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ANNEXE I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1 descente

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ANNEXE I :

Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1

re

descente

I. Grille d’observation de leçons de français

1. Identification de la classe observée

DPE : DCE :

Établissement: Classe:

Méthode(s) utilisée(s) : Nombre d’élèves : Heure de la séance : Nom du professeur :

Sexe : □ M □ F

Niveau d’étude : □ L A □ L □ ENS/IPAIII □ Hum. Domaine : □ Français □ Autres :

2. Fiches d’observation d’une leçon

Fiche nº1 : Les conditions d’apprentissage (SCRINEVER 1994)

En observant une leçon, nous noterons ce qui influence le travail de façon positive et de façon négative et cela au niveau de la classe, au niveau des activités, au niveau du travail du professeur et des élèves. Quelques uns des facteurs qui influencent le travail sont :

- salle de classe : emplacement, espace intérieur, mobilier ;

- activités : le type d’activité, la manière dont chaque activité est organisée, le matériel didactique utilisé ;

- professeur : la précision des consignes, la répartition des tâches, la gestion des interactions, l’approche méthodologique ;

- élèves : leur motivation, leur implication, l’exécution des consignes reçues, la qualité des documents-supports mis à leur disposition.

Facteurs positifs Facteurs négatifs La classe

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Fiche nº 2: Consignes (TANNER and GREEN 1998)

Nous observerons les consignes que le professeur donne pendant la leçon et nous complèterons la grille. Pour toutes les techniques, nous essaierons de noter à quel point le professeur a réussi à les utiliser.

Les différentes techniques d’instruction

Clarté

Clair/pas très clair/ pas clair du tout

Points à discuter

Signaler le début de l’activité

Utiliser une langue simple Utiliser des phrases simples Raison et clarté

La voix claire

Contact avec les yeux Mimes et gestes

Répétition des consignes d’une autre façon

Ne pas dire des évidences Utiliser des supports visuels Démonstration au lieu d’explication

Contrôler la compréhension Signaler la fin d’une activité

D’après les auteurs du document, les consignes doivent rester aussi simples, courtes et claires que possible. Et d’ajouter, une voix haute et claire, des gestes appropriés, des aides visuelles facilitent les instructions. Ils reprennent les propositions de J. Sinever (1994) :

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

Créez un silence avant de donner des consignes. Essayez de prendre contact par le regard avec autant d’élèves que possible. Trouvez une voix déterminée et assurez-vous qu’on vous écoute. Il vaut mieux faire une démonstration qu’expliquer. Vérifiez que les consignes ont été comprises.

Fiche nº3 : Les questions du professeur

Nous aurons plusieurs choses à observer. Citons entre autres le type de question, la manière dont la question a été posée, le temps d’attente du professeur, la qualité et la quantité de la réponse donnée par les apprenants.

La question du professeur Le type de Question. La longueur du temps d’attente La réponse de l’apprenant (qualité, quantité)

Le document consulté distingue trois types de question : les questions opératoires, les questions fermées et les questions ouvertes.

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Fiche nº4 : Le temps d’apprentissage scolaire

Pour une même leçon, nous mesurerons le temps pendant lequel les apprenants sont entièrement investis dans des activités de classe.

Activités Questions Temps d’apprentissage 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7 Total

Nous nous prononcerons si le temps restant a été bien utilisé et estimerons aussi la proportion des discours des apprenants et du professeur afin de voir si on peut l’améliorer.

Fiche nº5 : L’utilisation de la langue maternelle

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

Nous nous servirons de cette grille pour en noter les cas et nous analyserons dans quels contextes les deux langues en contacts se complètent.

Les énoncés prononcés en kirundi par l’enseignant

Les énoncés prononcés en kirundi par l’élève

Combien de temps le professeur utilise-t-il le français par rapport à sa langue maternelle? Est-ce qu’il traduit quelques fois ce qu’il dit?

Quand le professeur utilise les deux langues, quelle est la langue utilise-t-il d’abord? Combien de temps les apprenants utilisent-ils le français par rapport au kirundi?

3. Dimensions didactique et pédagogique 3.1. Dimension didactique ou pratiques de classe

1. Compréhension écrite

Nous observerons et décrirons la séquence de compréhension écrite en nous aidant du document constitué des descriptifs suivants.

1.1. Nature des documents écrits utilisés:

□ fabriqués □ réalistes □ authentiques

1.2. Typologie des documents écrits utilisés:

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□ dialogues transcrits □ Scènes théâtrales transcrites □ récits historiques transcrits

□ Notes de service □ autre (préciser) __________ □ conversations informelles transcrites

1.3. Supports utilisés: □ Livres de l’élève

□ photocopies d’un autre document écrit (journal, message publicitaire, …) □ autre(s): ________________

1.4. Qualités rédactionnelles des documents écrits : a. Para-textes :

□ titres □ dessins □ typographies différentes □ autres b. Forme des documents :

□ en paragraphes □ en strophes □ en couplets □ autres c. Langue :

□ standard □ registres différents

Si registres différents, présence de registres:

□ soutenu □ formel □ familier □ argotique d. Longueur des documents des manuscrits

1.5. Démarches mises en œuvre: a. Activités de prélecture

□ oui □ non Si oui, de quel type? :

□ paratextuel □ grammatical □ lexical □ phonétique □ conseils méthodologiques.

Si oui, de quel(s) types(s)? : _______ b. Modes de guidage de la lecture silencieuse:

□ questions ouvertes □ questions vrai/faux

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

□ formulation d'hypothèses □ tâches à exécuter c. Contenus de ce guidage:

□ paramètres principaux de la situation de communication (qui? où? quoi? comment? pourquoi? pour quoi faire?)

□ mots-clés □ autres éléments linguistiques (articulateurs, temps verbaux) d. Type(s) de lectures proposé(s):

□ lecture globale sans consignes explicites □ lecture(s) sélective(s). Si oui: – combien? : ___________________

– objectif de chaque lecture sélective:

1e ________________ 2e ______________ 3e _______________

e. Utilisation de la forme orale du document □ oui □ non

Si oui, à quel moment et dans quel but ? ________________ f. Exploitation de l’aspect culturel

□ fait-elle intervenir la culture native ?

□ décèle-t-elle des liens logiques avec la culture des apprenants? □ a-t-elle été faite dans l’unique logique du document ?

□ autres observations ________________ g. Compréhension du document:

□ oui □ non h. Résumé oral du document:

□ oui □ non

Si oui, à quel moment, et dans quel but? : ________________ 1.6. Autres procédés d’apprentissage

a. Lexique :

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□ approche sémantique □ autres (à préciser) ________________ b. Grammaire :

□ activités de conceptualisation □ démarche inductive

□ démarche déductive □ autres (à préciser) ________________ c. Culture :

□ approche anthropologique □ approche sociologique □ approche sémantique □ approche comparative □ autres (à préciser) ________________

2. Compréhension orale

Nous observerons et décrirons la séquence de compréhension orale en nous aidant du document dont les descriptifs sont ci-après.

2.1. Nature des documents sonores utilisés:

□ fabriqués □ réalistes □ authentiques 2.2. Typologie des documents sonores utilisés:

□ chansons □ conversations informelles □ conversations radiophoniques □ conversations téléphoniques □ cours, conférences □ discours officiels

□ informations radiophoniques □ interviews, enquêtes □ jeux radiophoniques □ messages par haut-parleur

□ poèmes □ prévisions météo, horoscopes □ publicités □ récits de vie □ tables rondes radiophoniques

□ textes littéraires oralisés □ visites guidées □ autre(préciser)

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

2.3. Supports utilisés:

□ images fixes (dessins, photos, …) □ documents vidéos □ documents complémentaires composites

Si oui:

□ document sonore authentique + image(s) d’illustration □ autre(s): ________________

2.4. Qualité des enregistrements utilisés: a. Débit:

□ lent □ moyen □ rapide b. Langue:

□ standard

□ registres différents

Si registres différents, présence de registres:

□ soutenu □ formel □ familier □ argotique c. Durée moyenne des documents sonores proposés: _________

2.5. Démarches mises en œuvre:

a. Activités de préparation à la première écoute □ oui □ non

Si oui, de quel type? :

□ préparation linguistique □ grammaticale □ lexicale □ phonétique □ préparation thématique □ conseils méthodologiques

Si oui, de quel(s) types(s)?: _______

b. Modes de guidage de la première écoute ou des écoutes successives: □ questions ouvertes □ questions vrai/faux

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c. Contenus de ce guidage:

□ paramètres principaux de la situation de communication (qui? où? quoi? comment? pourquoi? pour quoi faire?) □ mots clés

□ autres éléments linguistiques (articulateurs logiques, temps verbaux) et paralinguistiques (voix, intonations, rythmes, accents...) □ informations à repérer □ interprétation des bruits de fond

d. Type(s) d’écoute proposé(s):

□ écoute globale sans consignes explicites d’écoute □ écoute(s) sélective(s). Si oui:

– combien?: _____________

– objectif de chaque écoute sélective: 1e ________________ 2e ______________

3e _______________ e. Exploitation de l’aspect culturel :

□ fait-elle intervenir la culture native ?

□ décèle-t-elle des liens logiques avec la culture des apprenants ? □ a-t-elle été faite dans l’unique logique du document ?

□ autres observations _______________ f. Mémorisation du document:

□ oui □ non

g. Utilisation de la transcription écrite du document: □ oui □ non

Si oui, à quel moment, et dans quel but ? : _____________ h. Activité(s) de transformation du document sonore

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

□ oui □ non

Si oui, de quel(s) type(s): _______________ Autres procédés d’apprentissage

a. Lexique :

□ recours au dictionnaire □ contextualisation □ approche morpho-syntaxique □ approche sémantique □ autres _______________ b. Grammaire :

□ activités de conceptualisation □ démarche inductive

□ démarche déductive □ autres _________________ c. Culture :

□ approche anthropologique □ approche sociologique □ approche sémantique □ approche comparative □ autres _____________

3.2. Dimension pédagogique : l’exploitation de temps et les interactions

1. Le Temps

1.1. Le temps de la classe de FLE est:

□ structuré □ souple □ non structuré 1.2. La structuration du temps dépend:

□ du manuel utilisé □ des activités proposées

□ de rythmes des élèves □ ________________________ 1.3. Le temps de parole de l’enseignant occupe environ:

□ 30% du temps □ 60% du temps □ 80% du temps

2. Interactions

2.1. Interactions enseignant/élèves 2.1.1. Tour de parole

La prise de parole des élèves est:

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Le professeur est:

□ directif □ collaboratif 2.1.3. Réparation/correction

Le professeur:

□ corrige tout le temps □ évite les critiques négatives □ félicite les réussites

2.2. Interactions élèves/élèves

2.2.1. Dans le cadre d’échanges « authentiques »:

□ sur des sujets/thèmes d’intérêt collectif □ dans un travail de groupe 2.2.2. Dans le cadre d’échanges simulés:

□ pendant des activités de simulation □ pendant des jeux de rôles 2.2.3. Dans quelle langue?

□ en français □ en langue maternelle 2.2.4. Rôle de l’enseignant:

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

II. QUESTIONNAIRE D’ENQUÊTE

Monsieur, Madame , mademoiselle enseignant(e) de français,

Nous nous dirigeons vers vous comme collègue de métier. Nous sommes maintenant en train de mener une investigation sur l’état des lieux de l’enseignement du français au Burundi, dans le but de relever d’éventuelles lacunes, et tâcher, par la suite, à y aporter remède en vue de contribuer à l’amélioration de l’enseignement/apprentissage du français. Et, pour réaliser cette étude, nous estimons incontournable le recours à vous, chers collègues. Voilà pourquoi votre apport nous sera d’une grande utilité afin que notre recherche aboutisse à des résultats fiables et tangibles. De plus, soyez-en rassurés, les réponses que vous voudriez bien donner aux questions posées resteront confidentielles et elles seront traitées dans l’anonymat. En outre, soyez à l’aise à répondre à chaque élément du questionnaire en toute liberté et selon votre conviction personnelle.

Merci de vouloir nous remettre le questionnaire complété.

1. Objectifs

a. De quoi tenez-vous compte pour définir les objectifs d’une leçon? □ la nature de la leçon

□ le savoir langagier prévu dans le fichier pédagogique □ le besoin langagier des apprenants

□ autres (à préciser) ___________________ b. Définissez-vous des objectifs culturels ?

□ oui □ non Si oui, dans quel cas?

c. Vous arrive-t-il de formuler des objectifs interculturels ? □ oui □ non

Si oui, à quelle occasion ?

d. En fixant les objectifs, quelle compétence priorisez-vous ? □ la compétence communicative

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e. Les objectifs de leçons doivent-ils être communiqués aux apprenants ? □ oui □ non

Si oui, pourquoi ?

2. Contenus

a. Dans les manuels de français, voyez-vous des inconvénients liés à l’absence de la culture native?

□ oui □ non Si oui, lesquels ?

b. Estimez-vous que les contenus des manuels utilisés permettent un apprentissage langagier correspondant à des situations réelles d’emploi?

□ oui □ non

Si non, où situeriez-vous le problème ?

c. La progression des activités de classes telle qu’elle est prévue coïncide-t-elle aux besoins langagiers des apprenants ?

□ oui □ non

Si non, quel serait votre proposition ?

d. Selon vous, peut-on affirmer que tous les extraits du manuel intéressent les apprenants ? □ oui □ non

Si non, choisissez un/des élément(s) qui entraînerait(raient) le désintérêt des apprenants

(cochez la case correspondant à la réponse choisie): □ le cadre spatial de l’extrait

□ le cadre temporel de l’extrait.

□ le cadre spatio-temporel de l’extrait □ le cadre culturel de l’extrait.

□ l’autreur de l’extrait.

e. D’après vous, tous les extraits choisis favorisent-ils les activités de classes de français? □ oui □ non

Si non, choisissez des facteurs qui les défavorisent : □ l’auteur de l’extrait.

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Annexe I : Grille d’observation et questionnaire d’enquête 1re descente

□ la présence d’objets culturels méconnus des apprenants □ la présence d’objets culturels sans référents aux pays. f. En plus du manuel de français, utilisez-vous des ressources complémentaires?

□ oui □ non Si oui, lesquellles?

3. Opinions sur les pratiques méthodologiques

a. Quelle est, pour vous, la bonne pratique de classes de langues étrangère?

b. Comment faites-vous pour faire acquérir la compétence orale et pour l’évaluer? c. Comment faites-vous pour faire acquérir la compétence écrite et pour l’évaluer?

d. L’approche communicative est-elle importante pour vous? Que faites-vous pour faire acquérir cette compétence en classes de langue?

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ANNEXE II : Contes constituant le corpus

I. Sarukwavu-le-Lièvre et Sarufyisi-l’Hyène

Un jour, Sarukwavu-le-Lièvre et Sarufyisi-l’Hyène prient la route pour aller solliciter une vache chez un Éleveur de vaches. Une fois arrivés à destination, les deux visiteurs en quête d’une vache furent reçus par ledit éleveur, mais il leur dit de rebrousser chemin et de revenir un autre jour.

Au jour du rendez-vous, les deux amis se mirent en route. À mi-parcours, Sarukwavu proposa

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à Hyène de se surnommer afin d’être distingués par ceux qui allaient les accueillir. Sarukwavu dit : « Surnomme-toi Bantu1. Et moi, Rwamaheke2. » Le Surnommé Bantu refusa et dit : « Peut-on m’appeler Bantu alors que je ne suis pas une personne? » Et le Lièvre de répliquer : « Bien, moi, je me surnomme Bantu. » À leur arrivée chez l’éleveur, les deux visiteurs entendirent dire: « Bantu, entrez. » Et le Lièvre d’aviser son compagnon : « As-tu

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entendu ? C’est moi seul qu’ils invitent à entrer ; mais tu peux m’accompagner car cela ne fait rien. » Ils entrèrent. L’éleveur de vaches leur indiqua : « Bantu, voici la vache que je vous ai promise. Elle vous appartient désormais. »

Sur le chemin de retour, Bantu s’adressa à Rwamaheke : « N’as-tu pas entendu que la vache a été donnée à moi seul ? » Nyamyoma rétorqua : « Continuons notre chemin. Nous en verrons

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la suite. » En cours de route, le Lièvre dit à compère Hyène : « Je pars avec la vache qui m’a été offerte. » Rwamaheke refusa et saisit de toute sa force la vache. Et Le donataire malin chercha à persuader son protagoniste : « Demandons ! » À vive voix, le premier cria : N’est-ce pas vrai que N’est-cette vache appartient à Bantu ? Sa voix aiguë percutée contre des montagnes et des vallées produit des échos sonores semblant lui donner raison. Bantu dit : « As-tu encore

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de doute qu’elle appartient à moi seul? » Rwamaheke répliqua : « Non! Continuons. Ou bien, attends que je demande moi aussi. » « N'est-ce pas vrai que la vache appartient à nous deux? » De même, cette voix percutée contre des montagnes et des vallées produit des échos sonores semblant lui donner également raison. Étant donné que la raison du plus fort est toujours la

1

Le terme « bantu » désigne normalement des êtres humains en kirundi. C’est l’équivalent de « gens, personnes, hommes, etc. Dans la culture burundaise, le vocable peut aussi insinuer un respect à l’égard des personnes désignées.

2 « Rwamaheke » et « Nyamyoma » sont quelques- uns des substantifs employés par les Burundais pour désigner

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Annexe II : Contes constituant le corpus

meilleure, il fut décidé que la vache leur appartenait tous. Bantu se résigna mais jura qu'il se

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vengerait. Ces compagnons avaient des mères qui n’habitaient pas loin de chez eux. Un beau jour, Bantu dit à Rwamaheke : « Ami, nos mères sont des gourmandes, elles se régalent de beaux morceaux pour ne nous réserver que des miettes. Je te proposerais donc de nous débarrasser d'elles. » Sarufyisi trouva bonne la proposition. Bantu continua: « Nous allons les amener à cette rivière-là. Je me placerai, en un point sur la rive de la rivière et je serai le

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premier à couper la tête de ma mère. »

Le lendemain, Rwamaheke se plaça à une petite distance en aval par rapport à la position de Bantu. À ce moment, Bantu répandit des terres ocre rouge dans l’eau qui coulait et interpela son voisin : « Vois-tu ? Ami, l’affaire est terminée. Je viens d’égorger la gourmande, à ton tour d’agir de même! » Rwamaheke ne tarda pas à décapiter sa mère. Immédiatement, Bantu

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se précipita d’aller cacher sa mère dans une grotte et il en revint rapidement.

Bantu et Rwamaheke gardaient leur vache à tour de rôle. Quand arrivait le tour de Bantu, celui-ci allait toujours chez sa mère qui lui préparait de la pâte d’éleusines comme repas de midi et lui en donnait aussi pour le soir. De retour, quand il rentrait la vache et qu’il arrivait à l’entrée du rugo, Bantu disait : « Notre vache vient de me faire de la pâte déleusine. » Et

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Rwamaheke de dire : « donne-m’en une partie, cher ami, et je te rembourserai demain, car ce sera mon tour de conduire la vache aux pâturages. » Mais, Rwamaheke ne rentrait jamais avec de la pâte quand il revenait des pâturages. Pour le cas de Bantu, il n’y a eu aucun changement. Il est rentré avec de la pâte d’éleusines quatre fois, cinq fois. Curieux de savoir d’où provenait cette nourriture, Rwamaheke guetta Bantu et le vit entrer dans la grotte d’où montait de la

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fumée. Aussi, réalisa-t-il que Bakame n’avait pas tué sa mère. Ce même soir, Bantu apporta un gros morceau comme d’habitude.

Le jour suivant, Rwamaheke conduisit la vache aux pâturages. Il alla dans la grotte et y rencontra la mère de Bantu et celle-ci lui prépara de la pâte d’éleusines. Mais avant de quitter cette grotte-là, l’Hyène tua la mère du Lièvre. De retour des pâturages, Rwamaheke arriva à

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l’entrée du rugo et dit : « Notre vache m’offre de la pâte ». Bantu qui voyait cela, sut que sa mère était morte. Mais il lui dit : « Ami, donne-m’en une partie et je te rembourserai demain car ce sera mon tour de garder la vache. Le lendemain, il alla à la grotte et y trouva le cadavre de sa mère qu’il inhuma. Avec une grande fureur, Bantu tua la vache, la dépeça et mit de beaux morceaux de viande le long d’un mauvais sentier et de mauvais morceaux le long d’un

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sois informé, Rwamaheke ! Notre vache s’est enfoncée, profondément enfoncée dans la vase !! Rwamaheke vint en courant. Une fois arrivé, il s’empressa de dire : « Ecarte-toi un peu, je vais l’en tirer. Que faisais-tu quand elle s’enfonçait jusque-là?

Bantu avisa : « Sois prudent ! Veille à ne pas arracher les cornes. »

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Rwamaheke rétorqua : « Tu n’as qu’à t’écarter ! »

Il tira de toutes ses forces : la première corne fut tirée, et la seconde de même.

Bantu se moqua de cet imprudent : « Ai-je cessé un seul instant de te le dire ? Toi qui as toujours compté sur ta force ! » Il ne restait qu’à regagner leurs habitations.

Bantu dit alors à Rwamaheke : « Passe par ce mauvais sentier. Moi, je passe le beau. »

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Rwamaheke : « C’est moi qui prend le beau, emprunte le mauvais toi-même !» À quelques pas de là :

Bantu s’écrie: « Je trouve un beau morceau de viande. » Et Rwamaheke de dire : « Je trouve des poumons. » Bantu : « J’en trouve un autre : du cœur. »

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Rwamaheke : « J’en trouve un autre : du foie. » Bantu : « Je trouve toute une partie non morcelée. » Rwamaheke : « Je trouve des boyaux. »

Bantu trouvait des morceaux de viande de qualité qu’il conservait tandis que Rwamaheke en trouvait de mauvaise qualité qu’il avalait immédiatement. Les deux voisins finirent par arriver

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chez eux. Rwamaheke n’avait plus rien et voulut en avoir encore : Rwamaheke : « Donne-m’en cher ami. »

Bantu : « Accepte que je te coupe un bras. »

Rwamaheke : « D’accord. » Bantu lui coupa un bras. Rwamaheke : « Que c’est délicieux ! Donne-m’en encore. »

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Bantu : « Accepte que je te crève l’œil. »

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Annexe II : Contes constituant le corpus

Sarukwavu lui enleva l’œil qui restait. Par la suite, Bantu chauffa suffisamment une pierre ronde qu’il fit entrer dans l’estomac de ce glouton à partir de sa bouche. L’estomac de

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Nyamyoma brûlait, la bête souffrit énormément et en mourut.

Au moment de cris d’agonie, Bantu se moquait de sa victime : « Je me venge de toi, sois malheureux à ton tour, tu as assassiné ma mère. Souffre et succombe à ton tour. »

De ce jour-là date la haine entre Hyène et Lièvre.

Conte tiré d’Imigani n-ibitito [Les contes et chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 1-3.

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II. Mère-Vache a parié à Mère-Rugwe

Il était une fois Mère-Vache et Mère-Rugwe qui habitaient pacifiquement sur une même colline. Un jour, les deux compagnes se mirent à discuter pour savoir qui est la plus forte et la plus résistante des deux. Mère Rugwe, se déclara plus forte et résistante que Mère-Vache. Afin de prouver le fondement de tels propos, l’orgueilleuse invita sa compagne à une épreuve. Elle lui dit : « Passe toute une journée à paître sans boire de l’eau ou passe-la à boire de l’eau

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sans paître. Si tu veux, tu alterneras. En cas de non respect de ton choix, je te tuerai. Moi aussi, je ferai mon choix et, en cas de non respect de ma part, tu me tueras. » Le pari fut accepté des deux parties.

Le premier jour, la Mère-Vache alla paître et rentra extrêmement assoiffée. Quant à Mère Rugwe, elle passa toute la journée dans une rivière à en boire de l’eau, mais en broutant en

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cachette quelques herbes riveraines. Le troisième jour, Mère-Vache se sentit incapable de continuer à résister et elle but ne fût-ce que deux gorgées d’eau. Sa concurrente qui l’épiait à tout instant le remarqua et hurla immédiatement: « Oooh ! Tu bois, tu bois! C’en est fini pour toi. » Et la pauvre Vache tenta de s’excuser sans succès: « Excuse-moi, je ne reprendrai plus. » Rugwe refusa carrément et dit : « Impossible de t’excuser car nous l’avons décidé de

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commun accord. » La très assoiffée eut à peine le temps de supplier sa commère : « Laisse-moi d’abord beugler. » Or, avant de quitter son domicile, elle avait averti sa petite, Inyana-le-Veau, en ces termes : « Quand tu m’entendras beugler, sache que je serai sur le point de mourir car nous ne faisons plus bon ménage avec Rugwe, notre voisine. » Au premier beuglement de la vache, sa petite se souvint de ce que sa mère lui avait dit. Elle rompit la

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corde qui la retenait et courut jusqu’à l’habitation de la carnassière qui, au même instant, dévorait sa mère. Arrivée là, à coup de sabots, la génisse en fureur tua immédiatement tous les petits qu’elle y trouva avant de s’enfuir à toutes jambes.

Au retour, Mère-Rugwe ne vit aucun de ses petits vivant. Elle se mit alors à la poursuite de celle qui venait de les tuer, en suivant les traces laissées par des empreintes de sabots de la

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fugitive. La désormais orpheline qui fuyait s’échappait en hâte et avançait au galop. Elle galopait à une grande allure qui étonnait tous les passants rencontrés. Ceux-là tentèrent de la tranquilliser : « Reprends ton souffle ! Reprends ton souffle! Ôh, belle génisse ! » Et elle de leur répondre : « Mère Rugwe a dévoré ma mère. Et moi, j’ai tué ses petits pour me venger. Elle est donc à ma poursuite. » Ces passants compatirent et lui dirent : « Vas-y !

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Fuis…vite !! »

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Annexe II : Contes constituant le corpus

leur demanda : « S’il vous plaît! N’auriez-vous pas rencontré une génisse qui fuyait par hasard ? » Et ils lui demandèrent : « Pourquoi la cherches-tu ? » Elle leur répondit : « Elle a tué tous mes petits et je suis à sa poursuite pour me venger. » Ces passants l’informèrent que

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cette génisse venait de passer il y avait quelques instants et l’invitèrent à rester dans la même direction.

Par après, la génisse qui fuyait rencontra Sarukwavu-le-Lièvre qui lui demanda de quoi il s’agissait. Celle-là lui relata rapidement son histoire. Gagné par la compassion lui aussi, le Lièvre décida de cacher la malheureuse. Juste après, Rugwe arriva et demanda à Sarukwavu :

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« Aurais-tu vu une génisse qui serait passée par ce chemin ? » Le Lièvre lui demanda : « Pourquoi la cherches-tu ? »

- Elle a tué tous mes petits. - Je ne l’ai pas vue.

Et pourtant, Rugwe voyait des empreintes de sabots de la génisse en direction du terrier où

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habite ce rongeur qui lui parlait. Débordée de colère, la mère endeuillée menaça le menteur: « Montre-la-moi rapidement ou je te dévore. Immédiatement, Bakame courut au fond de son terrier et apporta une peau d’Ifuku-la-Taupe. Il la présenta à la terroriste et enchaîna : « Même celui-ci était aussi fort que toi, mais je l’ai tué. Folle de rage, la menaçante fauve tonna et dressa sa crinière. Plutôt que de fléchir, Sarukwavu s’empressa de retourner dans son logis

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d’où il apporta une peau de Rugwe cette foi-là. À la vue de cette deuxième peau, Mère Rugwe fut envahie d’une très grande peur fut et galopa pour se sauver à toutes jambes sans envie de revenir.

Par la suite, Sarukwavu demanda à sa protégée : « Quelle récompense me donneras-tu puisque je viens de te sauver ? Accepte donc que je boirai ton lait tous les jours. » Ainsi fut-il

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décidé. Même de nos jours, le lièvre tète toujours les mamelles d’une vache.

Comme d’habitude, la génisse paissait toute la journée et devait donner du lait à Bakame-le- Lièvre au matin.

Un jour, cette génisse fut trouvée par un homme qui décida de la domestiquer. Sarukwavu venait téter comme convenu chaque matin. Quand le propriétaire de cette vache l’eut

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pouvait pas accepter de se redresser au risque d’exposer son ancien sauveur. Le propriétaire finit par se rendre.

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Ainsi Sarukwavu fut-il à son tour sauvé par la génisse.

Telles furent l’origine de la haine entre la Vache et Rugwe et l’explication du fait que le lièvre tète toujours la vache.

Conte tiré d’Imigani n-ibitito [Les contes et les chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 6-7.

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Annexe II : Contes constituant le corpus

III. Maguru ya Nyagwari qui échappa à la pluie et à l’umuguha

Un jour, un homme était en randonnée dans des lieux inhabités. Surpris par une pluie intense, il vit par hasard une hutte et alla s’y abriter. À son entrée dans cette hutte, le randonneur remarqua des crânes humains dans l’un des coins. En promenant son regard vers une chambre située au fond, l’homme en voyage vit umuguha3

une très vieille femme en train de préparer un repas. Celui-là eut tellement l’envie de s’accaparer de ce repas en préparation qu’il manqua

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la force de rester à sa place.

Au moment où la pluie devenait de moins en moins abondante, le voyageur s’adressa à la vieille qui cuisinait : « Vous qui êtes en train de cuisiner, pourriez-vous nous permettre de venir nous réchauffer là tout près de vous? » Elle lui répondit : « Soyez à l’aise ! Venez vous réchauffer. » À peine arriva-il tout près du feu qu’il souleva une matraque qu’il tenait par

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l’une de ses mains, écrasa la marmite qui était au-dessus du feu et se précipita à l’extérieur en courant, pendant que la très vieille femme cherchait encore à comprendre ce qui venait de se passer. Un petit instant après, la vieille provoquée se mit à poursuivre l’ingrat. Celui-ci allait franchir la sortie du rugo quand la vieille allait franchir la porte de la hutte. Le poursuivi atteignit la voie ouvrant sur le chemin public à l’instant où l’offensée venait de franchir la

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sortie du rugo. Le fuyard s’engageait sur la voie publique tandis que la vieille atteignit la voie ouvrant sur le chemin public. À bout de force, cette ogresse âgée interpella l’homme qui fuyait : « Qui es-tu toi qui viens de casser ma marmite ? » Et l’homme en voyage de répondre fièrement : « C’est moi Maguru ya Nyagwari qui a échappé à la pluie et à l’ogresse ». L’offensée cessa de poursuivre cet homme ingrat, mais elle l’avisa : « Oui, tu m’échappes

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pour le moment; mais je ne cède pas pour autant. Incarnée en une génisse, je te dévorerai, incarnée en une brebis, je te dévorerai, métamorphosée en une très belle fille, je te dévorerai. Va, mais sache que je t’aurai un jour ! »

Plusieurs jours après, Maguru ya Nyagwari vit une belle génisse entrer dans son rugo. Elle passait la journée dans les pâturages et revenait le soir. Constatant qu’il n’y avait personne qui

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s’en occupait, Maguru la domestiqua. C’est alors son jeune fils qui la conduisait aux pâturages tous les jours. Quand la bête était en tain de paître et que le petit berger se sentait ennuyé sous l’effet de la solitude, il se mettait à chanter et à danser : « La vache de mon père mettra bas pour la première fois et je boirai son premier lait. » Un certain jour, à la grande surprise du jeune berger, la vache répliqua : « Que tu boives de l’asticot ! Arrête de te bercer

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d’illusions. Tu ne boiras pas mon lait. » Une fois retourné à la maison, le jeune garçon raconta tout à son père. Ce dernier lui dit : « Demain, je me cacherai derrière un buisson et tu entonneras cette chanson pour que je l’entende dire. » Le lendemain, sous l’oreille attentive du père, le berger entonna de nouveau la même chanson et dansa aussi ; la douteuse vache, quant à elle, reprit les mêmes propos à l’endroit de son berger. Tout à coup, Maguru ya

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Nyagwari sut qu’il s’agissait de l’ogresse avec laquelle il avait parié. Heureusement, il avait ses trois chiens : Rurebeya, Gisiga et Gikona. Il les appela et leur indiqua la direction de la vache : « Prenez-la et mangez-la ! Prenez-la et mangez-la …! » L’ogresse incarnée courut et les chiens n’arrivèrent pas à l’attraper. L’homme ne l’a plus revue.

Encore après environ un mois, Maguru ya Nyagwari devint veuf. Quelques jours passèrent et

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le veuf vit une très belle demoiselle en âge de se marier. Celle-ci lui précisa qu’elle était en quête d’une personne qui accepterait de l’adopter. L’homme dont la femme était décédée depuis environ un mois en fut émerveillé et lui dit : « Il n’y a pas d’autre solution, viens et je t’épouse. »

Cependant, Maguru ya Nyagwari se doutait du retour de l’ogresse avec qui il avait parié. Pour

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cette raison, cet homme attachait ses trois chiens au pied du lit conjugal chaque nuit qu’il passait dans sa chambre avec cette épouse suspecte. Sans tarder, son doute se révéla fondé. En pleine nuit, cette jeune épouse gonfla démesurément et se transforma en un fauve. À la vue de cette être étrange, les chiens s’étaient mis à aboyer : « Hwaah … ! Hwaah … ! « Hwaah … ! » Suite à ces aboiements inattendus, l’ogresse redevint une épouse ordinaire. Celle-ci réveilla

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son mari : « S’il te plaît, sauve-moi ! » Mais encore, enchaîna-t-elle, « ne le sais-tu pas ? Attacher les chiens au pied du lit conjugal, c’est appeler un mauvais présage au ménage. » Et le mari de répliquer : « Nullement pas. Mes chiens, qu’ils restent ici. Ils veillent sur moi en cas d’un danger qui m’arriverait. » Cela se passa deux fois, trois fois.

Face à ces échecs, l’ogresse incarnée en une jeune épouse pensa à une d’autres stratégies. Elle

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Annexe II : Contes constituant le corpus

branchages d’un grand arbre riverain tout près d’ibenga4

et l’arbre se trouve là-bas, au bas

fond de la colline située de l’autre versa. » L’époux accepta : « Allons-y. » l’épouse

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ajouta : « Tu laisseras tes chiens attachés ici. » Et l’époux d’acquiescer : « D’accord. » Néanmoins, un doute que cela ne soit un piège qui lui était tendu persistait dans le fort intérieur de ce mari même s’il avait accepté de laisser ses chiens attachés au même endroit. Pour cette raison, il avisa sa mère : « Maman, quand tu remarqueras que le lait contenu dans le pot à lait à moi se sera transformé en sang, que la pâte d’éleusines qui m’est réservée sera

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devenue de la boue, je serai en danger de mort. Tu détacheras rapidement mes chiens ». L’époux et son épouse se mirent en route. La marche dura un beau bout de temps. Ils atteignirent enfin l’endroit où ils virent l’arbre le plus haut des autres. L’épouse indiqua : « Le voici, monte. » Maguru se mit à monter. Chaque fois qu’il arrivait sur une branche, il demandait à sa femme s’il pouvait cueillir les feuillages, mais elle lui disait de continuer. »

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Quand l’homme se retrouva presque à la cime, sa femme se retransforma en une ogresse et cria de joie : « Ahaaa ! Ahaaa ! Je t’avais dit Maguru !!! Je t’avais dit que je devrais me venger, soit incarnée en une génisse grasse, soit métamorphosée en une belle fille. Maintenant, tu es enfin dans mes serres, tu ne vas plus m’échapper.C’est moi Muguha que tu as offensée l’autre jour. »

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Sur ces mots, l’ogresse fit sortir de son sein des haches, des langues de feu et des serpettes. Et cette être étrange interpella : « À vous toutes les bêtes sauvages ! Je vous demande de quitter vos cachettes et de venir !! » En un laps de temps, Maguru ya Nyagwari vit une multitude d’animaux sauvages envahir ce lieu. Toutes ces bêtes saisirent les haches et entreprirent de couper le géant arbre. Tous les oiseaux, chacun où il se trouvait, dirent : « Maguru, Maguru,

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tu es devenu tellement dupe que tu ne remarques plus la gravité de ta situation ? Que toute trace du coup de hache disparaisse !» À partir de cet instant, vain fut tout effort de couper l’arbre. Chaque trace du coup de hache disparut. Soudain, Maguru se souvint de ses chiens et se mit à les interpeller :

Toi, Rurebeya, toi, Gisiga et toi, Gikona !

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L’ogresse qui est ici et qui m’a toujours persécuté Veut pour le moment me dévorer,

Elle veut pour le moment me dévorer. »

4 Cette expression que Rodegem (1973) traduit au moye des termes français « abîme » ou « gouffre » désigne en

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À ce moment-là, les chiens étirèrent leurs chaînes. Ils les étirent si fort qu’elles faillirent se couper en deux. La mère de Maguru sentit son cœur battre à tout rompre. En souvenir de ce

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que son fils lui avait dit avant de partir, elle courut voir le lait réservé à Maguru et elle le trouva viré au rouge-sang. Cette mère alla voir l’état de la pâte conservée pour son fils et elle la trouva transformée en boue. Cette maman âgée se sentit prise de panique. Immédiatement, elle délia les chiens et les supplia : « Allez sauver mon fils, je vous en prie! »

Sur le même ton, Maguru continuait comme s’il chantait :

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« Toi, Rurebeya, toi, Gisiga et toi, Gikona,

L’ogresse qui est ici et qui m’a toujours persécuté Veut pour le moment me dévorer,

Elle veut pour le moment me dévorer. »

Ses chiens couraient. Chaque fois qu’ils escaladaient une montagne, ils balayaient les

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paysages de leurs regards, pour voir si leur maître serait aux environs. Intensément, Maguru entonnait sa chanson sans relâche. Et les traces de coups des haches continuèrent à disparaître. Quelques heures après, il vit ses chiens qui arrivaient subitement. À l’arrivée de ces chiens, tous les animaux se dispersèrent en direction de la forêt et l’ogresse redevint la femme ordinaire. Maguru s’adressa à ses chiens en leur indiquant : « Prenez-la et mangez-la !

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Prenez-la et mangez-la ! Mangez-la ! Ils se ruèrent sur elle et la déchiquetèrent. Avant de mourir, l’ogresse balbutia : « Coupe-moi ce petit doigt et récupère tout ce qui t’appartient. Dès l’instant que le doigt fut coupé, toutes les personnes qu’elle avait dévorées ont réapparu. Maguru descendit du haut du géant arbre. Quand ses pieds eurent foulé le sol, le géant arbre s’écroula.

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Ainsi fut sauvé Maguru par ses chiens.

Conte tiré d’Imigani n-ibitito [Les contes et les chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 32-33.

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Annexe II : Contes constituant le corpus

IV. Matama ya Nyagutanwa

Kanzaza ka Nzobera avait fixé sa lance dans une touffe de pré, les démons souterrains la déterrèrent et il s’en étonna : « Vous démons souterrains, vous vous pressez de réagir car les délais convenus n’étaient pas arrivés à terme. »

Jadis, il y avait un homme qu’on appelait Matama ya Nyagutanwa qui avait l’habitude de séjourner à la cour royale en quête de dons de vaches que le roi accordait à ses courtisans. Un jour que ce courtisan s’y rendait de nouveau, une épine s’enfonça dans l’un de ses pieds. Promptement, il se saisit du couteau dont il s’était muni et coupa une petite partie de la peau pour en tirer cette épine avant de continuer sa route. Miraculeusement, ce petit morceau

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enlevé puis jeté se transforma en un autre Matama ya Nyagutanwa qui retourna à la maison. Le visiteur en quête de faveurs passa des jours à la cour royale. Quelques semaines après, il délégua un envoyé pour que ce dernier aille lui apporter d’autres vivres parce que les provisions dont il s’était muni étaient sur le point de se vider. Arrivé au domicile du courtisan, l’envoyé s’adressa à la femme de Matama ya Nyagutanwa : « Donnez-moi des provisions à

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apporter à votre époux car il estime que ses provisions vont bientôt finir. » La femme refusa de les lui envoyer et alla même jusqu’à injurier le messager : « Vaurien, viens-tu m’escroquer, j’ignore même la personne qui t’aurait envoyé ici!! »

Matama ya Nyagutanwa a vainement attendu un ravitaillement en provenance de chez lui. Il se décida alors à aller droit au roi : « Majesté, auriez-vous la générosité de m’accorder un don

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et l’amabilité de me libérer afin que je rentre chez moi de peur que je ne meure d’inanition ici au palais ? » Et le roi de répondre : « Rentre chez toi, quand tu auras passé un mois, tu reviendras et je t’offrirai le cadeau. »

Matama ya Nyagutanwa reprit le chemin de retour. Il arriva chez lui un soir. Il toqua pour qu’on lui ouvrît la porte. Sa femme et ses serviteurs refusèrent de la lui ouvrir. L’homme qui

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s’était constitué à partir du petit morceau de sa peau se présenta, accompagné de tous les serviteurs armés tous de lances, d’arcs et de flèches et ils le chassèrent de son domicile. Comme Matama ya Nyagutanwa venait d’être chassé de chez lui, il se retrouva contraint à l’errance et alla dans un pays lointain. Dans cette contrée, il tomba dans les bras d’une vieille femme qui n’avait plus d’époux. Il prit refuge chez elle et devint son mari.

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Toi, Sagiteme5, ne me coupe pas ! » Et l’homme à la serpette prête à couper de répliquer : « Au cas où je te couperais, quelle réaction envisages-tu? » Le fauve répondit : «

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Tu m’aurais coupé expressément. Tu l’aurais fait contre moi ; tu subirais le même sort. » Touché par le fond du contenu de cette mise en garde, Matama ya Nyagutanwa retourna à la maison et restitua le message à sa nouvelle épouse : « Dans les champs où tu m’as envoyé défricher, j’y ai rencontré un fauve. Juste au moment où j’allais débuter le débroussaillage, cet étrange animal m’a prévenu en ces termes : « Toi, Sagiteme, ne me coupe pas. » Et j’ai

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répliqué : « Au cas où je te couperais, quelle réaction envisages-tu?» Le fauve répondit : « Tu m’aurais coupé expressément. Tu l’aurais fait contre moi ; tu subirais le même sort. » La nouvelle épouse décida de renvoyer immédiatement cet homme jugé lâche et peu sérieux. Face à cette fatalité, Matama ya Nyagutanwa se désespéra : « C’est maintenant que je deviens le plus malheureux ! »

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Matama ya Nyagutanwa reprit son errance. Sans s’y attendre, il trouva une famille qui le retinrent et l’embauchèrent aux travaux contre la nourriture. Sa tâche consistait aussi à débroussailler des terrains à cultiver et une serpette lui fut donnée à cette fin. À l’instant même où il coupa les premières herbes, il eut la malchance de couper en deux un calebassier6 que dissimulaient les mauvaises herbes en cet endroit. Cette plante se mit en colère et lui

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rappela : « Ne t’ai-je pas dit que tu aimes jouer de sales tours exprès ? Toi aussi, tu subiras le même sort! Et voilà, tu viens de le faire, accepte d’en assumer la conséquence. » Encore une fois, il fut renvoyé par ceux qui venaient de lui accorder asile parce qu’ils remarquèrent que ce nouveau travailleur venait de couper leur plante nourricière.

Par la suite, loin du village, sur une colline isolée, il découvrit une termitière où avaient

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poussé des champignons7. Ce malheureux les cueillit et continua son errance. Sur ce sentier, il croisa des gens qui étaient à la recherche de leur vache volée et le soupçonnèrent. Ils lui demandèrent : « Homme, que portes-tu sur ta tête ? » Il leur répondit que c’étaient des

5 Homme en train de couper des herbes et arbustes pour apprêter un terrain à être labouré. 6

Plante sauvage rampante aux feuillages semblables à ceux d’une courgette et dont les fruits sont des calebasses En cas de pénurie alimentaire, les feuilles de cette plante servaient de légumes.

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Annexe II : Contes constituant le corpus

champignons. Ils l’arrêtèrent pour vérifier et remarquèrent qu’il portait des cornes d’une vache. Ils le saisirent et l’amenèrent à la cour royale. Le jugement eut lieu et Matama ya

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Nyagutanwa gagna le procès. Au moment d’applaudir pour manifester son enthousiasme, les doigts de cet acquitté touchèrent dans les yeux de sa Majesté le roi.

Ainsi fut-il condamné malgré son innocence.

Que ce ne soit pas à moi d’y périr, qu’y périsse plutôt Matama ya Nyagutanwa8 .

8 Cette leçon de morale pourrait être reformulée car elle condamne la malheureuse victime de l’injustice sociale.

Conte tiré d’Imigani n-ibitito [les contes et chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 56-57.

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V. Karyamyenda [L’homme qui vivait des dettes]

Il était une fois un homme dénommé Karyamwenda qui avait contracté beaucoup de dettes auprès de ses voisins alors qu’il n’avait rien à donner pour les rembourser.

Un jour, il déménagea et s’installa dans une forêt avec sa femme et ses enfants. Au moment où il allait débroussailler pour de futurs labours, il vit Sarugwe qui dévorait une vache. En voyant cet inconnu s’approcher, le sauvage poussa un cri de terreur. Mais l’homme le

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calma : « Non, je viens pour être ton voisin. Pour te rassurer, donne-moi la moitié de cette vache. » Sarugwe lui donna tout un quartier de viande et Karyamyenda l’apporta à sa famille. Sa femme qui le revit s’endetter encore s’inquiéta et avisa son époux : « Mon mari ! Tout ce que tu as l’habitude d’amener à la maison, je crains que tu nous apportes des ennuis car tu risques de nous mettre dans de sales draps ». « Laisse-moi faire, rassura l’homme, c’est

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même qui saurai comment rembourser. »

Une autre fois qu’il se rendait au débroussaillage comme d’habitude, il remarqua Rufyisi- l’Hyène qui dépeçait une vache. L’homme le supplia : « S’il te plaît, je te prie de m’en donner une partie, je m’engage à te rembourser une vache entière. » L’Hyène n’hésita aucune seconde, suite à cette promesse combien alléchante et il lui en donna une. Karyamyenda partit

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après lui avoir promis ceci : « Tel jour, viens chez moi, je te rembourserai. »

Au jour convenu, Sarugwe vint le premier, il se présenta et précisa qu’il venait réclamer son dû. La femme de Karyamyenda le reçut et lui répondit que son mari n’était pas là. Le fauve rebroussa chemin et rentra chez lui. Le soir, ce fut le tour de Rufyisi-l’Hyène de venir et celui-ci ne tarda pas une seconde pour exprimer le motif de sa présence : « Je viens réclamer mon

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dû. » Karyamyenda lui répondit : « Tu reviens tel jour, j’aurai amené ta vache ici. » Hyène reprit le chemin de retour lui aussi.

Le jour attendu arriva. Sarugwe fut le premier à toquer à la porte. Karyamyenda le reçut, lui indiqua par où se diriger et le conduisit sur une colline. L’endetté alluma du feu et Rugwe s’assit près du feu. L’homme retourna auprès des siens. Au retour, juste au moment où

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l’homme arriva chez lui, Rufyisi arriva au rugo et lui rappela : « Je viens pour que tu me rembourses comme tu me l’as promis. Au cas contraire, … » « Arrête de te tracasser cher ami, ta vache, je l’ai amenée. La voilà, là-bas sur la colline où est allumé du feu. Qu’elle ne t’échappe pas! Sinon ce sera ton affaire. » Il lui indiqua bien où était Sarugwe. L’Hyène y alla rapidement, calmement et discrètement. Sarugwe, quant à lui, avait été avisé en ces

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Annexe II : Contes constituant le corpus

Aussi resta-t-il les yeux tournés vers la direction indiquée. L’hyène progressa furtivement en se dissimulant le plus possible. Il finit par atteindre Sarugwe qui le saisit d’un coup sur le cou par sa gueule et une véritable bataille s’engagea. Entre temps, l’endetté s’était placé à un endroit de telle sorte qu’il observait toute la scène. De là, il cria : « Attrape! Attrape! Je viens

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de rembourser mes dettes et c’est fini. Mes dettes sont remboursées! » Il appela son épouse et lui dit : « Viens voir, je viens d’honorer mes engagements. Je ne suis plus redevable. Mes dettes sont toutes réglées. » Dès ce moment-là, il venait de liquider ses dettes ; mais la faim continuait à sévir dans son ménage. Mais Karyamyenda avait plus d’un tour dans son sac. Un autre jour, Karyamyenda se promenait lorsqu’il passa tout près d’un éleveur de vaches qui

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essuyait son troupeau et lui enlevait les tiques avant de le conduire au pâturage. Ce promeneur repéra une de ces vaches et entreprit de la critiquer : « Quelle vache stérile ! » Le propriétaire approuva : « C’est vrai ! Stérile, cette vache l’est. » Le rusé lui proposa : « Accepte de me la donner pour que j’aille en consommer la viande dans ma famille. En contre partie, je te ferai deux vaches. » L’éleveur accepta et la lui céda. Le preneur précisa au donateur le jour de

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remboursement. Au jour convenu, l’éleveur se dirigea au domicile du redevable pour réclamer les deux vaches. Il fut reçu par la femme qui lui apprit que son époux n’était pas là.

Très tôt le matin, Karyamyenda apprêta une peau de vache et ordonna à son épouse : « Prenez cette peau, pliez-la et enfermez-moi dedans. Faites-le avec habileté et élégance. Restez tout près pour éloigner les mouches qui voudraient s’en approcher. À l’arrivée de l’éleveur de

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vaches, informez-le qu’il s’agit d’une offrande destinée au roi ». Ils exécutèrent les ordres donnés. Cette tâche fut réalisée au moyen des écorces du bananier sèches. Après l’emballage du corps dans la peau de vache, à l’instant où l’on commençait à chasser les mouches qui voletaient autour du gros paquet, l’homme qui réclamait ses deux vaches revint. Il demanda à la femme qui veillait sur le « cadeau » récemment emballé : « Ton mari, où est-il ? » Elle lui

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répondit : « Il n’est pas ici. Je ne sais pas où il est allé se promener. » « Puisqu’il en est ainsi, je ne lui laisserai pas ce gros paquet quand je reviendrai. Je m’en accaparerai avant de repartir. » Sur cet avertissement, il regagna son domicile.

Le lendemain, il revint demander où était le chef du ménage. On lui répondit : « Il n’est pas ici. » « Cette fois-ci, tonna-t-il, je ne vous laisse plus ce gros paquet ». Il ordonna aux gens

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à ses serviteurs de déposer ce cadeau à l’intérieur du rugo. Ils l’y déposèrent et allèrent, par la suite, boire de la bière pour s’étancher la soif. À ce moment, de l’intérieur du gros paquet,

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l’homme se servit d’un petit couteau dont il s’était muni avant de se faire enfermer et il se mit à couper la peau de vache, les écorces de bananier sèches et les ficelles qu’on avait utilisées pour bien l’emballer. Il en sortit et retourna chez lui. De là, il revint au domicile du ravisseur de l’offrande du roi.

À son arrivée, il se présenta : « Pourriez- vous nous recevoir s’il vous plaît ? « Volontiers » !

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lui répondirent-ils. Tout à coup, il menaça : « Remettez-moi, dans l’immédiat, l’offrande destinée au roi ; au cas contraire, j’irai intenter le procès auprès de sa Majesté ». L’éleveur se précipita de regarder là où on avait déposé l’offrande du roi et ne trouva que la peau de la vache et les écorces de bananier sèches. Il fut alors envahi d’une grande peur. L’homme qui menaçait courut jusqu’à la cour royale où il porta plainte : « Roi du Burundi, ici, je suis avec

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un homme qui m’a volé mes biens. Je viens donc pour demander votre autorisation pour lui prendre tous ses avoirs. »

Alors, le roi lui accorda l’autorisation et on alla dépouiller l’éleveur de toutes les vaches qu’il possédait et d’autres biens dont il était propriétaire.

Ainsi Karyamyenda devient-il riche.

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Conte tiré d’Imigani n-ibitito de Jean-Baptiste [les contes et chantefables] NTAHOKAJA (1976), pp. 60-61.

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Annexe II : Contes constituant le corpus

VI. Nzigidahera

Il était une fois un éleveur qui s’appelait Nzigidahera. Il avait beaucoup de vaches et en était à la fois fier et orgueilleux. Kinyamwanira-le-Faucon profita du moment où Nzigidahera était allé prendre son léger repas d’avant-midi pour tuer et manger un des veaux de cet éleveur. À son retour, le propriétaire de vaches retrouva son veau étendu par terre et s’étonna alors que ce rapace diurne était en train de s’en régaler. L’homme choqué voulut se rassurer : « C’est

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vraiment toi qui viens de tuer mon veau ? » L’arrogant ailé lui répondit avec insolence : « Je suis en train de le dévorer, moi, roi des éperviers. Malheureux éleveur, résigne-toi. Autrement, comment comptes-tu m’attraper, moi qui m’émeus dans les airs? »

Loin de se résigner, l’éleveur offensé et agressé rétorqua : « Je suis sûr que je t’attraperai. » L’oiseau au gros bec crochu se moqua de lui : « Tu te leurres! Tu ne m’attraperas pas parce

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que je me meus en air au moyen de mes ailes. Quand tu tenteras de venir, je vais me percher sur les branches du très haut arbre. Quand tu me lanceras des pierres pour m’en déloger, j’irai sur une autre colline. Comprends-le bien, tu n’auras aucun moyen pour me contraindre à payer ton veau ! » Cet éleveur en fut à la fois choqué et vexé. Il lui rappela le proverbe en lui disant: « "Petit à petit, l’oiseau fait son nid " Et souviens-toi aussi, "Dieu vaut mieux qu’une

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foule de guerriers." Je t’attraperai, tu verras. »

Or cet éleveur avait un troupeau de vaches. En vue de préparer sa vengeance, il invita des hommes sachant faire saigner les vaches9 et leur dit : « Venez avec vos flèches pour tirer un peu de sang de mes vaches et je vous en récompenserai ; mais faites-le la nuit ! » Ces tireurs à l’arc acceptèrent car il leur avait promis une récompense. Ils vinrent et accomplirent la tâche.

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Leur employeur leur indiqua là où ils vont placer les pots remplis de sang recueilli, ce qu’ils firent comme indiqué.

À l’aube, avant que le soleil ne soit levé, il supplia des gens qui enduisirent de ce sang son visage et même tout son corps, afin qu’il se vengeât du Faucon, qui s’était moqué de lui et qui se croyait inaccessible, donc impunissable. L’éleveur n’a pas tardé à gagner son pari! Il

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apporta une flèche et un arc qu’il déposa à côté de lui, parce qu’il voulait saisir l’agresseur de ses mains au cas où il ne l’aurait pas atteint en utilisant la flèche et l’arc. Dieu avait inspiré ce

9 Cette pratique consiste à faire saigner les vaches pour en diminuer la quantité de sang et les risques de maladie.

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pasteur offensé car ce dernier avait su éloigner les autres, notamment les hommes, qui avaient tiré le sang et ceux qui venaient d’ensanglanter son corps étaient tous retournés chez eux. Alors, il dormit et joua le mort. Il s’était tellement rendu méconnaissable qu’aucune trace

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humaine ne se manifestait sur son corps. Qui ne l’avait pas vu un peu avant aurait cru que ce n’était que de la viande.

C’est ce seul l’oiseau dit imarankoni gazouillant pendant toute la nuit qui voyait quand l’éleveur agressé faisait tout cela. Au lever du soleil, les éperviers se réjouirent de ce sang. Ils se dirent : « Le Bon Dieu nous donne à manger. » L’homme en question sut bien jouer le

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mort. Pendant que ces éperviers se ripaillaient avec réjouissance, Faucon le malfaiteur sentit une grande envie et oublia ce qui lui avait été dit. D’ailleurs, estima-il: « Celui-là qui ne bouge plus ne vaut plus rien. » Aussi s’approcha-t-il des jambes de l’homme et se mit à picoter du sang coagulé des alentours. L’oiseau qui voyait quand se passaient toutes les scènes se mit à se moquer de ces éperviers en riant : « Cet homme est encore vivant, même

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s’il se laisse manger. Regardez ! Il dort sa lance et son arc à côte de lui! » Ceux qui avalaient du sang un peu solidifié croyaient que ces oiseaux nocturnes étaient peureux ; ils les jugeaient d’ailleurs craintifs. Quand le roi des éperviers entendit tout cela, il avançait des jambes à tout le corps de l’homme étendu par terre. Jusque-là, le rusé ne réagissait pas. Il restait immobile et gardait le silence afin qu’il eût la possibilité de bien le saisir. En picotant pour se gaver du

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sang, Faucon se réjouissait. Convaincu que rien ne bougeait, l’oiseau se plaça en face de celui qui ne guettait que lui, à son côté droit. D’un coup, Faucon fut surpris de sentir des mains se fermer avec force sur lui, telles ses serres sur une proie : « Paahh !!! » L’éleveur rusé venait de le saisir et le railla : « Tu t’es régalé de mon veau en pensant que je ne t’attraperai pas ! Reviens encore! » Il avait déjà ligoté ses pattes. « Reviens encore que je voie ! » Plein de

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désespoir, Faucon gémit : « C’en est fini de ma vie. »

Il avait tué le veau au moyen de ses plumes. Et ces plumes ont été arrachées une à une et à tour de rôle. Il en souffrit et s’effondra.

Conte tiré d’Imigani n-ibitito [les contes et chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 82-83.

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Annexe II : Contes constituant le corpus

VII. Murerantuda

Il était une fois un homme appelé Murera. Il était veuf et ne cessait d’aller demander la main de jeunes filles. Toutes les filles qu’il approchait acceptaient volontiers la proposition. Il amena la première pour l’épouser. Mais, celle-ci, dès son arrivée l’avisa : « Si tu veux que nous soyons époux et épouse, que nous nous aimions, je te demande d’aller d’abord m’apporter le cou de Murerantunda pour que j’en fasse un pot à beurre10

.

5

Un jour Murera s’adressa à sa fille :

-Ma chère fille Murerantunda, aurais-tu terminé de balayer la cour et de faire la propreté de l’étable et des alentours? »

- Oui, père.

- Viens alors, nous allons chercher du bois de chauffe.

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Son père se munit d’une serpette. Au même instant, l’esprit de sa première épouse et mère de la fille intervint :

Se Murera, Se Murera, que tu ne sacrifies pas Murerantunda. Souviens-toi !

Chaque fois que des Intore11 du roi sont rassemblés,

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C’est au nom de Murerantunda, ta fille que tu prêtes ton serment. Chaque fois que des guerriers du roi sont rassemblés,

C’est au nom de Murerantunda, ta fille, que tu prêtes ton serment. Chaque fois qu’abagendanyi12 sont réunis,

C’est au le nom de Murerantunda, ta fille, que tu prêtes ton serment.

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Rappelle-toi surtout !

Les moments merveilleux que nous avons passés ensemble

10 Très souvent appelé ikazanga en kirundi, un pot à beurre désignait un petit bol plus ou moins arrondi. Ce bol

confectionné en bois était précieux et des burundaises d’une classe sociale aisée y conservaient traditionnellement du parfum qui servait de produit de beauté notamment du beurre tiré du lait de vaches que l’on mélangeait avec d’autres éléments pour en améliorer l’odeur.

11 Des hommes-courtisans qui vivaient à la cour et dont le rôle consistait à danser, à faire des acrobaties dans le

but était d’agrémenter la vie au palais royal et d’égayer sa Majesté le roi.

12 Des hommes-courtisans qui accompagnaient le roi dans les différentes tournées qu’il organisait en fonction de

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Ainsi que nos paroles échangées autour de notre amour, Nous ne cherchions que Murerantunda, notre fille, Nos sourires et rires qui éclairaient nos visages,

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Nous ne voulions que Murerantunda, notre fille. Les secrets que nous nous révélions

Ne visaient que Murerantunda, notre fille.

Touché par la profondeur du contenu de cette supplique inattendue, l’homme remit sa serpette sur l’épaule et rentra chez lui.

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À son retour, sa nouvelle femme ne se retint pas : « Monsieur, où est le cou que je t’ai demandé ? Au revoir. Tu chercheras une autre femme, moi je m’en vais. »

Le lendemain, cet homme alla de nouveau amener une autre fille pour l’épouser. Juste à leur arrivée chez lui, la jeune femme avisa : « Sans te mentir, si tu veux que nous soyons époux et épouse, que nous nous aimions, va m’apporter le cou de Murerantunda pour que j’en fasse un

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pot à beurre. Murera se décida : « J’en ai marre! Cette fois-ci, elle doit mourir. C’est à cause d’elle que mes femmes s’en vont depuis longtemps. Il se munit de sa serpette et se fit précéder de Murerantunda, arguant qu’ils allaient à la recherche du bois mort.

Quand ils furent arrivés au fond de la forêt et que l’homme eut soulevé sa serpette pour réaliser son ignoble projet d’infanticide en décapitant sa fille, la revenante intervint et lui

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rappela sur le même ton :

Se Murera, Se Murera, que tu ne sacrifies pas Murerantunda. Souviens-toi !

Chaque fois que des Intore du roi sont rassemblés,

C’est au nom de Murerantunda, ta fille que tu prêtes ton serment.

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Chaque fois que des guerriers du roi sont rassemblés,

C’est au nom de Murerantunda, ta fille, que tu prêtes ton serment. Chaque fois qu’abagendanyi sont réunis,

C’est au nom de Murerantunda, ta fille, que tu prêtes ton serment. Rappelle-toi surtout !

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Les moments merveilleux que nous avons passés ensemble Ainsi que nos paroles échangées autour de notre amour, Nous ne cherchions que Murerantunda, notre fille, Nos sourires et rires qui éclairaient nos visages, Nous ne voulions que Murerantunda, notre fille.

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Annexe II : Contes constituant le corpus Les secrets que nous nous révélions, Ne visaient que Murerantunda, notre fille.

L’homme fut touché et céda encore. Il empoigna sa serpette et retourna chez lui. Dès son retour, sa nouvelle femme s’empressa de lui demander : « Qu’est-ce que je t’ai envoyé m’apporter ? »

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- Je n’ai rien apporté. - Au revoir.

La femme rassembla tous ses effets et regagna sa famille d’origine. Murera avait épousé cinq femmes, mais toutes regagnaient leurs domiciles d’origine sans passer chez lui ne fut-ce que deux jours. Par conséquent, Murera jurait d’en finir un jour avec Murerantunda, considérée

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comme cause des départs successifs de toutes ces épouses. Cette fille était chaque fois sauvée par l’esprit de sa mère.

Après maints échecs dus à l’intervention de l’esprit de sa femme défunte, Murera se résolut à tuer l’esprit. Il le piétina et le jeta dans une rivière. Par après, il parvint à exécuter sa sale besogne d’infanticide. Il l’apporta à sa sixième jeune femme qu’il venait d’épouser. Quand

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celle-ci aperçut le flot de sang coulant du cou tenu par les mains de Murera, elle ne se retint plus : « Eeeh ! Eeeh ! Tu as osé de commettre l’infanticide ? Tu as même accepté d’immoler ta propre fille, puis-je penser que tu épargneras le mien ! Au revoir, il est impossible que nous vivions en époux et épouse, toi et moi ! »

Se Murera s’est senti perplexe et s’est retrouvé plongé dans une complète solitude : il perdit à

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la fois une épouse qu’il voulait tant et sa fille qui tenait le ménage.

Une feuille tachée de sang de Murerantunda s’envola jusqu’à son frère qui résidait à la cour royale. À la vue de cette feuille-là, le fils de Murera remarqua : « Ma sœur est morte ». Il se hâta de rentrer au domicile paternel. « As-tu osé assassiner ma sœur que j’aimais tant! » Il prit une serpette, coupa le cou de son père pour venger sa sœur. Il se mit là et pleura

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abondamment. Ayant pleuré depuis longtemps, Dieu compatit et eut pitié de ce jeune homme. Il descendit des Cieux et lui demanda :

- Peux-tu connaître l’endroit où a eu lieu l’assassinat de Murerantunda ? - Je le connais.

- Allons, tu vas me l’indiquer.

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parties et redonna la vie à Murerantunda.

Il la rendit à son frère dont les larmes tarirent ainsi.

Ce n’est pas à moi d’y périr ; qu’y périsse cet homme qui tua son enfant et vit du même coup sa femme le quitter.

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Conte tiré d’Imigani n-ibitito [les contes et chantefables] de Jean-Baptiste NTAHOKAJA (1976), pp. 88-89.

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