FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 . «3
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
des
Accidents causés
parla
TORSION DU PÉDICULE
DES KYSTES DE L'OVAIRE
(Formes cliniques,
Diagnostic, Traitement.)
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 5
Février 1897
PAR
Henri
-Auguste
-Eugène
-Joseph
-Marie
-Ange S É V E N 0
Né à Auray(Morbihan), le 30 mai 1868.
/ MM. BOURSIER professeur.... Président.
. , . . ) MASSE professeur 1
ExaminateursdelaThese . < rivière agrégé Juges.
BINAUD agrégé.
Le Candidat répandra aux questions qui lui serout faites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
IMPRIMERIE
91
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PllOFKSSEUHS MM. MIGE.
AZAM
Clinique interne
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
Clinique externe Pathologie interne...
Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire. Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIÀULT.
. AGRÉGÉS Efl SECTION DEMÉDECINE (Patholog
MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSSOUS.
COYNE.
Professeurs honorai*.
Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedesmaladies chirurgicalesdes en¬
fants
Clinique gynécologique
EXERCICE :
ie interneet Médecine MM. SABRAZÈS.
Le DANTEC.
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABI AS.
FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
légale.)
SECTION DE CIUUL'RGIE ET ACCOUCHEMENTS (MM.
■Accouchements...?\MM. RIVIÈRE.
CHAMBRELENT YILLAR.
Pathologie
externe^
BINAUD.(
BRAQUEHAYE jSECTIONDESSCIENCESANATOMIQUES ETPHYSIOLOGIQUES
4,IMM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
Anatomie
î CANNIEU. | Histoire naturelle BEILLE.
SECTIONDES SCIENCESPHYSIQUES
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
Chimieet Toxicologie DEN1GES.
j
COlR§ COMCUÉSIEXTAI RES :
Cliniqueinterne desenfants MM.
MOUSSOUS.
Clinique des maladiescutanées etsyphilitiques.
Clinique des maladies des voies urinaires Maladies du larynx, des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie externe Accouchements Chimie
Le Secrétaire de la Faculté:
DUBREUILH.
POUSSON.
M OURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
DENIGÈS LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises dans les Tlieses qui luisontprésentées doiventêtre considérée^ commepropres à leurs auteurs, et
qu'elle n'entendleur donner niapprobation niimprobation.
A MON PÈRE. A MA MÈRE
A MES FRÈRES ET SŒURS
A MES AMIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR LE DAN TEC
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX PROFESSEUR A L'ÉCOLE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
MÉDECIN DE lre CLASSE DE LA MARINE CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BOURSIER
PROFESSEUR DEGYNÉCOLOGIE ALA FACULTÉ DE MEDECINE DEBORDEAUX.
MEMBRE CORRESPONDANT DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
CHIRURGIEN DES HOPITAUX OFFICIER D'ACADÉMIE
INTRODUCTION
Nous avons eu l'occasion, au mois de septembre dernier,
de voir, à l'hôpital Saint-André, une malade atteinte de tor¬
sion du pédicule d'un kyste de l'ovaire. Cette torsion s'était
accompagnée
d'accidents aigus. Le diagnosticprésentait
desdifficultés
particulières (le
kysteavait étéjusque-là
méconnu et la malade arrivaitavec lediagnostic de grossesse extra- utérine). L'état de la malade était très grave: l'ovariotomic hâtive,pratiquée
par M. le professeuragrégé*
Binaud, fitcesser tous les accidents.
Ce faitnous avait vivement
frappé.
Nous fîmesdes recher¬ches
bibliographiques,
et nous nous aperçûmes que l'étudede la torsion du
pédicule
des kystes de l'ovaire étaitdes plus intéressantesau point de vueclinique.
Latorsion du
pédicule
est unaccident fréquent
deskystes
de l'ovaire.
Rokitansky en évalue le nombre
à
13,8 pour 100(Roki-
tan s ky,Uber die StrangulationvonOvarialTumoren,iTeitec/^
der K. K. Gesellsch der Aerzte, Vienne, 1865). Terrillon
(Revue de chirurgie, 1887,
p.245) indique
unchiffre
infé¬rieur :6 pour 100. Cela tient à ce qu'on
opère
maintenant les kystes beaucoup plus tôt.Tcrrillôfi (loc.
cit.)
faitremarquerqu'au point
de vue cli¬nique la torsion du
pédicule
peut revêtir quatre aspects différents :1° Cas danslesquels la torsion n'a produitaucunaccident; 2° Cas dans lesquels la torsion a produit des accidents légers;
3° Cas dans
lesquels
se produisent des phénomènesgraves au début, mais durant peu de temps et diminuant ensuite;4° Cas dans
lesquels
l'étranglementrapide s'accompagne
de phénomènes de péritoniteaiguë.
Nousne nous occuperons pasdes deuxpremierscas: la tor¬
sion n'est découverte que pendant
l'opération
; on ne peut la diagnostiquer et, par conséquent, on nepeut non plusinter¬venir contre elle.
Nous étudierons seulement les cas où des accidents de gravité variable attirent l'attention, doivent être l'objet d'un diagnostic, et en présence desquels se pose la question d'in¬
tervention.
L'étiologie, le mécanisme et l'anatomie de la torsion du
pédicule des kystes de l'ovaire sont bien connusaujourd'hui; nous n'y reviendrons pas. Nous étudierons seulement les accidentsproduitspar cette torsion :
Par q.uels symptômes se manifestent-ils ? Quelle est leur marche et leur degré de gravité ? Quelle conduite faut-il tenir ?
Mais, avant d'aborder l'étudede notre sujet, nous adres¬
sons tous nos remerciements à M. le professeur Boursier,
pour l'honneur qu'il nous fait en voulant bien accepter la présidence de notre thèse.
Nousjoignons, dans un même sentiment de profondegra¬
titude,M.Ghavannaz, chirurgien des
hôpitaux,
etM. Carrière,chef de
clinique
de M. leprofesseur Pitres, dont nous avonsmis, en tant de
circonstances,
la complaisance àl'épreuve
et la science à contribution.Nous remercions plus particulièrementM. Chavannaz, qui
nousa inspiré l'idée de ce travail, desa bienveillance etde ses excellents conseils.
Nous manquerions enfin auxpremiers devoirs de la recon¬
naissance en ne rendant pas un
hommage
tout spécial à M.le professeur agrégé Le Dantec, qui nous a toujours marqué tant d'intérêt. Il connaît nos sentiments à son égard ; il sait qu'il a toutes nos sympathies et tous nos respects, etque son amitié présente constituera plus tard un de nos plus pré¬
cieux souvexiirs.
Avantd'étudier les accidents causéspar
la torsion du pédi¬
cule des kystes
de l'ovaire,
nous nepouvons nous dispenser
derappeler les noms
des principaux auteurs qui se sont
occupés de cette
question et
auxtravaux desquels nous
avons largement
emprunté.
C'estRokitansky qui,
le premier, décrivit
en1841, cet acci¬
dent ; mais il
l'étudia simplement
aupoint de vue anato-
mique.
C'est à Olshausen, Spencer
Wells et L. Tait
querevient
l'honneur d'avoir, les
premiers, fait le diagnostic avant de
pratiquer
la laparotomie.
Knowsby,
Thornton {American journal 1888), Terri lion
(dans la Revue de Chirurgie, de 1887, et dans ses Leçons
cliniques
de la SalpêtLière, 1889) ont repris l'étude de cet
accident.
M. Duplay, dans
la Gazette des hôpitauxM 1891, a publié
sur ce sujet une
leçon clinique.
M. Boursier
(Congrès de chirurgie 1892), à propos de deux
observations
personnelles,
aétudié certains modes de début
de la torsion lente.
Les thèses deParizot
(Paris 1886), Mouls (Paris 1890), Gui-
chard (Lyon
1895) ont trait à la torsion du pédicule.
On trouvera à la fin de notre
thèse la bibliographie de cette
question. La
bibliographie étrangère est abondamment faite
dans la thèse deMouls, nous ne
la reproduirons
pas.CHAPITRE PREMIER
Symptômes.
Lessymptômeset la marche de la torfeion du
pédicule
des kystes de l'ovaire diffèrent suivant qu'elle se produit de façonbrusque
ou lente.Torsion brusque. —Tout d'un coup,sans cause apparente,
ou à l'occasiond'un simple mouvement, la malade éprouve, dans le
bas-ventre,
une douleurviolente. Cettedouleur, loca¬lisée tout d'abord au niveau de la tumeur, s'irradie vers la région lombaire du môme côté, la cuisse, et bientôt se géné¬
ralise à toutl'abdomen. En même
temps,
retentissement sur l'état général ;vomissements,
poulsfréquent,
petit ; respi¬rationaccélérée, qui prend le type
costo-supérieur,
par suite des mouvementsdouloureuxdudiaphragme;
le faciès, altéré, devientgrippé.
Il peuty avoircollapsus et mort.„ Tous ces symptômes si graves doivent être rattachés au seul fait mécanique de la torsion et ne sont pas dus à la péritonite, qui n'existe pas encore.
Mais commentcomprendre quela simple torsion du
pédi¬
cule puisseamener si vite un ensemble
symptomatique
si grave ? On saitque l'irritation subite des organes de l'abdo¬men, tributaires du plexus solaire, suffit à provoquer, par ordre réflexe, des symptômes généraux très graves, alors que cléslésions profondes, développées plus lentement, n'ont
eu aucun retentissement ; or, les nerfs que possèdent les kystes viennent du plexus solaiie: leur excitation
explique
— 12 —
suffisamment ces
phénomènes. Ils peuvent être attribués au
péritonisme,
queGubler a défini « 1 ensemble des phéno¬
mènes graves,
souvent mortels, qui viennent compliquer la
péritonite
ouplutôt, les lésions quelconques des organes
tapisséspar
le péritoine. Toute circonstance, capable d émou¬
voir fortementla
sensibilité du péritoine, peut devenir une
causede
perturbation généralepour le système nerveux sym¬
pathique. Alors,
onobserve le faciès grippé, le pouls fré¬
quent,
filiforme, la respiration fréquente, les vomisse¬
ments. »
Enclinique,nousvoyons
des symptômes analogues aux pre¬
miers accidents de la
torsion, dans 1 ovariotomie, dans 1 liys-
térectomie.
M.Thiridr.danssesexpériencès sur des chiennes,
est parvenu
à reproduire les mêmes phénomènes, en agis¬
santdirectement sur le
plexus ovarique. Dans les autopsies
de femmes, qui
avaient succombé dans le cours de ces pre¬
miersaccidents de la torsion, on
n'a rien trouvé ou, tout ou
plus, un peu
de congestion localisée au niveau du pédicule,
lésion tout à fait insuffisante pour
expliquer la mort.
Toutconcourtdoncà faire
admettre le péritonisme comme explication de
cesaccidents du début.
Mais la torsion ne s'exerce pas
seulement
surles rameaux
nerveuxdu
pédicule, elle agit aussi sur les vaisseaux; la
gène
circulatoire et
sesconséquences, congestions et hémor-
rhagies,
pourront acquérir
unetelle importance, que toute
la
symptomatologie
en serainfluencée. LTiémorrliagie intra-
kystique a
été quelquefois
assezconsidérable pour produire
rapidement la mort. M. Spencer Wells a eu l'occasion d'ob¬
serverdeuxcasde mortpar
hémorrhagie due à
cemécanis¬
me : « Unjour,dit-il,
j'arrivais à Brighton
avecM. Fowler,
de Kensington, pour
opérer
unejeune dame, quand on m'ap¬
prit
qu'elle venait de mourir subitement, deux heures avant
notrearrivée. L'examen nécroscopique
montra
quela mort
étaitdue à une vaste
extravasation sanguine, qui s'était faite
d'abord dans le kyste
ovarien, puis, après la rupture de ce
dernier, dans lacavité abdominale, et qui était évidemment
— 13 •—
due à la torsion du
pédicule, produite par la rotation du
kyste
nonadhérent.
» Une autre fois,
j'allais à l'hôpital des Incurables de
Putney, pour y
voir
unemalade, selon le désir de M. Crean;
elle avaitété
trouvée morte, la matinée, dans son lit. Malgré
le règlement
de l'établissement, j'ouvris l'abdomen et enlevai
un kyste
ovarique volumineux, mobile, qui contenait plus
de cinq litres
de caillots sanguins. L'hémorrhagie avait été
causée par
la torsion d'un long pédicule. »
Dansl'observation
de Patruban, la malade mourut égale¬
ment d'anémieaiguë,
quatre heures après le début des acci¬
dents.
Dans une observation
de Spencer Wells, l'hémorrhagie n'a
pas
entraîné la mort, mais a nécessité une ovariotomie hâ¬
tive. « Une dame de Moscou
vint à Londres, en mai 1879,
après-.un
voyagequ'elle avait été obligée d'interrompre à
Berlin, où elle
avait été prise de douleurs abdominales inten¬
seset devomissements.
Elle avait vingt-quatre ans, s'était
mariée enjanvier
1873, avait eu un premier enfant au mois
denovembresuivant,
avait avorté en 1875, 76, 77, et avait eu
un deuxième enfant, en
octobre 1878.
» En 1876, avantson
deuxième avortement, elle avait cons¬
taté la présence
d'une tumeur de la grosseur du poing, du
côté
gauche de l'abdomen. Après l'avortement, celle-ci attei¬
gnit
le volume d'une tête d'enfant, et resta ainsi stationnaire
pendant les autres grossesses. Le dernier accouchement avait
été normal, mais
l'abdomen avait continué à augmenter de
volume,
quand elle quitta Moscou pour venir me consulter.
Elle resta donc une
semaine à Berlin, par suite de l'attaque
dontj'ai
parlé plus haut, et qui était due, selon moi, à une
torsion du
pédicule.
» A sonarrivée à
Londres, les douleurs et les vomissements
avaient reparu.
Elle était extrêmement faible, et tellement
pâle et exsangue,
que, sans perdre de temps, je l'opérai trois .
jours
après
sonarrivée. Je trouvai, comme je m'y attendais,
une
grande quantité de caillots dans un kyste, en état de
décomposition,
et un pédiculeétroit, cordifonne,
tellement tordu, qu'il en était presque rompu. Iln'y
avaitpas de féti¬dité. Desadhérences récentes à
l'épiploon
et aux anses intes¬tinales étaient les sources de
l'apport
du sang à la tumeur, quisiégeait
à l'ovaire gauche. L'ovairedroit, hypertrophié
etkystique,
futégalement
enlevé. La maladeguérit sansfièvre,
reprit sescouleurs,
etm'envoya
dernièrement son portraitcoloré,
pour me montrer la différence entre la pâleur livide qu'elle présentait au moment del'opération
etl'aspect
de bonne santé qu'elle possède maintenant. »Si à cemoment on examine le
kyste,
on peut constater diverses modifications :1° Uneaugmentation de volume et de tension due à lagène circulatoire;
2° Son
immobilisation.
Lekyste
qui,jusque-là,
pouvait sedéplacer
transversalement està cemoment fixé à la même place. Cet accidentse rencontre dans les cas où le pédiculeest court. La rotation axile, la torsion, le raccourcissent encore
davantage
; au bout dequelques jours ou dequelques
heures les adhérences avec les organesvoisins augmentent
encore son
immobilisation;
3° Le
déplacement
dukyste.
Quand un petitkyste
occupantle côté gauche passedu côté
droi^ brusquement,
et que cedéplacement
s'est accompagné dedouleurs, vomissements,
on doit songer à la torsion du pédicule. C'est un excellent
signe
qui estsignalé
dans plusieurs observations que nous rapportons;4°
Mouls,
dans sa thèse(Paris, 1890),
signale deux signes qu'il a rencontrés dans deux cas et qui sont également rap¬portés dans une observation de Valat. Un
souffle
systolique
intense siégeant au niveau du
pédicule,
et une ondulationen masse du kyste. Ce sont là deux signes que l'onrencontre dans les anévrismes
diffus;
et comme dans les casauxquelsnousfaisons
allusion,
la torsiondupédicule avait amené unehémorrhagie intra-kystique,
peut-êtrefaut-il,
paranalogie,
invoquer
le môme mécanisme pourexpliquer
la produc-lion du souffle etde l'ondulation dans les cas d'anévrisme diffus et dans les cas de torsion du pédicule.
On peut voir au bout d'un certain
temps
survenir la gan¬grène du
kyste.
Elle se produit surtout dans les cas où, par le fait de la torsion
brusque, l'apport
sanguin estbrusquement
inter¬rompu avant de donnerle temps aux adhérences des'établir et de fournirune circulation supplémentaire.
Cependant, dansles cas de torsion lente, la gangrènesur¬
vient aussi au boutd'un certain temps, soit que la circula¬
tion ait continué à diminuer, soit que par le fait des adhé¬
rences intestinales des germes aient infecté le
kyste.
La gan¬grène se manifeste parde la
septicémie;
la mort survient si on nepratique
pas l'ovariotomie.L. Tait a publié, dans
VEdimburg Médical
Journal(1869),
l'observation suivante : il s'agissait d'une femme âgée de quarante-huit ans, qui présentait,
depuis
deux jours, les symptômesd'une hernie cruraleétranglée.
L'on pratiqua lakélotomie,et
l'onréduisit facilement l'intestin. Lesjourssui¬vants, la température s'éleva
jusqu'à
39°; odeur fétide de larespiration;
la malade succombecinqjours après; autopsie,douzeheures après la mort. L. Taittrouva la
plaie opératoire
de la herniecomplètement guérie. Séparant lesansesintesti¬
nales, il vit une masse noire, gangréneuse: c'était la tumeur del'ovaire, composée de deux kystes, dont l'un était complè¬
tement et l'autre partiellement gangrené; le premier conte¬
nait de la sérosité foncée. La tumeur mesurait environ 38 centimètres de longsur10 centimètresde large; il y avait
un point rétréci entre les deux
kystes.
La base était un peu adhérente au détroitsupérieur,
mais, ce point excepté, il n'yavait pas de
péritonite.
Le pédicule était tordu quatre foiset demisur lui-même.En 1879, L. Tait
(Traité
des maladies desovaires)
observa trois cas de torsion du pédicule, avec gangrène du kyste.Deux malades furent opérées et guérirent.
Quelque
temps après, il pratiqua la laparotomiesur une femme enceinte de- 16 —
quatre mois,pour un
kyste de l'ovaire compliqué de torsion
du pédicule;
la tumeur était sphaéélée. La malade guérit et
sa grossesse arriva
à
terme.Barnesrapporte
deux observations de gangrène du kyste,
survenueaprès la
torsion
;les deux malades moururent.
La rupture de
la poche kystique
seproduit quelquefois et
peutse reconnaîtreà
l'affaissement subit de la tumeur, toute
tension a disparu,
les bosselures du kyste
nesont plus appré¬
ciables. Souvent la péritonite
généralisée est consécutive à
cette rupture.
Torsion lente. — Quand la torsion se
produit lentement,
les phénomènes menaçants du
début diminuent
peuà
peu d'intensité, et l'on voit bientôtsurvenir les symptômes d'une
péritonite localisée. Desadhérences s'établissent entre la
tumeuret les organes voisins
(intestin, épiploon, paroi abdo¬
minale;. Le kyste présente
alors
uneévolution variable
:si
l'apport sanguin,fourni
parles adhérences, est insuffisant,
il s'atrophie et
subit la dégénérescence graisseuse
oucal¬
caire; si la nutrition est
suffisante, après
untemps d'arrêt,
la tumeur continue à augmenter
de volume. Dès lors,
par suite de la péritonitechronique, la malade dépérit
peuà
peu, souffre par intervalles dedouleurs qui lui permettent de
se lever ou l'obligentà garder le repos aulit. L'ascite survient
quelquefois,et certainesfemmes prennent
unfaciès terreux,
jaunâtre, qui peutfaire craindre la transformation maligne
de la tumeur ovarienne.
Thornton et Olshausen ont observé des cas de cegenre.
OlshauS.en cite une malade chez qui le teint et l'état
général
lui faisaient soupçonner avant
l'opération
une tumeur can¬céreuse.
Enfin, à tous ces
symptômes
peuvents'ajouter
ceuxde
l'obstruction intestinale, lorsque, par suite dela torsion, il y
a étranglement
intestinal.
Pour
comprendre la possibilité de cet accident, il suffit de
supposer
l'existence d'adhérences entre le kyste et l'intestin
avant la torsion; dansces
conditions, l'intestin
estobligé deprendre part à la rotation exécutée par la tumeur, il peuten résulter unediminution de son calibre et une gêne plus ou moins considérable dans le cours des matières, gêne qui peut aller jusqu'à l'obstruction complète.
Hardy,
Gûnther ont observé descas de cette nature qui se sont terminés par la mort.Il estun mode de début, à marche curieuse, sur lequel
MM. Thornton et Olshausen ont attiré l'attention : c'est le mode de débutsous forme d'accès intermittents, ou rémit¬
tents, c'est-à-dire qu'un accès douloureux survient brusque¬
ment, dure quelques heures, se dissipe, puis, reparait plus tard, sous une forme deplus en plus grave,jusqu'à un der¬
nieraccès définitif etdurable. M. Boursier (Congrès de chirur¬
gie 1892)reconnaît deux variétés différentes à ce mode de début.
Dans la première variété, les crises aiguës se
répètent
à chaque époque menstruelle et paraissent dues à l'afflux congestif qui accompagne les règles. Ily a trois exemplesdece type chronique dans la thèse de Mouls; nous les résu¬
mons ici.
Thornton a observé chez une femme de vingt-six ans, six mois avant la torsion définitive, des accès douloureux,vio¬
lents,survenusdeuxjoursavantla menstruation; ces dou¬
leurs se renouvelèrent à
chaque
menstruation; le sixièmeaccès fut d'une intensité extrême et ne présenta plus la rémission complète qui suivait les précédents.
Olshausen a observé un cas toutà fait semblable. Il s'agis¬
sait d'une femme de trente ans, qui, deux jours avant ses
règles, ressentit des douleurs abdominales extrêmement violentes, qui la forcèrent à se mettre aulit. Lemoissuivant, nouvel accès de douleurs, et, cette fois, encoreplus intenses.
Les douleurs furent accompagnées de vomissements et de fièvre ; l'état général s'altéra rapidement; la maladene quitta plus le lit; le moindre mouvementprovoquait uneexacerba- tion de ses souffrances; il survint de la diarrhée, dessueurs nocturnes et elle tomba rapidement dans le dernier degré du
Séveno 2
— 18 —
marasme. C'est dans ces conditions que l'ovariotoinie fut
pratiquée.
Le kyste pesait 10 kilogrammes et
présentait
de larges adhérences, en particulier avec l'intestin. Lepédicule pré¬
sentait une torsion d'un tour. La malade guérit (L. Tait, Tumeurs des
ovaires).
Dans l'Observation de Labbé
(thèse
de Mouls), la malade, âgée de vingt-huit ans, et jusque-là d'une bonne santé, éprouva pourlapremière
fois, au mois de septembre 1889,ou moment de ses règles, une douleur violente dans le ven¬
tre, suivie devomissements. Ces symptômes se calmèrent peu à peu, mais reparurent le mois suivant, avec moins d'intensité.
A l'opération, on trouva un kyste de l'ovaire gauche, sans
adhérence, dont le
pédicule
était tordu deux fois sur lui- même.« La seconde variété, dit M. Boursier, comprend des observations dans lesquelles les poussées péritonéales se
reproduisent à longue distance et à des intervalles très irré¬
guliers. Kœberlé avait publié en 1878, dans la Gazette de
Strasbourg,
un fait de ce genre(voir
Observation X de notrethèse).
Nous en trouvons, en outre, quatre observations,dans le tableau des
cinquante-sept
casde torsion pédiculaire publiés par Thornton, dansson mémoire de 1888 et obser¬vés par lui. Ce sont les numéros 22, 42, 49 et 56. Le nombre des crises est variable, suivant les cas;
quelquefois,
comme dans notre cas, leur gravité a été croissante et, entre la pre¬mière attaque et le moment de
l'intervention,
on a noté unepériode de trois ans dans un cas (no
42),
de deuxans et demi dans un autre(n° 49).
Cettemarche des accidents est tout à fait comparableà
celle qui a existé chez notre malade.(Voir Observation
XVII).
Elle a eu, en effet, sa première crise douloureuse enmars 1889; latroisième,
en décembre 1890;la quatrième, enaoût 1891. 11 faut noter aussi que chacune de ces poussées a
été plus
intense et plus durable que la précédente, cequi nousparaitavoirunecertaineimportance,
dans
l'interprétation pathogénique
des accidents. »On peut faire deux
hypothèses
pour expliquer lamultipli¬
cité des crises :
Première
hypothèse.
— Ou bien il faut admettre qu'une sorte d'accoutumance succéderait à une première torsion trèslégère,
etque cette torsion s'accentuerait deplus
en plus à chaque accès. «Tout, dans notreobservation,
dit M. Bour¬sier,nous parait devoir faire accepter cette première
hypo¬
thèse, la fixité de la tumeur à la môme place, son peu de volume, l'existence et l'âge des adhérences intestinales qui
se seraient opposées à la détorsion. Enfin, la gravité et la durée croissantes des crises semblent montrer que la circu¬
lation devenait à
chaque époque
plus difficile et plusamoin¬drie. En somme,
chaque
crise marque un pas vers l'étran¬glement complet par
à-coups
successifs,séparés
par des périodes d'immobilité. »Deuxième
hypothèse.
— Ou bien il faut admettre que la torsionpédiculaire se produit à un faible degré et que le kyste, quiaconservé toute sa mobilité,reprend,
au bout de quelques minutes ou dequelques
heures, sa position primi¬tive aussi facilement qu'il s'était
déplacé.
Qu'un kyste, après avoir subiun légermouvement de rotation autour de l'axe passant par son pédicule,puisse reprendre sa situation pre¬mière, cela est indubitable.
M. Boursier, dans sa communication au Congrès de chi¬
rurgie(1892), en cite un cas très net
(voir
Observation XVIII de notrethèse),
et dit à ce sujet : « Ce qui fait l'intérêt de cetteobservation, c'est qu'on peut la considérer comme unexemple de torsion temporaireou mieux de détorsion spon¬
tanée. Olshausen estun des premiers qui aient insisté surla possibilité de la rotation en sens inverse d'une tumeur kystique de l'ovaire ayant subi une torsion du pédicule.
Dans son livresur lesmaladies des ovaires, il rapporte briè¬
vement les deux faitssuivants : «Il est pourmoi
indubitable,
dit-il, quela torsion pédiculaire puisse librementrétrogra¬
der, d'après deux observations personnelles. Chez une femme de
cinquante-quatre
ans se trouvaient réunis, pen-— 20 —
dantPovariotomie, tous
les signes delà torsion du pédicule:
changement
de couleur marqué de la paroi du kyste et de
son
pédicule, friabilité de ce dernier, thrombose de ses
vaisseaux, contenu
sanglant de la tumeur uniloculaire,
adhérences
multiples
avecla paroi abdominale ; mais le
pédicule n'était
pastordu. Le second cas était entièrement
semblable. »
« Terrillon a
signalé, à
sontour, plusieurs cas du même
genre.
» Notre observation
diffère légèrement des cas que nous
venons de citer. En effet,
chez notre malade, la détorsion n'a
pas
été complète, puisque, au cours de l'extirpation du kyste,
nous avons constaté qu'il
existait environ
undemi-tour de
spire. Nous croyons
cependant qu'il y a eu, entre la ponction
et l'ovariotomie, une
détorsion partielle, et nous en trouvons
la preuve
dans les qualités du liquide et dans les mouve¬
ments
spontanés du kyste entre les deux interventions.
» Le
liquide évacué pendant l'ovariotomie était manifeste¬
ment moins hémorrhagique que
celui de la ponction, tout en
contenant encoreunecertaine
quantité de
sang.» De plus, les
mouvements du kyste ont été, pour ainsi
dire, rendus
palpables
parles déplacements successifs de la
portion
solide de la tumeur qui, de la fosse iliaque droite où
elle était située le
lendemain de la ponction,
aprogressive-
vement remonté en haut et
à droite, jusqu'au voisinage de
l'ombilic, puis,
quelques jours plus tard, a brusquement
passé du
côté gauche de la cicatrice ombilicale, en donnant
à la malade une sensation
soudaine de
secousseintérieure légèrement douloureuse. D'ailleurs, l'absence de toute adhé¬
rence constatée pendant
l'ovariotomie permet de très bien
comprendre
la possibilité de cette détorsion. »
CHAPITRE II
March®. Terminaison. Pronostic.
La terminaison des accidents causés par la torsion du pé¬
dicule esttrèsvariable.
1° Les accidents peuvent
s'arrêter
etle kyste peut continuersonévolutioncomme auparavant. Ona
même
citédes
cas(casde Bennett) dans lesquels la torsion avait
été
suivie d'une ré¬gression de la
tumeur, qui avait fini
pars'atrophier et
par disparaîtrecomplètement. Olshausen
aobservé
un casde
cette guérison spontanée: la tumeur, au moment de
la
tor¬sion, atteignaitle volume d'une grossesse de six mois. Six
moisaprès, elle ne
présentait plus
quele volume d'une tête
d'enfant, et depuiselle
estrestée stationnaire.
Freund, Wert citentégalement plusieurs
exemples de
ces guérisonsconsécutives à la torsion du pédicule. Boisky
en rapporteaussi
un casintéressant. Il s'agissait d'une tumeur
de l'ovaire qui avait été examinée
à plusieurs reprises et qui
remontait au-dessus de l'ombilic, à peu près à égale distance
de l'ombilic et de l'appendice xiphoïde.
Après
unaccès de
douleur trèsviolente, qui dura plusieurs
heures, la
tumeur, qui s'était tout d'abordlégèrement
accrue, netarda
pasà
diminuer. Neuf mois après
l'accès douloureux, elle avait
en- ôore le volume d'une tête d'enfant, et, cinq à six ans plus tard, elle ne présentait plus quele volume d'un œuf.
Ces terminaisons favorables de la torsion du pédicule avaient même faitsupposer à quelques
chirurgiens
quel'on
pourrait arriver aux mêmes résultats en produisant artifi¬
ciellement la torsion du pédicule. Vercoutre, dans un travail publiéen 1879 dans les Mémoires de médecine militaire, a mômetracé le manuel opératoire pour provoquer la torsion du pédicule. Mais son
procédé,
tout théorique, n'est baséque sur des expériences de torsion pratiquées sur des cordons ombilicauxmunis de leur placenta; enoutre, il est impossi¬ble de savoir quelle estla longueur du pédicule et le nombre de tours nécessaires pourempêcherla circulation du kyste;
un demi-tour dans des pédicules très courts peut produire l'étranglement aigu avec sescomplications immédiates, lié- morrhagie et rupture du kyste. Un chirurgien, prudent et sage, nesaurait préconiser la torsion artificielle dont l'issue favorable est fortproblématique et qui, en revanche, peut occasionner des accidents rapidement mortels. Cela est d'autant plus vrai que, dans les cas de torsion spontanée, l'issue favorable estl'exception.
2° Les symptômesgraves du début peuvent s'amender et bientôt
apparaître
les signes d'une péritonite localisée. C'est la troisième catégorie de M. Terrillon(cas
danslesquels
seproduisent
les phénomènes graves au début, durant peude temps et diminuant ensuite).
Des adhérencess'établissent entre la paroi du kyste et
les
organesvoisins et rendentdans la suite rovariotomielongue
et laborieuse.
Cettepéritonite chronique peut aboutir à la cachexie, àtel point, nous l'avons vu, qu'on a cru pouvoir
diagnostiquer la
transformation malignedu kyste.
3° La torsion du
pédicule
se termine par la mort. C'est la terminaison la plusfréquente,
si l'on n'intervient pas.La mort peut survenir
après
unlaps
de temps plus ou moins long et être la suite de la cachexie.On le voit donc, le pronostic des accidents causés par la
torsion du pédicule est sérieux ; même dansles cas les plus béninsen apparence,il doit être réservé, lagangrène, la sep¬
ticémie, la cachexie pouvant survenir
longtemps après,
quand les symptômes inquiétants du début se sont amendés
ou ont été peumarqués.
La grossesse etla puerpéralité, coïncidant avec latorsion du pédicule, aggravent encore le pronostic, puisque sur neuf femmes opérées dans ces circonstances il yeut trois
cas de mort et six guérisons.
CHAPITRE III
Diagnostic.
Deuxcaspeuvent se
présenter
:1° l'existence du kyste est
déjàconnue ; 2°elle n'est
pas connue.Premiercas.—Lorsqu'un médecin est
appelé auprès d'une
malade qu'il sait
atteinte d'un kyste de l'ovaire et qui pré¬
sente les accidents que nous avons
énumérés, il
pourrafaire
le diagnostic detorsion
du pédicule.
Cependant cette
torsion
aété souvent méconnue. Dans un
cas, L. Tait attribua
les accidents à
unétranglement her¬
niaire, et ce n'est qu'à
l'autopsie qu'il découvrit
unkyste sphacélé
parla torsion du pédicule. C'était le premier
casde
ce genreobservé par
Tait, qui s'exprime ainsi: «Il fit
surmoi une vive impression et
je résolus, si jamais je
metrou¬
vais en
présence des mômes symptômes chez
uneautre
femme et sije pouvais
découvrir la présence d'une tumeur,
de ne plus
hésiter à tenter de l'enlever. Je
pusmettre neuf
fois cettedétermination à exécution etje réussis dans tous les cas. »
On doit songerà la torsion
du pédicule lorsque la malade
raconte
qu'à
l'occasiond'un mouvement brusque, d'un saut,
ou bien au moment del'accouchement,-elle a éprouvé une sensation de déplacement
de la tumeur et
unedouleur vio¬
lente,
accompagnée
devomissements. La tumeur
seradeve¬
nue immobile, aura brusquement
augmenté de volume,
présentera unetension plus considérable.
Dans deux observations de Labbé
(thèse de Mouls), il exis¬
tait un souffle svstolique intense ou niveau du
pédicule
etuneondulation en masse de la tumeur correspondantà l'on¬
dée sanguine. Ces deux signes pathognomoniques, au
dire de M. Mouls, n'ont pas été
signalés
dans les outres observations.La ponction exploratrice pourrait fournir quelques rensei¬
gnements, mais il est préférable de s'en abstenir, car elle pourrait provoquerl'iiémorrhogie intra-kystique. Le liquide
retiréest sanguinolent et n'estpas patliognomonique; on le
trouve aussi dans les cas de tumeur maligne qui peuvent s'accompagner de
péritonite.
En revanche, le liquide couleur chocolat, à odeur gangréneuse, est presque caractéristique« car le sphacèlcd'une tumeur ne peut
guère
survenir que par la torsion du pédicule » (Terrillon).Le diagnosticest difficile, ditDuplay
{Gcizeite des hôpitaux, 1892).
Enréalité,
il se borne plutôt à un diagnostic d'indi¬cations thérapeutiques qu'à un diagnostic précis de l'acci¬
dent même. Les
symptômes
dus à la torsionpeuvent être en effet donnés soit par une hémorrhagie dans l'intérieur du kyste, soit par une rupture spontanée. Barnes, chezune femme enceinte, a confondu la torsion suivie d'accidentsavecla rupture du kyste. Cependant, dans le cas de rupture, le changement de forme de l'abdomen, la disparition des bosselures, permettent de différencier la rupture de la tor¬
sion, ensupposantbien entendu que cette torsion ne s'ac¬
compagne pas elle-même de rupture.
La transformation maligne d'un
kyste
ovarique peutaussidonner
quelques
symptômes se rapprochant de ceux que produit la torsion. L'erreur a été commise dansplusieurs
observations que nous rapportons.
La suppuration du kyste de l'ovaire ne
s'accompagne
pas desphénomènes
aigus du début.Enfin la péritonite parperforation pourra ne pasêtre diffé¬
renciéedelà torsion du
pédicule.
Deuxième cas. — L'existence du kyste 11'est pas connue antérieurement. Lè diagnostic devient plus difficile.
Lorsque les accidents du début de la torsion sont très
bruyants, on pourra la confondre avec l'étranglement interne, mais les vomissements fécaloïdes, la constipation absolue, l'absence d'émissionde gaz parl'anus, permettent de fairele diagnostic d'étranglement interne.
On devra de même éliminer après examen l'étranglement herniaire.
Sile kyste estpetit, contenu dansl'excavation, si la palpa-
tion abdominale, rendue difficile par la douleur, nepermet pasde reconnaître son existence, on pourra songer à Fhé- matocèle
péri-utérine.
Cependant, dans ce cas, le toucher vaginal révèle une tumeurdiffuse bien moins nettement cir¬conscrite que le kyste de l'ovaire.
CHAPITRE IV
Traitement.
Le traitement de la torsion du
pédicule des kystes de
l'ovaire doit d'abord être
prophylactique. Il faudra
pourcela
recommander à la malade le repos et
conseiller l'ovarioto-
mie. Cetteovariotomie précoce
est,
nousl'avons
vu,la cause
de la fréquence
moins grande de la torsion du pédicule qui
aujourd'hui est
de 6
pour100 (Terrillon), tandis qu'en 1865
elleétait de 13,8 pour
100 (Olshausen).
Quand les
accidents de la torsion ont éclaté, il faut prati¬
quer
l'ovariotomie et la pratiquer le plus tôt possible. C'est
l'opinion de
tous les chirurgiens qui se sont occupés de cette
question et en
particulier de Lawson Tait, Spencer Wells,
Kœberlé, Terrillon,
Duplay, Labbé.
L'ovariotomiepratiquée
pendant la période aiguë des acci¬
dents de torsion du
pédicule n'a
pasde gravité particulière.
Il ne fautdonc pas
attendre
que cesaccidents aigus se soient
amendés.
On évitera ainsi devoir la
malade mourir d'hémorrhagie,
comme cela estarrivé à L.
Tait. Spencer Wells
asauvé une
malade dontla torsion du
pédicule avait produit
unehémor-
rhagie
abondante dans le kyste.
Pour avoirattendu, Schrœder a
perdu
unede ses malades
de
septicémie.
Quelle que
soit la gravité de l'état de la malade, que l'on
se trouve en présence
de signes d'hémorrhagie considéra-
— 30 —
bleou de
péritonite,
l'ovariotomie rapide est la seule chance de salut.Dans les cas de torsion lente, c'est encore à l'ovariotomie Mtive qu'il faut recourir. On évitera ainsi de voir la malade
se
cachectiser,
ou des adhérencess'établir,
qui rendront plus difficilel'ovariotomie.
En attendant le moment de pratiquer
l'ovariotomie,
il sera utile decombattreles diverssymptômes :hém'orrhagie, péri¬
tonite, péritonisme; de tonifier la malade dans le cas de torsion lente.
OBSERVATIONS
Cas dans
lesquels la
mort est survenue avant l'interventionchirurgicale.
Observation I
(Résumée).
(Folet, Bulletin de la Société anatomique, 1867.)
Kyste de l'ovaire gauche. Ponctions successives. Mort. Autopsie.
Joséphine J..., quarante-huit ans, mariée, entre dans les premiers jours de février àl'hôpital de la Charité, service de M. Denonvilliers.
Depuis huit mois on aconstaté la présence d'un kyste de l'ovaire. La
tumeurprituntel développement ensix semaines, que M. Houel lui pra¬
tiqua à l'hôpital des Cliniques uneponction qui donna issue à quinze
litres de liquide. La tumeurse reproduisit rapidement etdeux mois et demi plus tard la malade subit uneponction suivie d'injectioniodée.
Neufsemainesaprès,troisième ponction suivie égalementd'injectioniodée.
M.Nélaton, qui pratiqua cette dernièreponction,constata aprèsl'écoule¬
ment du liquide la persistance d'une tumeurdure dans le côté droit.
Leliquide, parfaitementclair lors de la première ponction, était devenu
deplus enplus brunâtre etfilant dans
les deux ponctions
qui suivirent.Après chacune des deux premières
opérations la
malade avait voulusortirtrop vite de l'hôpital, s'était
fatiguée
etavait présenté
des symptô¬mes de péritonite subaiguë, douleurs,
vomissements,
etc.— 32 —
Au moment de son entrée, deux mois après la dernière ponction, la
malade s'offre ànous avec un ventre énorme; il mesure 134 centimètres
au niveau de l'ombilic. En haut età droite, la tumeur est entièrement dure ; dans tous les autres points la sensation de fluctuation est facile àpercevoir. Les intestins sont refoulés en haut et àgauche.
L'état général est mauvais. La malademange peu. les vomissements
sontfréquents; il s'yjointune dyspnée pénible et une toux fatigante.
Les symptômes ne faisantque s'aggraver, M. Denonvilliers opère la ponction le 5 février. Le trocart est enfoncé à droite au lieu d'élection.
Leliquide qui s'écouleest filant, de couleurtrèsbrune (le microscope y démontre l'existence de globules sanguins très nombreux et plus ou moins
altérés).
L'écoulementdu liquide sefait d'une façon intermittente,lacanule est fréquemment bouchée par l'engorgement de petites masses fibrineusesbrunâtres. Après l'évacuationassezpénible d'environdix litres de liquide, le ventre estloin d'être vidé, mais la tension asuffisamment diminuépour que la palpation fasse nettement percevoir à droite cette tumeur dure aussiirrégulière que l'on sentait auparavant.
Après deuxjoursd'amélioration, l'état général s'aggrave denouveau, les vomissementsrecommencent et la malademeurtle 14février.Autop¬
sie. vingt-quatre heures après.
(In trouve unkyste de l'ovaire gauche avec torsion du pédicule et hémorrhagieh l'intérieur du kyste.
Observation II
(Boiffin, Archives provinciales de Chirurgie, Paris, 1893.)
Torsion dupédicule. Mort. Pas d'autopsie.
Femmede cinquanteans, petite, un peu chétive, s'aperçut de l'aug¬
mentation devolume de son ventre, sans douleur, en 1800. Deux ans
après,elle consultait un médecin qui
diagnostiquait
unkystede l'ovaire.L'opération fut conseillée, maisnonpratiquée. La tumeur continua à augmenter de volume, mais sans amener aucun trouble dans l'état général.