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Le jeu de tâches et le boulier chinois pour faire des mathématiques en classe : enjeux et perspectives pour un enseignement de la numération à l'école primaire

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Le jeu de tâches et le boulier chinois pour faire des mathématiques en classe : enjeux et perspectives pour un enseignement de la

numération à l'école primaire

SATO, Fumiharu

Abstract

En mathématiques, les élèves réalisent souvent des fiches papier-crayon ou sont amenés à apprendre des techniques opératoires ou de résolution de problèmes qui ne font pas toujours sens pour eux. Ce travail de mémoire vise à montrer que le boulier chinois est un outil à exploiter dans les classes du primaire pour aborder d'innombrables thèmes en mathématiques. A travers des activités principalement pensées à la manière du jeu de tâches, le boulier permet aux élèves d'être mis en situation de recherche et de comprendre la numération sous un autre angle. Réfléchies et analysées à partir de la théorie des situations didactiques ainsi que de la théorie du jeu de tâches, des activités avec boulier sont proposées non seulement pour apporter une aide aux élèves dans le domaine numérique mais également pour travailler et re-découvrir (aussi bien par les élèves que par l'enseignant-expérimentateur) des notions mathématiques d'une autre façon.

SATO, Fumiharu. Le jeu de tâches et le boulier chinois pour faire des mathématiques en classe : enjeux et perspectives pour un enseignement de la numération à l'école primaire. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:115206

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Le jeu de tâches et le boulier chinois pour faire des mathématiques en classe

Enjeux et perspectives pour un enseignement de la numération à l’école primaire

MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

REALISE PAR Fumiharu SATO

SOUS LA DIRECTION DE

Madame Christine DEL NOTARO, chargée d’enseignement, Université de Genève

MEMBRES DU JURY

Madame Céline VENDEIRA, chargée d’enseignement, Université de Genève Madame Katia LEHRAUS, chargée d’enseignement, Université de Genève

Genève, janvier 2019

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DECLARATION SUR L’HONNEUR

Genève, janvier 2019

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteur-e de ce texte et atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Fumiharu SATO

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RESUME

En mathématiques, les élèves réalisent souvent des fiches papier-crayon ou sont amenés à apprendre des techniques opératoires ou de résolution de problèmes qui ne font pas toujours sens pour eux. Ce travail de mémoire vise à montrer que le boulier chinois est un outil à exploiter dans les classes du primaire pour aborder d'innombrables thèmes en mathématiques.

A travers des activités principalement pensées à la manière du jeu de tâches, le boulier permet aux élèves d’être mis en situation de recherche et de comprendre la numération sous un autre angle. Réfléchies et analysées à partir de la théorie des situations didactiques ainsi que de la théorie du jeu de tâches, des activités avec boulier sont proposées non seulement pour apporter une aide aux élèves dans le domaine numérique mais également pour travailler et re- découvrir (aussi bien par les élèves que par l’enseignant-expérimentateur) des notions mathématiques d’une autre façon.

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REMERCIEMENTS

Je remercie très chaleureusement ma directrice de mémoire, Madame Christine Del Notaro, qui a dirigé ce mémoire et m’a suivi tout au long de ce travail de recherche. Sa très grande disponibilité, ses précieux conseils ainsi que ses encouragements ont été source de motivation à chaque instant ; ils m’ont permis de développer et mener à terme mon projet.

Je tiens également à remercier Madame Céline Vendeira et Madame Katia Lehraus qui ont gentiment accepté de faire partie du jury afin d’apporter leur regard sur mon travail.

Un grand merci à mon collègue et ami Fabrizio Pappalardo qui m’a ouvert les portes de sa classe pour que je puisse effectuer mes observations pratiques.

Enfin, mes remerciements vont à mes proches qui m’ont toujours soutenu dans la réalisation de ce travail, notamment dans la poursuite de ce projet ainsi que dans l’aide à la relecture, et grâce à qui j’ai entretenu d’intéressants échanges à ce sujet.

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Sommaire

I. Introduction ... 7

Constats de départ ... 7

Un regard dans le PER ... 7

II. Cadre théorique ... 8

Description de quelques bouliers ... 8

Le boulier russe ... 9

Le boulier japonais ... 10

Le boulier chinois ... 11

Justification du choix de l'utilisation du boulier chinois ... 14

Hypothèses et questions de recherche ... 15

Hypothèses ... 15

Questions de recherche ... 15

Revue de littérature ... 16

Jeu de tâches ... 16

Théorie des situations didactiques ... 19

Les recherches sur le boulier chinois en France et en Suisse ... 23

III. Méthodologie ... 24

Séances avec les élèves ... 24

Échantillon de l'expérimentation ... 24

Déroulement des activités en classe ... 24

Enregistrement audio et vidéos ... 25

Narrations ... 26

IV. Expérimentations ... 27

Narrations des séances ... 27

Narration 1 – Première séance (groupe fort) : ... 27

Narration 2 – Deuxième séance (groupe « moyen ») ... 32

Narration 3 – Troisième séance (groupe en difficulté excepté un élève avec facilité en maths) ... 33

Narration 4 – Quatrième séance (groupe hétérogène) ... 34

Narration 5 – Cinquième séance (autre groupe hétérogène) ... 37

Narration 6 – Sixième séance (en collectif - en demi-classe) ... 41

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V. Analyse des données ... 48

Difficultés rencontrées par les élèves dans notre système de numération ... 48

Difficultés pour les grands nombres ... 48

Difficultés pour la décomposition du nombre et les retenues sur les opérations... 53

Difficultés pour les nombres décimaux ... 53

Acquis/compétences des élèves ... 55

Questions d'ordre mathématique et philosophique soulevées par les élèves... 56

Propositions d’activités ... 57

Proposition d'activités pour travailler les grands nombres ... 57

Proposition d'activités pour travailler la décomposition du nombre et les retenues sur les opérations ... 61

Proposition d’activités pour travailler les nombres décimaux ... 61

Un regard sur les activités à travers le jeu de tâches et la théorie des situations didactiques ... 79

VI. Conclusion ... 84

VII. Bibliographie... 87

Annexes ... 89

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I. Introduction

Constats de départ

« Le boulier n'est pas un objet à utiliser à l'heure du numérique ! » ou encore « Le boulier n'est qu'un instrument arriéré par rapport à la calculatrice et qui n'est utilisé que pour jouer ! ».

Telles ont été les réactions de certains amis lorsque j'ai évoqué la possibilité de faire du boulier l'objet d'un travail de recherche. Ces réactions m'ont interpellé, car je pensais qu'il s'agissait d'une idée partagée par bon nombre de personnes, mais j'étais persuadé que le boulier recelait des « vertus » mathématiques et pédagogiques insoupçonnées.

En tant qu'enseignant au primaire, je me demande toujours comment je peux enseigner les savoirs en jeu à mes élèves et comment faire en sorte que ceux-ci les intègrent, notamment en français ou en mathématiques. Cette discipline (mathématiques) m'attire depuis mon plus jeune âge. C'est tout naturellement que j'ai décidé de faire porter mon mémoire sur la didactique des mathématiques, puisque celle-ci étudie la manière dont les élèves manifestent leurs connaissances dans cette discipline à travers des situations didactiques proposées par l'enseignant.

Dans le cycle élémentaire, j'ai constaté que le boulier est un outil présent dans les classes. Je pense particulièrement au boulier russe coloré, communément appelé « boulier IKEA », que l'on retrouve souvent au coin-jeux. En revanche, cet outil disparaît systématiquement lorsque l'on passe au cycle moyen. Dans les moyens d'enseignement romand, il n'y a que très peu d'activités impliquant l'utilisation du boulier, à savoir pas plus d'une dizaine d'activités pour tout le cycle.

Un regard dans le PER

Lorsque l'on regarde attentivement le PER au cycle 1, on note qu'une seule phrase parle de boulier explicitement. Celle-ci se trouve dans les indications pédagogiques du thème

« Découverte, construction et utilisation du nombre » :

« Dans la 2e partie du cycle, les élèves rencontrent deux obstacles épistémologiques importants :

l'écriture de position et la signification de la position des chiffres

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8

la signification et le rôle du zéro

Pour aider à surmonter ces obstacles, recourir à des supports tels que : doigts, bande numérique, droite graduée, tableau des nombres, boulier, réglettes, … »1

On remarque ainsi que le boulier doit être un outil parmi tant d'autres permettant de travailler et comprendre notre système de position décimal. Au cycle 2, il n'y a plus aucune mention explicite du boulier. J'estime pourtant qu'il est un outil fondamental pour dépasser les obstacles liés à la numération. En effet, les obstacles évoqués ci-dessus au cycle élémentaire sont encore présents au cycle moyen :

« L'écriture de position, la signification de la position des chiffres ainsi que la signification et le rôle du zéro restent des obstacles importants. »2

Sans pour autant qu'il ne soit décrit outre mesure dans les recommandations officielles, le boulier est laissé à la charge de l’enseignant. Mon ambition est donc d’étayer les utilisations possibles du boulier et de mettre en scène des propositions pour les enseignants.

II. Cadre théorique

Description de quelques bouliers

Nous avons constaté que le PER ainsi que les moyens officiels romands ne mentionnent que très peu le boulier. Je présenterai dans les lignes qui suivent les bouliers les plus connus et encore utilisés de nos jours : le boulier russe, le boulier japonais et le boulier chinois. Je donnerai leurs caractéristiques et leur fonctionnement. Ensuite, j'évoquerai la raison pour laquelle j'ai choisi de travailler sur un boulier en particulier.

D'après la définition de Poisard (2006), les bouliers sont « formés d'un cadre et de boules fixées sur des tiges, ce qui permet une utilisation aisée » (p.2). Les boules ne peuvent pas être retirées et glissent sur leurs tiges respectives à la verticale et/ou à l'horizontale.

1MSN 12 — Poser et résoudre des problèmes pour construire et structurer des représentations des nombres naturels… (PER) 2MSN 22 — Poser et résoudre des problèmes pour construire et structurer des représentations des nombres rationnels…(PER)

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Le boulier russe

Le boulier russe, appelé stchoty, comporte dix tiges sur lesquelles sont fixées respectivement dix boules. Afin de se repérer facilement, les cinquième et sixième boules de chaque tige sont généralement noires contrairement aux autres qui sont beiges. Il arrive également qu'une des tiges comporte une troisième boule noire pour marquer plus clairement la tige des milliers. Sur une autre tige ne sont fixées que quatre boules. Cette tige a deux fonctions principales : marquer la place de la virgule pour séparer la partie entière de la partie décimale ou noter le quart de rouble (unité monétaire russe).

Le boulier utilisé dans les classes genevoises est une variante du stchoty. Il n’est pas prescrit par l’institution, mais son utilisation est une sorte de pratique sociale admise. Contrairement à la version classique, il se tient à la verticale sur des pieds et a un aspect plus « attractif » car ses boules sont souvent très colorées. De plus, toutes les tiges sont composées de dix boules. En classe, il est généralement utilisé pour travailler les nombres de 0 à 100 en considérant qu'une boule vaut 1. Des additions peuvent également être réalisées. Un autre travail peut être effectué en considérant que chaque boule a une valeur suivant la position qu'elle a sur le boulier, ce qui permet de travailler des notions liées à notre système de numération positionnel.

Stchoty traditionnel Deux variantes colorées du stchoty

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Le boulier japonais

Ayant des racines japonaises et fasciné par cette culture asiatique, je me suis intéressé au boulier qu'utilisent les écoliers au Japon : le soroban. A l'instar des tables de multiplication dans les écoles genevoises, ces élèves récitent des comptines liées à l'utilisation du boulier et passent des concours de calculs avec cet outil. A l'heure de l'ère numérique, certaines entreprises demandent, lorsqu'il s'agit de postuler pour un poste de comptable, d'être amené à passer un concours d'entrée où le postulant doit maîtriser le soroban. En outre, j'ai en tête le concours de rapidité en 1946 entre le soroban qu'utilisait Kiyoshi Matsuzaki et une calculatrice électronique manipulée par un soldat de l'armée américaine Nathan Wood (choisi pour sa maîtrise de la calculatrice). Les deux concurrents se sont affrontés sur la résolution des quatre opérations de base ainsi que sur celle d'un problème qui les combinait. Le Japonais est sorti vainqueur du duel par 4 points à 1, l'Américain gagnant uniquement sur l'épreuve des multiplications. Par ces exemples, je ne veux pas montrer que le boulier est meilleur que la calculatrice, mais je pense qu'il recèle des vertus, en plus de celle permettant de réaliser des calculs très rapidement.

Le soroban se tient de manière plate et comporte très généralement une quinzaine de tiges verticales bien qu'il puisse dépasser la vingtaine, voire la trentaine. Sur chacune d'entre elles sont fixées cinq boules séparées par une barre horizontale centrale : quatre boules dites unaires (boules de la partie inférieure) qui valent 1 et une boule dite quinaire (boule de la partie supérieure) qui vaut 5. Ce boulier permet de calculer en base 10 et d'y effectuer les quatre principales opérations arithmétiques : l'addition, la soustraction, la multiplication et la division.

Une disposition particulière des boules sur ces outils permet d'inscrire un nombre. Pour mettre le boulier à zéro, les boules doivent être disposées aux extrémités des tiges. Pour activer un nombre, il faut déplacer les boules vers la barre centrale.

Boulier japonais mis à zéro

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11 Etant donné que le soroban vient du boulier chinois, je présenterai le fonctionnement de ce dernier dans la partie suivante, ce qui me permettra d'ajouter des caractéristiques du soroban et surtout de comparer ces deux bouliers asiatiques.

Le boulier chinois

Le boulier chinois, appelé suanpan, ressemble au boulier japonais. Il se tient de manière plate et comporte très souvent 13 tiges verticales. Sur chacune d'entre elles sont cependant fixées sept boules séparées par une barre horizontale centrale : cinq boules dites également unaires (boules de la partie inférieure) qui valent 1 et deux dites aussi quinaires (boules de la partie supérieure) qui valent 5. Ce boulier permet de calculer en base 10 mais aussi en base 16 (ce que ne permet pas de faire le boulier japonais). Grâce à cet instrument chinois, il est possible d'y effectuer les quatre principales opérations arithmétiques : l'addition, la soustraction, la multiplication et la division.

Boulier chinois

Une disposition particulière des boules sur ces outils permet d'inscrire un nombre. Pour mettre le boulier à zéro, les boules doivent être disposés aux extrémités des tiges. Pour activer un nombre, il faut déplacer les boules vers la barre centrale.

Boulier à zéro3

3Dans toute la recherche, le boulier virtuel Sésamath du groupe MARENE sera utilisé pour mieux visualiser les inscriptions de nombres : http://cii.sesamath.net/lille/exos_boulier/boulier.swf

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12 Selon la numération décimale de position, chaque tige allant de droite à gauche correspond aux unités, dizaines, centaines, etc. Illustrons-le par un exemple avec le nombre « 953 ». Au cours de mon travail, je me servirai de la numérotation suivante pour désigner les tiges : la première tige sera celle qui est la plus à droite du boulier, la deuxième tige celle qui suit (donc la deuxième en partant de la droite) et ainsi de suite. Reprenons notre exemple : 953. Dans ce cas, la première tige est celle des unités, la deuxième celle des dizaines et la troisième celle des centaines. Si le nombre avait dépassé le millier, il aurait fallu utiliser davantage de tiges. Pour rappel, une unaire (boule inférieure) vaut 1 et une quinaire (boule supérieure) vaut 5. Pour écrire « 3 » de

« 953 », il importe de se concentrer sur la première tige, celle correspondant aux unités et de rapprocher 3 unaires vers la barre centrale.

Sur la première tige, une unaire vaut 1 (une unité), donc 3 unaires valent 3 (trois unités = 1+1+1).

Poursuivons notre raisonnement en nous concentrant sur le « 5 » de « 953 ». Il faut donc prêter attention à la deuxième tige, celle correspondant aux dizaines. Pour écrire « 5 », il y a deux possibilités : soit activer cinq unaires vers la barre centrale, soit activer une seule quinaire.

Image 1 Image 2

Image 1 : Sur la deuxième tige, une unaire vaut une dizaine = 10, donc 5 unaires valent 5 dizaines = 50 (10+10+10+10+10).

Image 2 : De la même manière, une quinaire vaut 5 dizaines = 50.

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13 Par cet exemple, on constate que la manière d'écrire un même nombre sur un boulier chinois est plurielle. L'inscription d'un nombre utilisant le moins de boules est l'inscription qualifiée d’« économique » ou « simplifiée ». De manière générale, le nombre est le plus souvent inscrit dans sa manière économique. En revanche, l'inscription d'un nombre sur le boulier japonais est unique étant donné qu'il comporte moins de boules (une unaire et une quinaire en moins par rapport au boulier chinois) permettant ainsi des calculs rapides ainsi qu'une manipulation plus économique.

Terminons d'inscrire « 953 » sur le boulier. Il nous manque « 9 » de « 953 » qui doit être inscrit sur la troisième tige, celle correspondant aux centaines. Il faut activer une quinaire qui vaut cinq centaines (500) et quatre unaires qui valent quatre centaines (400 = 100+100+100+100). Ainsi 500 + 400 = 900.

Voici donc « 953 » inscrit de manière économique.

A noter cependant que la même disposition des boules peut représenter un autre nombre si l'on décide de garder quelques tiges pour les dixièmes, centièmes, millièmes, etc. Pour cela, il faut se donner une nouvelle convention d'écriture des nombres. Parfois, seul le contexte permet à l'utilisateur de se repérer ; l'utilisateur peut également s'aider d'une gommette pour marquer les unités. Pour l'exemple que nous venons de voir ensemble, si la première tige est considérée comme celle des centièmes, alors la deuxième tige sera celle des dixièmes, la troisième celle des unités, etc. Le nombre inscrit ci-dessus se lirait alors 9,53. On remarque donc que l'inscription de nombres décimaux est possible sur le boulier.

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Justification du choix de l'utilisation du boulier chinois

Pour ma recherche, j'ai décidé de travailler avec le boulier chinois. Tout d'abord, le boulier russe est très intéressant comme nous avons pu le voir plus haut, mais c'est celui qui est un peu plus utilisé dans les classes genevoises bien qu'il s'agisse davantage du boulier « Ikea ».

Personnellement, je voulais utiliser un outil plus « original » que l'on voit très peu, voire pas du tout. C'est pourquoi mon choix s'est porté sur un boulier asiatique du fait notamment de mes origines.

En termes de manipulation, le boulier chinois a des boules un peu plus grosses qui peuvent prendre de la place sur la tige alors que les boules du soroban sont plus petites (sortes de double cône) et sont très rapprochées sur l'ensemble de la tige. Il faut donc une bonne dextérité pour manipuler le soroban sinon des erreurs peuvent vite être commises. Pour mes expérimentations et analyses de données, il était préférable que les élèves ne commettent pas des erreurs dues à la manipulation des boules. Le suan pan permettait de faire moins de fautes de ce type.

De plus, plusieurs instituts de recherche sur l'enseignement des mathématiques en France ont commencé des travaux sur le boulier chinois, ce qui permettait d'avoir un plus gros bagage théorique qu'avec le boulier japonais pour lesquelles des études sont plus rares.

En outre, le boulier japonais permet d'inscrire des nombres de manière unique alors que le boulier chinois de plusieurs façons. Le fait de pouvoir inscrire un même nombre sous différentes inscriptions permet de travailler sur la représentation de celui-ci mais également sur des décompositions intéressantes du nombre. Le suan pan repose aussi sur une numération de position identique à celle que l'on connaît mis à part le fait qu'elle fonctionne en base alternée.

Mais encore, pour trouver un résultat lors des opérations comme l'addition ou la soustraction, l'enfant doit passer par des techniques « tacites » lorsqu'il se sert du boulier japonais. Au contraire, avec le suan pan, l'enfant peut visualiser plus facilement ce qui se fait, par exemple pour une addition avec des retenues ou pour une soustraction lors d'échanges. Le soroban est un outil qui permet de calculer plus vite que le suan pan, mais un de mes buts n'est pas de trouver un instrument de calcul efficace, mais plutôt de réfléchir et de comprendre ce qui se fait

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15 lorsque l'on travaille une notion à travers un outil, en l'occurrence un boulier. Ce sont donc les raisons pour lesquelles j'ai choisi de porter ma recherche en travaillant avec le boulier chinois.

Hypothèses et questions de recherche

Hypothèses

Lorsque j'annonce aux élèves que nous ferons des mathématiques, certains ne semblent pas très réjouis. Cette discipline n'est peut-être pas attirante et ne parle pas toujours aux enfants.

Les savoirs en jeu, étudiés très souvent sous forme de fiches individuelles ou de problèmes auxquels on ne peut que réussir ou échouer sans véritable possibilité d’expérimenter, paraissent (trop) compliqués pour certains élèves et ne font pas toujours sens pour eux, car ils sont peut-être trop abstraits. Comment faire en sorte d’impliquer les élèves en mathématiques

? Mon hypothèse est de passer par le jeu. Le jeu peut se faire sous différentes formes : que ce soit à travers de la manipulation d'objets, à travers des énigmes, en travaux de groupes, etc.

Mon support permettant de mettre en jeu des savoirs mathématiques et d'impliquer les élèves dans leurs apprentissages est le boulier chinois. Pour ce faire, je propose aux élèves différents jeux de tâches (cette notion sera exposée au chapitre suivant) où ils utilisent le boulier.

Comment les élèves se l'approprient-ils ? Comment ressortent les savoirs à travers les différentes tâches proposées ? J'émets l'hypothèse que cet outil est une aide pour tous, que ce soit pour les élèves forts ou ceux en difficulté, afin de mieux comprendre le système de position décimal, de donner du sens aux opérations et d'aider les élèves au calcul mental. Quelles sont les difficultés liées à cet outil ? Comment intégrer le boulier chinois en classe dans des activités mathématiques ?

Questions de recherche

Les différentes interrogations susmentionnées me conduisent vers les principales intentions suivantes que je développerai tout au long de ce travail de recherche :

1) Montrer comment se manifestent les connaissances des élèves en mathématiques lorsque les élèves utilisent le boulier ;

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16 2) Proposer des activités mathématiques intégrant le boulier chinois en classe qui aident les élèves dans la compréhension du système décimal et donnent du sens aux mathématiques ;

3) Montrer quelles sont les conditions et contraintes du jeu de tâches pour que ce dernier puisse « vivre » en classe.

Revue de littérature

Jeu de tâches

Pour la première fois, j’ai évoqué à la page précédente la notion de jeu de tâches que je me propose de développer dans ces lignes.

Avant tout, je reprendrais la définition de Poisard (2005) qui considère les mathématiques

« comme une science expérimentale qui se construit autour d'expériences, de réalisations matérielles, de manipulations, d'observations et de mesures » (p.40). Ainsi, nous avons bien l'idée des mathématiques où l'on expérimente, où l'on essaie et réessaie sans qu'il y ait de réponse incorrecte. Dans une de ses recherches (2006), Poisard a fait construire le boulier avec les élèves pour que ceux-ci aient des premières questions sur le système de numération. Il semble très intéressant de fabriquer son propre boulier, mais comme je l'expliquerai dans la partie méthodologie, j'ai préféré donner directement aux élèves des bouliers qui ont été achetés dans le commerce. La fabrication de boulier demande du matériel et peut faire perdre les objectifs visés, certes avec cet aspect où on peut produire son propre instrument, mais où les élèves risquent de se concentrer davantage sur l'esthétique du boulier plutôt que sur les savoirs et interrogations qui peuvent s'en dégager.

Le jeu de tâches est une notion développée par Favre et son groupe de recherche (2003) en didactique des mathématiques de l’enseignement spécialisé (ddmes). Ce groupe s’est intéressé à un mode d’interactions particulier, appelé jeu de tâches, auprès d’élèves venant de l’enseignement spécialisé dans un thème précis : la géométrie.

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17 Ces chercheurs ont observé des activités de ce thème ainsi que les productions d’élèves s’y référant. Ainsi, ils se sont rendu compte que les exercices proposés étaient très compliqués à réaliser par des élèves du spécialisé ayant différentes sortes de difficultés et que l’enseignant devrait pallier à de nombreux obstacles pour que les élèves puissent parvenir au bout de la tâche demandée. De ce fait, ils ont proposé la théorie du jeu de tâches.

Pour ce faire, le groupe de chercheurs a décidé d’explorer le milieu (2008) « [en constituant]

une série de questions qui […] permettent d’entrer en interaction avec le milieu et vise à […]

occasionner des rencontres avec les objets dont il relève » (p.13). L’important n’est pas la réussite de l’activité mais la recherche d’une multitude de façons d’entrer dans le milieu en étant « attentifs aux surprises que cette exploration […] occasionne, en les considérant comme autant d’opportunités de rencontres avec des objets et des relations entre objets que nous n’avons pas encore pu déceler jusqu’alors. » (p.13)

A force d’exploration du milieu et de découvertes de chaque membre, le groupe a « commencé à mettre évidence son potentiel [du milieu]. De fait, le milieu en est progressivement venu à perdre de sa transparence pour se révéler en termes d’objets et de relations entre objets » (p.14). C’est en allant ensuite dans les classes d’élèves du spécialisé que les chercheurs ont proposé les activités analysées, non pas pour que les élèves réussissent les tâches qui avaient été trouvées, mais pour faire de nouvelles découvertes qui donneraient de nouvelles informations sur le milieu. De cette façon, les chercheurs ont pu dégager une liste de tâches qu’ils ont pu proposer aux élèves.

Le jeu de tâches est un concept dont s’est inspirée Del Notaro (2010, 2011). Contrairement au groupe précédemment cité, cette auteure a travaillé auprès d’élèves de l’ordinaire dans le domaine du nombre partant du postulat que le jeu de tâches peut s’adresser aussi bien à des élèves du spécialisé qu’à ceux de l’ordinaire. Elle a montré que le jeu de tâches apporte une réponse au phénomène de saturation du milieu.

Le jeu de tâches permet, à mon sens, de faire des mathématiques en tant que science expérimentale. Il se définit comme « une interaction particulière de connaissances entre expérimentateur et élèves » (Del Notaro, 2011). C'est une méthode où l'expérimentateur

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18 entraine les élèves dans des tâches par le jeu et où ceux-ci sont amenés à expérimenter des notions mathématiques.

Tout d’abord, l’expérimentateur prépare quelques « cartes de jeu », c’est-à-dire des tâches réfléchies au préalable découlant de sa propre investigation du milieu. Il les propose ensuite aux élèves au fur et à mesure de l’expérimentation, comme des relances en réponse, de manière non hiérarchisée, et peut être amené à en trouver « sur le champ », à en abandonner d’autres ou à en entamer grâce à des propositions d’élèves. La spécificité du jeu de tâches est l'investigation du milieu de la situation, ce vocable étant à comprendre au sens de tout ce qui agit sur l’élève et ce sur quoi l’élève agit (Glossaire de quelques concepts de la théorie des situations didactiques en mathématiques, Brousseau, 1998). Ainsi, grâce aux jeux de tâches, les élèves réfléchissent, tâtonnent, essaient, cherchent sans qu'il n'y ait de réponse correcte et absolue à donner à l'expérimentateur.

Quant à l’expérimentateur, il « est [également] un élément du milieu qui va mettre en jeu ses propres connaissances dans son interaction avec les milieux de la tâche et de l’élève, pour tenter de cerner les connaissances engagées par ce dernier. » (Del Notaro, 2011, p.2) Par ces jeux de tâches, l’expérimentateur tente d'étudier les connaissances des élèves et se laisse surprendre parfois de ce qui ressort entre lui, les élèves et le milieu (tâches effectives) malgré les « cartes de jeu » (activités prévues) qu'il s'est pourtant préparées. Ce milieu est donc en constante mouvance durant le jeu de tâches. Celui-ci permet de dégager les connaissances en jeu des élèves, mais aussi de remettre en question les représentations et connaissances de l’expérimentateur. Enfin, ce jeu ne se veut pas être absolument la situation idéale d’apprentissage d’un contenu, car la réussite n’est pas le but recherché. Il s’agit plutôt d’une situation qui fait sens pour les élèves, les mettant en position de faire de la recherche et des expérimentations, et qui permet aux élèves mais également à l’expérimentateur de découvrir et apprendre les mathématiques.

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19 Théorie des situations didactiques

En didactique des mathématiques, dans les situations d'enseignement/apprentissage interviennent trois éléments qui sont interdépendants : l'enseignant, l'élève et le savoir. Cette interdépendance est souvent schématisée par le triangle didactique suivant (selon Houssaye) :

Ces trois éléments entrent donc en relation les uns par rapport aux autres même s'il y a toujours un processus qui est favorisé en fonction de la situation. Lorsqu'une relation enseignant-savoir est privilégiée, on parle de processus d’enseignement ; lorsqu'une relation enseignant-élève est favorisée, on parle de processus de formation ; lorsqu'une relation élève-savoir est mise en avant, on parle alors de processus d'apprentissage.

Lors de séances de travail avec des collègues de l'enseignement primaire, nous nous sommes rendu compte que les élèves se retrouvent avec d'énormes difficultés concernant la numération, ne font pas de transfert entre une activité et une autre et ont du mal à mettre du sens aux tâches qui leur sont proposées. Personnellement, il m'est arrivé de donner à mes élèves quelques problèmes avec de nombreuses données chiffrées dans l'énoncé, dont certaines inutiles pour la résolution de ceux-ci. Une partie des enfants ont tout de même effectué des opérations « farfelues » pour répondre à la question. Ces situations rappellent la recherche liée à « l'âge du capitaine » (IREM de Grenoble, 1979) dans laquelle trois élèves sur quatre avaient répondu à un problème énoncé auquel il n'était pas possible de répondre à l'aide

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20 des informations de l'énoncé. Cette recherche a mis en évidence le contrat didactique existant entre des élèves et un enseignant. Ce contrat est implicite et ne se voit que lorsqu’il est rompu.

Il y a rupture de contrat lorsque le maître pose une question impossible car l'enseignant et les élèves ont des attentes réciproques, l'enseignant de ses élèves et les élèves de leur enseignant.

Dans toutes les situations didactiques, le maître tente de faire savoir à l'élève ce qu'il veut qu'il fasse, mais ne peut pas le dire d'une manière telle que l'élève n'ait qu'à exécuter une série d'ordres. Ce contrat fonctionne, dit-il, comme un système d'obligations réciproques qui détermine ce que chaque partenaire, l'enseignant et l'enseigné, a la responsabilité de gérer, et dont il sera d'une manière ou d'une autre, responsable devant l'autre. (Brousseau, 1986)

Dans la théorie des situations didactiques, Brousseau préconise que l'élève a sa part de responsabilité dans l'apprentissage sans intervention directe de l'enseignant. Le maître n'est pas totalement absent mais il n'a pas la responsabilité entière de la transmission du savoir. Il crée une situation favorable à l'apprentissage. Cette situation est qualifiée d'a-didactique.

L'enseignant n'a pas pour mission d'obtenir des élèves qu'ils apprennent, mais bien de faire en sorte qu'ils puissent apprendre. Il a pour tâche, non la prise en charge de l'apprentissage - ce qui demeure hors de son pouvoir - mais la prise en charge de la création des conditions de possibilité de l'apprentissage. (Chevallard, 1986, cité par Soury-Lavergne, 2010-2011, p.3)

L'élève interagit davantage avec le milieu dans lequel il se trouve comme le préconise Sensevy (2001) :

Dans les situations adidactiques, les interactions des élèves avec le milieu sont supposées suffisamment prégnantes et adéquates pour qu’ils puissent construire des connaissances, formuler des stratégies d’action, valider des savoirs en utilisant les rétroactions de ces milieux sans que leur activité ne soit orientée par la nécessité de satisfaire aux intentions supposées du professeur.

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21 Cette notion de milieu est essentielle ; elle sera développée et mise en lien plus bas avec la méthode de jeu de tâches.

Pour favoriser les situations a-didactiques, le maître doit viser à ce que son élève assume sa responsabilité dans l’apprentissage, on parle alors de dévolution.

La dévolution consiste, non seulement à présenter à l’élève le jeu auquel le maître veut qu’il s’adonne, mais aussi à faire en sorte que l’élève se sente responsable, au sens de la connaissance et non pas de la culpabilité, du résultat qu’il doit chercher. (Brousseau, 1998)

La mise en œuvre de la dévolution est complexe dans le sens où, quand il pose une question, l'enseignant doit faire attention à ne pas donner la réponse mais ne doit pas pour autant laisser l'élève complètement seul. Il importe que l'enseignant crée des situations qui permettent à l'élève d'entrer dans le problème et de produire des connaissances.

A contrario, l'institutionnalisation est le processus inverse à la dévolution. En effet, tandis que le processus de dévolution permet de transformer un savoir à enseigner en connaissance chez l'élève, celui d'institutionnalisation fait en sorte que la connaissance de l'élève devienne un savoir que l'on peut réinvestir. Brousseau (1998) définit l'institutionnalisation comme « la prise en compte "officielle" par l'élève de l'objet de la connaissance et par le maître, de l'apprentissage de l'élève ». Autrement dit, l'enseignant reconnaît le savoir « officiel » parmi tous les savoirs (exacts, « farfelus », erronés) produits par les élèves. C'est le savoir, désormais commun à la classe, qui sera réinvesti pour des activités ultérieures.

Avant d'institutionnaliser, nous avons vu qu'il est fondamental de dévoluer. D'après Brousseau, une situation a-didactique est caractérisée par trois dialectiques selon sa structure : la situation d'action, la situation de formulation et la situation de validation. En d’autres termes, une situation didactique s’ouvre avec la dévolution (de l’ordre du didactique), se poursuit avec les trois dialectiques (de l’ordre de l’adidactique) et se referme avec l’institutionnalisation (de nouveau de l’ordre du didactique).

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22 Premièrement, ce didacticien décrit la situation d'action comme « une situation où la connaissance du sujet se manifeste seulement par des décisions, par des actions régulières et efficaces sur le milieu et où il est sans importance pour l’évolution des interactions avec le milieu que l’actant puisse ou non identifier, expliciter ou expliquer la connaissance nécessaire. » (p.3)

Les élèves élaborent des connaissances en interaction avec le milieu. Celui-ci leur apporte informations et rétroactions qui vont permettre aux élèves de s'adapter et donc de modifier les stratégies antérieures par de nouvelles.

Deuxièmement, l'auteur parle de situation de formulation où interagissent deux actants au moins avec le milieu. Pour fonctionner, l'un formule le savoir à l'autre qui en a besoin comme modèle d'action pour agir lui-même sur le milieu, ce qui lui permettra d'avoir informations et rétroactions en retour de ses formulations.

La formulation consiste pour ce couple d’actants à utiliser un répertoire connu pour formuler un message original, mais la situation peut conduire à modifier ce répertoire.

On peut déduire théoriquement et vérifier expérimentalement qu’une formulation « spontanée » de connaissance exige que cette connaissance existe préalablement comme modèle implicite d’action chez les deux actants. (p.3)

Troisièmement, Brousseau développe la situation de validation. C'est une

situation dont la solution exige que les actants établissent ensemble la validité de la connaissance caractéristique de cette situation. Sa réalisation effective dépend donc aussi de la capacité des protagonistes d'établir ensemble explicitement cette validité.

Celle-ci s'appuie sur la reconnaissance par tous d'une conformité à une norme, d'une constructibilité formelle dans un certain répertoire de règles ou de théorèmes connus, d'une pertinence pour décrire des éléments d'une situation, et/ou d'une adéquation vérifiée pour la résoudre. Elle implique que les protagonistes confrontent leurs avis sur l’évolution du milieu et s’accordent selon les règles du débat scientifique. (p.4)

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23 Les élèves se trouvent dans une situation qui leur permet d'apporter preuves, démonstrations, exemples et contre-exemples à leur solution dans le but d’établir une connaissance commune.

Selon Brousseau, ces trois situations adidactiques d’action, de formulation et de validation sont nécessaires pour la construction de connaissance par l'élève, mais pas suffisantes, il y a besoin de la situation didactique d’institutionnalisation pour que le savoir soit considéré comme officiel. En revanche, ces trois temps (action, formulation, validation) ne se font pas dans un ordre établi. Lors de situations d’apprentissage, on passe perpétuellement d’une situation à l’autre.

Les recherches sur le boulier chinois en France et en Suisse

En France, depuis quelques années, plusieurs instituts de recherche sur l'enseignement des mathématiques (IREM) ont entamé des travaux sur le boulier chinois. Pour mon travail, je me baserai sur quelques écrits et reprendrai des propositions d’activités issues du projet français MARENE (Mallette de ressources mathématiques pour l’École)4. C’est un groupe de chercheurs et enseignants qui s’intéresse à l’intégration de différents outils pour l’enseignement des mathématiques à l’école primaire et propose donc des ressources « utilisables » en classe, en particulier des activités avec le boulier chinois. Ces nombreux écrits et recherches montrent entre autres que le boulier chinois a tout à fait sa place dans les classes afin de travailler sur le système de position numéral ou encore sur les opérations.

En Suisse romande, il n'existe pas pléthore d'études portées sur le boulier. Del Notaro (2005) s’est par exemple intéressé à l’usage du boulier dans les degrés élémentaires. Il existe une étude ayant fait l'objet d'un article dans La Revue de Mathématiques pour l'école (RMé), revue suisse s'adressant aux professionnels de l'enseignement des mathématiques et des sciences et proposant des ressources (travaux de recherches, pratiques pédagogiques, propositions d'activités en classe) pour tous les niveaux de scolarité5. Cette étude, effectuée par Vendeira (2017), a traité plus spécifiquement sur le boulier russe. L'auteure met en évidence les

4 Site MARENE : http://seminaire-education.espe-bretagne.fr/?page_id=611

5 (http://www.revue-mathematiques.ch/)

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24 potentialités de cet instrument et propose des activités à réaliser en classe. Elle affirme que le boulier russe permet de travailler sur de nombreux thèmes (nombres, opérations, spécificités de notre système de numération...). Je souhaite montrer que le boulier chinois peut également le faire.

III. Méthodologie

Séances avec les élèves

Échantillon de l'expérimentation

L'expérimentation a été réalisée dans une classe de 7P d'une école en REP d'un quartier populaire genevois. J'ai volontairement pris des élèves d'un grand degré du primaire car je pensais faire émerger des éléments plus rapidement avec des élèves de 10-11 ans plutôt qu’avec des élèves venant de classes de 4P, 5P ou 6P. A mon avis, il aurait fallu consacrer davantage de temps pour que les élèves comprennent le fonctionnement d'un boulier.

Autrement dit, les activités ont été pensées pour les 7P mais avec la possibilité de les présenter à des élèves de degré inférieur si le temps le permettait.

Déroulement des activités en classe

Dans un premier temps, l'expérience a été menée par petits groupes. Sur demande de ma part, l'enseignant a réparti les élèves en fonction de leur niveau en mathématiques (fort, moyen, en difficulté). Un premier obstacle à l'expérimentation a été le volume sonore dans la classe. En effet, je n'ai pas pu disposer d'un local permettant d'avoir le groupe qui travaille avec le boulier dans la tranquillité, mais j'ai réalisé les activités sur une table au fond de la classe avec chacun de mes groupes pendant que le reste de la classe étudiait avec leur maître.

Le temps prévu avec chaque groupe a été fixé entre 20 et 30 minutes même s'il a parfois été largement dépassé. Chaque élève disposait d'un boulier et de feuilles de brouillon pour d'éventuelles remarques et observations réalisées au cours des activités. Après avoir fait passer

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25 les groupes une à deux fois, j'ai finalement effectué une leçon de 60 minutes avec une demi- classe, à savoir une dizaine d'élèves, en proposant plusieurs tâches utilisant le boulier.

Durant ces séances, j'ai donc proposé des activités d'ordre mathématique telles que la manière de représenter un nombre entier et/ou décimal, de le décomposer, d'additionner, de soustraire.

Ces activités ont également débouché sur des questions plus pratiques, voire philosophiques. En m'inspirant des théories des situations didactiques et des jeux de tâches, j'ai tantôt laissé les élèves responsables de leurs apprentissages lors des activités, tantôt fait des rappels sur des notions importantes, tantôt relancé les élèves grâce à des « cartes de jeu » que je m'étais préparées.

Pour toutes les séances, je n'ai pas réalisé une retranscription pure mais je me suis basé sur les observations, les enregistrements audios et les vidéos que j'ai réécoutés et/ou visualisés. Après relecture et réécoute de ceux-ci, j'ai réalisé une narration qui vise à faire ressortir les éléments qui me semblent essentiels à l'analyse.

Enregistrement audio et vidéos

Pour les séances en petits groupes, j'ai procédé à des enregistrements audios. Cette procédure a permis de relever les interactions verbales entre les élèves ainsi qu'avec les élèves et l'expérimentateur (moi-même). J'ai également demandé aux élèves de verbaliser autant que possible tout ce que les élèves observaient et faisaient sur le boulier. Pour appuyer un peu plus les audios, j’ai reformulé oralement les manipulations effectuées par les élèves sur le boulier et j'ai également pris en note ce que je remarquais d'intéressant.

En ce qui concerne les vidéos, elles ont été utilisées pour filmer les élèves en train de manipuler le boulier lors de la séance en demi-classe. Les élèves ont été regroupés par trois ou quatre pour que l'on puisse filmer et visualiser précisément les manipulations du boulier par ceux-ci.

Quelques fois, une des caméras a été redirigée en direction du tableau noir pour rendre visible les interventions de l'expérimentateur (moi-même) et de l'enseignant des élèves.

(27)

26

Narrations

A l’aide des enregistrements audio, des vidéos ainsi que des prises de notes, j’ai opté pour des narrations (Del Notaro, 2015) afin de restituer ce qu’il s’est passé en classe. Celles-ci ne traduisent pas tout ce qui se dit ou se fait en classe telle une retranscription pure, mais raconte les événements tels que l’expérimentateur les as vus et vécus. Lorsque l’on fait une narration, il y a donc forcément une première interprétation de ce que l’on narre. On fait le compte-rendu

« d’une pensée qui implique le contenu mathématique de l’événement didactique narré.

En effet, l’expérience que le narrateur fait dans sa propre action de narrer une situation didactique vécue le met en condition de réinterpréter cette situation […] Cette mise à distance permet de faire d’autres connexions logiques dans la mesure où la narration produit tout un ensemble de réactions entre la restitution d’une situation didactique et le système d’interactions entre l’expérience de l’élève, une situation didactique et l’expérience du narrateur. » (p.3)

Lors des expérimentations en classe, une narration a été réalisée pour chaque séance. Les narrations sont nommées de cette manière : « Narration 1 – première séance » pour le premier groupe, « Narration 2 – deuxième séance » pour le deuxième et ainsi de suite ; elles sont parfois accompagnées de photos pour mieux comprendre les manipulations réalisées par les élèves avec le boulier.

Les nombreux allers-retours sur les narrations permettent d’analyser celles-ci sous différents angles et m’ont permis par exemple de m’intéresser aux connaissances élaborées par les élèves mais aussi aux miennes et d’interpréter et/ou réinterpréter les éléments des narrations après de multiples relectures.

Lors de l’analyse des données de ce mémoire, je ferai donc référence aux narrations et afficherai parfois un tableau récapitulatif mettant en avant les points saillants de certaines narrations qui permettent d’affiner l’analyse.

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27

IV. Expérimentations Narrations des séances

Narration 1 – Première séance (groupe fort) :

Je n'ai donné aucune précision quant à l'utilisation du boulier.

Les élèves commencent par placer le boulier devant eux : à plat, « debout », verticalement, horizontalement, les boules toutes d'un côté. Un élève fait l'hypothèse que les unaires, qu'il nomme « boules du bas » sont les unités alors que les quinaires, « boules du haut », sont considérées comme des dizaines. Pour écrire « 5 », un élève laisse entendre qu'il suffit d'activer cinq « boules du bas ». Et pour « 78 » ? Les élèves ont activé sept boules du haut et huit boules du bas (figure 1) ; d'autres ont tenté d'utiliser toutes les boules du bas mais ils sont arrivés à la conclusion qu'ils ne pouvaient qu'écrire jusqu'à « 65 » et qu'il fallait donc utiliser quelques boules du haut (figure 2).

Figure 1 Figure 2

Et 1078 ? Un élève prend dix boules du haut pour faire 1000 mais se rend compte que ça ne fait que « 100 ». Il observe qu'il peut écrire « 26x10, donc 260 » et ajouter les boules du bas, mais il est loin du nombre demandé. Il fait alors l'hypothèse de boules qui valent « 100 ».

A force de manipuler, des élèves demandent si le boulier se tient verticalement ou horizontalement, si l'on peut écrire un nombre jusqu'à l'infini, si l'on peut faire des divisions, ce

à quoi je réponds par l'affirmative. Ma réponse étonne fortement les élèves présents.

Dans un deuxième temps, j'explique comment on tient un boulier et comment on active les boules sur celui-ci. Il s'agit d'un système de position. La première tige en partant de la droite est

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28 celle des unités, la deuxième celle des dizaines, la troisième celle des centaines et ainsi de suite.

Pour activer un nombre, il faut rapprocher les boules de la barre horizontale centrale.

Ainsi, on s'intéresse à la manière d'écrire 1, 2, 3, 4, 5. Jusque-là, tout se fait correctement :

les élèves inscrivent 1... ...et 5...

Et pour 6 ? et 9 ? Certains élèves activent une boule supplémentaire sur la deuxième tige pour faire 6 :

Pour faire avancer les élèves dans l'activité, j'explique alors qu'une unaire (boule du bas) vaut 1 et une quinaire (boule du haut) vaut 5. Je demande alors à un élève que vaut une quinaire sur la deuxième tige. Un élève rétorque « 5 » et se corrige quelques secondes plus tard par « 50 », car

« c'est la deuxième tige ». Et une unaire et une quinaire sur la deuxième tige ? Le même élève répond « 51 » puis se corrige tout de suite par « 60 ». Pour voir si les élèves ont compris la difficulté liée à la quinaire, je leur propose d'inscrire « 8 », ce qu'ils effectuent facilement.

Nous nous consacrons ensuite à l'inscription de « 10 » pour lequel il y a plusieurs possibilités : les élèves les trouvent !

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29 5 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 10 5 + 5 = 10 1 dizaine = 10

Les élèves remarquent que pour la dernière proposition ci-dessus, une seule boule est activée.

Je mets l'accent sur le fait qu'il est question de « simplification » quand on utilise le moins de boules pour écrire un nombre. Nous continuons à inscrire 15, puis 21, puis 68 jusqu'à dépasser 100. Il est toujours demandé de décomposer et décortiquer le nombre aux élèves. Pour 21 = 10 + 10 +1, pour 68 = 50 + 10 + 5 + 1 + 1 + 1... Depuis les stages effectués dans plusieurs classes, j'ai remarqué qu'il n'est pas facile pour un élève de découper un nombre pour réaliser, grâce à des techniques opératoires, des calculs (mentaux) de manière aisée.

Plus tard, par binôme, les élèves proposent à leur camarade d'inscrire des nombres de leur choix. Une élève se rend compte que 83 peut être écrit de manière différente, à savoir 83 = 50 + 10 + 10 + 5 + 5 + 1 + 1 + 1. Ceci montre une certaine habileté avec la décomposition du nombre qui me semble être encore très fragile à la fin de la scolarité du primaire.

Inscription de 83

D'elle-même, cette élève propose une autre manière d'écrire 100.

Ensuite, nous travaillons sur de plus grands nombres, plus précisément 15'853. Les bons élèves parviennent au début difficilement à représenter 15'853. Dès que l'on dépasse les milliers, les élèves ne savent plus trop comment nommer les puissances supérieures à 10^4. Cette difficulté pourrait montrer que le système de position est encore fragile pour de bons élèves. Qu'en est-il

(31)

30 pour les élèves moyens ? Et ceux en difficulté ? Les différentes situations que j'ai vécues avec ce type d'élèves vont dans ce sens. Les élèves ont en effet beaucoup de mal à se représenter mais également à lire correctement un nombre dès que l'on passe dans les milliers et les dizaines de milliers.

Pour éclaircir la situation, je montre méthodiquement pour chaque tige : les unités, les dizaines, les centaines, les milliers, les dizaines de milliers... Les élèves pensent dans un premier temps qu'il est impossible d'écrire 15'853 sur le boulier, mais activent tout de même une quinaire (=50'000) sur la 5e tige :

Une élève trouve tout de même une solution et décompose tige par tige le nombre en l'expliquant à ses camarades. Elle prend le « 1 » (des dizaines de milliers) et monte une unaire, ensuite 5 mille en descendant une quinaire sur la quatrième tige et poursuit de la sorte pour

« 500 », « 80 » et « 3 ».

Inscription de 15'853 par une élève

A noter que certains élèves ne s'intéressent qu'au chiffre de la tige en question pour inscrire un nombre et parlent de « numéros ». A chaque fois que leur réponse est validée, ils demandent s'ils peuvent « effacer » ce qu'ils ont inscrit.

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31 Pour récapituler, je mets l'accent sur le fait que la quinaire permet de faire « 5 fois 10 puissance 1 ou 2 ou 3, ... » et que cela dépend de la tige sur laquelle on se trouve.

Nous nous concentrons désormais sur les additions. Je propose aux élèves d'effectuer 3 + 2, puis 3 + 6, puis 3 + 10 sans trouver le résultat de tête et en simplifiant le résultat quand il le faut.

L'addition n'est pas forcément facile, car il faut faire un échange ensuite :

->

5 unaires = 1+1+1+1+1 = 5 -> 1 quinaire = 5

Pour 3 + 6, il est important de placer 3 unaires et ensuite d'ajouter d'abord une quinaire puis une unaire. Lors de ces additions, certains élèves font le calcul de tête et inscrivent le résultat.

Je suggère aux élèves de se servir de la partie gauche du boulier pour faire des

« expérimentations » et donc « enregistrer » le 2e terme de l'addition. Par exemple, pour 3 + 8, les élèves inscrivent « 3 » sur le boulier (partie droite) et « 8 » sur la partie gauche, puis font une correspondance terme à terme. Ils ajoutent donc une quinaire et deux unaires, mais se rendent compte qu'ils restent une unaire à ajouter. Certains élèves restent bloqués. Alors une élève propose de faire un échange : 5 unaires contre une quinaire, ce qui permet ensuite d'ajouter l'unaire manquante. Finalement, les deux quinaires peuvent être retirées pour ajouter une unaire sur la tige supérieure.

-> ->

8 (à gauche) et 3 (à droite) transfert des boules possibles échange de 5 unaires contre 1 quinaire

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32

-> ->

ajout de la boule manquante échange de 2 quinaires avec 1 unaire de la tige supérieure

En compliquant la tâche, nous poursuivons avec 8 + 7, puis 8 + 8. Je remarque que les élèves à l'aise ont plus de facilité à simplifier. D'autres élèves cherchent d'abord le résultat. Pour 8 + 8, je leur montre qu'il est possible de faire « 8 + une dizaine et enlever 2 unités », à savoir 8 + 10 - 2.

Une élève suggère de faire 20 - 4, ce qui est déjà assez difficile. Les élèves demandent tout de suite comment faire une soustraction.

Et 13 + 7 ? Un élève parvient facilement à faire les échanges. Et 137 + 9 ? Certains proposent dans un premier temps de décomposer 9 en 4 et 5. Je demande de le faire comme précédemment. Alors un élève utilise la technique de « 10-1 ».

Narration 2 – Deuxième séance (groupe « moyen »)

Je laisse un temps de manipulation, puis je montre comment tenir un boulier (horizontalement).

Les tiges représentent la position du nombre : unités, dizaines, centaines... La boule du bas est une unaire et la boule du haut une quinaire et je montre comment on active un nombre.

Comment on fait 8 ? et 10 ? Il y a plusieurs possibilités... Les élèves trouvent facilement les solutions.

Et 13 ? Et si je veux simplifier ? 13 avec 4 boules (et pas 5 boules) ... Je fais toujours un rappel sur la valeur d'une unaire et d'une quinaire. Un élève explique à ses camarades ce qu'il veut signifier par « 3 unités et 1 dizaine ».

Et 220 ? Il y a plusieurs façons de faire 220 !

Je refais des rappels, et je remontre la simplification et le phénomène de l'échange. J'essaie de le faire sur les 5e, 6e et 7e tiges (dont la tige des millions).

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33 Quelques jours plus tard, nous faisons un rappel de ce que nous avons vu précédemment. Les élèves semblent se familiariser rapidement. J'ai demandé à chaque élève de proposer un nombre à son camarade et qu'il corrige ce dernier. Les propositions ont été : 713, 925, 505...

Ensuite, nous procédons à des additions, à savoir 3 + 2, ce qui est simple à noter. Or, un élève demande comment on calcule 3 + 3 sur le boulier. Je suggère de décomposer « 3 ». Une élève propose « 2+1 » mais cette idée ne permet pas de trouver la solution. Et avec une soustraction ? Que se passe-t-il sur le boulier ? Les élèves clament en chœur que l'on retire des boules. Pour faire « 3 + 3 », on va donc devoir inscrire « 3 + 5 (une quinaire) – 2 ».

Et pour 4 + 4 ? Je leur fais remarquer que l'on va beaucoup s'aider du « 5 ». Une élève propose alors 4 + 5 -1. Nous continuons avec 173 + 4. Les élèves tâtonnent malgré la proposition « 173 + 5 – 1 ». Certains élèves ajoutent une boule sur le boulier à la place d'en enlever une.

Et pour 173 + 14 ? On peut tout décomposer. Pour faire « +14 », les élèves proposent de faire

« 15-1 » ou « 20-6 » ou « 10+4 ».

Et pour 186 + 78 ? Je suggère de décomposer « 78 », mais une élève se demande comment décomposer « 78 ». Une camarade rétorque par « 80-2 ». Les élèves parviennent au bon résultat sans toutefois simplifier celui-ci.

Narration 3 – Troisième séance (groupe en difficulté excepté un élève avec facilité en maths)

Les calculs comme 23 + 27 semblent déjà très durs pour ce type d'élèves. Ceux-ci ont également besoin de plus de temps. Nous nous intéressons également à la simplification et aux échanges de boules. Je dois le montrer plusieurs fois pour que les élèves commencent à comprendre.

Lorsque nous effectuons « 133 + 99 », les élèves n'ont pas d'astuces pour trouver la solution. Un élève répond spontanément « 236 ». J'écris en chiffres « + 99 » qui est égal à « + 100 – 1 » pour que les élèves puissent visualiser et je fais un exemple sur le boulier : « 133 + 100 = 233 -> 233 - 1 = 232 ».

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34 Pour 144 + 199, les élèves prennent plus de temps que les élèves des groupes précédents. Je propose à ceux qui sont bloqués de faire « 144 + 200 – 1 ». Certains élèves remarquent que le résultat a été trouvé en « 2 coups ».

Pour 325 + 298, il faut faire « 325 + 300 – 2 » mais la difficulté est plus importante lorsqu’il s’agit de l’inscrire sur le boulier car il faut faire « 325 + 500 - 200 – 2 ». Les élèves ont de la difficulté à décomposer ainsi mais je pense que le boulier peut être un appui pour cela.

Narration 4 – Quatrième séance (groupe hétérogène)

Avec ce groupe, nous travaillons les nombres décimaux, en plus de ce qui a été fait avec les groupes précédemment.

Un élève constate qu'il est plus facile d’inscrire un nombre sur le boulier que de le lire.

Pour écrire des nombres décimaux, un élève place sa boule au milieu de la tige et fait comme si sa boule est « mi-activée ». Une unaire activée vaut « 1 », c'est pourquoi il pense qu'une boule

« mi-activée » vaudrait « moins que 1 ». Une autre élève dit qu'un nombre décimal est un nombre comportant une virgule comme on en trouve au magasin quand on fait des courses. Un autre rétorque qu'ils ont vu ces nombres avec leur enseignant, par exemple quand ils ont mesuré la classe. Après avoir discuté sur le nombre décimal et sa potentielle représentation, je montre aux élèves comment on représente les nombres décimaux sur un boulier. Les élèves sont concentrés et ont hâte de pouvoir inscrire des nombres. Ensemble, nous décidons que les trois dernières tiges seront consacrées à la partie décimale du nombre. Les difficultés principales des élèves consistent à séparer distinctement la partie entière de celle décimale. Des élèves écrivent le nombre entier sur les tiges de droite, puis le nombre décimal sur les tiges qui suivent (à gauche). Pour inscrire « 15,37 », les élèves ont besoin de temps. Un élève fait une inversion et inscrit sur le boulier « 51,37 » alors qu'un autre « 55,37 ». Une des erreurs pourrait provenir de la confusion de la valeur de l'unaire et de la quinaire. Un autre inscrit « 37,15 ».

Pour les aider, j'écris sur un papier le nombre et aligne les chiffres à chaque tige correspondante.

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35 Nombre à inscrire sur le boulier : 15,37

Certains élèves inscrivent le nombre ainsi :

55,37 51,37 37,15

Nous utilisons donc un crayon qui permet visuellement de séparer les deux parties. Une autre difficulté concerne les « 0 », par exemple pour inscrire « 3,04 ». D'ailleurs, on le remarque clairement quand il faut comparer deux nombres : « 3,04 » et « 3,4 ». Pour certains, il s'agit du même nombre. Un élève rétorque que la partie entière est effectivement égale, mais qu'ensuite, il faut voir le « numéro » qui suit (le chiffre des dixièmes). Il explique à ses camarades que « 4 » est plus grand que « 0 », dans le sens que « 4 dixièmes sont plus grands que 0 dixième ». Cependant, un pair fait remarquer qu'il y a un « 4 » dans « 3,04 ». Mais il s'agit pour l'élève qui a donné la réponse du chiffre des centièmes qui est beaucoup plus petit. Se représenter qu’un centième est plus petit par rapport à un dixième n'est pas chose aisée pour les élèves.

Pour certains élèves, je donne une feuille d'exercices où ils doivent comparer des nombres décimaux (sans le boulier). Une semaine plus tard, après avoir travaillé avec le boulier, les élèves font exactement la même fiche (sans s'en rendre compte) et font moins de fautes ou au moins le même nombre (avec la possibilité d'utiliser le boulier).

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36 Plus tard, je demande aux élèves de comparer les nombres à virgules proposés sur le même boulier en inscrivant un nombre sur la partie droite et l'autre sur la partie gauche. Je me rends compte cependant que l'utilisation de deux bouliers est plus facile qu'un seul.

Entretemps, je vois qu'un élève s'amuse à écrire un grand nombre à virgule et me dit qu'il ne sait pourtant pas le « nommer ».

Nous comparons « 0,303 » et « 0,33 ». Les élèves me disent que la partie entière est égale. Alors nous nous concentrons sur la partie décimale et un élève rétorque que le chiffre des centièmes est plus élevé pour « 0,33 » par rapport à « 0,303 ». Je demande ensuite si « 0,33 » a la même valeur que « 0,330 ». La première réponse d'un élève est que « 0,330 » est évidemment plus grand que « 0,33 ». Il réfléchit un moment puis se corrige. Une autre élève dit ne rien comprendre.

Je demande ensuite que les élèves comparent les nombres en inscrivant les nombres sur la gauche et la droite du boulier. Je me rends compte cependant qu'il est plus facile de comparer des nombres décimaux sur deux bouliers différents, car les élèves peuvent aligner les bouliers.

Lors des suites successives, je demande aux élèves de partir de « 7,6 » et de continuer les sauts d'un dixième. Tous n'ont tout d'abord pas compris comment faire, mais un camarade donne le premier nombre. Il dit qu'après « 7,6 », il y a « 7,7 ». Une autre élève dit alors qu'ensuite vient

« 7,8 », puis « 7,9 », puis « 7,10 ». Certains acquiescent, surtout les élèves en difficulté, mais un camarade infirme. Ce n'est pas ça : il annonce « 8 ». Il prend l'exemple de la monnaie : « si j'ai 7 francs 90 et que j'ajoute 10 centimes, j'ai 8 francs et pas 7 francs et 10 centimes ». Cet exemple est concret mais il n'est pas forcément facile car il combine deux unités de mesure : les francs et les centimes.

Un élève demande alors si on peut faire cet exemple sur le boulier, ce que je confirme. Les élèves inscrivent « 7,6 » sur le boulier. Je demande ce que représente un dixième sur le boulier et comment on avance d'un dixième. Certains élèves ne savent pas comment le représenter mais un élève parvient à montrer que c'est « une boule sur la tige des dixièmes ». Donc une élève qui semble maintenant comprendre propose d'avancer à chaque fois une boule. Les

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