FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXA.1STITÉE 1900-1901 No 84
CONTRIBUTION
AL'ETUDE
DES
)1 S
mLiu
jua u
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 31 Juillet 1901
Jean-François-Hyacinthe CRAUSTE
NéàOssun(Hautes-Pyrénées),le 9 janvier 1875.
Examinateurs de la Thèse
MM. PIÉCHAUD, professeur... Président.
BOURSIER, professeur... \
) DENUGÉ, agrégé > .lu;/es.
( PRINCETEAU, agrégé )
Le Candidatrépondra auxquestions qui luiseront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. C A DORE !
17 hue poquelin-molière 17 (ancienne ruemontmejan)
1901
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
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GDoyen honoraire.
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MM. MICÉ j
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LE DANTEC.
Le Secrétaire de laFaculté: LEMAIRE.
Pardélibération du5 août 1819, la Facultéaarrêtéqueles opinions émisesdans les hèses qu'
qui sont présentées doivent être considérées comme propres
à leurs
auteurs, etqu'ele n'entend
leurdonnerni approbation ni improbation.
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
Hommagede piétéfiliale.
A MON
FRÈRE
MAURICEPour luitémoignerma profonde tendresse.
A MES PARENTS
A MES AMIS
A mon Président de
Thèse,
Monsieur le Docteur T.
PIÉCHAUD
Professeurdeclinique chirurgicaleinfantile,à la Facultéde Médecine deBordeaux,
Officierde l'Instructionpublique.
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DES
DIVISIONS CONGÉNITALES DE LA LANGEE
AVANT-PROPOS
Vers la fin du mois de mai
dernier,
un enfant seprésentait
au service de M. le
professeur Piéchaud,
atteint d'une des ano¬malies les
plus curieuses
et les moinsfréquentes qu'il soit donné
d'observer. Nous voulonsparler de la bifîdité congénitale de
lalangue. L'extrême
rareté de cette affectionetl'intérêtparticulier
que
présentait
notrepetit malade,
nous ont conduit à effectuerquelques
recherches dans la littératuremédicale,
réunirlesobservations analogues publiées
surle
mêmesujet,
àprésenter
enfin de la
question
une vue d'ensemble.. Notre étude
comprend quatre parties. Après avoir, dans
unpremier chapitre,
résumérapidement leur historique,
nous abor¬dons,
auchapitre II, l'étude syrnptomatique des divisions congé¬
nitales de la
langue
etleur association avec d'autres anomalies.Le
chapitre III
est relatif auproblème si délicat
de lapatho¬
génie
et del'étiologie. Enfin après avoir, dans
unquatrième
et dernierchapitre, parlé du pronostic
etdu traitement,
nous éta¬blissons nos conclusions.
Oauste
2
— 10 —
Mais avant
d'aborder l'étude de notre sujet et de quitter défi¬
nitivement les
hôpitaux et la Faculté, nous nous permettrons
d'adresser à nosmaîtres
l'hommage de notre profonde recon¬
naissance pour
leur enseignement aussi généreux que puissant.
Nos remerciements
iront tout d'abord à M. le professeur Pié-
chaud, dont les belles leçons cliniques auprès des petits malades
furent pournousun
guide précieux dans la connaissance, parfois
si délicate,
des maladies chirurgicales de l'enfant. Après nous
avoir
prodigué
unenseignement des plus utiles et les marques
d'un affectueuxintérêt
durant notre séjour trop bref à son ser¬
vice, M. le professeur Piéchaud veut bien aujourd'hui accepter
la
présidence de notre thèse. Nous sommes heureux de couron¬
nernos étudesavec
le
concoursde
sahaute bienveillance et nous prions notre maître de vouloir bien agréer l'assurance de notre
profonde gratitude et de notre respectueux dévouement.
Merci àM. le
profeseur agrégé Princeteaudont l'accueil sym-'
pathique restera toujours gravé dans notre souvenir.
Mercià M. le docteur
Guyot, chef de clinique chirurgicale à
l'hôpital des enfants, qui, avec une amabilité au-dessus de tout
éloge,
abien voulu s'intéresser à nos recherches et nous guider
de ses conseils.
Merci enfin à nos
amis Lannes et Pujos, répétiteurs au Lycée
de Bordeaux,
qui ont si gracieusement mis à notre disposition
leur connaissance des
langues étrangères. Qu'ils veuillent bien
agréer l'expression de notre vive et sincère amitié.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
%
C'est seulement au début du siècle dernier que
les divisions congénitales
de lalangue apparaissent
pourla première
fois dans la littérature médicale. Ce sont, ditGeoffroy-Saiiit-Hilaire
(Traité
desanomalies, 1832),
«des difformités
rares,mais
dont les auteurs ont recueilliquelques exemples. Hoffmann
et Schu- bart(1819)
ont vu lalangue bifurquée chez
dessujets
mons¬trueux; Dana (1825) chez
un enfant d'ailleursremarquable
parune luette excessivement
allongée. Dans
tous ces cas,plus
ou moinsdignes d'attention, la langue
réalisait presque exactement chez l'homme lesconditions normales de lalangue des phoques,
et
présentait
del'analogie
avec celle desserpents
etde
laplupart des
sauriens. »Geotîroy-Saint-Hilaire distingue la bifidité
et laduplicité de la langue
: « Les deuxlangues, dit-il,
sont tantôt l'une à côté del'autre, disposition
dontj'ai
moi-même observé unexemple chez
le veau, et tantôt superposées.
Suivant Meckel, il
y abifurcation
dans tous les cas dupremier
genre,il
y aduplicité dans
tousceux du second; mais les uns et les autres sont
trop
peu connus pourqu'il
soitpermis de
se prononcer sur eux d'une manièrepositive.
»En
1847, Pigné présente
à la Société d'anatomie un monstremonocéphale, bimane,
ayantquatre
membresabdominaux présentant
deuxlangues
latéralesdéveloppées dans
la cavitéetbuccale.
Parise,
dans le Bulletin clethérapeutique, 1862,
rapporte1
observation
d'unjeune
enfantatteint de bifidité
linguale
enmême
temps
quede
division du maxillaire inférieur.12
Septours (Union médicale du 8 février 1876) publie une
observation
des plus curieuses et unique dans la science de
trifidité
linguale
surun monstre atteint de spina bifida consi¬
dérable.
Barling, 1885, rapporte l'histoire d'un enfant atteint de divi¬
sion
linguale compliquée de tumeur et de division palatine.
Brothers, en
1888, donne l'observation d'une jeune fdle qui
mourutdans
le
marasmeunmois après sa naissance. Cette enfant
n'avait pu
être nourrie au sein parce qu'elle était atteinte d'une
fissure
complète du voile du palais. La pointe de la langue était
bifurquée
parune fissure d'un huitième de pouce de profondeur.
Le maxillaire
inférieur était mal développé, les gencives faisaient
défaut.
Tout
récemment enfin, M. le Dr Guyot, chef de clinique chi-
rurgicaleaux Enfants-Assistés, présentait à la Société d'anatomie
et de
physiologie de Bordeaux l'observation recueillie dans le
service
de
sonmaître, M. le professeur Piéchaud, d'une fillette
dont la
langue était bifide et dont les maxillaires présentaient
quelques lésions congénitales de peu d'importance; cette obser¬
vation,
qu'il
abien voulu reconstituer devant nous, en présence
de son
petit malade, a été le point de départ des recherches que,
guidé
parses précieux conseils, nous avons effectuées sur la
question.
CHAPITRE II
SYMPTÔMES. DIAGNOSTIC
Les divisions
congénitales de la langue s'associent toujours,
comme on l'a vu au
chapitre précédent,
àd'autres malforma¬
tions
également originelles. Aussi
avons-nouscru devoir scinder leur étudesymptomatique
endeux paragraphes distincts. Un premier,
consacré àla description de la fissure elle-même.
Un second à l'étude des lésions dont elles'accompagne.
A. La
fissure linguale est généralement unique, médiane
et afiecte la forme d'un V à sommetpostérieur dont les branches
divisent, parleur écartement, le
corpset la pointe de la langue
en deux moitiés
symétriques et divergentes. Son
étendue est variable. Tantôt limitéeà l'extrémité del'organe (Cas de Guyot)
elle s'étend
pârfois jusqu'à la partie
moyenne(Cas de Barling), quelquefois aboutit
aurepli glosso-épiglottique médian
et divise lalangue dans toute
salongueur (cas de Parise). Les
bords de la division sont recouverts par une muqueuse
d'aspect,
normal
qui
secontinue
sansligne de démarcation
nette avec le revêtementépithélial voisin.
Le
frein, intact
dans les fissures de peud'étendue,
se scinde dans les autres cas en deux moitiéssymétriques
etdivergentes.
B. Lésions associées. — Les anomalies que
l'on
observe en mêmetemps
queles divisions congénitales
de lalangue
peu¬vent,
semble-t-il,
êtrerangées
endeux
groupes :les
unes devoisinage, intéressant
surtout les massifs maxillairessupérieur
et inférieur
compatibles
avecl'existence;
lesautres, plus
éten¬dues,
résultant d'un troubleprofond dans le développement
del'organisme
etparticulières
àla
monstruosité fœtale.— 14 —
a)Lésions desmassifsmaxillaires.
Elles consistent en
fissures et tumeurs. Fissures et tumeurs
s'observent
parfois
sur unmême sujet de pair avec la bifidité
linguale et
nousverrons auchapitre suivant, en étudiant la ques¬
tion au
point de
vuepathogénique, qu'il parait exister entre ces
diverses anomalies
d'étroites relations de
causeà effet. Les
tumeurs
habituellement kystiques,
ennombre variable, peuvent siéger
en unpoint quelconque de la langue et du plancher buc¬
cal. Il est
cependant à noter que, dans les cas de divisions asso¬
ciées,
quel
quesoit leur nombre, l'une des tumeurs s'implante
toujours à l'angle de la division. Les tissures existent à tous les
degrés, depuis la simple gouttière limitée et superficielle, jus¬
qu'à la fente complète, profonde, établissant au niveau de la
voûte
palatine
unecommunication plus ou moins large entre les
fosses nasales et la
cavité buccale. Leur siège,
onle conçoit, est
également variable et l'on peut, à ce point de vue, classer les
divisions
compliquées de la langue en trois groupes distincts :
j" groupe.
Divisions linguales associées à des tissures du mas¬
sifmaxillaire
supérieur.
5e groupe.
Divisions linguales associées à des fissures du mas¬
sifmaxillaire inférieur.
3e groupe.
Divisions linguales associées à des lésions mixtes,
intéressant à lafoisles
massifs maxillaires supérieur et inférieur.
a) L'observation suivante, ([lie nous traduisons de l'anglais,
est relative à un cas du
premier
genre.La bifidité linguale s'ac¬
compagne
d'une tumeur implantée au sommet de la division,
sur le
plancher buccal et sur le maxillaire inférieur, en même
temps que
d'une tissure médiane intéressant le voile du palais
dans sa totalité et la
majeure partie de la voûte osseuse.
Ohservation I
Barling, TheBristishmédicaljournal, 5
décembre 1885,
page1061.
Languediviséeaveclobe
médian
etpalais divisé.
Le maladeatteint de cette
difformité était
unenfant du sexe mas¬
culin, âgé
de 10 mois. La langue était divisée d'avant en arrière jus-
— 15 —
qu'àsa partie moyenne. Les deux moitiés
divergeaient,
laissant en avant une ouverture en forme de V au sommetduquel,
en même temps que sur le plancher de la bouche et sur le maxillaire infé¬rieur, s'attachait un lobe médian. Celobe, de lagrosseur d'un pouce, était projeté entre les lèvres, entraînant après lui l'extrémité de la langue, si bien que les lèvres ne pouvaient se fermer et que l'enfant
devait nécessairement être nourri à la cuiller. Cette excroissance, qui consistaiten tissu musculaire, fut enlevée, et depuislors la lan¬
gue s'estretirée dans la bouche. Toute opération
plastique
sur l'or¬ganelui-même a étéajournée, en raison de la trop grande faiblesse de l'enfant. La division du palais intéressait les parties molles et la majeure partie de la voûte osseuse.
Brothers,
dans le Med. Rec. de1888, publie également l'his¬
toire d'une
petite fille atteinte
de fissurecomplète du voile du palais, dont
lalangue était, biffurquée
par unefente d'environ
3 millimètres de
profondeur. Nous regrettons de
nepouvoir donner,
faute dedocuments,
quel'analyse sommaire de
cetteobservation, empruntée
auTraité
des affectionscongénitales de Lannelongue
etMénard.
b) Dans
le Bulletingénéral de thérapeutique de 1862, Parise, professeur
declinique chirurgicale
àl'Ecole
de médecine deLille, publie
une observation desplus intéressantes
relative à« un bec de lièvre médian de la lèvre
inférieure, compliqué de
division de l'os maxillaire inférieur et de bifidité de la
langue
».Le maxillaire
supérieur
estintact.
Leslésions,
exclusivement cantonnéessurlemaxillaireinférieur,
nouspermettent
deprésen¬
ter cette observation comme le
type de
notre deuxième groupe.Observation II
Parise.
Un nouveau-né, âgéde 15jours, me fut apporté à la
clinique
(Hô¬pital Saint-Sauveur de
Lille)
au moisde février1885. Cepetit enfant,né dune mère dont la santé était très faible et
d'apparence
tuber-— 16 —
culeuse, élait
lui-même fort chétif. Son père, sa mère et sôs trois frè¬
resn'offraientaucunvice
de conformation analogue à celui qu'il pré¬
sentait.
Lalèvre inférieure est
divisée dans toute
sahauteur sur la ligne
médiane ; les
angles de la division sont écartés et arrondis, comme
dansle bec de lièvre de
la lèvre supérieure
;il n'y a pas de perte de
substance. L'extrémité
inférieure de la division se continue avec une
ligne
cicatricielle saillante, large de 3 millimètres environ, qui des¬
cend sur la ligne
médiane du
cou,jusque vers la fourchette du ster¬
num. Dans sa moitié
inférieure, cette sorte de raphé médian est
moins
prononcé, moins saillant et se perd insensiblement.
L'os maxillaire inférieurest
divisé
endeux parties latérales, réu¬
nies surlaligne
médiane
par untissu fibreux couvert en avant par
la membranemuqueuse.
Ces deux parties
nese louchent pas ; un
intervalle de 3 à 4
millimètres les sépare. Elles sont très mobiles
l'une surl'autre.
Lalangueest
bifide dans toute sa longueur. La fente, dirigée d'avant
en arrière et sur la
ligne médiane, est considérable. Elle a environ
un centimètre et
demi de profondeur
versla partie moyenne du dos
del'organe.
En arrière, elle diminue insensiblement et cesse à la
naissance du
repli glosso-épiglottique médian ; l'épiglotte est en¬
tière. En avant, elle
divise complètement la partie libre de la langue
et sépare
les bords supérieurs des muscles génioglosses, lesquels
sont notablementécartés.
La pointe de la langue est en outre re¬
courbée en bas, et fixée
à chacun des bords de la division par un
repli muqueux
très court et très résistant. Ce double repli n'est autre
que
le frein lingual divisé en deux feuillets latéraux et très raccourci.
Les bords de ladivision
linguale sont couverts d'une membrane
muqueuse
plus
roseet plus fine que celle qui couvre la face supérieure
de l'organe.
L'angle qui résulte de la rencontre de la face supérieure
de lalangue avec
le bord de la division est très marqué, un peu obtus
cependant.
Les
glandes salivaires sublinguales situées sur les côtés du double
frein ne présentent
rien de particulier. La lèvre supérieure, la voûte
etlevoile du
palais
sontbien conformés. Il en est de même des autres
parties du
corpsqui ont pu être examinées.
Aprèsavoir montré ce
fait
rare auxélèves de la clinique, j exposai
immédiatement les indications
opératoires qui
meparaissaient lui
être
applicables.
Voici ce queje meproposais
de faire
:Première
opération
:Aviver les-bords de la division linguale, mobi¬
liser sa pointe et réunir par la suture
entrecoupée
;attendre le ré¬
sultat de cette première
opération
avantde
passer àla deuxième.
Deuxième opération : Enlever la
bride fibreuse intermédiaire
aux deuxportions du maxillaire en entamantl'oslui-même,
afinde
met¬tre ces deux portions en contact aussi étendu que
possible
pardes
surfaces osseusesavivées; puisaviverles bords de la division
labiale
et réunir par la suture entortillée. L'os eût sans doute été maintenu
suffisamment par la réunion de la lèvre. Dans le cas contraire, une forte épingle passée profondémentsous son bord inférieur dans les
tissus fibreux qui y adhèrent oudans le périoste même eût assuré
laréunion. Peut-être même eût-il été utile d'enlever la bride cervi¬
cale dans uneopération plus tardive.
Malheureusement, l'enfant, fort chétif déjà, prenait difficilement le
sein de sa mère, laquelle n'avait d'ailleurs presque pas de lait.
Il
était mourant
lorsqu'il
me futrapporté et il succomba à l'âged'un
mois environ.
Ce faitprouve non seulement que le bec de lièvre médian de la lèvre inférieure existe, ce qui a été nettement nié par des auteurs modernes, malgré les observations authentiques qui sont dans la science, mais encore qu'il peut être compliqué, comme à la lèvre supérieure, de vices de conformation très
analogues,
division de l'arcadedentaire, division de la langue.Notons,
dans l'observationqui précède, l'existence d'une
bride cicatricielle descendant sur la
ligne médiane du
coujus¬
que vers la fourchette du sternum. Cette
particularité
nous ser¬vira, au
chapitre suivant,
àbaser
lapathogénie de
ce cas sur l'influence exercée au niveau de larégion cervicale
parla pré¬
sence d'une bride
amniotique.
c) Il
existe enfin des cas où les lésions associées occupentsimultanément
les deux massifsmaxillaires,
comme le montre— 18 —
l'observation suivante que
M. le Dr Guyot, chef de clinique chi¬
rurgicale
auxEnfants-Assistés,
abien voulu nous transmettre.
Observation III
(inédite).
Due à l'obligeance de M. le Dr Guyot, chef de clinique
chirurgicale
aux Enfants-Assistés.Paillette D..., 3 mois et
demi,
estprésentée
auservice de chirur¬
gie
infantile à la lin mai 1901,
pourmalformation congénitale de la
langue et
des mâchoires.
Antécédents héréditaires : Père vivant, bien
constitué,
neprésen¬
tant aucun des symptômes
de l'alcoolisme, de la syphilis, aucune
trace d'infection aiguëou
chronique. Mère vivante, chétive, n'ayant
également
rien de spécial.
Antécédents collatéraux : Une sœur, actuellement
âgée de 2
ans,bien constituée.
Antécédents
-personnels
:Pendant la
grossesse,la mère paraît avoir
joui
d'une excellente santé,
sansvomissements, sans traumatismes,
sans infections quelconques.
A signaler simplement quelques dou¬
leurs fixes, peu
intenses, analogues à des sensations de tiraillement,
au niveau de l'ombilic.— Accouchement : Le
travail est long, mais l'expulsion
estspontanée. L'enfant naît dans de bonnes conditions,
sans présenter
de malformations du crâne. Quelques heures après
l'accouchement, on se rend compte
de la difformité dont elle est
atteinte. Elle estmise au sein
maternel
etnourrie jusqu'à l'âge d'un
mois et demi. Ensuite, pour une cause
indépendante, elle est ali¬
mentée au biberon et se développe
normalement.
Examenactuel. — L'enfant ne présente aucune
anomalie du côté
des membres inférieurs. Rienégalementà
l'abdomen, rien
aurachis,
sauf cependant un
petit infundibulum paracoccygien. Aux membres
supérieurs,
clinodactylie très légère du médius et de l'annulaire,
beaucoup plus accentuée au
moment de la naissance. Le crâne est
asymétrique, la bosse temporo-parietale gauche légèrement aplatie.
Les fontanelles sont fermées; il n'existe pas
de malformations auri¬
culaires.
Examen de la bouche. — Lorsque l'enfant ouvre la bouche, on constate l'existence d'une bifidité
linguale,
en même temps quede
deux petites tumeurs d'aspect blanc nacré dont l'une, la plus petite, siège au niveau de l'angle de division, l'autre, plus volumineuse,
sur le bord droit de la langue, à l'union des tiers moyen et anté¬
rieur.
Sur le maxillaire supérieur, on trouve de chaque côté de la
ligne
médiane, à un centimètre environ, deux gouttières quiconvergent
vers le tiers palatin antérieur. Ces gouttières échancrent le rebord alvéolaire, et au niveau de ces échancrures aboutissent, à droite et à gauche, deuxbrides cicatriciellesqui réunissent la face postérieure
de la lèvre supérieure normalementconforméeaux fentes anormales queprésente le maxillaire supérieur. Ces fentes sont incomplètes.
Leurfondest formé par la muqueuse palatine qui se continue de chaque côtéavec le revêtement du voisinage. La voûte estogivale.
Le voile du palais, dans sa partie moyenne, estintact. Cependant la luette, à son extrémité, parait avoir une légère tendance à la bili- dité.
Le maxillaire inférieur présente un arrêt de
développement
avec unediminution de lalongueur
des parties latérales qui sont cepen¬dant soudées sur la ligne médiane etdont le fer à cheval est sur un
plan postérieur à l'arcade du maxillaire supérieur. Comme pour
celui-ci, on trouve à droite et à gauche de la ligne médiane deux légères échancrures auxquelles aboutissentdeux lignes cicatricielles.
Langue.
— La région sus hyoïdienne est bien conformée et, pour constaterl'anomalie,
il fautouvrir la bouche de l'enfant. On remarque alors la bifidité déjà signalée, qui n'estqu'incomplète
et représenteassezbien l'échancrure supérieure d'un cœur de carte à jouer. La partie postérieure de la langue est bien conformée. Le V lingual
existeavec ses papilles caractéristiques. La face inférieure de l'extré¬
mité antérieure de
l'organe
est retenuecontre leplancher buccal par un frein trèscourt dans lequel se trouve incluse une petite tumeur blanchâtre dont le volume est à peu près égal à celui d'un noyau dede cerise. La tumeur située sur la partie latérale de la
langue
est sessile etplaquée
contre le bord droit. Elle est recouverte par une membrane daspect blanchâtre dont la coloration tranche avec celle— 20 —
de la muqueuse
environnante. Sa consistance est molle, rénitente
etne donne pas
la sensation d'une tumeur à contenu liquide. Sabase
d'implantation
nerepose sur aucune induration et la tumeur, bien
circonscrite, ne
paraît
pasavoir de prolongement à l'intérieur de la
langue.
Ces tumeurs paraissent avoir une tendance à diminuer et ne
gênent
nullement les mouvements de succion puisque l'enfant a pris
le sein ets'est bien
développé.
Nous nous
permettrons de noter dans l'observation précédente
que
le V lingual existe et occupe sa situation normale, caractère
des
plus importants que ne mentionnent pas les auteurs et dont
la connaissance
aurait été cependant des plus utiles comme nous
le verrons en
étudiant la pathogénie de cette affection.
Pourterminer
enfin
avecles malformations congénitales des
massifs
maxillaires associés
auxdivisions de la langue, signalons
simplement la possibilité d'un ankyloglosse plus ou moins accusé
dont l'effet, on
le conçoit, sera des plus désastreux par l'immo¬
bilité relative
qu'il imprime à l'organe et l'obstacle que sa pré¬
sence
apporte
auxmouvements de succion opérés par l'enfant.
b)Divisions linguales
associées à des lésions monstrueuses.
La
première observation, relative aux cas de ce genre, est due
à
Pigné qui,
en1847, « sur un monstre monocéphale, bimane,
ayant quatre membres abdominaux, montre deux langues laté¬
rales,
développées dans la cavité buccale. Les freins de ces deux
langues sont réunis sur la ligne médiane en un tronc très fort et
trèsrésistant.
La mâchoire inférieure n'est pas soudée. Les deux
branches
horizontales sont largement écartées sur la ligne
médiane ».
Plus
tard, 1877, Septours constate sur un monstre anencé-
phale l'existence d'une langue trifide avec bec-de-lièvre et spina
bifida
considérable. Son observation nous parait tellement
curieuse par
les lésions qu'elle décrit et les pensées qu'elle
suscite àson
auteur,
quenousn'hésitons pas, malgré son étendue,
à la
reproduire en entier.
- 21 —
Observation
sur un cas de monstre anencèphale. Bangue trifide. Bec de lièvre.
Spina bifida considérable avec rupture spontanée de la poche dans
le sein de la mère.
Dr AlbertSeptours, ancien interne de l'hôpital de Versailles, médecin àCarcassonne (Aude), Union médicale du 8 février 1876.
La nomméeMarie-Louise Z..., modiste,âgée
de
24ans,primipare,
n'a jamais fait jusqu'à ce jour de maladie sérieuse. Brune et bien constituée, elle n'a jamais éprouvé le moindre trouble
menstruel;
elle estmariée depuis treize mois environ. Son époux, jeune et bien conformé, acontractélasyphilisà
Marseille,
quatreannées avantsonmariage; il se rappelle avoir pris, à cette époque, 60 pilules de
bichlorure de mercure. Dans la famille de ce nouveau ménage, on n'ajamais entendu parler de rachitiques ni d'enfantsmonstrueux.
Devenue enceinte, Marie-Louise ne se plaint d'aucun dérange¬
ment fonctionnel pendant sa grossesse, qui suit régulièrement son
cours. Elle
s'aperçoit
seulement,versles derniers temps de sa gesta¬tion, d'une saillie très considérable de l'abdomen ainsi que d'une pâleur extrême dela face et de tous les téguments.
La veille deses couches, le 30 juillet 1894, elle va se promener à
une vigne et fait environ 4 kilomètres à pied. Elle rentre le soir chez elle, un peu fatiguée, toutejoyeuse de sa promenade.
Mais tout à coup dans la nuit, vers deux heures du matin, elle s'éveille en sursaut, et, sanséprouverla moindre douleur, elle inonde
brusquement
son lit. Son mari, effrayé à lavue d'une énorme quan¬tité d'eau qui traverse le matelas etle sommier, s'arme précipitam¬
ment d'une cuvette, puise à l'aide de cet instrument le liquide répandu sur lesdraps etreçoit dansun chaudron celui qui coule sur le parquet. Il en recueille ainsi une grande quantité etestime à plus
de 10 litres la totalité duliquide épanché.
Dès le début de l'écoulement, ce liquide n'est point coloré. Mais
peuàpeu,il perdsatransparencepourprendreune teinterougeâtre.
Le moindre mouvement de la mère suffit pour provoquer un nouvel épanchement.
— 22 —
Obligée de
changer de lit, la malade
selève pour uriner et observe
un peu desang
dans l'urine. C'est alors qu'apparaissent les premières
douleurs de l'enfantement qui se
succèdent
sansrelâche. Avant la
pointe
du jour, il
sedéclare
unevéritable hémorrhagie qui se trans¬
forme dans la matinée en un
écoulement sanguinolent et
cause un peud'inquiétude à la patiente.
Lasage-femme
qui l'assiste, pleine de confiance dans son habileté
et dans sa vieille expérience,
rejette tout d'abord l'intervention du
médecin. Mais, vers neuf heures,
troublée
parla persistance de
l'écoulement et la présence au
détroit supérieur d'une tumeur dont
elle ne peut se
rendre compte, elle réclame
monconcours et me fait
demander en toute hâte.
Dix heures sonnaient au moment de mon
arrivée
;je
trouve ma cliente dans un état de faiblesseconsidérable; plusieurs frissons
l'avaient déjà saisie;
elle
mesupplie, tout
engrelottant, de la délivrer
du péril
qui la
menace.Dans l'embarrasde cette situation fâcheuse, mon
premier soin fut
dereconnaître la
présentation. Mais quelle n'est point
maperplexité
lorsque mon
doigt rencontre
une masseinforme dont il m'est diffi¬
cile de préciser
la
nature.Mille suppositions traversent alors mon
esprit. Aprèsquelques tâtonnements, je finis néanmoins par décou¬
vrir une
présentation de la face. Pour la première présentation de ce
genre que
j'observais dans
mapratique, la fortune me servait à
merveille, carla plupart
des
organesétaient vicieusement conformés
ou détruits.
Lefront, les cheveux et
la voûte du crâne manquent entièrement.
Les yeux sont gros et
très saillants. Le
nez,insensible au toucher,
est pourvu
d'une seule narine. La lèvre supérieure, fortement déchi¬
quetée, permet
d'apercevoir directement l'arcade alvéolaire.
La mâchoire supérieure, difforme, se trouve
divisée
enplusieurs
segments
irréguliers séparés entre
euxpar un léger intervalle.
Labouche est envahie par une tumeur
volumineuse, trifide, qui
obstrue complètement
la cavité
etembrouille le diagnostic.
En cherchant à circonscrire cette tumeur, je
promenai
mondoigt
sur l'arcade alvéolaire inférieure qui
était soudée
etintacte. La
sen¬sation fournie par la
courbe
enforme de fer à cheval décrite par
— 23 —
cette arcade à bord tranchant vint subitement
dissiper
mon incerti¬tude etjeter un rayon de lumière sur la forme de la tumeur etla position de la tète.
Cette courbe fut mon seul et unique guide dansce cas particulier de présentation de la face. Je m'estimerai heureux si, en
indiquant
ce point de repère à peu près infaillible,je puis éviter à unjeune confrère les quelques instants d'amertume quej'ai éprouvés.
lai présentation reconnue, la position
mento-iliaque
gauche anté¬rieuredéterminée, je pratique l'auscultation qui medonneun résultat négatif. Toutefois, l'écoulement qui va toujours son train et la faiblesse de la femme mepressent d'agirsans délai.
C'est pourquoi je tente une application de forceps qui me permet d'extraire promptement la tête. Sa couleur violacée m'annonce que
l'asphyxie
estcomplèteetdoitremonterà plusieursheures.Jedégage
successivement les membressupérieurs, mais le tronc, considérable¬
ment augmenté de volume par une déformation des vertèbres, ne cède qu'à de pénibles et douloureuses tractions.
La délivrance s'opère sans
hémorragies
etsans obstacles. La nuitsuivante, la malade repose paisiblement. Mais le lendemain, elle
éprouve,
du cété des ligamentslarges,
quelques douleurs qui sont favorablement combattues par les émollients et les opiacés. Au bout de huitjours, elle était sur pied et disposée à reprendre son travail.Anatomie
pathologique
etréflexions.
—Quelques
heures après l'ac¬couchement,
je fais emporter le monstre pourprocéder à l'examenanatomique.
Monami,M. Rives, élèvedistingué
del'École
desBeaux-Arts, quej'avais amené dans mon cabinet pour dessiner le phéno¬
mène, fut
frappé
de son aspect hideux qui lui donnequelque
res¬semblance avecles batraciens. Les désordres gravesde la face, mais surtout l'absence defront, de cheveux et de ventre causentvraiment
unesurprise peu agréable.
Ce monstre, du sexemasculin,appartientà l'ordredes autosites, à lafamille des anencéphaliens, au genre anencéphale. Son front dé¬
primé finit
brusquement
à un demi-centimètre au-dessus des sour¬cils, il présente une forte échancrure au niveau de la racine du nez.
Les yeuxbombésettrèssaillants semblent sortir del'orbitecomme
chez les
batraciens,
tandis que le nez,rudimentaire,
est pourvu— 24 —
d'une seule
narine très petite dans laquelle on peut difficilement
introduireun
stylet de trousse.
La bouche estfort
curieuse : Sur le pourtour, on voit la lèvre su¬
périeure morcelée par un bec de lièvre simple, de plusieurs centimè¬
tresd'étendue. Ce
bec de lièvre a envahi la place de la narine droite
qui
manqueet loge dans son anfractuosilé une portion de la tumeur
qui sort de la bouche.
Lamâchoire
supérieure,
parun défaut de soudure des os maxil¬
laires aux os
incisifs, est divisée en plusieurs segments inégaux.
La voûte
palatine présente deux fissures longitudinales qui per¬
mettent à la
bouche de communiquer librement avec les cavités
nasales.
Dans labouche, on
aperçoit trois langues : deux inférieures, une
supérieure.
Les deux premières reposent sur le plancher buccal
qu'elles occupent tout entier. Peu saillantes et juxtaposées, elles sont
libres àlapointe,
adhérentes à la base. La muqueuse tapisse entiè¬
rement ces deux
langues; mais, dans l'interstice qui les sépare, on
rencontre en arrière un
petit espace triangulaire dépourvu de celte
membrane. Chacune
d'elles, munie d'un espèce de frein, est fixée
antérieurementà
la moitié du maxillaire inférieur qui lui correspond.
La troisièmelangue, que
je nommerai langue supérieure ou pala¬
tine,est
superposée
auxdeux autres qu'elle recouvre dans toute leur
étendue. Très
volumineuse, elle fait une énorme saillie au-dessus
deslèvres. Surla muqueuse
qui tapisse sa face inférieure, on distin¬
gue
des papilles et des poils follets très fins.
Armée de son
frein, cette langue se fixe en avant entre les deux
fissures
naso-buccales, à la portion médiane de la voûte palatine, à
laquelle elle
setrouve, pour ainsi dire, suspendue.
En arrière, elle
|vient
seréunir aux deux langues inférieures, de
telle sorte que
le doigt placé dans la bouche touche trois langues;
deux sur le
plancher buccal, une sous la voûte palatine, on sent en
arrièrele point
de convergence de ces trois langues.
Cestrois organes,
ainsi réunis en un seul faisceau, vont s'attacher
à l'os
hyoïde. Ils n'obstruent qu'imparfaitement l'isthme du gosier,
en laissant sur
les côtés deux petits sillons qui conduisent dans le
pharynx.
— 25 —
Lamâchoireinférieuren'offreaucun vice de conformation. Le cou estlarge
mais
très court. Le tronca une apparencevolumineuse.
Après avoirdonné les caractères de
la
face antérieure du monstre, examinons ceux de la face dorsale qui ne présententpas moins d'in¬térêt. Cette partie est le siège d'un spina bifida considérable; elle donne l'aspect d'un sujet auquel, dansune autopsie, on aurait scié la calotte, le rachis et enlevé le cerveauainsi que la moelle.
Chezcemonstre,le cuir chevelu etlapeau qui recouvrela colonne
vertébrale sont remplacés par unepellicule très mince qui, disposée
en forme de capuchon, part du bord des sourcils, contourne le crâne
et se termine en pointe aux environs du sacrum. Cette simple mem¬
brane formait ainsi la voûte d'une tumeur que, pendant la vie intra- utérine, le monstre portait sur la tète et sur son dos et qui s'est
rompueavant l'accouchement.
Ducôté ducrâne, le spina bifida se caractérise donc par l'absence
de boite crânienne donton netrouveaucune trace; du côté durachis, leslames vertébrales et les portions réfléchies de ces lames qui, par leur adossement, forment lesapophyses épineusesdes vertèbres cer¬
vicales, dorsales etlombaires se trouvent fortement écartées etaug¬
mentent considérablement le volume du tronc en transformant le canal vertébral en une largegouttière.
Dans le canal véritable, on retrouve quelques vestiges de la queue de cheval et quelques rudimentsdesméninges rachidiennes. Mais on remarque une absence totale de cerveau etde moelle.
Les centres nerveux ont sans doute complètement disparu par la compression duliquide dans la tumeur implantée sur le crâne et le rachis.
A mon avis, cette tumeur s'est rompue spontanémentdans le sein de la mère dans la nuit quia précédé ses couches. Cette opinion est basée sur les considérations suivantes. A la suite d'une marche de 4
kilomètres,
ai-je dit, cettefemme perd brusquement dix litres deliquide
et cetécoulement se prolongependant quelques heures.D'où provient cette quantitéprodigieuse de sérosité?Le premier flot peut, sans doute,
s'expliquer
par une hydropisiede 1 amnios. Mais l'écoulementqui s'est produitpendant le travailme semble devoir être attribué àla rupture de la poche du spina bifida
Crauste q
— 26 —
sous l'influence des
contractions utérines. Mais, objectera-t-on, la
rupture ne
peut-elle pas avoir eu lieu pendant l'application du for¬
ceps?
Évidemment non. Cette idée me parait insoutenable puisque,
pendant l'extraction du fœtus, il ne s'est, produit sous mes yeux
aucune évacuation
de liquide. D'ailleurs, 011 sentait parle toucher,
avant l'enfantement,
la partie interne de l'os frontal, l'absence de
cuirchevelu, devoûte
et de toute tumeur intra-crânienne.
En dehorsde la rupture
spontanée de la poche du spinabifida, qui
estun fait assezrare,
je dois encore appeler l'attention sur le point
que
voici
:La mère de l'anencéphale est jeune et primipare, tandis
que
les femmes qui accouchent de monstres sont ordinairement mul¬
tipares
et âgées.
Quelle peut
être la
causede cette monstruosité? L'hérédité ne doit
pas
être invoquée dans ce cas particulier, la mère de l'accouchée
ayant
élevé
unetrès belle famille où les rachitiques et les mons¬
tres n'ont
jamais fait leur apparition. Peut-on l'attribuera la syphi¬
lis contractée par
le mari?Ce fait isolé ne permet point de l'affirmer.
Doit-on croire à
l'impression fâcheuse produite sur l'imagination
de la mère par
la
vuede quelque objet monstrueux? Bien que cette
dernière
hypothèse ait joui d'un grand crédit chez les anciens téra-
tologistes,
je
nepuis l'accepter, car l'enfant était déjà formé et arrivé
aucinquième
mois de la vie intra-utérine, lorsque la mère alla, un
jour
de fête, visiter les baraques de saltimbanques ambulants.
Serait-il plus
logique de l'attribuer à un arrêt de développement
de l'amnios du
côté du capuchon céphalique ou bien à quelque
position vicieuse de l'enfant dans le sein de la mère?
Bien que
les expériences faites ces dernières années sur les œufs
desoiseaux
plaident
enfaveur de cette dernière opinion, j'avance le
fait, réservantaux
savants le soin de résoudre le problème.
Cette observation
m'a
parusuffisamment intéressante pour méri¬
terd'être
publiée. On voit au musée Dupuytren un enfant à deux
langues.
Mais
cecas de monstruosité linguale trifide est unique, je
crois, dans la
science et pourra peut-être servir à démontrer un
nouveau mode de
développement embryonnaire de la langue par
trois bourgeons.
C'est pourquoi j'ai essayé d'en donner une analyse
sommaire, comptantsur
l'indulgence de nos confrères pour les im-
derfections dece
modeste travail.
Faut-il, après avoir décrit les signes physiques des divisions linguales et leur association
avecd'autres anomalies, aborder
l'étude des troubles fonctionnels dont elles
peuvent s'accompa¬
gner? La bifidité linguale
nesaurait,
croyons-nous,susciter
à elle seule un obstacle à la succion. Notrepetite malade
apris
le sein maternel dès sa naissance et s'est
parfaitement dévelop¬
pée malgré
sadifformité. Les
troubles quel'on observe dans
ces cas
paraissent plutôt
serattacher
auxlésions
concomitan¬tes,
ankyloglosse, tissures profondes de la voûte palatine, du
voile du
palais, du maxillaire inférieur, qui,
par uneocclusion incomplète de la cavité
buccale ou par uneimmobilité plus
pumoins
grande imprimée à la langue, détruisent
les conditionsphysiques, indispensables
àl'acte de la
succion.Le
diagnostic
des divisionslinguales s'impose
àpremière
vue. Mais là ne doit pas se
borner l'examen
du malade. Le mé¬decin devra
toujours,
par uneexploration attentive,
rechercheren même
temps
surles maxillaires
les lésions donts'accompa¬
gne
habituellement
cetteanomalie, établir,
en un mot, lediag¬
nostic
complet de fissures linguales
etde
malformations asso¬ciées.
CHAPITRE
III
PATHOGÉNIE. ÉTIOLOGIE
Avant
d'aborder l'étude pathogénique des divisions congéni¬
tales de la
langue, il
nousparaît utile de rappeler en quelques
mots les
notions d'embryologie relatives au développement de
cet organe.
La
langue, d'après la théorie de His, universellement adoptée
dans le
monde scientifique, procède, chez l'embryon humain,
d'une
ébauche antérieure et d'une ébauche postérieure. L'éhau-
che antérieure
apparaît très tôt sous la forme d'un tubercule
impair, médian, sur la planche de la cavité buccale, dans l'es¬
pace
triangulaire délimité par les bourrelets maxillaires infé¬
rieurs, espace
auquel His a donné le nom de champ méso-bran¬
chial. Il donne
naissance à la base et à la pointe de la langue.
En arrière du
tubercule impair, les portions médianes des
deuxième et
troisième
arcsbranchiaux sont fusionnées en
une
plaque qui, grâce à la persistance de très légers sillons,
correspondant à la deuxième paire des fentes branchiales, a la
forme d'une
croix de Saint-André, et fournit en se soulevant en
deux
proéminences droite et gauche, l'ébauche double de la
racine de la
langue, c'est-à-dire de la partie pharyngienne de
cet organe.
La langue se constitue définitivement par la coales-
cence de
l'ébauche impaire et antérieure avec les ébauches
paires et postérieures préalablement soudées entre elles. A cet
effet,
le tubercule impair s'accroît de plus en plus en arrière,
au-dessus des deux
mamelons postérieurs qu'il arrive à recou¬
vrir
partiellement et en demeure séparé par un sillon en forme
de
V, le V lingual, dont la pointe est marquée par un trou, le
for
amencsecnm que His a démontré se trouver en connexion
intime avec le
développement de la glande thyroïde. Plus tard
le sillon etle trou
qui délimitent les ébauches linguales anté¬
rieures et
postérieures s'effacent habituellement de plus
euplus.
Le tubercule
impair s'élève
enavant,
audessus du maxillaire
inférieur dont il est
séparé
par unsillon curviligne. G est ainsi
que
le
corps enpointe de la langue devient libre dans la cavité
buccale et constitue la
pointe proprement dite de cet
organe.Comment,
avec lesdonnées précédentes, expliquer la genèse
des divisions
congénitales de la langue?
S'il
parait logique de rattacher à
undéveloppement exagéré,
à un défaut de soudure des trois
bourgeons primitifs, le
casde
trifidité observé par
Septours, la même hypothèse n'est plus
admissible
quand
on setrouve simplement
enprésence d'une
bifîdité
linguale. La question, dans
ce cas,devient plus
com¬plexe et c'est,
crovons-nous,dans
uneconception toute diffé¬
rente
qu'il convient de chercher l'origine de cette anomalie.
A cet
égard, deux hypothèses
seprésentent à l'esprit, toutes
deux
également explicatives, mais toutes deux,
nousle
verrons, dansun instant de valeurinégale
:a) Absence.
b) Division congénitale du bourgeon antérieur.
a) Il
estaisé de
concevoirqu'en Yabsence du bourgeon anté¬
rieur, les deux bourgeons postérieurs, considérablement
accrus, aient pu ne pas sesouder
surla ligne médiane. Ce
défaut de coalescence aura pourrésultat la bifîdité de l'organe arrivé
au terme de sondéveloppement. Mais, comment concilier
cettehypothèse
avec lapersistance et la situation normale
du V lin¬gual qui,
comme on le sait,représente la ligne de soudure
des deuxébauches antérieure etpostérieure?
Notre
fillette,
nous l'avons noté avecsoin,
neprésente
à cepoint de
vue aucune anomalie. Le Ylingual existe
et occupe saposition
habituelle. Il serait dès lors téméraired'incriminer,
du moins dans notre cas, une
absence congénitale du bourgeon
antérieur.
b) Reste la
secondehypothèse, celle d'une division congéni¬
tale de cemême