
eu quela blennorragie et la fièvre typhoïde
àl'âge de
vingt-sept ans.
La maladie actuelle a
débuté il
yaenviron six mois, par une difficulté
de la
déglutition qui n'a fait qu'augmenter peu à peu jusqu'à aujour¬
d'hui; ilressenten
même temps, à chaque essai de déglutition, des dou¬
leursassezvives qui ontpour
point de départ le creux épigastrique et
s'irradientdansle dos.
Il n'a jamais vomi de sang. Il mastique ses ali¬
ments pendant
fort longtemps et, au fur et à mesure qu'il les avale, ils
remontent
jusqu'à
sabouche
:le malade rumine. Il est très constipé et en
mêmetempstrès
affaibli.
Examen: C'estunhomme
de taille moyenne, très amaigri, au teint
terreux,jaune
pâle
;il n'a pas de fièvre, pas d'oedème. L'abdomen est dé¬
primé,
les grands droits contractés font saillie, il n'y a pas de circulation
collatérale notable;unpeu
d'adénopathie axillaire, pas de ganglions sus-
claviculairesnicervicaux.
Par la succussion hippocratique l'estomac fait
entendre unbruit de
clapotement; par la percussion on obtient les
dimensionsde cetorgane
qui sont
:On ne
perçoit
pasde tumeur à la palpation.
Lespoumons,
la rate, le foie sont normaux ; le cœur fonctionne bien,
lepoulsest
lent, régulier, un peu mou; il n'y a pas de soulèvement
Surlaligne
médiane
mameloûnaire
gauche..
— droite...
9 cent.
1/2
10 —
4 —
aortique. Les urines, nonalbumineuses,contiennent12 grammesd'urée par litre, soit 16grammes parjour.
Acause du teint du malade, de son amaigrissement, surtout de la difficulté qu'il éprouveà déglutir et des phénomènes de
régurgitation
qui suiventl'absorption
des aliments, on songe à un néoplasme del'œsophage
eton envoie le malade dans le service de M. le professeurLanelongue.
Le 17juin, on pratique le cathétérisme àl'aide d'une sondeenbaleine munie d'une olive, celle-ci pénètresans difficultéjusqu'à38 centimètres des arcades dentaires, soità 23 centimètres del'extrémitésupérieure de
l'œsophage
et à 2 centimètres du cardia. Là, elle est arrêtée par un obstacleinfranchissable,
la sonde laissée en place pendant deux minutesne passepas
davantage
; on n'a donc pas affaireàunspasme, mais bien àunnéoplasme.L'auscultation par la méthode de
Hamburger
fait entendre un bruit de glou-glou au moment de ladéglutition.Le22juin, lemalade estopéré par M. le professeur Lanelongue qui pratique lagastrostomie par le procédé Fontan (incision le long des cartilages costauxgauches, fixation de l'estomac àla plaie, étroite ou¬
verture parlaquelleonpasse une sonde molle qui refoule la muqueuse autourd'elle,en formede valvule, suture des muscles et de la peau, fixation de lasonde à la peau par un fil de
soie).
Le malade supporte parfaitement
l'opération,
il s'alimente par la sonde, mais il se produit un peude sphacèle autour de la plaie. Trois semaines après, le malade succombe à la suite d'un phlegmon de laparoi abdominale. ,
L'autopsie
a démontré l'existence d'une tumeur squirrheuse de la partie inférieure del'œsophage
déterminant un rétrécissement extrême¬ment serré de
l'organe
en ce point. Au-dessus de luil'œsophage
pré¬sentait une dilatation ampulaire volumineuse et contenant des mu¬
cosités.
CHAPITRE II
Forme
traehéo-bronohique.
C'est de beaucoup la plus
fréquente,
nonseulement à
cause des rapports
étroits et étendus de l'œsophage
avecla
trachée et les grosses branches,
mais
encoreà
causedes
ganglionstrachéo-bronchiques qui sont souvent atteints de
dégénérescence cancéreuse avec
fonte et parfois infection
secondaire, d'où formation de
fistules œso-trachéales et
œso-bronchiquesà trajet plus
oumoins long et sinueux.
Il seproduit
d'abord des phénomènes de compression, la
tumeurœsophagienne
venant
pressercontre la paroi posté¬
rieure élastique de la
trachée, rétrécit le calibre de celle-ci
qui peut être
réduit à
unesimple fente (Larkin, New-York
1898) et finit par entraîner une
dyspnée permanente, l'em¬
physème
pulmonaire
accompagnesouvent
cerétrécissement
trachéal. Dans ces cas de compression,
la respiration prend
un caractère tout particulier :
l'inspiration est longue, péni¬
ble, onentend l'air passer en
sifflant dans le calibre rétréci
de la trachée ; l'expiration,
également très pénible,
sefait
en quelque sorte en deuxtemps,
commesi le malade épuisé
n'avait pas la force de
la terminer d'un seul
coup;de plus,
la respiration est
souvent interrompue
pardes quintes de
toux trèspénibles. C'est
cette difficulté de l'expiration et ces
quintes de touxqui sont la
causede l'emphysème pulmo¬
naire, par suite de
la dilatation forcée et prolongée des al¬
véoles pulmonaires. La
trachéotomie
aété pratiquée dans
certainscas, mais elle
n'est généralement
pasd'un bien
— 16 —
grand secours ; le plus souvent, la tumeur est placée trop
bas pour que l'incision de la trachée puisse être faite au-des¬
sous. Cette compression de la trachée entraîne le plus sou¬
vent la mort par asphyxie, la face devient pâle, décolorée, les lèvres sont bleues, cyanosées.
La complication
trachéo-bronchique
la plus fréquenteest
l'ulcération;
la tumeur devientadhérente.àla trachée par suite d'un travail d'inflammation qui envahit le tissu cellu¬laire péri-trachéal, d'autres fois l'accolement a lieu par l'intermédiaire des ganglions dégénérés et
hypertrophiés (Béhier).
La tumeur, ayant envahi d'une partla muqueuseœsophagienne, d'autre part la muqueuse trachéale, s'ulcère de part etd'autre, si bien que, au bout d'un temps
variable
avecchaque cas, les deux conduits se trouvent subitement
en communication, après avoir causécependant des hémor¬
ragiesplus ou moins abondantes; quelquefois,des tentatives malheureuses de cathétérisme hâtent cette perforation. Il est facile de comprendre que la communication peut se pro¬
duire entre l'œsophage et les bronches, si la tumeur se trouve située au niveau de la bifurcation de la trachée; la bronche gauche est plus souvent perforée quela droite; dans quelques observations, les deux bronches étaient perforées.
Les symptômes de la perforation du canal respiratoire va¬
rient suivant l'étendue de cette perforation ; si elle est étroite, indirecte, elle peut passer
longtemps inaperçue
et même n'être découverte qu'à l'autopsie ; si elle est large, eton en a vu quelquefois de plus de 2 centimètres de diamètre, elles causent desdésordres sérieux et
bruyants
: dysphagie intense, quintes de toux violentes au moment de la dégluti¬tion, expectoration abondante mêlée de matières alimen¬
taires. La mort par suffocation arrive en général très rapi¬
dement
après
cet accident, à l'autopsie on trouve dans les poumons des îlots d'hépatisation causés par des débris ali¬mentaires qui s'arrêtent dans les bronches ety jouent le rôled'embolies.
Observation II
(Salneuve,Bulletin
de la Société anatomique, 1852,
p.241.)
Hommede trente-sept ans,
alcoolique. Le Ie1'juillet 1851,
endînant
ilrit, avalemal un morceau
de viande
:suffocation, douleur vive à
l'arrière-gorge,le morceau
de viande est expulsé. A partir de ce mo¬
mentladouleur continue àl'arrière-gorge;
impossible d'introduire des
aliments solides; pasde
douleur
àla pression
; pasde fièvre; sangsues,
cataplasmes. Le12 août, amaigrissement, pâleur de la face. Adynamie
commençante. Apyrexie, larynx
volumineux, aphonie, dysphagie qui
nelaisse passer que les
liquides
etles potages clairs. Douleur vague
dans lapoitrine,
cathétérisme, obstacle
auniveau du larynx, franchi
assezfacilement. Amélioration; troisautres
tentatives faites à
peude
distancerestent sans succès; douleursde poitrine
plus vives. Dysphagie
plus forte, dyspnée;
suffocation
;trachéotomie
;mort le 27 septembre.
Rétrécissement del'œsophage de 4
centimètres d'étendue
auniveau
des deuxpremiers arceaux
de la trachée, admettant le petit doigt.
Membranemuqueuse dece
point
nonaltérée, plissée, rétractée; fibreuse
et musculeusesaines,ladernière adhèreau
tissu cellulaire voisin épaissi
etsemble avoirété le sièged'une
phlegmasie antérieure. Deux ulcéra-
rations au-dessousdurétrécissement, l'une embrassant
toute la circon¬
férence moins unîlot de 2à3 millimètres et ayant
3 centimètres 1/2
enlong; l'autre ayant une
base
aubord supérieur de l'ulcère et une
extrémité libre touchant presquele
bord inférieur, sorte de frange en
forme delanguette, formantune
sorte de luette
oude soupape que l'air
oules aliments devaient mettre enmouvement. Le
fond de l'ulcère est
irrégulier, formant une
cavité anfractueuse pouvant loger une petite
noix, et adhérente àla
trachée dans laquelle elle s'ouvre du côté opposé.
Dans la trachée etles deux bronches sont descorps
alimentaires qui ont
causé uneliépatisation des
deux lobes supérieurs. 2 cent. 1/2 plus bas,
autreulcération de 7 centimètres,à bords
irréguliers
avecperforation
de 5 centimètres delong sur 1 de
large, Communiquant
avecle tissu
cellulaire du médiastin danslequel sont
répandues des matières alimen-
Mu, 2
taires; ganglions bronchiques énormes etindurés, suppuration de cer¬
tains d'entreeux,
ie
tout formant un gros noyau. M. Lebert constate que c'estun cancer épithélialdel'œsophage.
Observation III
(Suzanne, Comptesrendus de laSociété Aiiatomique de Bordeaux, 1884.)
Louis C..., quarante-trois ans, garçon d'hôtel, entre à
l'hôpital
Saint- Andréàla fin de novembre 1883,salle14, lit n° 18,service de M. le pro¬fesseur Vergely..
Père mort accidentellement, mère âgée de soixante-dix ans, vit
encore. Quatre sœurs, dont trois sont vivantes et bien portantes, la quatrième est morte àla suitedecouches.
Jusqu'à l'âge de quinze ans, C... reste malingre, chétifeta une mau¬
vaise santé. Pas de maladie dans son âge adulte. Pas de syphilis.
Habitudes alcooliquestrèsprononcées, il fumait
beaucoup.
Le début de sa maladie remonterait au mois de décembre 1883; il éprouvait alors des douleurs et surtoutunegêne dansla déglutition; bienplus, le passage des alimentsdans
l'œsophage
déterminait une dou¬leur assez vive, qui cessait dès que l'aliment était parvenu à l'estomac.
Peu à peu, les douleurssont devenuestrès vives et elles sesontfaitsen¬
tir non-seulement pendant lesrepas, mais encore dans leurs intervalles.
Insomnie. Pour éviter les douleurs le malade mange peu, d'ailleurs il
commence à avaler difficilement etles aliments paraissent au malade éprouver untemps d'arrêt pendant leur progression dans
l'œsophage.
Amaigrissement; perte de forces. Poids à son entrée : 105 livres.
Etatactuel, le2 décembre 1883.Le maladeestdans ledécubitus dor¬
sal,son visage exprime la
fatigue
et la souffrance, il est amaigri, les pommettes sont saillantes, les membres ne paraissent pas trop grêles.Languebonne, appétit léger,gêne dansla déglutition;
lorsque
lemalade avale des solides, il lessent très bien s'arrêter à peu près vers lapartie moyennede l'organe, en mêmetemps iléprouvedesdouleurs vives dans cetterégion, qui diminuentlorsque la substance a dépassé la région où le malade sentl'obstacle. De même pour lesliquides, s'il veut les avaler— 19 —
sansêtreobligé de les rejeter il est forcé de boire très
lentement et alors
ilpeutles
ingérer
sanséprouver de gène notable. Mais lorsqu'il boit rapi¬
dement, les liquides sont aussitôt rejetéspar
la bouche
comme par unesorte de régurgitation. Pas de
vomissements. Le cathétérisme laisse
passer une
sonde (n° 3) dans les premiers jours de l'arrivée du malade à
l'hôpital.
Depuiscejour le
malade
nousdit
quegraduellement, mais d'une façon
cependant très sensible, sa
gêne dans la déglutition s'est
accrueaupoint
que le 18 décembre,
il
ne peutavaler de solides et
queles liquides
ne passentqu'avec devives douleurs. Ce jour-là le cathétérisme tenté reste impossible.
On sent trèsbien
unobstacle à
unedistance de 35 centimètres
des arcades dentaires. Cette tentative est très douloureuse pour le
malade.
Aujourd'hui
(2 décembre) les signes
nesont
paschangés, mais la gêne
dela déglutition s'est accrue. Le
malade
nepèse plus
que130 livres. Il
prend du lait et 1 gramme
d'iodure de potassium.
26 décembre 1883.Même état du malade, douleurs
spontanées,surtout
la nuit.
4janvier 1884. Douleurs
dans l'hypocpndre droit, au-dessous du
rein ; douleursmoins vives àl'épigastre
dont l'exploration est pourtant
douloureuse. Coryza,
céphalalgie violente.
10janvier. Toux
fréquente, expectoration abondante de crachats
spu¬meux, blanchâtres, aérés. A l'auscultation,
râles sous-crépitants épars
dansles deux poumons.
15 janvier. L'expectoration
continue, les râles disparaissent, l'ins¬
piration esttrèsrudevers les bases. La
dysphâgie n'a
pasdiminué,
17janvier. Le
malade,
trèsoppressé,
seplaint continuellement, expec¬
toration abondante. A l'auscultation, pas de
râles, souffle inspiratoire
trèsfortaux deux bases du poumon.Pas
de retentissement égophonique
de la voix, vibrationsconservées. On
supprime l'iodure
etonprescrit de
l'extrait mou de quinquina etdu
kermès,
20janvier. Amélioration,
oppression et expectoration moindres. On
entend toujoursle
souflle inspiratoire
auxdeux bases.
25janvier. L'état
général s'aggrave, le souffle persiste à la base du
poumon droit, on ne l'entend qu'à
l'inspiration où il revêt
untimbre
spécial, il semble qu'un
obstacle
se trouveplacé
surla bronche et empê-
— 20 -
che l'air depénétrerfacilement.Depuis deux jours le malade ne peut avalerune gouttede liquide, il vomit aussitôt.Les douleurs spontanéesau creuxépigastriquesontmoins vives, elles persistent encore à lapression.
Lavements depeptone.
28janvier. Amélioration légère, douleurs moins vives, le malade
nous ditqu'il commence àavaler un peu de liquide.
pei-février. Le malade avale du lait assez facilement,il se trouve mieux.
4février. Douleur du côté gauche à la base de la poitrine, quelques râles sibilants, le souffle persiste à droite. Expectoration assez abon¬
dante de crachats blanchâtres. Le malade peut avaler du tapioca.
•6 février. Lemalade, qui s'est refroidi,toussebeaucoup, expectoration abondante, la déglutition devient difficile. „
9 février. Lemalade ne peut plus avaler, les douleurs persistent.
12février.Le malade acraché du sang dans la nuit; à gauche,matité
très marquée en arrière de la poitrine. Affaiblissement dumurmure
respiratoire. Souffle àl'expiration dans la fosse sus-épineuse; àla base du poumondroit, souffle inspiratoire. Expectoration abondante de cra¬
chats blanchâtres striés de sang. Egophonie. Le malade n'avale plus
facilement. En avant et à gauche, râles sous-crépitants nombreux. .
14 février. Le malade est très oppressé, plaintes incessantes, dou¬
leurs vives dans la régionépigastrique etderrière le sternum. Dégluti¬
tion impossible. Le'malade meurtdans lajournée.
Autopsie, 15février. L'autopsie est faite environ vingt-huit heures après la mort. Rien de particulierà l'extérieur du cadavre.
Al'ouverture de l'abdomen, rien de particulier: foie volumineux, congestionné, graisseux. Pas de novauxcancéreux, peu de liquide dans
la vésicule biliaire. Rate petite, sclérosée; reins congestionnés. Cerveau normal.
A l'ouverture du thorax, on remarque : adhérences du poumon droit
àla paroithoracique, adhérence du poumon gauche à la partie supé¬
rieure; dans la cavité pleurale on trouve un épanchement abondant,
environ 7 à 800 grammes de liquide séro-sanguinolent. Sur la face
externe du poumon gauche, nombreuses fausses membranes jaunâtres,
assezépaisses; on en trouve aussisur la plèvre pariétale.
Lesdeux poumons enlevés,on dissèqueavec soinl'œsophage en allant
du cardiavers lapartie
supérieure. Le cardia est sain, de même que le
tiers inférieur de l'œsophage,
mais
autiers
moyen, auniveau de la
bifurcation des bronches, onconstate
l'existence d'une tumeur ayant le
volumed'une petite pomme.
La consistance est faible, sa couleur rosée
etelle estle siège surson
côté gauche d'une ulcération bourgeonnante
trèsirrégulière
qui
aenvahi la bronche gauche par sa paroi postérieure ;
cette paroi est
détruite, de même
quequelques anneaux cartilagineux,
etonvoit unecommunication ayant
le volume d'une lentille entre l'œso¬
phage et la
bronche gauche. A droite,
aucontraire, la tumeur n'est
pas ulcérée et
emprisonne complètement la branche inférieure de bifur¬
cationdelabronche droite qu'elle
aplatit.
Lesnerfs phrénique
et pneumogastrique
nesont pas compris dans la
tumeur;au niveaudes bronches,
quelques ganglions indurés.
Sur les coupesdu poumon
droit,
ontrouve
unecongestion intense de
l'organe; le poumon
gauche comprimé
parl'épanchement est rouge, ne
crépite plus et donne
lieu
surla
coupeà
unpeu de liquide sangui¬
nolent.
La colonne vertébrale ne présentepas
de
noyauxcancéreux.
Enrésumé: cancer de l'œsophagesiégeant
à la partie
moyenne,ayant
comprimépuis
perforé les bronches.
CHAPITRE III
Formes
laryngées.
'
On peut ranger sous ce titre deux formes très différentes :
l'une est le résultat de la propagation du cancer à la mu¬
queuse, aux muscles etauxcartilagesdu
larynx
;la seconde, est due à desphénomènes
de compressionoud'englobement
des nerfs
laryngés.
La première forme est assez rare, car le cancer primitif de
l'œsophage
nesiège pas souvent àla hauteur dularynx
; quand les deux organes sont atteints, c'est en général lelarynx
quidébute,
le cancer del'œsophage
n'est que secon¬daire. Du reste, cette forme n'est, en cecas,qu'une modifica¬
tion de la forme trachéale et se présente avec le même cor¬
tège
symptomatique
:dyspnée,
quintes de toux, suffocation.Il y a en plus, quand les cordes vocales sont lésées, del'en¬
rouement, de la raucité de la voix qui devient bitonale si l'une des deux cordes seulement est lésée, on aboutit finale¬
ment à
l'aphonie.
Fauvel en rapporte deux cas dans sonTraité des maladies du
larynx
; dans les deux cas, ily eutdysphagie,
puisdysphonie
avec expectoration de crachatssanguinolents,
la mort survint par inanition et cachexie.Green
(Arch. gén. de
méd.1849)
en rapporte aussi un cas dans lequel il yeut en plus nécrose du thyroïde et ducri- coïde ainsi que de plusieurs anneaux de latrachée;
la mort survintbrusquement,
l'auteur ne dit pas de quelle manière.La seconde forme n'est guère plus fréquente, elle est tou¬
jours très grave. Les symptômes objectifs spéciaux sont dus
à la
paralysie des cordes vocales inférieures; au moment
où surviennent les
troubles de la déglutition, le malade s'aperçoit d'un changement dans sa voix, elle devient rau- que,bitonale, le malade est bientôt complètement aphone. En
mêmetemps
la respiration devient difficile par suite de la
paralysie de la glotte, il se produit des accès de suffocation,
du cornage et en
même temps
un peud'emphysème dù à la
difficulté de
l'expiration. D'autre part, si l'on examine au
laryngoscopeles cordes vocales du malade on constate leur
intégrité anatomique, mais
enmême temps on s'aperçoit
que
l'une d'elles
ou quetoutes les deux restent immobiles
malgré les
efforts
quefait le malade pour parler."Quand les
deuxcordessont
paralysées,
parsuite de la lésion des deux
nerfs récurrents, la glotte
reste constamment à demi ou¬
verte, elle est
flasque et
onvoit les deux cordes vocales
-s'agiter
légèrement
au passagede l'air. On no trouve pas
d'observationbien nette de spasme
du larynx à la suite de
lésionsdes récurrents dues au cancer
de l'œsophage.
Ce qui est
remarquable dans cette forme, c'est la rapidité
aveclaquelle
le malade arrive à la cachexie et à la mort,
malgré l'absence
d'ulcération du néoplasme ; cela semble dù
à l'insuffisance
respiratoire provenant d'une part de la com¬
pression de
la trachée, de l'autre, de la paralysie des récur¬
rents qui sont des
nerfs inspiratoires, comme dilatateurs de
laglotte.
ObservationIV
Tesson, soixante ans, marchand des
quatre saisons, entre le 30 dé¬
cembre 1880 àl'Hôpital de la
Pitié, dans le service de M. Bronardel.
Cet homme, habituellementbien
portant et d'un tempérament vigou¬
reux, se dit maladedepuis
trois mois et demi environ. A cette époque,
il acommencé à maigrir, à
perdre
sesforces
;il
a euplusieurs hémop-
tysies. Peu àpeusa
voix s'est qltérée, est devenue enrouée et rauque;
enfin, ila éprouvéune
gêne croissante de la respiration et s'est vu forcé
d'interrompre
sontravail. Lerepos et quelques soins reçus chez luin'ayant
amené aucune amélioration, ilse décide à entrerà l'hôpital.Le lerjanvier 1881, on constate l'état suivant : le malade est très
amaigri, d'une pâleur cachectique. La voix est rauque, voilée, par ins¬
tantscomplètement aphone; dès quele malade essaie de parler, il est saisi d'une toux quinteuse, très pénible, qui amène l'expectoration de crachats épais, légèrement spumeux,d'une teinte rosée toute particu¬
lière. La dyspnée, modérée aurepos, s'exagèrepar le moindre mouve¬
ment et ilseproduit un peu de cornage. Le maladeporte fréquemment
la main à sa gorgeetindique son larynxcommeétant le siège unique
de son mal ; il a la sensation d'une gêne douloureuse à ce niveau, dou¬
leur augmentéeparla pression. L'examen du thoraxrévèle tous les si¬
gnes d'un emphysème généralisé. L'appétit est conservé, pas de gêne de la déglutition. Température normale, pas de sueurs nocturnes. On
diagnostique un cancer du larynx.
8janvier.La situation du malade s'aggrave rapidement; il est com¬
plètement aphone, il existe uncornage bruyant avec un peu de tirage épigastrique ; latoux persiste avec expectoration de matières écumeu- ses, tenaces, rosées. La sensibilité à la pression est excessive au niveau du larynx, l'examen laryngoscopique est devenu impossiblepar suite de l'extrêmesusceptibilité du pharynx. L'auscultation des poumons donne des résultats négatifs,mais l'emphysèmeet le cornagesuffiraient àmar¬
quer les signes de lésion pulmonaire s'il en existait.
La trachéotomie discutéeestjugée inutile. Peu à peu, la face prend
une teintecyanique et, le 16janvier, le malade succombe à
l'asphyxie
progressive.Autopsie.—Ontrouve lelarynx parfaitement sain ; mais la trachée, l'œsophageet les ganglions voisinssont envahispar un cancer à forme végétante qui s'estdéveloppé à la fois du côté du conduit trachéal et du canalœsophagien, et qui les soude intimement l'un àl'autre.
Du côté de latrachée, le néoplasme s'étend "du premier anneau jus¬
qu'au dixième, la muqueuse trachéale est envahie par des bourgeons
cancéreuxsaillants, qui oblitèrentpresque complètement le conduittra¬
chéal. Ces bourgeons arrondis, blanchâtres, ont une consistance ferme et résistante, unetrame fibreuse, résistante,pas desuc au raclage. En bas, le néoplasme cessebrusquementpar un bourrelet saillant, au-des¬
sous duquel la muqueuse trachéale a ses caractères normaux.
— 25 —
Alamême hauteur, mais dansune
plus grande étendue, l'œsophage
offre deslésionsanalogues ; bourgeons
agminés en chou-fleur sur la pa¬
roiantérieureduconduit,
faisant saillie dans son calibre, mais sans
l'oblitérer, pas
d'ulcération.
Les ganglions
cervicaux profonds qui côtoient la trachée et l'œso¬
phage
sont envahis
parle néoplasme. Les nerfs récurrents englobés en¬
treces ganglions,
l'œsophage et la trachée malade sont étouffés dans
cettemasse morbide et
entièrement méconnaissables.
Lespoumons
emphysémateux, très volumineux, présentent de l'œdème
etdela
pneumonie bâtarde
auxbases. Les bronches, saines dans toutes
leursramifications, sont
remplies d'un magma puriforme et rosé. Le
tissu
pulmonaire renferme de nombreuses nodosités cancéreuses ressem¬
blant àlacoupe aux
végétations trachéales et œsophagiennes.
L'examen histologique
pratiqué
parM. Cornil a montré qu'il s'agis¬
saitd'unépithélioma
à cellules pavimenteuses, développé primitivement
auxdépens
des glandes de l'oesophage.
CHAPITRE IV
Formes
pleuro-pulmonaires.
Les accidents
pleuro-pulmonaires
consécutifs au cancer del'œsophage
peuvent être dus à la propagation du cancer au poumon, mais souvent aussi on constate des pneumo¬nies, des
pleurésies,
despleuro-pneumonies,
sans que pour¬tant le poumon ou la plèvre soient atteints parlecancer.
Dans les cas depropagation, on peut trouver des pleuré¬
sies
simples
ou purulentes, delTiydro-pneumothorax
ou des pneumonies. Leplus souvent011 trouve une lésion bâtarde:quelques
nodules cancéreux disséminés dans le poumon sont devenus le centre de noyauxd'hépatisation
plus ou moins nombreux; mais le cancer n'a point pu atteindre le poumon sans toucher à laplèvre,
aussi trouve-t-on en même temps une pleurésie qui contient un liquide sanguinolent;cette pleurésie peut être
enkystée
et donner lieu aux signessthétoscopiques
de la pneumonie, comme cela avait lieu dans un cas de Damaschino.La pleurésie et la pneumonie survenant
brusquement
au cours du cancer del'œsophage,
sans qu'il soit constaté de perforation ou de propagation du cancer au poumon, ont exercé et exercent encore la sagacité des cliniciens.Certains,
comparant ces accidents avec la congestion pulmonaire consécutive à
l'étranglement
herniaireet attribuée par Ver- neuil à unenévrite du grandsympathique,
les ont ratta¬chées à la même cause. Fernet, Fubre et
beaucoup
d'autres les fontdépendre
d'une névrite dupneumogastrique.
Latumeur
englobe le pneumogastrique ou le comprime, les
fibres
dégénèrent dans bien des cas, son action se trouve
abolie totalement ou en
partie, tout
sepasse comme dans les
cassuscités par
les expériences de Valsalva, Morgagni, Le-
gallois, Vulpian, Claude Bernard, Talamon, Letulle, qui ont
constaté
de-véritables pneumonies mortelles à la suite de la
section des deux
nerfs
vagues.Il est évident que
cette théorie est très séduisante, c'est
plus
qu'une hypothèse, puisqu'elle repose sur des faits expé¬
rimentaux,
cependant il est des
casoù, malgré une désorga¬
nisation presque
complète du pneumogastrique, on ne trouve
pas
de lésion pulmonaire. Nous devons à M. le professeur
Sabrazès une
observation (VII) dans laquelle on a trouvé les
pneumogastriques englobés dans la tumeur, des nodules
néoplasiques développés entre les fibres mêmes de ces nerfs
et un très grand
nombre de
cesfibres dégénérées; cependant
les poumons
étaient absolument sains. Cette observation
n'infirmeen rien la
théorie qui fait de la pneumonie une
névrite du
pneumogastrique, elle montre seulement que ce
nerf peut
être
presquecomplètement désorganisé, et que,
malgré tout, ses
fonctions ne sont pas abolies; il suffit qu'un
très
petit nombre de fibres restent intactes pour que la res¬
piration
continue à s'effectuer normalement.
Il estencore une
circonstance qui contribue à accréditer
cette théorie, c'estque
le plus souvent, pour ne pas dire tou¬
jours,
la pneumonie
oula pleurésie se produisent du côté
droit, orc'est
le pneumogastrique droit qui se trouve le plus
étroitementen rapport avec
l'œsophage, c'est lui qui est le
plus
souvent englobé
parla tumeur.
Cependant
cette théorie de l'origine névritique de la pneu¬
monie dans cecas tend
actuellement à être abandonnée et
avec
raison,semble-t-il.En effet, tous les auteursqui ont écrit
jusqu'à
cesderniers temps sur ce sujet ont négligé de tenir
compte, dans
l'étiologie des pneumonies compliquant le can¬
cerde l'œsophage,
d'un facteur essentiel et toujours présent
dansces cas : c'est