Editorial
La douleur affecte la qualit6 de vie de millions de patients de par le monde. Bien que les souffrances physiques et morales aient constitu~ de tout temps I'une des preoccupations majeures de la M6decine, il faut bien reconnaTtre que jusqu'& la fin des ann~es 60, la prise en charge de patients douloureux chroniques a Iongtemps 6t6 n~glig6e ou abord6e par des approches souvent empiriques.
Comme I'a maintes fois soulign6 J. J. Bonica, ces attitudes ont des ori'gines multiples. Citons plus particuli~rement 9
-- Les insuffisances des recherches fondamentales concernant les m~canismes de la douleur. Ces approches effectu6es au laboratoire n'int6ressaient que tr~s rarement la douleur chronique et consid6raient essentiellement I'aspect sen- soriel en rel6guant au second plan les facteurs 6motionnels et psychologiques.
- Les insuffisances notoires de I'enseignement 9 la place faite & la douleur dans les diff~rents Trait6s de m~decine et de physiologie 6tait d6risoire, les ensei- gnements th6oriques et pratiques presque inexistadts.
-- Le manque de communication entre les diff~rents groupes d'exp6rimentateurs et de cliniciens.
Au cours des vingt derni~res ann6es des progr~s spectaculaires ont 6t6 effectu6s dans le domaine de la douleur, ce qui est bien illustr~ entre autres par le nombre d'articles consacr6s ~ ce sujet dans diff6rents journaux internationaux, par la publication de nouvelles revues et par la multiplicit6 des r~unions portant sur ce th~me.
Le regain d'int6r~t constat6 dans la <<lutte contre la douleun~ r6sulte en fait de la convergence et du transfert rapide d'acquisitions multiples allant du domaine des neurosciences aux applications th6rapeutiques les plus sophistiqu~es. Parmi les nombreuses causes de ce progr6s, soulignons plus particuli~rement :
-- La publication de la th6orie du <~Gate control~ par Melzack et Waft.
-- La mise en 6vidence chez I'homme comme chez I'animal de fibres nerveuses cutan6es, les nocicepteurs, exclusivement activ6es par des stimulations inten-
s e s .
-- La meilleure connaissance physiologique et pharmacologique des m6canismes spinaux de la nociception et des diff~rents syst~mes de contr61es s'y rappor- tant.
-- La d6monstration de I'action d6pressive directe des substances opioTdes sur la transmission des messages nociceptifs au niveau spinal et la description des ph6nom~nes d'analg6sie induits par stimulation 61ectrique de certaines r6gions du tronc c6r6bral.
-- La d~couverte des r6cepteurs opioi"des.et de leurs ligands naturels (les endo- morphines).
Le d6veloppement des techniques de neurostimulation ou d'administration locale de morphine qui a conduit ~ la mise au point de techniques d'analg6sie par vole chirurgicale, plus efficaces, moins invasives et totalement conservatri- ces.
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-- La mise en place de structures d'accueil et de prise en charge, c o m m u n 6 m e n t n o m m 6 e s {{Centre antidouleur>>, allant de {{consultations interdisciplinaires>>
des unit~s f o n c t i o n n e l l e s de soins sp6cialis~s. De sorte que darts sa conception actuelle, la d o u l e u r est consid6r6e c o m m e un p h 6 n o m ~ n e m u l t i d i m e n s i o n n e l , plurifactoriel et non c o m m e une r6action simple u n i v o q u e & une stimulation p6riph6rique.
L'organisation r~cente d ' e n s e i g n e m e n t s varies (dipl6mes d'universit~s, stages intensifs, e n s e i g n e m e n t postuniversitaire), venus p a r t i e l l e m e n t combler la pro- f o n d e lacune existant dans la f o r m a t i o n m6dicale.
-- Enfin, plus r 6 c e m m e n t , I'int6r6t des Minist~res de la Sant6 de diff6rents pays vis-a-vis de I ' i m p o r t a n c e m6dicale et ~conomique de la prise en charge des patients d o u l o u r e u x chroniques.
Dans cette 6volution favorable, un r61e essentiel a ~t~ j o u 6 par I'Association Internationale p o u r I'Etude de la Douleur (IASP) cr~6e en 1 9 7 4 sous I ' i m p u l s i o n de J. J. Bonica. Les buts de cette association sont de :
1. Susciter et encourager les recherches sur les m6canismes de la d o u l e u r et les s y n d r o m e s d o u l o u r e u x , et aider ainsi & I'am61ioration du t r a i t e m e n t de la dou- leur aigu~ ou c h r o n i q u e en r6unissant les chercheurs, les cliniciens ainsi que routes les professions de sant6 qui ont un int6r6t dans la recherche ou le trai- t e m e n t de la douleur.
2. P r o m o u v o i r 1"6ducation et la f o r m a t i o n dans le d o m a i n e de la douleur.
3. Faciliter la d i f f u s i o n des i n f o r m a t i o n s nouvelles dans le d o m a i n e de la d o u l e u r en p u b l i a n t (depuis 1 9 7 5 ) un journal de langue anglaise <~Pain>> et en organi- sant t o u s l e s trois ans un congr~s international.
Encourager la f o r m a t i o n d'associations nationales pour 1"6rude et le t r a i t e m e n t de la douleur. Ces associations ont 6t6 constitu6es dans de tr~s n o m b r e u x pays.
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C'est dans ce contexte de pluridisciplinarit6 et de d i f f u s i o n des connaissances q u ' u n certain n o m b r e de cliniciens et fondamentalistes i m p l i q u 6 s dans le d o m a i n e des recherches et du t r a i t e m e n t de la d o u l e u r ont d6cid~ de cr6er cette nouvelle revue f r a n c o p h o n e {{Douleur et Analg6sie>>. Ce journal qui sera p u b l i 6 quatre fois par an c o m p o r t e r a des articles de synth6se, des articles o r i g i n a u x , des revues d'articles ou de livres et des r6sum6s de congr~s. II s'adresse non seulement aux sp6cialistes mais 6 g a l e m e n t & un public plus large int~ress6 par les diff6rents aspects de la d o u l e u r et de son traitement. Nous esp~rons q u e ~{Douleur et Anal- g6sie>> atteigne r a p i d e m e n t un bon niveau scientifique et s o u h a i t o n s v i v e m e n t que sa d i f f u s i o n soit la plus large possible de mani~re ~ ce que par I ' i n t e r m 6 d i a i r e des m6decins praticiens, nos patients puissent d6j& b6n6ficier des progr6s r6cents effectu6s dans ce domaine. M 6 m e s'il est parfois d i f f i c i l e de vaincre certaines douleurs, de n o m b r e u s e s solutions ou approches existent p o u r ne pas la consid~- rer c o m m e in61uctable et pour essayer de la combattre avec le m a x i m u m d'effi- cacit6.
Dr J. M . Besson Pr Y. Lazorthes
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