FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1900-1901 N> G6
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DES
LUXATIONS CONGÉNITALES
DE L'ÉPAULE
THÈSE
POUR LE DOCTORAT ENMÉDE
Présentée et soutenue publiquement le 18 juillet 1901
PAR \
Jean-Baptiste-Maurice PICOT
Né à Dax (Landes) le 14 janvier 1B74.
/MM.PIÉCHAUD,professeur.... Président.
Examinateurs de la Thèse: MASSE,professeur \ I VILLAR,agrégé
j
Juges.MOUP.E,chargé decours../
Le Candidat répondra aux questionsqui lui serontfaites surles diverses parties
de l'Enseignement médical
BORDEAUX
G. GOUNOUILHOU, IMPRIMEUR DE LA
FACULTÉ
DEMÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
I9°ï
FACULTE
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE
DEBORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES. Doyen honoraire.
\
:
Cliniqueinterne .
Cliniqueexterne.
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire . Cliniqued'accouchements.
Anatomiepathologique.
Anatomie
Anatomie générale et
histologie Physiologie
PROFESSEURS :
MM. MICÉ \
DUPUY
MOUSSOUS . . .
MM.
iPICOT.
|PITRES.
jDEMONS.
' iLANELONGUE
Professeurs honoraires.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
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Hygiène LAYET.
MM.
Médecinelégale . . . MORACHE.
Physique BERGONIÉ.
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Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale. . . deNABIAS.
Médecineexpérimentale . FERRE.
Clinique ophtalmologique. BADAL.
Cliniquedes maladies chi¬
rurgicales desenfants . PIÉGHAUD.
Clinique gynécologique BOURSIER.
Clinique médicale des
maladies des enfants A. MOUSSOUS.
Chimie biologique . . DENIGÈS.
Pathologieexterne.
Anatomie
Physique.
AGRÉGÉS EN EXERCICE:
section de médecine(PathologieinterneetMédecinelégale.) MM.CASSAET. MM. LeDANTEG.
AUCHÉ. HOBBS.
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section de chirurgie et accouchements
MM.DENUCÉ.
VILLAR.
BRAQUEHAYE CHAVANNAZ.
section des sciencesanatomiques et physiologiques
IMM.PRINCETEAU. I Physiologie . . . M&.PACHON.
*( N... | Histoire naturelle. BEILLE.
section des sciences physiques
... MM.SIGALAS. —Pharmacie . . . . m.BARTHE.
Accouchements.)MM'
( rliliUX.
COURS COMPLÉMENTAIRES:
Clinique desmaladiescutanéeset syphilitiques MM.HUBREUILH.
Clinique desmaladiesdes voies urinaires
Maladiesdularynx, desoreilles et dunez. . MOURE- Maladiesmentales
HEGId.,
Pathologie externe
Pathologie interne RONDOI•
Accouchements
CHNMBRELENT.
Chimie
DUE£Xv
Physiologie
P^CHON.
Embryologie
Ophtalmologie LAGRANC
Hydrologieetminéralogie ^ ARLES-
Pathologieexotique LE DANTE
LeSecrétairede la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émisesdans ■
Lèsesu'elle n'entend leurqui lui sontprésentéesdonnerniapprobationdoiventêtre considéréesninnprobation.commepropresà leurs auteurs,
A LA MÉMOIRE VÉNÉRÉE DE MON PÈRE
Je dédie ce modeste travail.
A MA MÈRE BIEN-AIMÉE
Faible témoignagede reconnaissanceetdeprofondamour.
.
A MON PRÉSIDENT DE TIIÊSE
MONSIEUR LE DOCTEUR
PIÉCIIAUD
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE INFANTILE
•ri
Jfe:'I
^JBjgp
"
. ,
l- .
AYANT-PROPOS
Au moment de terminer notre scolarité à la
Faculté de
médecine de Bordeaux, nous sommes
heureux de profiter de
cette occasion qui nous est
offerte
parnotre modeste travail
inaugural pour remercier
bien vivement tous nos maîtres
dont la bienveillance et les enseignementsne nous
furent
pas épargnés. Etsans faire depersonnalités, qu'il
noussoit permis
d'adresser nos hommages respectueux
à
ceuxd'entre eux
auprès de qui nous avons nonseulement acquis cet enseigne¬
ment clinique si utile au
médecin consciencieux, mais appris
à témoigner notre
sympathie à
ceuxqui souffrent et qui
sontmalheureux.
Que MM. les professeurs
agrégés Mesnard et Cassaët,
MM. les professeurs Démons,
Arnozan, Lefour, Piéchaud,
clans les services desquels nous avons
été successivement
affecté, daignent agréer l'assurance
de notre admiration.
Que M. le professeur Masse
veuille bien accepter toute
notre gratitudepour les bons
conseils qu'ils
nousa prodigués.
QueM. le professeurFerré nous
permette de lui exprimer
toute notre reconnaissance pour la haute
bienveillance qu il
n'a cessé de nous témoigner.
C'est à M. le professeur
Piéchaud
que noussommes rede¬
vable de l'idée qui fait le sujet
de notre travail; nous le
remercions bien profondément
des
marquesde sympathie
- 10 —
qu'il nous a bien souvent données et de l'honneur qu'ilnous fait aujourd'hui en acceptant la présidence de cette thèse.
Merci encore aux docteurs Vénot, chirurgien des hôpitaux,
et Guyot, chefde clinique chirurgicale infantile, qui se sont si gracieusement mis à notredisposition etdont les entretiens familiers nous ont été si précieux; à nos bons camarades
Cloître, Le Strat et Trivas qui nous onttrès amicalement aidé de leur talent de polyglotte. Qu'ils soient tous assurés de notre sincère reconnaissance.
Enfin, que tous ceux qui nous sont chers, que tous ceux
qui, de près ou de loin, se sont intéressés à nous, soient
assurés que nous emportons d'eux et de leurs bienfaits un
inaltérable souvenir.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
des
LUXATIONS CONGÉNITALES
DE L'ÉPAULE
INTRODUCTION
11 y a quelques jours,j'assistais, comme
toujours
avec untrès vif intérêt, à la consultation de M. le
professeur Piéchaud,
à l'hôpital des Enfants, quand lui fut
présentée
unepetite fille
qui portait à l'épaule gauche une
affection d'ordre congénital,
une luxation qui compromettait assez
considérablement la
liberté des mouvementsdu membre supérieur de ce
côté. Le
cas nous parut intéressant, et nous entreprîmes
d'approfondir
un peu cette question. Voici les renseignements que nous
avons pu recueillir sur la jeune malade :
Observation I (personnelle).
RachelL..., dix ans. — Est amenée à l'hôpital pour une
lésion du
bras gauche dont la première constatation fut faite le
lendemain de
lanaissancede l'enfant. C'est donc probablement à une lésion
d'ordre
congénital ou obstétrical que nous avons affaire.
Antécédents héréditaires. — Nuls au point de vue de l'existence
demalformations quelconques,au pointdevuealcoolisme(?),
spécificité,
tuberculoseounéoplasme. La mèreavaitun métier
sédentaire et
nefut
— 12 —
victime d'aucun accident. Ellea eu, il y a un an environ,une crise de rhumatismes qu'elle ressentait pour la première fois.
Lepère, âgé aujourd'hui d'une cinquantaine d'années environ, jouit
d'une bonne santé; il n'a jamais eu de maladies graves, ni d'affection chronique. Du côté de ses ascendants, il ne signale rien de particulier qui nous intéresse.
Histoire de l'enfant. —Née à terme, accouchement par la tête à l'aide duforceps. Naissance unpeu laborieuse, travaillong,ayant néces¬
sité trois applications de forceps. Pendant le travail, il ne paraît pas
qu'il y ait eu procidence du bras. L'enfant était très bien conformée,
maisprésentaitau lendemain de la naissance, sans que la chose ait été constatée le premier jour, une attitude vicieuse du membre supérieur gauche. Cette attitude consistaiten une tendance du brasàse porteren rotation interne, le coude notablement écarté du tronc et la main tom¬
bante, reposant par saface dorsalecontrela partie externe de la cuisse du même côté.
Lorsqu'on prenait la main et qu'on relevait le membre supérieur, il
retombait absolument inerte, dans son attitude première.
Les mouvements que l'on effectuait ainsineparaissaient pas doulou¬
reux, car l'enfant necriaitpas : onremarquait que,livréàlui-même, ce membre n'était doué d'aucun mouvementspontané.
A mesurequel'enfant a grandi, lesmouvements sont venus progres¬
sivement avec leur amplitude normale pour ce qui est de la main,du poignet et du coude. Il a toujours persisté une impotence du côté de
l'articulation de l'épaule, impotence qui s'est atténuée, puisque, depuis
deux ans environ, l'enfant arriveà lever le bras et à porterla main àla
bouche.
Jamais d'accidents douloureux.
Examen le 15 mai 1901. — Enfant bien conformée; à signaler cependant une déformation thoracique caractérisée par l'existence au- dessous des deux mamelons d'un méplat très accusé, lié à la confor¬
mationdes côtes. Légèresailliechondro-costaleappréciable seulementà
la palpation.
Pas de troubles de la marche.
Rien à signaler ducôté du membre supérieur droit, donton constate l'intégrité anatomique et fonctionnelle.
Membre malade. — Al'inspection, on constate à la face antérieure
uneinégalité frappante entre l'aspect du côté droit sainet celui ducôté
gauche malade.
\
— 13 —
Laface antérieurede
l'épaule gauche
aperdu
sonaspect globuleux.
L'épaule semblemoins large, et
la distance qui sépare l'extrémité interne
de la clavicule et la saillie du moignon de l'épaule est plus courte
de
15millimètres que ducôtéopposé.
Auniveaude l'extrémité externe de la voûte
acromio-claviculaire, la
peau descend brusquement sans
faire la courbure arrondie qu'elle fait
du côté opposé.
La hauteur de l'aisselle est aussi diminuée de 1 centimètre
environ
etlecreux sous-claviculaire plus accusé dececôtéquedu côté
opposé.
Facepostérieure. Letroncest légèrement
cyphotique. La pointe des
deux omoplates fait une saillie très nette en
arrière; de plus, il existe
unelégèresurélévation de lapointe
de l'omoplate du côté gauche, éléva¬
tion égale à 1 centimètre à peu près.
De
cecôté, le bord interne de
l'omoplateestrapproché dela ligne des
apophyses épineuses de 1 centi¬
mètre environ. Par le fait de son ascension, l'omoplate gauche
parait
atrophiée; mais c'est une illusion, car,
si
onla
mesure, ons'aperçoit
qu'elle est absolument égale à celle
du côté opposé, tant dans son
diamètre vertical (de la crête de l'omoplate
à la pointe)
quedans son
diamètre horizontal (dubord spinal au bordaxillaire).
Les mouvements que l'on imprime au bras
gauche
setransmettent
dans unegrandeétendue àl'omoplate du même
côté.
L'inspectiondelapartie postérieurede
l'épaule permet de noter une
saillie anormale immédiatement au-dessous de la base de
l'acromion.
Quand le membre est livré à lui-même, le bras est
pendant le long du
corps, en abduction légère, le coude écarté
du
troncde 5 centimètres
environ. Ce membre est en rotation interne très accusée; la face
anté¬
rieure du coude est devenue interne et regarde la paroi
thoracique.
L'épicondyle dirigé directement en avant,
l'épitrochlée
enarrière, et
l'olécràne directementendehors.
Palpation. Par le palper, on délimite très
bien l'extrémité externe
de la clavicule et de l'acromion formantla voûte
acromio-coracoïdienne
au-dessous delaquelleon sent uncreuxtrès
dépressible dont le mouve¬
ments'exagère dans lemouvementd'abduction.
Un
peu enavant et au-
dessous de lavoûteacromio-claviculaire,onsent une saillieosseuse
qui
rappelle la forme del'apophyse coracoïde. Au
niveau de la saillie posté¬
rieure,on sent queles téguments sont
soulevés
par unesaillie osseuse,
de formearrondie,quiparticipedes mouvements
imprimés à l'extrémité
inférieure de l'humérus; cette saillie, par sa forme,par son
volume et
samobilité, rappelle nettementlatètede
l'humérus. La recherche de ce
signe est surtout nette pour les mouvements
de rotation interne ou
externe.
Le bras gauche est sensiblement raccourci,et la mensuration donne les résultats suivants :
Membresupérieur Membresupérieur droit. gauche.
De l'extrémité externe de la clavi¬
cule àl'épicondyle 25 cent. 22cent. 1/2.
Circonférence à la partie moyenne
du bras = 19 — 18 —
Partie supérieure d'avant-bras = 18 — 17 —
Mouvements possibles. L'abduction est possible dans une certaine étendue; mais,dans cemouvement, lebrasse porteen avant;l'enfantne peut le projeteren arrière. Elle peut, grâce à la mobilité exagérée de l'omoplate, portersamain au front, à la bouche, derrière l'oreille,à la nuquedu même côté. Cependant, comme la tête humérale esttrès faci¬
lement réductible, quand on maintient celle-ci à sa place normale,en
imprimantaubrasun mouvement de torsionsur son axe dededans en
dehors, lesmouvementsdeviennent beaucoup plus faciles et acquièrent
uneplus grandeamplitude.
La sensibilité paraît intacte sur tout le membre supérieur: pas de
troubles trophiques; lesdeux radiales battent defaçon synchrone etde
force égale, permettant d'éliminer tout soupçon de compression des
vaisseaux.
L'examen électrique des muscles a été pratiqué par M. le DrDebe- dat; il a prouvé la parfaite conservation de l'excitabilité faradique et galvanique de tous les muscles péri-articulaires; pas de réaction de dégénérescence. Cela permet d'écarter toute idée deparalysie infantile.
Pas de musclescontractures.
Conclusion. — L'histoire et l'examen de la malade, l'absence de
réactions dedégénérescence, la facilité de réductibilité et l'impossibilité
que l'on éprouve à maintenir cette tête humérale réduite, nous per¬
mettent de conclure que nous avons affaireà uneluxation congénitale
de l'épaulegauche en arrière, variété sous-épineuse.
HISTORIQUE
La luxation congénitale cle l'épaule est une
affection d'une
extrême rareté. Les faits relatifs à cette affection sont encore peunombreux et n'ontpas tous la même
authenticité
:les
unsont été constatés sur des adultes, et ce n'est que sur des
commémoratifs plus ou moins certains que l'on
établit la
nature congénitale de l'affection; les autres ont
été constatés
chez le fœtus, et les détails manquent. Nous nous sommes appliqué à rechercher dans la science tous les cas de luxation congénitale de l'épaule, mais peu d'observations sont
réelle¬
ment concluantes: plusieurs paraissent devoir être
rapportées
à desluxations traumatiques d'origine
obstétricale,
et,dans
cecas, il s'agit le plus souvent d'un décollement
épiphysairej
d'autres, à la paralysie infantile; d'autres encore, à unesimple
diastase parrelâchement desligaments; d'autres,
enfin, parais¬
sentd'origine nettementcongénitale et sont
contrôlées soit
par1examen des réactions électriques des muscles,
soit
par unexamen anatomique après la mort. C'est uniquement
de
ces derniers faits que nous nous occuperons.L'histoire des luxations congénitales remonte à Plippocrate
qup en parle dans plusieurs passages de ses écrits.
Depuis,
1attention des chirurgiens fut à peu près complètement détournée de ce genre de lésions, et ce n'est qu'Ambroise
Paré qui en signala de nouveau l'existence, et encore
celui-ci
paraît avoir eu surtout envue les traumatismes obstétricaux,
« car souventesfois, dit-il, les luxations arriventauxenfante-
» rnentsdifficiles quand les sages-femmes, tirant les bras
des
s> enfants, disloquent les iouointures de Vespaule ou de la
» cuisse. y>
Plus près de nous, c'est dans un auteur étranger, William Smith, qu'il faut chercher les premiers articles au sujet des
luxations congénitales de l'épaule. C'est dans le Journal de
Dublin de1839, puis dans son Traité des fractures, en 1847.
que cet auteur publia les premières observations.
Observation II (Smith).
Double luxation sous-coracoidienne congénitale.
Une fille âgée de vingt-neuf ans, aliénée depuis de longues années, mourut, dans l'hospice de Dublin, d'une inflammation chronique des méninges.
Les articulations scapulo-humérales, surtout du côté gauche, offrent
des anomalies frappantes. Les muscles de l'épaule et du bras sont atrophiés, l'acromion esttrèsproéminent; on voit la tète de l'humérus
immédiatement au-dessous de l'apophyse coracoïde, dont le sommet se trouve au niveau de la coulisse bicipitale de l'humérus; la rondeur
naturelle de l'épaule a disparu; le coude est écarté des parois thoraci-
ques, maisonpeut facilementl'en rapprocher.
L'épaule droite présenteun aspect semblable, quoique à un moindre degré; la tête de l'humérus est moins directement placée au-dessous de l'apophyse coracoïde; mais l'aplatissement de l'épaule, l'atrophie des
muscles etla projection de l'acromion indiquent que l'état de l'articu¬
lation estlemême que celui du côtéopposé.
Bien qu'il fût aisé de reconnaîtrepar les caractères extérieursque cet
étatanormal del'articulation n'étaitpointdûàune violence extérieure,
il estcependant difficile de seformer une opinion exacte sur la nature
des altérations auxquellescetétatdoit être attribué. La simultanéité de
l'affection des articulations,l'absence de toutsigne extérieurdemaladie,
me portent à conclure que ces difformités proviennent d'uneluxation congénitale.
Le côtégauche offre àpeine quelquetrace d'une surface articulaireà
l'endroit quela cavitéglénoïdeoccupe à l'étatnormal;mais, à lasurface
costale de l'omoplate, il s'est formé une cavité de forme glénoïde, d'à
peu près 1 pouce 1/2 de profondeur et 1 pouce 1/4 de diamètre. Elle
atteint enhaut la surface inférieure del'apophyse coracoïde, de laquelle
latêtede l'humérus n'est séparée que par le ligament capsulaire, sans
- 17 —
qu'il y ait un intervalle entre
le sommet de la cavité anormale et
l'apophyse coracoïde. Autour de cette
cavité, le ligament glénoïde,
parfait sous tous les rapports, se
continue
avecle bord de cette petite
portionde lasurface
articulaire qui existe
surle bord axillaire de l'os,
etausommetduquel s'insère le tendon du biceps. Le ligament capsu-
laireest normal.
La tête de l'humérus n'a pas sa forme sphérique normale; elle est
ovale et son axe correspond au corps de l'os. La forme
ovalaire
est principalement due àl'absence de saportion postérieure, et il
y aentre
la grossetubérosité et le bord de la tête, là où se
termine le cartilage
qui larecouvre, un enfoncement superficiel
correspondant
aubord qui
sépare la portion normale de la cavité
glénoïde d'avec la portion
anormale. Le corpsde l'humérus est minceetatrophié, et
la position de
latêtedel'os, pat rapport àl'apophysecoracoïde et à
l'acromion, varie
selon quelemouvementde rotation endedans ouen
dehors
estimprimé
aubras.
Dans l'état naturel, ces mouvements ne produisent qu'un
faible
changement dans la situation relative de la tête de
l'humérus. Mais,
dans lecasactuel, la tête de l'os, pendantla rotation endehors, se porte
versl'acromion et serend dans la petite portion qui existe de la
cavité
glénoïde naturelle, tandisquela rotation en dedansla pousse
au-dessous
del'apophyse coracoïde; de sorteque l'on peut
facilement introduire le
doigtdans la portionextérieure dela cavité.
Les traits caractéristiques de la difformité sont les mêmes
du côté
droit, bien que l'état des os soitdifférent.
Le vice de conformation de lacavité glénoïde, réduite à untiers, con¬
siste dans l'absence de son bord interne. Là où la partie moyenne se réunit avec la portion interne, la surface de la cavité va en pente en
dedans et en arrière, en offrant ainsi un plan incliné, dont
le bord
interne est formé par une crête osseuse,s'étendant de la
partie infé¬
rieure etpostérieure de la base de l'apophyse coracoïde, en
bas et
enavant, vers l'extrémité inférieure de la cavité glénoïde, dont lasurface
devientainsi convexe.
Le tendon du biceps et le ligament capsulaire sont
dans l'état
normal; mais celui-ci est attaché à la crête osseuse sus-mentionnée,
formant le bord interne de la portion anormale delacavité
glénoïde.
La tête de l'humérus est de forme ovale, son grand diamètre placé
verticalement.La portion postérieureet externemanquent.
fa portion antérieure présenteunesaillieosseuse, irrégulière, corres¬
pondantà laportion anormale de lacavité glénoïde.
La forme ovale de la tête de l'humérus et l'absence de sa portion
postérieure sont de beaucoup plus apparentes qu'au côté
opposé. Le
2
- 18
sujet n'avait jamais eu d'affection des articulations scapulo-humérales;
celles-ci n'avaient été non plus, à aucune époquedesa vie, sujettesà la moindre violence.
Observation III (Smith).
Double luxation sous-acromiale congénitale.
La femme D..., de quarante-deux ans, aliénée depuis quinze ans,
sujette à des convulsions épileptiques, mourut dans un de ces accès, le 8 février 1839, àl'hospice de Dublin.
A l'autopsie faite le lendemain, on trouve, comme cela s'observe
souvent chez les idiots, les circonvolutions cérébrales petites et atro¬
phiées, les lobes antérieurs séparéspar un intervalle de troisquartsde
poucedel'os frontal.
En examinant par hasard l'articulation scapulo-humérale gauche, je remarquai que la tête de l'humérus s'était déplacée surla face dorsale
de l'omoplate. Il en était de même de l'autre épaule. C'était donc une luxationcongénitale double de la tête de l'humérus enarrière.
Les deux épaules se ressemblaient tellement, non seulement sousle rapport de leur conformation extérieure, mais aussi sousle rapportde
leurs caractères anatomiques, qu'il suffira d'en décrireuneseule.
L'apophysecoracoïde, par suite dudéplacementde latêtede l'humérus,
formait chezce sujet, très amaigri, une saillie remarquable; le muscle
coraco-brachial et la courte portion du biceps passaient très oblique¬
mentenbas eten dehors; le bord antérieurduligamentcoraco-brachial
était fortsaillant, ainsi que l'acromion, mais moinscependant que dans
les luxations accidentelles de l'épaule. On ne pouvait sentir la cavité gléno'ide, quoique la tête de l'humérus fût fort écartée de sa position
naturelle. L'épaule était plushaute qu'à l'état normal; elle étaitaplatie
en avant, mais présentait en arrière une tumeur ronde, solide, consti¬
tuée manifestement par une partie de latête de l'humérus; cette tète,
recevant tous lesmouvementsimprimésaucorpsde l'humérus, occupait
la facedorsalede l'omoplate, au-dessous de l'acromion.
Le diamètre transversal de l'épaule était beaucoup plus grand qu'à
l'état normal; la distance entre l'apophysecoracoïdeetla surface externe
de l'humérus était de 3 pouces 1/2. Le brasétaitdirigé obliquement en bas et en dedans, le coude en contact avec les parois thoraciques, la
main et l'avant-bras en pronation. En enlevant ces muscles et en ouvrant l'articulation, on ne trouvait pas trace de cavité glénoïde dans
sa position naturelle, mais on voyait à la face externe du colde l'omo¬
plate une cavité bien formée qui recevait la tète de l'humérus. Elle
— 19 —
était de1 pouce 3/4 delongetde 1 pouce de large, un peu plus élargie
en haut qu'en bas. Le sommet de cette cavité, éloigné de moins de 1/4 depouce de la faceinférieure de
l'acromion, dirigé
endehors
etenavant, était recouvert de cartilage et entouré d'un ligament glénoïdien parfait. De la partie interne de son extrémité
supérieure
partait letendondu biceps, qui se portait très obliquement enbas eten dehors,
pour se rendre à la coulisse bicipitale de l'humérus.
Les
surfacesde
l'apophyse coracoïde, au lieu de se diriger comme dans l'état naturel,
étaienttournées directement enhaut et en bas. Leligament capsulaire
étaitparfait, tandis que l'omoplate était plus petite etses muscles mal développés.
Latête de l'humérus, à droite, était ovale ou oblongue, unpeuplus large enhautqu'en bas;*samoitié antérieure était seule encontactavec
lacavitéglénoïde; cette portion de la tête était recouverte de
cartilage,
tandis que l'autre moitié était rugueuse, entièrement dépourvue
de
cartilage'articulaire. Le bord interne de l'humérus, prolongéen haut,
seraitvenu passer entre ces deux portions de la têtede l'os.
La
grossetubérositéétait normale, maisla petiteallongée, recourbée, formait une apophysetrès remarquablede1 poucedelong, etsemblable, en
certaine
manière,àl'apophyse coracoïde. A sa base, elle avaitune
surface lisse,
convexe,en forme de poulie, dans laquelleglissait le tendon du
biceps.
Cettedisposition me rappela le passagedesfibrespostérieures
du muscle
temporalsur lapouliezygomatique.
A gauche, la tête de l'humérus offrait un aspect parfaitement sem¬
blable; seulement, lapetitetubérosité étaitmoinsgrosse,mais
présentait
àsabase la mêmesurface convexepour recevoirle tendondu biceps.
Sanscetteconformation de lapetite tubérosité,letendon, par
suite de
son trajet oblique, aurait couru risque de glisser en bas de
la coulisse
bicipitale, ce qui ne pouvait avoir lieu par suite de cette
hypertrophie
quinous paraît avoirétéle résultatd'untravailsubséquent àla
luxation,
qui nous semble congénitale. Cette opinion repose sur
l'absence de
cavité glénoïde dans sa position naturelle, sur la
coexistence de cette
difformité aux articulations homologues, sur la parfaite
ressemblance
dans laforme,les dimensions, la position des deux cavités
anormales,
surl'intégritédu tendon du biceps, des ligaments capsulaire et
glénoï¬
dien, enfinsur la formeparticulièrequeprésentait la tète
de l'humérus,
semblable de chaque côté.
En1841, Gaillard (dePoitiers)
publie dans les Mémoires de
l'Académie de Médecine l'observation d'un cas de luxation
de
1épaule qui, malheureusement, comme bien
d'autres, n'a pas
été confirmé par l'examen desmuscles
péri-articulaires, mais
qui peutêtre rattaché au groupe congénitalpar la déformation
des extrémités articulaires, déformation perçue grâce à l'ex¬
trême maigreur du moignon de l'épaule chez le sujet. Nous
ne la reproduisons d'ailleurs que sous toutes réserves.
Observation IV (Gaillard).
Luxation congénitalede l'humérus réduite au bout de seize ans.
Mlle Léonie B... est née en 1829; peu de jours après sa naissance,
ses parents s'aperçurent que le bras gauche était déformé, le coude
écarté du corps, l'avant-bras demi-fléchi et tourné dans la pronation»
de sorte que Mlle B... avait la paume de la main dirigée vers la
terre.
Le 20 décembre1836,j'examinai Mlle B..., âgée de seizeans: lamain
etl'avant-bras gauches sonten pronation etne peuvent se porter dans
la supination; la main jouit, d'ailleurs, de ses autres mouvements;
l'avant-bras estbien conformé, mais l'extension est difficile et incom¬
plète, parce que le muscle biceps, fortement contracté, lui oppose une vive résistance; le bras est plus maigre, bien plus court que celui du
côté opposé: il ne peut s'accoler à la poitrine; le coude est maintenu éloigné du corps.On remarqueunesaillie formée parle bicepscontracté.
L'épaule a perdu sa forme ordinaire, elle est aplatie en avant et en dehors; le deltoïde estaminci, sans point d'appui, il se déprime par la pression; la région postérieure de l'épaule présente, au contraire, une saillie formée par la tête de l'humérus, placée dans la fosse sous-épi¬
neuse, à sa partie supérieure, à peu près à égale distance des deux
extrémités del'épine del'omoplate. Dans la partie où appuie la têtede
l'os, l'épine, au lieu d'être droitecommecelle du côté opposé,se trouve
combléeet relevée de 48à 20 millimètres; cette déformation est due à
lapression exercéepar latêtede l'os. Le squelette de l'épaulea subiun arrêtde développement: la claviculeest courte etgrêle; la voûteacromio-
coracoïdienne sans saillie, l'omoplate petite, son angle inférieur n'est
pas développé:il estde 70 à 80 millimètrespluscourt que celui ducôté opposé. L'épine dorsale s'infléchitlégèrement vers le côté droit. Si, en agissant sur l'humérus, on imprime des mouvements à son extrémité supérieure, on sent que la tête de l'os est amincie et aplatie; elle roule
sous lesdoigtsenfrottant sur unesurfaceinégaleet rugueuse.La tête de
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l'osest, maintenue par une capsule lâche,car on peut la repousser en
basversla côtede l'omoplate; si on la tient fixée dans cette position, le
bras est allongé de 9 millimètres, mais aussitôt qu'on cesse de la
presser, elle retourne dans son ancienne position, en
frottant
surdes
surfaces rudes.
Les mouvements d'élévation et de rotation sont impossibles, le bras
est inerte; cependant la nouvelle articulation est lâche, et lorsque la
malade appuie son coude sur une tablette de cheminée, elle peut con¬
duire son bras à sa tète.
J. Guérin, en même temps, s'occupe de cette
question dans
le Bureau de la Gazette médicale de 1841. Il admet trois
variétés de luxation congénitale de l'épaule :
1° Directement en bas;
2° En dedans et en bas;
3° En dehors et en haut.
Il cite des exemples àl'appui de ses
divisions;
unseul
nous paraît probant: c'est celui relatifà unfœtus symèle qui
por¬taitune subluxation de l'humérus en haut et en dehors.
Quelques années plus tard, en
1849, Bouteillier publiait
clans le Bulletin de la Société anatomique un cas de
malfor¬
mation congénitale de l'épaule chez une
malade atteinte de
mal de Pott.
Observation V (Bouteillier).
Agathe B..., âgée de trente et un ans, entre à
l'Hôtel-Dieu, le
11 avril 1848, pour un abcès par congestion datant du
mois d'août
1847. Elle présentait de plus une malformation de l'épaule.
Les
mou¬vements de l'avant-bras étaient conservés, mais irréguliers; ceux du
brasétaient pour laplupart impossibles: elle ne pouvait mettre
la main
sursa tète, ni l'éleverindépendammentdu moignon de
l'épaule. Malgré
letraitement mis en usage, la malade alla toujours en
s'affaiblissant et
mourutle 11juin de la même année.
Autopsie. — irepartie...
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2e partie de l'autopsie relative à la malformation de l'épaule
reconnuependant lavie.
A) Le brasdroitestbeaucoup moins développé que le gauche, ainsi: Adroite. Agauche.
Dusommet de l'acromionà l'épicondyle. . . . 21 cent. 34cent.
Du même point àl'articul. sterno-claviculaire. . 13 — 16 — Circonférence du bras vers l'insertion du del¬
toïde 11 — 16,50 mill.
Moignon de l'épaulemesurépar-dessous l'aisselle. 24 — 30,50 —
Longueur del'humérus . . • 19 — 32 cent.
Longueur de la clavicule • . 13 — 14,25 mill.
Circonférence del'omoplate 38 — 46 cent.
B) Lemoignon del'épaule du côté droit est vicieusement conformé;
ainsi, ilest grêle, pointuen dehorsetenhaut(c'est l'acromion quifait saillie), présentant une deuxième éminence (apophyse coracoïde)entre l'acromionetle milieu de la clavicule, éminencequi est interne etinfé¬
rieure par rapport àla première.
C) La capsule articulaire estentière, assez forte, attachée aux point
ordinaires de part et d'autre, mais tirée en bas et appliquée contre l'omoplate, au-dessus et un peu en dedans de la cavité glénoïde. La
cavité glénoïdea 2 cent. 1/2 dans l'un, 2 cent. 1/2 dans l'autre; elleest
à peineconcave, dépourvuede cartilages d'encroûtement. Le bourrelet qui l'entoure estassez fort, surtout en dedans, c'est-à-dire là où se fait
le choc de la tête humérale.
Le corps de l'humérusest grêleetinfléchi vers l'attache deltoïdienne, de manière àformerun angleouvert enavant, angle dureste excessive¬
ment obtus. Latête de l'os semble déjetéeendedanseten arrière,ou, si
l'on veut, estaplatie enavant et en dehors.
Les vaisseauxet les nerfs n'ont rien departiculier, si ce n'est queces derniersetleurs ramificationssont très volumineux.
D) Altérations des muscles.
Grandpectoral.— Fibres supérieures atrophiées, décolorées; fibres
inférieures dans le même état, tandis que les fibres moyennes sont saines, rouges, développées. La malade, en effet, pouvaitrapprocher le
bras du corps, et cherchait même sans cesse à tenir le bras dans cette position,tandisqu'elle nel'élevait jamais.
Petitpectoral. —Énorme, rouge, étqlésur latète de l'humérus; son