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L'oncosexualité : une avancée réelle mais encore sous-estimée pour les soins de support et spécifiques du cancer

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516 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016

DOSSIER

Soins oncologiques de support

P. Bondil

L’oncosexualité : une avancée réelle mais encore

sous-estimée pour les soins de support et spécifiques du cancer

Oncosexuality: a real but still ignored advance for both supportive and specific cancer treatment

P. Bondil*, D. Habold**

* Service d’urologie et d’andrologie et centre de soins de support ERMIOS, centre hospitalier Métropole-Savoie, Chambéry ; coordinateur du groupe expert “Cancer, sexualité, fertilité”

de l’AFSOS, Paris.

** Centre de soins de support ERMIOS, centre hospitalier Métropole-Savoie, Chambéry ; coordinateur du groupe expert “Cancer, sexualité, fertilité”

de l’AFSOS, Paris.

Jusqu’à récemment, la problématique de la sexualité dans le cadre du cancer était rare- ment abordée, malgré la localisation génitale de 40 % des cancers et une iatrogénie majeure, brutale et souvent prolongée sur la fertilité et la vie intime du patient et du couple (mode de vie largement majoritaire), de presque tous les traite- ments (1). Malgré une demande réelle mais peu ou mal exprimée, la réponse varie selon les médecins et les centres. Cette inégalité majeure de soins affecte davantage les femmes et les patients atteints de cancers non génitaux (2-4). Les difficultés sexuelles figurent ainsi parmi les principaux besoins de soins de support non satisfaits, et près de 1 patient sur 2 doit se renseigner sur Internet alors qu’il devrait bénéficier d’une information validée et dispensée par un professionnel de la santé (4). Quand près de 5 millions de Français (patients, partenaires, parents) sont potentiellement concernés, cette inégalité de soins est d’autant moins acceptable que :

sa correction, axe prioritaire du dernier Plan cancer, est possible dans le respect des impératifs carcinologiques ;

3 patients sur 4 deviennent de fait des “malades chroniques” (1, 5) ayant pour la majorité des séquelles, à moyen et long terme, dans leur vie intime ou sexuelle (1, 3, 4).

Quel que soit l’âge, le cancer peut affecter la sexua- lité, paramètre pertinent du bien-être et de la qualité de vie pour une large majorité d’individus, y compris âgés (2-4, 6-8). La réalité est qu’on vit de plus en plus longtemps avec un cancer (guéri ou non) et que

les patients et leurs partenaires sont mal préparés à faire face à la perte de leur fertilité ou de leur sexualité. En fait, la problématique oncosexuelle concerne 2 aspects :

la fertilité, pour les plus jeunes ;

la sexualité ou, plus précisément, la santé sexuelle et la vie intime, pour tous les âges en dehors de l’enfance (1, 2, 6, 9).

Le parcours du combattant actuel doit se transformer en un parcours de soins de support clairement iden- tifié (2) afin de répondre à 2 impératifs :

assurer une approche globale ;

réduire ces inégalités de soins fortement dépen- dantes du cancer, du niveau socio-économique, du sexe et du médecin (1-4).

Cancer et sexualité :

une obligation déontologique, éthique et médicolégale

Les deuxième et troisième Plans cancer se sont davantage préoccupés des répercussions de la maladie sur la qualité de vie des patients et de leurs proches (1). Préserver la continuité et la qualité de vie lors du parcours personnalisé de soins (PPS) et dans l’après-cancer, assurer des prises en charge globales et personnalisées, réduire les risques de séquelles sont ainsi autant de leurs priorités (1).

Quoique facultative et plurielle, la sexualité est une force de vie (affective, conjugale, émotionnelle,

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016 | 517 relationnelle, identitaire, sociale, etc.) [6, 8, 9] ainsi

qu’un nouveau droit de l’Homme (7). S’en préoc- cuper concorde avec la volonté contemporaine d’une prise en charge plus globale (patient-centered care) et d’une plus grande efficacité thérapeutique (1). Ne pas informer les patients et leurs partenaires des répercussions potentielles (immédiates ou différées, transitoires ou durables, légères ou sévères, iatro- gènes ou non) relève au minimum d’une mauvaise pratique médicale. Tous doivent être prévenus que la majorité d’entre eux ne retrouvera pas sa vie sexuelle et intime d’avant le cancer (3, 4). S’informer tout au long du PPS des projets (parental, nouveau parte- naire) et de la réalité de la vie intime est d’autant plus important que :

la morbidité sexuelle est majeure, parti- culièrement en cas de cancer pelvien et du sein, de chimiothérapie, de thérapie ciblée ou d’hormono- thérapie (3, 4, 6, 9) ;

l’iatrogénie sexuelle concerne presque tous les trai- tements et toutes les fonctions sexuelles (3, 4, 6, 9) ;

les objectifs de qualité de vie et carcinologiques peuvent être conciliés à condition d’être connus tôt (2, 6, 9) ;

les patients et leurs partenaires sont presque tous demandeurs, au minimum, d’information et de réassurance, et, souvent, d’une prise en charge, notamment les sujets plus jeunes et les hommes en couple (2, 6, 9).

Toutefois, le monde médical n’a pas vraiment pris conscience de l’importance de la santé sexuelle et des conséquences médicales et psychosociales en cas de troubles durables (2-4, 6, 8, 9). Ainsi, la morbidité sexuelle reste trop souvent accessoire selon le médecin, alors que c’est parfois l’inverse pour le patient et son partenaire, source ignorée de détresse, de syndrome anxiodépressif et… de mauvaise observance ! Par conséquent, positionner clairement la problématique oncosexuelle dans les soins oncologiques de support et spécifiques, et mettre en place une politique d’information et de formation sont 2 préalables indispensables pour corriger nombre de fausses idées, légitimer la demande et libérer la parole. Néanmoins, les réper- cussions et les demandes ne sont ni uniformes ni systématiques, mais très variables selon les cancers (stade, pronostic, évolution et traitement), les

couples et le temps (2-4, 6, 9). Dans la “vraie vie”, près de 1 patient sur 2 (notamment les femmes âgées qui n’ont pas de partenaire) se sent peu concerné, temporairement ou, parfois, pendant longtemps.

L’évaluation oncosexuelle fait partie intégrante

de la prise en charge médicale et personnalisée du cancer

S’informer sur la santé sexuelle et sur la vie intime (réalité, projets, souhaits) n’est pas qu’une ques- tion de qualité de vie. C’est indispensable dès l’étape de l’annonce, car elles influencent la prise en charge en facilitant le diagnostic situationnel initial (morbimortalité compétitive, besoins en éducation thérapeutique, santé globale, personnes ressources), susceptible de modifier le choix et la stratégie du traitement. Puis, tout au long du PPS et de l’après-cancer, elles facilitent également le dépistage des effets indésirables et des séquelles, sexuels ou non [2]. De fait, l’évaluation oncosexuelle peut interférer avec les 3 critères décisifs du choix de la stratégie thérapeutique personnalisée :

le cancer : gravité et stade ;

la morbimortalité compétitive : âge, comorbi- dités chroniques, facteurs psychosociaux et mode de vie ;

les préférences, les valeurs et l’histoire du patient, 1 des 3 piliers de la médecine factuelle (evidence- based medicine).

Dans la vraie vie, évaluer le rapport entre les béné- fices et les risques liés aux séquelles fonctionnelles, sexuelles ou non, est un enjeu quotidien chez le sujet âgé ou polymorbide, ou en cas de cancer peu agressif ou débutant, ce qui concerne la majorité des patients (1). Progrès inconnu du monde onco- logique, la santé sexuelle aide à mieux évaluer la santé globale (physique et mentale, hygiène de vie) et l’iatrogénie non sexuelle grâce à 2 symptômes sexuels très facilement décelables par l’interroga- toire (2, 8) : la baisse du désir chez l’homme ou la femme (à tout âge) et les troubles prématurés de l’excitation (insuffisance d’érection pénienne avant 65 ans et de lubrification vaginale avant 50 ans) [8].

carcinologiques : partager la décision, personnaliser la prise en charge, mieux traiter. Elles visent égale- ment à corriger l’inégalité des soins. La persistance de préjugés, aggravée par un déficit de savoirs et d’organisation, entrave encore leur appropriation collective.

Highlights

»Sexual problems must be taken into account to improve the quality and also... the quantity of life. To forget it represents a loss of chance for the cancer patient (couple) and poor medical practice:

– information about sexual morbidity is a patient right and a physician duty;

– to inquire on both sexual health and intimate life plans is a mandatory step for adapting therapeutic strategy;

– correcting the negative effects on private life is part of secondary and tertiary preven- tion of cancer;

– the patient/couple demand is high, and care enhances their defense mechanisms.

»Oncosexuality and oncofer- tility are part of a health care quality approach that responds to 3 oncological requirements:

shared decision, patient-cen- tered care, better treatment.

They also strive to correct strong health care inequalities.

The persistence of prejudices combined with a lack of both knowledge and organization still hamper its collective implementation by health care professionals.

Keywords Cancer Sexuality Fertility Outcomes Supportive care

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Soins oncologiques

de support L’oncosexualité : une avancée réelle

mais encore sous-estimée pour les soins de support et spécifiques du cancer

Ils sont un signal d’alerte de la présence ou de l’aggravation de comorbidités majeures (cardio- métaboliques, troubles de l’humeur, du sommeil, de l’hygiène de vie, etc.) très souvent présentes (1, 5, 10).

Certaines (les comorbidités cardiométa boliques avant tout) ont parfois un risque de mortalité spécifique plus élevé, à court ou à moyen terme.

Ces symptômes sexuels doivent faire rechercher des effets indésirables non sexuels, notamment le quatuor fatigue, détresse, douleur, troubles du sommeil. Malgré un danger réel de dépression (15 à 20 % des patients) [10] et de mauvaise observance, ils sont souvent sous- déclarés et, donc, sous-estimés, car “peu visibles” (1, 10). En fragilisant les malades et les couples les plus vulnérables, ces effets indé- sirables risquent d’aggraver la santé globale et le cancer (1, 11). Évaluer la fertilité et la sexualité fait donc partie de la prise en charge de tout cancer dans le double objectif de mieux traiter, d’une part, la personne malade, au titre de la prévention tertiaire (action en aval de la maladie, afin d’en limiter les répercussions et d’éviter d’éventuelles rechutes), et, d’autre part, le cancer lui-même, au titre de la prévention secondaire (action sur la maladie et sa prise en charge afin d’en réduire la durée et la gravité).

Pour ces raisons médicales majeures, les méde- cins doivent s’approprier la santé sexuelle (versant biologique) et la vie intime (versant psychoémo- tionnel et relationnel) [2-4, 6, 9]. En répondant aux plaintes sexuelles et intimes des patients et de leurs partenaires (prévention tertiaire), ils optimisent aussi leurs capacités d’adaptation et de résilience, l’adhésion thérapeutique et la santé globale, autre- ment dit, autant d’actions de prévention secondaire qui peuvent avoir un impact sur la morbimortalité non spécifique et spécifique.

La problématique oncosexuelle relève des soins oncologiques de support et spécifiques

L’oncosexualité et l’oncofertilité sont 2 nouvelles compétences qui se positionnent naturelle- ment dans les soins de support primaires ou de recours (1, 2, 12). Comme tout soin de support, elles visent à diminuer ou à aider à supporter les effets indésirables et les séquelles, en privilégiant une approche technique et humaniste, fortement plébiscitée par les patients et leurs proches. Mais, quoique complémentaires, leurs cibles, leurs

parcours de soins et les professionnels impliqués diffèrent totalement. Pour l’oncosexualité, l’échelon géographique pertinent est le territoire de santé, et pour l’oncofertilité, la région. L’onco fertilité s’adresse à une population restreinte, plus jeune (enfants, adolescents, femmes de moins 45 ans et hommes de moins de 60 ans), atteinte de cancers génitaux ou pelviens traités par radiothérapie ou chirurgie ou, quel que soit le site du cancer, par chimiothérapie ou hormonothérapie (effets gonado- toxiques) [2-4, 6, 9]. Le parcours “oncofertile”

se fait vers les centres régionaux de procréation médicalement assistée déjà identifiés et accrédités.

Le vrai problème actuel réside dans un manque de sensibilisation des médecins et d’infor mation des patients (1, 4, 9). À l’inverse, l’oncosexualité s’adresse à tout malade après l’enfance, avec un parcours de proximité territoriale encore très mal identifié (2). Elle concerne tous les profes- sionnels de la santé susceptibles d’intervenir aux différentes étapes du PPS et de l’après-cancer. La période d’annonce est optimale pour s’informer des projets de vie intime tout en informant des éventuelles conséquences et des possibilités de traitement préventif (essentiel pour la fertilité) ou de réhabilitation. Avancée majeure, les soins de support sont en train d’acquérir une tout autre dimension (1, 2, 12) depuis qu’il a été démontré qu’en cas de cancer pulmonaire métastatique leur mise en place rapide permet de vivre mieux et plus longtemps (13), d’où une tendance croissante à les introduire dès la phase d’annonce (10, 12). Ce bénéfice s’explique par une prise en charge optima- lisée (correction des effets indésirables, améliora- tion de l’hygiène de vie et de la santé physique et mentale, réduction des difficultés psychosociales) qui favorise l’observance et l’adhésion aux traite- ments onco logiques (réel problème), le soutien affectif et psychosocial, la santé mentale positive et, probablement, la réponse immunitaire (11). Quelle qu’en soit l’origine, ce progrès ouvre une nouvelle voie thérapeutique en s’intéressant davantage au patient (la “proie”) ainsi qu’aux parcours de vie et de santé, et non exclusivement à la tumeur (le “préda- teur”). La médecine de la personne et la médecine de précision sont en synergie, puisque les 2 traitent le cancer, le “care” bénéficiant au “cure” ! Les soins de support ne peuvent plus être considérés comme un banal auxiliaire des traitements classiques qui ne viserait qu’à améliorer le confort ou le bien-être.

Ils sont aussi un traitement spécifique du cancer, comme en témoignent les bénéfices validés en termes de survie de l’activité physique adaptée

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 10 - novembre 2016 | 519 intime adaptée peut être assimilée à un “médica-

ment naturel” (2) bien peu cher dans le contexte actuel d’explosion des coûts oncologiques (1).

Comme la vie en couple et le soutien affectif, elle entraîne un mieux-être (prévention tertiaire) qui aide à retrouver confiance en soi, en l’autre et en l’avenir. Ces variables psychosociales favorisent les capacités d’adaptation et de résistance au cancer (prévention secondaire) du patient et de son couple (2-4, 6, 9, 11). Par conséquent, continuer à opposer la problématique “sérieuse” du cancer à celle “futile ou accessoire” de la sexualité et de la vie intime n’est plus scientifiquement recevable.

La réinsertion “intime et sexuelle” en phase de traitement, de rémission ou de guérison mérite les mêmes attentions que la réinsertion sociale ou professionnelle, car ses bénéfices potentiels appa- raissent au moins équivalents (2, 4).

Responsabilité particulière du médecin oncologue

Malheureusement, quoique réellement sensibilisés, les médecins restent, pour la plupart, plus réactifs que proactifs, par manque de savoirs (théorique et pratique – faire, être et orienter) [1, 2, 4, 9]. Compte tenu des incontestables effets positifs ou négatifs de la qualité de vie et des déterminants psycho- sociaux sur le traitement du cancer et la survie (globale et spécifique), le médecin oncologue a une responsabilité particulière, en termes d’exemplarité et d’organisation des soins. Il doit promouvoir et faciliter l’appropriation d’une culture de soins de support (incluant l’oncosexualité et l’oncofertilité) par l’ensemble des équipes soignantes tout au long du PPS (2). Toutes doivent intégrer les faits suivants :

être en couple a un effet protecteur, avec un bénéfice en termes de survie qui équivaut à celui des chimiothérapies (14), d’où la nécessité d’être beaucoup plus attentif à ce point, un patient seul ayant un risque plus élevé de diagnostic tardif et de mortalité spécifique (14) ;

le cancer sépare rarement les couples, au contraire, il les renforce souvent, conséquence de nouvelles priorités de vie (3, 4) ;

le maintien ou la reprise d’une vie intime et sexuelle améliore les capacités d’ajustement et de résistance au cancer ainsi que la cohésion du couple (3) ;

les hommes vivent plus souvent en couple que les femmes et accordent plus d’importance à la sexualité (3, 4) ;

le vieillissement ne met pas du tout “à la retraite”

la vie et la demande sexuelles chez les couples et les hommes seuls (8) ;

la médecine sexuelle est scientifique, avec des recommandations de type EBM (8) ;

une approche soignante réellement globale et personnalisée implique de prendre en compte 5 dimensions : la santé physique, mentale et sexuelle, le mode de vie et le bien-être/qualité de vie (1, 2, 7, 15) ;

la réponse oncosexuelle est multiforme mais largement accessible à une large majorité de soignants de première ligne (2) via une “boîte à outils oncosexologiques”, efficace, individualisable et graduée ;

les problématiques oncosexuelles sont, en réalité, très souvent simples : informer, rassurer, orienter, prescrire ; ou, parfois, plus complexes, relevant de compétences plus spécifiques de deuxième ligne (1, 2).

De fait, l’oncosexualité et l’oncofertilité s’intègrent dans un humanisme médical au titre d’une “pratique de la médecine et des soins absolument respec- tueuse à tous égards de la personne humaine, dans toutes ses dimensions physiques et méta- physiques” (15).

Les médecins (et avant tout les spécialistes) doivent davantage s’approprier cette approche moderne, transversale et multidimensionnelle de la santé pour minimiser une trop fréquente “maltraitance ordinaire par inadvertance”, parfaitement illus- trée par l’enquête VICAN2 : 9 hommes ou femmes sur 10 atteints d’un cancer (cancer de la prostate exclu) rapportent que les soignants ne leur ont pas parlé de sexualité (4). Pourtant, informer est un acte de soin à part entière et un paramètre très important pour la qualité des soins et la satisfaction des patients et de leurs partenaires en renforçant leur capacité d’autonomie et d’adaptation. Cette remise en question devient d’autant plus nécessaire que la sous- estimation de la dimension clinique aggravée par la prééminence croissante accordée au modèle économique et aux données numériques (les big data) est en train de faire du patient un objet plutôt qu’un sujet (15). La préférence donnée à l’aspect statistique au détriment des valeurs et des préférences du malade et de l’expérience du praticien témoigne du détournement, inconscient

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Soins oncologiques

de support L’oncosexualité : une avancée réelle

mais encore sous-estimée pour les soins de support et spécifiques du cancer

mais réel, du label qualité de la médecine fondée sur les preuves (EBM). L’ingénieur-technicien ne doit pas supplanter la parole et la clinique, c’est- à-dire cette attention si particulière au corps et à l’esprit en souffrance, en l’occurrence dans leur féminité ou masculinité et dans leur vie de couple ou sociale (2-4, 6, 9). Cette valeur ajoutée de l’oncosexualité et de l’oncofertilité est loin d’être négligeable. Informer, s’informer et se préoccuper des conséquences possibles du cancer et de ses trai- tements sur la fertilité, la sexualité, la vie intime, les projets de vie et le bien-être représentent autant d’opportunités de laisser “le malade exprimer libre- ment sa singularité, l’histoire de sa vie et de sa maladie” (15). Son appropriation rappelle ou, à défaut, promeut l’idée que la culture de bienveil- lance, principe d’universalité humaniste, est “au cœur du métier de soignant, qui ne peut se satis- faire d’une simple expertise technique ou d’une gestion financière stricte”, car le “malade est aussi une personne” (15).

Conclusion

À l’exemple de la douleur il y a 20 ans, une politique volontariste de sensibilisation, d’information et de formation sur l’oncosexualité et l’oncofertilité est indispensable pour que les malades et les couples ne souffrent plus en silence et bénéficient d’un dépistage et d’une prise en charge préventive ou curative graduée et adaptée. Ces nouveaux soins onco logiques, à la fois spécifiques et de support, doivent être reconnus, préalable indispensable pour que la perte de la fertilité ou de la vie intime et sexuelle ne soit plus un prix à payer alors qu’on vit de plus en plus longtemps avec un cancer. Malheu- reusement, leur mise en place se heurte à des diffi- cultés qui ne sont pas acceptables puisqu’ils sont une réponse médicale, humaniste et économique à l’exigence légitime des Plans cancer de mieux traiter le cancer (prévention secondaire) et la personne malade (prévention tertiaire), tout en respectant

ses valeurs et préférences.

P. Bondil et D. Habold déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Références bibliographiques

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