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Narration 6 – Sixième séance (en collectif - en demi-classe)

VI. Conclusion

En guise de conclusion, je suis convaincu que le boulier chinois a totalement sa place en classe.

Les nombreuses activités que j’ai menées lors des expérimentations ainsi que les recherches sur le sujet, notamment celles du groupe MARENE, me confortent dans ce sens. J’avais émis l’hypothèse que les élèves avaient besoin du « jeu » pour être impliqués en mathématiques. Les activités utilisant le boulier pensées à la manière du jeu de tâches ont permis ainsi de motiver les élèves, de les rendre curieux et d’apprécier ce qu’ils faisaient. Aussi, le boulier, en tant que support au jeu de tâches, permet aux élèves de pallier des difficultés liées à différentes notions mathématiques, car il rend possible non seulement la visualisation de ce que l’on fait (caractère manipulatoire) mais permet aussi de mettre les élèves en situation de recherche.

Dans ma pratique personnelle de l’enseignement des mathématiques, je désire mettre mes élèves le plus possible en situation de recherche comme peut le faire le jeu de tâche. Or, les contraintes, en particulier sociales et institutionnelles, peuvent nous (enseignants) rendre réfractaires à ce genre de démarche, car « coûteuse en temps », « coûteuse en énergie » comme pourraient dire certains enseignants. Je pense aussi que nous (enseignants) avons des programmes chargés et où nous ne pouvons pas travailler tous les thèmes comme nous le souhaiterions. J’ai l’impression que, dans certaines classes, l’enseignement des mathématiques se fait dans une approche « c’est juste / c’est faux » où les élèves n’essaient pas de comprendre leurs bonnes réponses et leurs erreurs. Cependant, il est possible de proposer de temps à autre des activités laissant place à la recherche. Celles-ci sont effectivement chronophages, mais pas forcément dans un sens négatif. Au contraire, il s’agit là de re-découvrir les mathématiques sous une autre facette et de mettre du sens à ce que l’on fait. De cette façon, les élèves ne verront pas les mathématiques comme des « corvées » comme appliquer une règle sans la comprendre ou effectuer un exercice de drill bien que ces tâches soient parfois nécessaires. Il importe de trouver un juste milieu des tâches que l’enseignant propose.

Bien que l’enseignant donne des leçons de manière très structurée et modélisée selon les principes de la théorie des situations didactiques, il paraît important de laisser les élèves investiguer davantage à la manière du jeu de tâches afin de leur laisser de la place dans l’exploration de connaissances mathématiques voire philosophiques. De cette façon, les élèves

85 entrent plus facilement dans les tâches proposées et semblent mettre du sens à ce qu’ils font.

Ainsi, même si un savoir ou une procédure sont visés lors d’une activité, il est possible de passer par le jeu de tâches et de mettre en avant des procédures et connaissances essentielles à la construction du nombre, à la compréhension de concepts mathématiques. Dans le cadre de ma recherche, des activités utilisant le boulier chinois ont permis de travailler d’innombrables notions liées à la numération positionnelle et de comprendre les stratégies utilisées par les élèves. Je me suis également retrouvé très surpris par quelques procédures d’élèves qui étaient tout à fait pertinentes et m’ont permis de mieux comprendre les démarches des élèves tout en réfléchissant sur les miennes. De plus, alors que certaines notions mathématiques avaient été visées, d’autres (que j’aurais pu considérer comme acquises étant donné le degré scolaire) ont ressurgi et ont pu être revues et réinvesties. En classe, le boulier peut être un outil de travail qui aide l’élève dans la représentation du nombre ainsi que dans la compréhension du système positionnel mais aussi un moyen de vérifier certaines procédures, par exemple pour les opérations avec des nombres naturels ou avec des nombres décimaux. Comme je l’ai déjà dit, ces raisons me poussent à utiliser le boulier dans ma classe.

En outre, cette recherche met en avant la posture épistémologique de l’expérimentateur. Par sa posture, on constate que celui-ci bascule dans la théorie des situations didactiques, théorie beaucoup plus structurée qui permet de toucher au but final : le savoir en jeu. En revanche, le jeu de tâches en situation de recherche en didactique des mathématiques laisse le champ à d’innombrables possibles, le but étant non pas d’atteindre un savoir absolument, mais de comprendre comment et quelles sont les connaissances activées par les élèves. Or, le jeu de tâches en situation de classe tend à prendre une autre forme que celle élaborée en situation de recherche et peut basculer dans la théorie des situations didactiques. Ce basculement fait passer l’expérimentateur-enseignant (moments où il interagit sur la manière de procéder de ses élèves, où il ne confirme ni n’infirme certaines stratégies, où il se voit réfléchir sur ses élèves mais également sur lui-même) à enseignant-enseignant (moments où le savoir est visé, où une connaissance est institutionnalisée). C’est l’une des contraintes liées à la faisabilité du jeu de tâches en classe, à savoir le basculement vers l’enseignement à travers le dispositif de la théorie

86 des situations. De cette manière, le jeu de tâches peut « vivre » en classe. C’est ce que souhaite, autant que possible, faire dans ma classe.

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