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Dynamiser la consommation culturelle dans le canton de Fribourg, vers de nouveaux outils?

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Academic year: 2022

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Dynamiser la consommation culturelle dans le canton de Fribourg, vers de nouveaux outils ?

Monique Bruegger

Sous la supervision de Madame Nadia Keckeis et de Monsieur Jacques Cordonier, membres du Jury.

Diplôme en gestion culturelle organisé par les Universités de Genève et Lausanne et l’Association Artos.

« Diffusé sous la seule responsabilité de son auteur, ce travail n’engage en aucun cas les Universités de Lausanne et de Genève, ni les membres du jury »

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Table des matières

Résumé ... 4

1. Introduction ... 4

2. La culture en Suisse et à Fribourg ... 5

2.1. Bref historique de la politique culturelle en Suisse. ... 5

2.2. Le paysage culturel fribourgeois... 6

2.2.1. De l’émulation des années 80 à l’adoption de la Loi sur les Affaires Culturelles ... 6

2.2.2. Une loi innovante ... 7

2.2.3. Les lieux de culture ... 8

2.2.4. La vie culturelle et associative ... 9

2.2.5. Le financement de la culture dans le canton de Fribourg... 10

2.3. Vers une nouvelle image du canton ... 12

3. La Consommation culturelle ... 13

3.1. Notions générales ... 13

3.2. La consommation culturelle en Suisse et en France ... 14

3.3. La consommation culturelle dans le canton de Fribourg ... 16

3.4. Enquête auprès de trois lieux représentatifs ... 18

3.5 Synthèse... 20

4. La promotion de la culture ... 20

4.1. La position de l’Etat ... 20

4.2. Les limites de la médiation culturelle ... 21

4.3. Les avantages du décloisonnement ... 21

4.4. Vers une nouvelle optique de la promotion culturelle ... 22

5. Les outils marketing de fidélisation et de recrutement ... 22

5.1. Le Yield Management ... 22

5.2. La fidélisation ... 23

5.3. L’exemple de Migros ... 24

5.4. L’exemple de Coop ... 25

5.5. Les risques liés aux programmes de fidélisation ... 25

5.6. Quelques exemples de programmes de fidélisation dans le milieu du théâtre ... 26

5.6.1. L’exemple de Vidy ... 27

5.6.2. Les Théâtres Parisiens Associés (TPA) ... 27

5.7. Le recrutement ... 28

5.8. Synthèse ... 28

6. Le potentiel des technologies grand public au service de la culture ... 29

6.1. Le smartphone ... 29

6.2. Le code-barres ... 30

6.3. Le « couponing » ... 33

6.4. La question de la protection des données ... 34

7. Création d’une plateforme ... 35

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7.1. Le fonctionnement de Culture+ ... 35

7.2. La mise en oeuvre ... 37

7.3. Le financement ... 38

8. Conclusion ... 39

9. Annexes ... 41

10. Bibliographie ... 58

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Résumé

Culture+ est un programme de fidélisation destiné au public fribourgeois. Inspiré du système Cumulus de la Migros, il permet aux consommateurs de culture, via le smartphone, de collectionner des points lorsqu’ils fréquentent les lieux culturels ou manifestations du canton. Les points collectés peuvent par la suite être valorisés lors de nouveaux achats de billets. Culture+ s’appuie sur les nouvelles technologies de l’information, notamment la technique NFC. Il repose sur une collaboration entre les prestataires culturels et le Service de la Culture du canton de Fribourg. Peu coûteux et d’une mise en oeuvre simple, ce programme doit permettre de dynamiser la consommation culturelle et de diversifier les choix de consommation.

Ce travail de fin d’étude présente le contexte, les réflexions, le cheminement et les enquêtes qui ont amenés à l’élaboration du programme Culture+.

1. INTRODUCTION

Le monde culturel fribourgeois vit actuellement une période agitée. Avec l’ouverture tant attendue de la salle Equilibre à Fribourg en décembre 2011, le canton arrive au terme d’une importante série de constructions d’infrastructures culturelles, débutée il y a une quinzaine d’années. Depuis cette dernière inauguration, plusieurs questions ont été soulevées par les milieux culturels, ainsi que par les médias. La double casquette de Thierry Loup, directeur de l’espace Nuithonie depuis 2005 mais désormais également d’Equilibre, soulève des inquiétudes liées à la diversité de la programmation et de la création dans ces salles. Une impression de monopole se dégage, encore renforcée par la publication dans la presse du salaire de M. Loup, jugé excessif. Au-delà de ces éléments polémiques, c’est un souci autrement plus profond qui émerge. Quels contenus souhaite-t-on présenter dans ces nouveaux lieux ? Plus globalement, que sera la politique culturelle du canton de Fribourg à l’avenir? Les acteurs culturels en appellent à la réflexion, au changement. Ils demandent que soient rapidement tenu des assises de la culture1. Ce mouvement n’est pas sans rappeler celui qui avait déclenché, dans les années 80, de profonds changements au sein du monde culturel fribourgeois, débouchant sur une meilleure prise en compte des aspirations de la population et des artistes, ainsi que sur l’adoption d’une loi sur la culture. Un nouveau tournant doit aujourd’hui être pris et nul ne sait précisément vers quels horizons celui-ci va mener les politiques culturelles de la

1 C.f. Annexe 1 : François Mauron « Il faut des assises de la culture », Journal La Liberté, Fribourg, 24.04.12.

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ville, de l’agglomération et du canton. Invoquant des raisons de respect des compétences, l’Etat ne semble pas vouloir prendre l’initiative de mettre sur pied ces assises2.

Dans ce contexte, notre travail revêt un double intérêt. Premièrement, Culture+ est un outil de fidélisation au service des consommateurs, mais aussi des prestataires culturels. Mais par ailleurs, on peut attribuer à Culture+ des visées politiques plus larges. En effet, s’il était mené par le Service de culture, ce projet pourrait accompagner notre canton vers de nouveaux objectifs pour l’avenir de sa politique culturelle. Comment inciter le public à consommer davantage de culture et à découvrir de nouveaux objets culturels? Comment donner un nouvel élan à la politique culturelle cantonale ? Comment faciliter l’accès à la culture par d’autres voies que le subventionnement à la création ? Ce sont les défis que ce programme tente de relever.

La définition de notre projet décrite dans les chapitres suivants, se base sur une analyse générale du contexte fribourgeois, sur l’évolution de la notion de culture qui tend aujourd’hui vers le décloisonnement progressif des genres. Dans une étape plus pragmatique, nous avons appréhendé les aspects liés à la consommation dans le domaine des arts. Dans l’optique de redynamiser la vie culturelle dans notre canton, nous nous sommes intéressés aux systèmes de fidélisation et de tarification flexible. Enfin, nous proposons d’utiliser des innovations très prometteuses dans les domaines de la téléphonie mobile et des technologies sans contact, afin de donner un support concret à ce programme innovant, avantageux et convivial.

2. LA CULTURE EN SUISSE ET À FRIBOURG

2.1. Bref historique de la politique culturelle en Suisse.

Dès la naissance de l’Etat fédéral en 1848, la souveraineté en matière de culture est laissée aux cantons. Du point de vue de la Confédération, l’expression artistique est alors étroitement liée au renforcement du sentiment patriotique. Nostalgie du passé et culte des mythes nourrissent la production artistique ainsi que l’art populaire, très vivant au 19ème. L’art véhicule les valeurs nationales traditionnelles, en réponse au danger de perte d’identité que représente l’avènement de l’industrialisation, des transports et des nouveaux moyens de communication.

Mais à la fin de la deuxième guerre mondiale, la défense spirituelle du pays ne suffit plus à nourrir la production artistique. Graduellement, les artistes vont s’en libérer. Ils devront faire face à une certaine nostalgie conservatrice, renforcée par l’anticommunisme. Par ailleurs, l’avant-garde fait encore peur. L’art moderne reste difficile d’accès et le public le comprend mal. Le côté international des nouveaux mouvements artistiques engendre de la méfiance aux yeux du public. De nombreux créateurs d’origine suisse feront alors carrière à l’étranger.

La rupture avec la tradition s’intensifie dans le courant des années 60. Les nouvelles tendances s’imposent peu à peu dans tous les genres artistiques, grâce à l’intérêt du public pour la création contemporaine et à un essor économique très important.

Dans le sillage des mouvements contestataires des années 70, certains artistes politisent davantage leur travail. La culture alternative remet en cause l’ordre social établi et trouve un public toujours plus nombreux. Tous genres artistiques confondus, on fustige, on dénonce, on bouscule.

La croissance économique et la hausse générale du niveau de vie bénéficient également à la vie culturelle. L’aide publique s’intensifie, mais crée aussi des inégalités. Tous les cantons ou villes n’ont pas les mêmes moyens. De plus, leurs subventions sont majoritairement vouées aux secteurs

2 C.f. Annexe 2 : Philippe Castella « L’idée d’assises de la culture reçoit un accueil assez favorable », Journal La Liberté, Fribourg, 25.04.12.

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artistiques reconnus, au détriment des milieux alternatifs. Ce n’est que dans les années 80 que la culture indépendante trouvera à son tour certains soutiens publics.

Aujourd’hui, le système de soutien à la culture repose en Suisse sur le principe de subsidiarité. La Confédération n’intervient dans le cadre d’un soutien que dans la mesure où les cantons ou villes n’ont pas les moyens d’intervenir suffisamment. Les tâches sont réparties sur trois niveaux:

- Les communes financent les infrastructures et soutiennent une production indépendante afin de garantir une offre diversifiée et accessible à tous dans le sens du développement social et de l’attractivité économique et touristique de la commune.

- Les cantons sont responsables de la formation dans les domaines artistiques. Ils peuvent offrir une aide complémentaire aux institutions et garantissent un équilibre de l’offre au niveau régional.

- La Confédération veille à la diversité culturelle, à la conservation du patrimoine, aux échanges avec l’étranger, avec à l’esprit la cohésion nationale et l’identité culturelle du pays.

2.2. Le paysage culturel fribourgeois

Les années 80 sont décisives pour la culture dans le canton de Fribourg. Avant cela, la culture s’illustre essentiellement au travers de la tradition paysanne et de la religion, le chant choral trônant en bonne place. Depuis la destruction du théâtre Livio en 19753, la ville de Fribourg n’a plus de véritable salle de spectacle.

C’est dans la perspective de la commémoration des 500 ans de l’entrée de Fribourg dans la Confédération que l’Association Fri-Art menée par Michel Ritter propose de monter une exposition d’art contemporain. Cette exposition tenue en 1981 regroupe les travaux d’une soixantaine d’artistes suisses et étrangers. Elle connaît un grand succès et permet à une majorité de la population fribourgeoise de découvrir pour la première fois cette forme d’art à Fribourg. Forts de ce succès populaire et pris dans la mouvance générale (à Zürich « Züri brennt »), les organisateurs cherchent à poursuivre l’expérience. Ils déposent une demande de soutien auprès de la Ville et du canton pour la création d’un centre d’art contemporain permanent. Il n’y aura pas eu d’occupation de locaux ni de manifestations à Fribourg. « La volonté n’était pas d’aller contre, mais de construire quelque chose » (Olivier Sutter, Journal L’Objectif, 09.03.12) Mais il faudra 10 ans de patience et d’obstination pour voir l’inauguration du centre en 1990.

2 . 2. 1 . D e l ’ é m ula t i o n d es a n né es 80 à l ’ a do p ti o n d e l a Lo i s ur l es A f f ai re s C u l tu r ell es

Cependant, dès 1981, le signal est donné. Fribourg prend conscience qu’une évolution est en route. Le canton est au bénéfice de conditions socio-économiques favorables à cette époque.

Traditionnellement rurale, la population fribourgeoise citadine se densifie désormais et avec elle s’accroît la demande en offre culturelle. La population et les milieux artistiques ont faim de renouveau. En l’espace de quelques années, on assiste successivement à l’apparition du Festival International du Film de Fribourg (FIFF) en 1981, de Fri-Son et du Belluard Bollwerk International (BBI) en 1983, de la Spirale (cave à jazz) en 1986. Toutes ces entités naissent d’initiatives privées.

Leur essor est tout à fait remarquable compte tenu de la précarité dans laquelle ces structures évoluent au départ. Toutes rencontrent rapidement leur public et rayonnent loin à la ronde, grâce notamment au travail engagé de nombreux bénévoles. Plusieurs créations d’artistes internationaux ont lieu à Fribourg à cette époque-là, donnant à la ville une image de pionnière au niveau romand en matière de renouveau culturel, d’art contemporain et de musique actuelle.

Au niveau des autorités cantonales, le déclic a lieu déjà en 1979, avec le dépôt d’une motion du député Noël Ruffieux, demandant une véritable politique d’encouragement à la culture. Le Conseil

3 Hayoz Noémie, « Une « petite Scala » à Fribourg : le cinéma-théâtre Livio », Mémoire de Master, 2011.

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d’Etat entre en matière et donne un signal politique fort en annonçant rien moins que la création d’un nouveau département dédié à la culture. Il était temps, car Fribourg est alors le dernier canton romand à entreprendre cette démarche. Après avoir évalué dans un premier temps l’alternative de la création d’une fondation (de type Pro Helvetia) dotée par l’Etat, les autorités conservatrices préfèrent éviter les intermédiaires et optent pour la création d’un département.

Celui-ci est créé par le Conseiller d’Etat Marius Cottier en 1981, suivi l’année suivante par la mise sur pied de la première commission culturelle fribourgeoise, présidée par Noël Ruffieux. Cette commission a pour but de préaviser aux demandes de subventions, avec à sa disposition à l’origine la somme d’à peu près CHF 100’000.- . Entre 1982 et 1989, la commission sera une sorte de laboratoire dans lequel on cherche encore les meilleures options à prendre pour une politique culturelle d’avenir. Dès le départ, l’accent est mis sur le professionnalisme. Ainsi, des compagnies comme le théâtre des Osses, Da Motus ou la compagnie Fabienne Berger seront les premiers bénéficiaires des subventions cantonales. Des finances cantonales saines permettent d’augmenter petit à petit le montant des subventions. Avec l’expérience accumulée de ces premières années de mise en route, Marius Cottier décide la création d’une législation sur la culture. La Loi sur les affaires culturelles (LAC)4 sera rédigée par le Département de la Culture, dirigé par Gérald Berger.

2 . 2. 2 . U n e l oi i nn o v a nt e5

Le projet de loi fribourgeois est ambitieux et innovant sous plusieurs aspects. Là où d’autres cantons se sont contentés de termes vagues et d’intentions, Fribourg propose une loi pragmatique, taillée sur mesure pour son contexte cantonal. Par ailleurs, si la LAC est une loi cadre qui détermine notamment la mission des différentes entités politiques, elle se décline en un triptyque législatif :

- une loi sur le subventionnement de la culture mettant l’accent sur le développement d’une scène professionnelle

- une loi sur les institutions culturelles - une loi sur la protection des biens culturels

L’adoption de la loi 1991 aura pour effet l’arrivée d’une pluie de demandes de subventions. De nombreux projets se développent, mais les moyens financiers manquent.

Le Département entame alors un rapprochement avec la Loterie Romande afin de resituer les rôles de chacun. Le Département estime que c’est à lui qu’incombe de déterminer la politique culturelle du canton, mais que la mission de la Loro est d’aider à son financement. Ce partenariat s’installe, mais dès 2001, la Loro s’essouffle. Elle ne peut assumer à elle seule la quasi-totalité du financement de la culture. Les députées Solange Berset et Isabelle Chassot déposent une motion demandant carrément le doublement des crédits alloués à la culture. Ce sera chose faite en 2003.

On passe de 1,5 mio à 3 mio. Depuis cette date, ces crédits continueront d’augmenter, modérément, pour arriver en 2012 à 3,7 mio.

La LAC a très peu été modifiée depuis son adoption et reste un instrument efficient au service de la situation fribourgeoise. Bien qu’une refonte des départements ait rattaché en 2002 le département de la culture au Département de l’Instruction publique, de la Culture et du Sport (DICS), le service de la culture du canton de Fribourg reste le répondant de la création professionnelle fribourgeoise et fait office de guichet pour les artistes et les créateurs. Au niveau des montants des crédits alloués à la culture, Fribourg se profile derrière Vaud et Genève, dans les mêmes proportions que le Valais. Au cours des trente années de son existence, le Service de la culture a également fait l’objet de critiques. On a pu lui reprocher sa prudence, voire même sa passivité dans l’affaire de la succession de l’artiste Jean Tinguely. Le canton de Fribourg n’a pas pu trouver les fonds qui auraient permis d’associer pour toujours le nom de Fribourg à celui de Jean Tinguely.

4 Le texte de loi est mis en annexe (annexe 3)

5 c.f. entretien du 1er mars 2012 avec Monsieur Gérald Berger, chef du service de la culture du canton de Fribourg

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Mais Fribourg ose aussi, notamment dans le domaine de la construction d’infrastructures culturelles. En 1996, le député Jean-Bernard Repond dépose une motion pour la création d’un théâtre cantonal. L’Etat refuse cette demande, estimant qu’il incombe aux villes de construire les théâtres. Cependant, l’Etat s’engage à soutenir la construction de salles régionales, jusqu’à hauteur de 25 % des coûts de construction. Cette aide est assortie d’une condition : la mise sur pied de saisons culturelles régulières. Fribourg est le seul canton à avoir ainsi encouragé la construction d’infrastructures tout en densifiant l’offre en matière de spectacle vivant. Les préfets fribourgeois sauront profiter de cette proposition pour convaincre les communes de leur district à se lancer dans des projets de construction ambitieux.

1999 : Inauguration de la salle Podium (500 places) à Guin 2001 : Univers@lle à Châtel-St-Denis (386 places)

2004 : Inauguration de l’espace Nuithonie à Villars-sur-Glâne (petite salle 120 places et salle Mummenschanz 467 places) et de la salle CO2 à la Tour-de-Trême (750 places).

2005 : Inauguration du centre culturel et sportif Bicubic à Romont (450 places).

2006 : Le peuple accepte un crédit de construction pour une nouvelle salle de spectacle au centre ville de Fribourg (34 mio).

2011 : Inauguration de la salle Equilibre à Fribourg (700 places).

Trente ans après cet élan des années 80, d’aucuns prétendent que la culture alternative n’existe plus à Fribourg, qu’elle a été récupérée… Il est vrai que si les entités apparues dans les années 80 existent encore bel et bien, toutes bénéficient aujourd’hui de subventions cantonales.

Depuis 2010, un nouveau groupe anarchiste et revendicatif, le collectif Raie Manta, demande la création d’un centre culturel autonome en ville de Fribourg pour lutter contre « le capitalisme et l’oppression en général ». Le groupe pacifique investit les bâtiments vides de la ville.

Le théâtre des Osses quant à lui s’apprête à se séparer de ses emblématiques directrices et fondatrices, qui ont souhaité prendre leur retraite en 2014. Figures majeures du théâtre à Fribourg depuis plus de 30 ans, le duo Sallin-Mermoud aura été l’un des moteurs de la politique culturelle du canton. De nouvelles têtes vont prendre la relève (Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier), mais il est clair que ce changement dans la direction du Centre Dramatique fribourgeois fait figure de petite révolution.

La culture est ainsi encore et toujours en mouvement. La réalité d’aujourd’hui est appelée à évoluer et le feuilleton de la culture fribourgeoise promet encore de nombreux épisodes. Plusieurs dossiers sont en travail actuellement au Service de la Culture. L’OCF (orchestre de chambre fribourgeois) créé en 2009 doit encore être consolidé afin d’arriver à 40% de taux d’activité pour les musiciens engagés. Le soutien aux musiques actuelles, ainsi que le concept Culture & Ecole seront également accentués. Diverses mesures seront prises dans ce sens en 2012. Quant à l’attribution des subventions, une réflexion est menée en vue de créer de nouveaux critères, axés sur la qualité.

Toutes ces mesures sont nécessaires, mais elles visent principalement à consolider l’acquis. Dans le monde romand de la culture et de la création, Fribourg jouit aujourd’hui d’une image modeste mais solide. En interne, c’est en quelque sorte un sentiment de « boucle bouclée » qui prévaut.

2 . 2. 3 . L e s l i eu x d e c ul tu r e

Comme on l’a vu, le paysage culturel fribourgeois s’est fortement densifié dès les années 1980.

S’agissant des arts vivants et plus spécifiquement des arts de la scène, l’offre s’est diversifiée et se répartit aujourd’hui (avec l’arrivée toute récente d’Equilibre, inauguré le 19 décembre 2011) sur une vingtaine de structures différentes.

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Voici la répartition des lieux culturels répertoriés par la DICS, par districts et par genre en 2012.

District de la

Sarine

District de la Broye

District de la Glâne

District de la Gruyère

District de la Singine

District du Lac

District de la Veveyse

Total pour le canton de Fribourg Musées et

lieux

d’exposition

16 3 4 11 3 4 1 42

Théâtres 9 1 1 3 1 2 2 19

Musique et variétés

11 1 1 4 3 2 2 24

Festivals 10 2 1 3 3 1 0 20

Salles de cinéma

13 0 0 3 1 1 1 19

total 124

A noter que certains théâtres proposent des activités pluridisciplinaires. Ainsi, certaines structures sont comptabilisées dans les deux catégories théâtres et musiques et variétés.

Parmi ces différents lieux, certains sont reconnus « d’importance régionale » par l’Etat de Fribourg ou par l’Agglo (Conseil de l’agglomération de Fribourg). Ces structures ont en commun de proposer une saison régulière de spectacle professionnel et bénéficient de soutiens publics (aide à la construction, aide à la création). Elles sont mentionnées en gras dans la liste ci-après.

Equilibre, Fribourg

Espace Nuithonie, Villars-sur-Glâne Théâtre des Osses, Givisiez

Le Nouveau Monde, Fribourg Fri-Son, Fribourg

Le Biboquet, Fribourg Théâtre de la Cité, Fribourg

Théâtre des Marionnettes de Fribourg, Fribourg Théâtre Kellerpoche, Fribourg

Théâtre de l’Arbanel, Treyvaux La Tuffière, Corpataux

Théâtre de la Prillaz, Estavayer-le-Lac Le Bicubic, Romont

CO2, La Tour-de-Trême L’Hôtel-de-Ville, Bulle

La Gare aux sorcières, Moléson-Village Podium, Guin

Kultur im Beaulieu, Morat

Kulturkeller Gerberstock, Chiètres Univers@lle, Châtel-St-Denis Château d’Attalens, Attalens

Le canton est par ailleurs doté de plus de 20 musées et le site de l’Etat de Fribourg répertorie 22 lieux d’exposition différents.

2 . 2. 4 . L a vie c ul tu r el le et as so ci at i ve

A l’image de la tendance suisse, les activités amateurs ont le vent en poupe dans le canton de Fribourg. Elles sont d’une grande richesse et d’une grande diversité. Pour la seule ville de Fribourg,

L'architecture audacieuse du théâtre Equilibre à Fribourg.

Illustration n°1

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on recense 224 clubs, sociétés, écoles ou groupes différents, actifs dans les domaines de l’art, de la danse, du chant, de la musique, du folklore, de l’histoire, du cinéma, etc.

A l’échelle cantonale, ce sont les sociétés de chant choral et de musique qui sont les plus nombreuses et les plus fréquentées. La vivacité de ces sociétés est liée à une longue tradition de notre canton, illustrée par le riche patrimoine que nous ont laissé bon nombre de compositeurs et directeurs de renom comme Joseph Bovet ou Pierre Kaelin. Elles se sont regroupées pour former :

 La Société Cantonale des Musiques Fribourgeoises, qui regroupe une centaine de fanfares, brass bands et harmonies, soit plus de 4000 membres. Cette société a pour but de former et de perfectionner directeurs et musiciens, ainsi que de promouvoir la musique instrumentale.

Extrêmement dynamique, elle organise des cours et des concours. La fête cantonale des musiques rassemble entre 10’000 et 15'000 personnes à chaque édition. La qualité de la formation, dispensée en collaboration avec le Conservatoire, a permis à plusieurs ensembles fribourgeois de s’illustrer au niveau national lors des Fêtes Fédérales des Musiques, ou dans le cadre du concours suisse des Brass Band de Montreux6.

 La Fédération Fribourgeoise des Chorales, compte 140 chorales d’adultes et d’enfants. Elle permet aux chœurs membres de bénéficier d’une meilleure visibilité auprès du public, des autorités, des médias, etc. Elle s’engage aussi fortement dans la formation musicale et la direction chorale, notamment au Conservatoire.

Chaque société organise au minimum un concert annuel, auquel sont régulièrement associés des musiciens professionnels. On invite un orchestre à accompagner un chœur, on a recours à des solistes, à des chefs invités. De nombreuses convergences sont ainsi observées, qui démontrent que les mondes professionnels et amateurs ne sont pas aussi éloignés qu’on pourrait le supposer.

La grande densité de membres proprement dits et le réseau des personnes proches de ces sociétés (public, adhérents, enseignants, parents) forment ensemble un groupe de population très important. Hors du système professionnel, les pratiques amateurs font partie intégrante de la vie culturelle du canton et devraient être davantage considérées, d’une part en raison du travail de formation qu’elles assument auprès des jeunes, et d’autre part parce que leurs activités touchent un public très important. Les pratiques amateurs seront donc intégrées à notre réflexion. Ce point sera repris dans le chapitre consacré à la démocratisation et à la médiation culturelle.

2 . 2. 5 . L e f i n a nc em e n t d e l a c ul tu r e da n s l e c ant o n d e F ri b o u rg .

Le problème des finances allouées à la culture est le nerf de la guerre à Fribourg comme ailleurs.

En effet, actuellement certaines difficultés, voire certaines rivalités entre les structures génèrent une situation peu constructive. Il nous semble important d’en donner ici certains détails.

Au travers de la LAC et des montants mis à sa disposition, le Service de la Culture a pour mission d’attribuer des subventions pour le développement et la conservation du patrimoine culturel fribourgeois, ainsi que pour la promotion de la culture de manière globale. Cette aide se concentre sur les lieux de création et les artistes.

Pour la plupart des prestataires culturels, ces subventions sont complétées par l’antenne fribourgeoise de la Loterie romande et par des sponsors privés.

Depuis l’entrée en vigueur de la LAC, il est établi qu’il appartient aux communes de coopérer pour contribuer à la promotion des activités culturelles. Aussi, certaines communes de l’agglomération fribourgeoise se sont-elles regroupées en 2002 pour créer le concept Coriolis Promotion, dont le but était de « favoriser la consolidation et le développement de la plate-forme culturelle

6 C.f. Entretien du 25 avril 2012 avec Monsieur Xavier Koënig, Président de la société cantonale des Musiques fribourgeoises.

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fribourgeoise dans le cadre d’une structure juridique et d’un financement indépendant des nouvelles infrastructures» 7. A partir du 1er janvier 2010, c’est l’Agglomération de Fribourg (Agglo) qui a repris les droits et obligations de cette association. En parallèle, une autre structure également constituée de quelques communes du Grand-Fribourg (Coriolis Infrastructures) s’occupe de la répartition d’une partie du bénéfice du Casino Barrière de Fribourg en vue de réaliser et de financer le fonctionnement de l’Espace Nuithonie et d’Equilibre, par le biais d’un Fonds culturel dont le règlement est approuvé par la Commission fédérale des maisons de jeux. Ainsi, les structures situées dans l’agglomération fribourgeoise bénéficient-elles de fonds supplémentaires provenant des bénéfices du casino.

Cette situation particulière a généré certaines tensions du côté des acteurs culturels des régions périphériques (hors Agglo) qui estimaient que les bénéfices du casino devaient revenir à l’ensemble de la population du canton plutôt à la seule agglomération du Grand-Fribourg. En 2009, les députés gruériens Raoul Girard et Yves Menoud questionnent le Conseil d’Etat à ce sujet. Celui-ci rappelle dans sa réponse que l’arrangement trouvé entre le Casino Barrière et Coriolis Infrastructures ne découle pas d’une démarche active de l’Etat. Il s’agit d’un accord privé entre deux partenaires. En revanche, le Département de Justice et Police s’activera par la suite auprès de la société propriétaire du casino afin qu’elle consente à une nouvelle réduction de ses bénéfices et lui accordera un allègement fiscal recalculé en proportion. Les fonds ainsi dégagés sont depuis 2010 redistribués par le Service de la Culture de l’Etat à différentes structures situées hors Agglo. Les bénéficiaires sont actuellement au nombre de cinq, un par district périphérique possédant une salle de spectacle d’importance régionale. Les fonds y sont répartis sur le principe de subsidiarité : l’Etat aligne son aide en proportion de ce que les communes concernées attribuent pour la culture. L’Etat ne veut pas se substituer aux communes. Il doit soutenir et récompenser les efforts que celles-ci consentent en faveur de la culture.

Dès lors, les esprits se calment, même s’il demeure de grosses différences entre les montants distribués sur l’Agglo et ceux reversés dans les districts. Cet épisode démontre un climat relativement tendu, dans lequel des dérapages pourraient bien ressurgir à l’avenir. Si le Service de la Culture joue bien son rôle de « guichet » pour les créateurs, il s’est pour l’instant peu investi pour réunir et fédérer les prestataires culturels. Mis à part les rencontres organisées en 2008 dans le cadre des échanges culturels avec l’Alsace, les différents responsables culturels ne sont pas réunis régulièrement. Le Service de la culture pourrait cependant devancer bien des tensions en fédérant les prestataires culturels, par exemple autour d’un projet commun. Dans cette optique, il parait essentiel que le programme Culture+, s’il est mis en œuvre, soit piloté par le Service de la culture.

De par sa position, ce service peut influer sur l’ensemble des prestataires culturels, favoriser les convergences et assurer une certaine cohésion au programme. En les réunissant autour d’un projet d’envergure cantonale, le Service de la Culture rappellerait aux milieux culturels que tous servent une même cause : la vie culturelle du canton de Fribourg. On ne parlerait ainsi plus uniquement de subventions mais aussi de collaboration, de recherche de solutions communes, de spécificités locales, etc.

En mars 2012, la chancellerie de l’Etat de Fribourg annonçait que pour la dixième année consécutive, les comptes de l’Etat seraient positifs. Le bénéfice net s’élevait à 2,8 millions de francs et la fortune nette du canton à 886 millions.

Selon le Conseiller d’Etat Béat Vonlanthen, directeur de l’économie et de l’emploi, la très bonne santé économique du canton de Fribourg s’explique par sa croissance démographique, l’une des plus forte de Suisse depuis plusieurs années8. Ainsi, 4000 nouveaux habitants s’y installent annuellement. Ils apprécient ses finances saines, son faible taux de chômage, la qualité de vie qu’on y trouve ou encore l’importante réserve de terrains à bâtir accessibles. Fribourg est par ailleurs le canton suisse avec la population la plus jeune. Ses bons résultats dans les études PISA motivent certainement les jeunes familles à venir s’y établir. De nombreux pendulaires vivent

7C.f. www.coriolis-fr.com/rubrique_fr_php ?id_rubrique=23.

8 C.f. « Perspectives de l’économie fribourgeoise, une dynamique en équilibre », Institut Créa, Unil, 2011

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également sur Fribourg (idéalement situé entre Lausanne et Berne) et y dépensent leurs revenus, tout en travaillant à l’extérieur. Selon les milieux économiques, le risque de voir le canton se laisser entraîner vers un développement de type exclusivement résidentiel existe. On entend par-là une croissance économique uniquement liée à la démographie et donc aux domaines de la construction et aux branches du commerce. Il faudra ainsi veiller à l’avenir à favoriser un tissu d’entreprises aussi varié que possible pour garantir la pérennité de la croissance.

Rappelons qu’au niveau national, le secteur de la culture génère 4,5% du PIB9. Par ailleurs, une offre culturelle riche influe sur la qualité de vie et revêt un caractère important en regard de l’immigration massive que connaît le canton de Fribourg. En effet, les nouveaux arrivants doivent pouvoir intégrer la vie culturelle fribourgeoise et reporter leurs habitudes de consommation dans leur nouveau canton de domicile, dès lors que suffisamment d’information circule et que l’offre est intéressante. Si l’on considère de surcroît que, dans le même temps, l’emploi dans le secteur tertiaire a fortement progressé, on peut en déduire que le public potentiel pour la culture a parallèlement augmenté ces dix dernières années. Ce contexte semble dès lors particulièrement favorable à un programme de fidélisation étendu.

2.3. Vers une nouvelle image du canton

En Suisse, ce sont plutôt les villes qui prennent l’option de vendre une image empreinte de culture.

Elles valorisent leur patrimoine, leurs artistes et leurs lieux de culture afin de donner une image attractive pour l’extérieur. L’offre culturelle est un atout et illustre une certaine qualité de vie. Les cantons quant à eux n’ont pas fait ce choix. Ils s’illustrent plus volontiers au travers de leurs compétences économiques ou technologiques.

Quelle est l’image de Fribourg ? Tantôt « ville d’art et de culture », tantôt « ville de ponts », la capitale cantonale peine à se situer. Quant au canton, il est encore victime, dans l’esprit de bon nombre de Romands, des clichés liés à son conservatisme. Or, l’offre culturelle fribourgeoise est aujourd’hui riche et bien structurée. Elle tient compte du bilinguisme, elle laisse de la place à tous les genres artistiques et elle est présente dans tous les districts. Le canton est doté d’une loi sur les affaires culturelles efficiente et ses finances lui permettent d’octroyer une aide financière aux créateurs et aux structures qui les accueillent.

En 2012, le Conseil d’Etat a manifesté sa volonté de profiler le canton. Il a créé un groupe interdépartemental pour la mise en valeur de son image. Le Service de la Culture ayant été associé à ce groupe, on peut souhaiter que Fribourg se révèle sans complexe à l’avenir, s’agissant de la qualité de son offre culturelle.10

Les résultats financiers du canton sont donc au beau fixe. Dans ces conditions, il est clair que chaque département, chaque service de l’Etat cherchera à obtenir davantage de moyens à l’avenir.

C’est sans doute sur la qualité de projets concrets et innovants que la répartition pourra se faire. Un projet novateur et dynamique, bénéficiant à l’ensemble de la population, aurait ainsi des chances de se voir attribuer une rallonge de budget. Notre réflexion à propos de nouveaux outils pour dynamiser la consommation culturelle s’inscrirait parfaitement dans cette volonté d’innover en présentant une offre unique en Suisse romande et en hissant la culture parmi les atouts du canton.

9C.f. « Message de la Confédération concernant l’encouragement de la culture pour la période 2012 à 2015 », 20.01.12

10 C.f. entretien du 1er mars 2012 avec Monsieur Gérald Berger, chef du service de la culture du canton de Fribourg

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3. LA CONSOMMATION CULTURELLE

3.1. Notions générales

Il convient de tenir compte de très nombreux facteurs lorsqu’on s’intéresse au consommateur culturel. Bourdieu propose une approche multidirectionnelle, basée sur deux axes principaux que sont : le capital économique et le capital culturel. Il recommande en outre une grande prudence dans l’approche de ces catégories, qui sont par nature réductrices. Bourdieu établit un schéma qui superpose les données et met en lien un type de consommateur et un type de consommation.

Graphique superposant l’espace des positions sociales et celui des styles de vie

Illustration n°2

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D’autres auteurs, comme Lahire ou Benhamou s’intéressent, avec Bourdieu, aux nuances à apporter à cette approche multidirectionnelle. Le capital social, le genre, l’âge, la situation géographique, le niveau de formation et la quantité de temps libre sont des facteurs influents. On présuppose par exemple qu’un bon salaire permet une vie culturelle plus dense. Or, le facteur temps vient interférer dans ce modèle : une fonction de cadre supérieur par exemple, laisse peu de temps aux loisirs, ce que Françoise Benhamou appelle le « coût du temps ». On ne voit ainsi pas d’augmentation significative des consommations culturelles en fonction de l’augmentation du salaire.

On constate également l’importance du bagage culturel (habitudes familiales) sur le choix des genres artistiques. Ainsi, on trouve une part de population bien formée et aisée, exerçant des postes à responsabilité, qui lorsqu’elle va au théâtre préfèrera le genre boulevard au théâtre contemporain parce que ses connaissances antérieures du théâtre sont insuffisantes.

Par ailleurs, le consommateur culturel n’est pas identifié une fois pour toute. Sa consommation va évoluer en fonction de son âge, des étapes de sa vie, de l’accessibilité de l’offre. La consommation de biens culturels a un côté addictif. Elle fonctionne sur la base de la satisfaction et de l’expérience vécue. Le plaisir augmente au fil des consommations, ce qui n’est pas le cas pour les achats de biens de consommation classiques. Le prix du produit a au final peu d’incidence sur l’envie de consommer (s’agissant de produits culturels non industriels) : c’est bien le contenu qui va décider le consommateur. Celui-ci est prêt à débourser des sommes importantes pour assister par exemple au concert de son groupe préféré.

3.2. La consommation culturelle en Suisse et en France

La situation de la consommation culturelle en Suisse est aujourd’hui documentée. L’office fédéral de la statistique (OFS) a mené une première enquête nationale en 2008, dont l’analyse des résultats a été publiée en 2011. Ces documents nous donnent des renseignements actuels sur les pratiques culturelles en Suisse. Brièvement, relevons les principales observations significatives pour notre projet :

 Une fréquentation importante mais peu régulière. La Suisse obtient des résultats comparables à ses voisins européens.

 Les activités culturelles varient avec l’âge : ce sont les jeunes qui profitent le plus de l’offre, en favorisant le cinéma, les concerts et les festivals. Les plus de 45 ans s’intéressent davantage au théâtre, aux expositions et aux musées.

 Les personnes ayant un parcours scolaire court consomment moins que les universitaires ou les diplômés du tertiaire.

Le revenu est parfois un frein, notamment dans la consommation de théâtre, musée et cinéma.

Le facteur temps joue un rôle important.

 La plus grande partie des activités culturelles se déroulent en ville.

 Les jeunes Suisses sont avides de culture, davantage que la moyenne européenne. Plus ils consomment, plus ils souhaiteraient consommer.

Avant cette enquête de 2008, d’autres données pour la Suisse sont disponibles, notamment

le micro recensement de 1988, qui a permis de mieux saisir les comportements culturels des Suisses en matière de loisirs. Le terme « culture » était compris au sens large. On cherchait à savoir à quoi les Suisses utilisaient leur temps libre. D’autres études ont été menées, mais elles se limitaient à un domaine spécifique (par exemple la lecture) ou à une région géographique.

Toutefois, on ne peut compter sur aucune enquête régulière et systématique en Suisse pour l’instant, puisque l’enquête de 2008 était la première du genre menée dans notre pays. Aussi, pour

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étudier l’évolution de la consommation, nous nous référerons aux études publiées pour la France par le Ministère de la Culture et de la Communication. Réalisées à cinq reprises depuis 1973 sur des modalités identiques, l’enquête « Pratiques culturelles des Français» est un outil de grande valeur lorsque l’on s’intéresse à l’évolution des comportements culturels. Olivier Donnat donne une analyse rétrospective des cinq éditions de l’enquête11. Peu de choses ont changé en 35 ans. Les inégalités sociales perdurent et les jeunes générations restent à l’origine des changements dans les habitudes de consommation. Globalement, O. Donnat relève que « la continuité l’emporte largement sur le changement». Il dégage toutefois quelques tendances importantes. Le recul de la lecture d’imprimés et le boom de la musique enregistrée sont largement commentés. Ces points ont toutefois peu de liens avec notre projet. En revanche, l’essor des pratiques culturelles amateurs est intéressant et va dans le sens des éléments développés plus haut, s’agissant de la situation de Fribourg. Par ailleurs, nous nous arrêterons sur deux autres aspects significatifs traités, à savoir la culture d’écran et la fréquentation des établissements culturels.

- Culture d’écran

Durant la dernière décennie, les équipements liés à l’audio-visuel et à la musique se sont multipliés dans les ménages. L’offre a également considérablement augmenté dans ces domaines. L’arrivée d’internet a notablement modifié la donne, sans parler de l’émergence du numérique, qui à lui seul a révolutionné les domaines du livre, du cinéma et de la musique enregistrée. On constate aujourd’hui un transfert d’un écran à un autre. Le temps passé devant la télévision se reporterait sur l’ordinateur, mais davantage au niveau des jeunes générations. Intuitivement, on pouvait craindre que le temps passé à surfer péjore la consommation culturelle. Or, il n’en est rien. Il semble que les personnes qui passent le plus de temps sur le net sont également de gros consommateurs de culture. Le net donne accès à une offre de plus en plus conséquente et mondialisée. Le consommateur adopte progressivement un mode de vie de type urbain. Il reçoit de l’information où qu’il se trouve. Il a davantage de choix. Il ne diminue pas sa consommation pour autant, mais la dilue.

- Fréquentation des établissements culturels à la hausse

Le nombre de personnes fréquentant les infrastructures culturelles a globalement augmenté en France depuis les années 70, augmentation due à différents facteurs : on est jeune plus longtemps (allongement de la période de vie sans enfant), on est mieux formé, on est davantage mobile, on a plus de temps libre et un meilleur pouvoir d’achat. Le statut des femmes a changé depuis les années 70 et leur a permis de participer plus activement à la vie culturelle. Elles sont maintenant plus nombreuses que les hommes à consommer de la culture. Sur les dernières années étudiées, le nombre d’habitués des structures n’a pas bougé. C’est du côté des utilisateurs occasionnels que se situe l’essentiel de l’augmentation.

On retrouve donc ici aussi ce phénomène de dilution des publics, conséquence d’une offre et d’un accès à l’offre toujours grandissant.

En résumé, on retiendra pour notre réflexion qu’en Suisse romande comme en France, le public manifeste un fort désir pour la culture (loisirs, arts). Globalement, le public des structures culturelles se féminise. Il consomme de manière stable, selon ses goûts, son niveau de formation et son identité culturelle, mais n’est pas très fidèle ou régulier dans ses consommations hors du domicile.

Le mode de vie actuel (mobilité, l’accès facilité à l’information) lui permet de goûter à une offre très diversifiée. L’âge et le revenu influencent encore significativement certains domaines artistiques ou culturels.

11C.f. Olivier Donnat, « Pratiques culturelles 1973-2008, Questions de mesure et d’interprétation des résultats », Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, DEPS, collection « Culture méthodes », 2011-2, décembre 2011

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3.3. La consommation culturelle dans le canton de Fribourg

Afin d’avoir un aperçu des tendances actuelles en matière de consommation d’art dans notre canton, nous souhaitions procéder à une récolte de données auprès de divers lieux culturels représentatifs, car il n’existe pas de base de données commune pour le canton. Nous espérions y observer l’évolution des fréquentations sur les quatre dernières années, des éventuelles différences entre ville et campagne, entre domaine muséal et spectacle vivant, etc. Or, nous en sommes loin.

Concernant les musées, des données de fréquentation sont collectées régulièrement par l’Union Fribourgeoise du Tourisme auprès des musées. L’UFT ne fixe pas de critères précis et se contente de demander aux structures de fournir leur nombre de visiteurs annuels. Ainsi, il est difficile de considérer ces chiffres comme fiables. Prenons pour exemple le cas du Vitromusée de Romont.

Durant quelques années, on a comptabilisé non seulement le nombre de visiteurs, mais également le nombre de personnes venant assister à des manifestations privées dans l’enceinte du musée, sans volonté de le visiter. Puis, le mot d’ordre a changé en interne et ces « visiteurs » n’ont plus été dénombrés. Nous joignons tout de même les statistiques de l’UFT en annexe12 pour information et les considérerons avec la prudence requise. Leur analyse en l’état donne les tendances pour chaque musée sur des périodes allant de deux à trois ans. On peut ainsi suivre l’évolution d’un musée, comparer les résultats des musées entre eux. Certains musées tiennent cependant un comptage mensuel permettant de comparer le succès des différentes expositions temporaires et de mettre en lumière les fluctuations éventuelles du public en fonction des périodes de vacances, du lancement de nouvelles expositions, etc.

Pour le spectacle vivant, la recherche s’est avérée difficile car la tenue de statistiques régulières n’est pas une pratique systématique dans les salles. Il est à relever que les lieux contactés ont montré un vif intérêt pour nos recherches et pour notre projet. Toutefois, les données fournies étaient difficilement exploitables en terme statistique, tant les méthodes de calcul différaient d’un lieu à l’autre. Imposer aux participants des critères identiques et leur demander d’effectuer les calculs nécessaires sur plusieurs années d’exploitation nous a finalement semblé être un travail titanesque, sans rapport avec les bénéfices escomptés en terme de données valables pour ce travail. Les problèmes dans la récolte de données fiables sont les suivants :

- Les décomptes sont inexistants ou lacunaires

- Le renouvellement des collaborateurs dans les structures provoque souvent la perte de certaines données, ou tout au moins des changements dans la manière de traiter les données. Les chiffres ne sont donc plus suffisamment fiables pour être traités.

- Plusieurs lieux sont gérés par des comités bénévoles. La tenue des statistiques n’est pas leur priorité car elle prend beaucoup de temps.

- La plupart des lieux d’accueil sont modulables en fonction du spectacle ou du concert accueilli. Les jauges varient fortement.

- Les lieux d’accueil ne comptabilisent pas l’ensemble des événements qu’ils proposent. Par exemple, une salle de concert comptabilise son public pour les concerts, mais n’inclue pas les soirées DJ.

- On n’est pas tenu légalement de tenir des statistiques. Les chiffres ne sont destinés qu’à usage interne. Ils n’ont pas à être transmis de façon officielle, donc on n’y consacre peu de force de travail.

- Les taux de fréquentation ne sont pas considérés comme une preuve de vigueur d’une structure et n’entrent évidemment pas en ligne de compte dans le cadre des demandes de subvention.

- Certaines structures fonctionnent sur l’année civile et d’autres en saisons.

- Les représentations scolaires ne sont pas comptabilisées partout.

- Plusieurs salles organisent une saison culturelle parmi d’autres activités hors saison. Elles ne tiennent pas compte de ces dernières dans leurs statistiques.

12 C.f. Annexes 4 et 5

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- Certaines salles n’existent que depuis deux ans.

- Les chiffres peuvent être manipulés, notamment lorsque les statistiques de fréquentation sont utilisées pour motiver des sponsors.

Voici, ci-dessous, les chiffres collectés qui illustrent par eux-mêmes la difficulté de leur exploitation.

Ces chiffres ont été obtenus soit directement auprès des structures, soit dans les rapports d’activités de celles-ci.

Le manque de statistiques régulières reflète également l’utilité de Culture+. En effet, la mise en place au niveau cantonal de notre programme devrait permettre de disposer d’une foule de données relatives, par exemple, à la provenance du public, à son âge, à la fréquence de sa consommation, etc. Une telle base de données intéresserait sans doute nombre de structures n’ayant pas les moyens d’assurer par elles-mêmes de telles recherches.

Par ailleurs, on constate au travers de ces chiffres, et comme on pouvait s’en douter, que les salles présentant du spectacle vivant ne parviennent pas à remplir leur jauge. Même un lieu aussi prestigieux et visité que le Théâtre des Osses voit sa fréquentation plafonner à un moment donné.

Notre démarche d’analyse chiffrée ne pouvant aboutir faute de données fiables, nous avons choisi de compléter notre recherche par une enquête. Réalisé auprès de différents lieux culturels du canton, ce travail a permis de connaître leurs préoccupations en matière de fidélisation. Nous Structure Saison 2008-

2009 ou année 2008

Saison 2009- 2010 ou année 2009

Saison 2010- 2011 ou année 2010

Remarques

Théâtre Nuithonie

88.1% 88.1% 86.5% Fréquentation globale sur la saison Théâtre des

Osses

11’680 spectateurs sur la saison

= 84,3 % en moyenne sur la saison

11’424 spectateurs sur la saison

13'092 spectateurs sur la saison

= 84% en moyenne sur la saison

Les jauges varient à chaque représentation. Les résultats en % de fréquentation par spectacle ne sont pas disponibles pour 09-10. On ne tient pas compte des cafés littéraires.

Le nouveau monde

Pas de chiffres

68.75% 67.38% Fréquentation globale sur la saison La gare aux

sorcières

37,5% 59,9% 65,8% Fréquentation globale sur la saison Ebullition 120 entrées

en moyenne par événement

122 entrées en moyenne par événement

98 entrées en moyenne par événement

Les soirées gratuites ne sont pas comptabilisées.

Fri-son 44’625 spectateurs

sur la saison

44’236 spectateurs sur la saison

46’443 spectateurs sur la saison

Les événements sont répartis sur deux salles qui comptent respectivement 1300 et 300 places debout.

L’Arbanel 2055 spectateurs

sur la saison

2046 spectateurs sur la saison

2243 spectateurs sur la saison

La salle compte environ 140 places, selon la configuration et propose environ 35 événements.

Kultur im Podium

75,1% 76,9% 65% Fréquentation globale sur la saison

Univers@lle Pas de

chiffres

130 entrées en moyenne par événement

250 entrées en moyenne par événement

La salle compte 266 places sans le balcon (96 places de plus). Le nombre de spectacles par saison n’est pas communiqué.

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souhaitions également découvrir les différents programmes déjà mis en place par les structures et bénéficier des expériences accumulées.

3.4. Enquête auprès de trois lieux représentatifs

Pour cette enquête, nous nous sommes limités au domaine du théâtre. Nous avons choisi de contacter trois lieux de types bien différents, dont nous exposerons les spécificités. Toutefois, ces théâtres ont en commun d’exister depuis plusieurs années, en fonctionnant de manière stable, avec les mêmes personnes à leur tête. Cette configuration nous permet de bénéficier d’interlocuteurs dont l’ancienneté garantit une bonne connaissance du contexte culturel, du public, une vue d’ensemble sur ce qui a été entrepris dans le théâtre. Cette capacité de recul nous semblait nécessaire pour revenir sur les préoccupations et les stratégies qui ont prévalues dans ces théâtres, sur les dix dernières années environ.

- Le Théâtre des Osses, Centre dramatique fribourgeois à Givisiez, dans la périphérie proche de Fribourg. Depuis plus de 30 ans, il s’agit du haut lieu de la création dans le canton de Fribourg. Dirigé par Gisèle Sallin et Véronique Mermoud, le Théâtre des Osses crée la quasi-totalité de sa programmation et possède sa propre troupe de comédiens. La structure est composée d’un studio de 70 places et d’une salle de théâtre de 130 places. Le centre bénéficie notamment d’une aide pluriannuelle à la création de l’Etat de Fribourg.

- La salle CO2 à la Tour-de-Trême, à côté de Bulle. Ce lieu est dévolu exclusivement à l’accueil. Depuis 2004, il propose chaque année une quinzaine de spectacles dans le cadre de sa saison culturelle, alliant théâtre, musique, danse et chanson. En parallèle, un agent indépendant mène une programmation hors saison concentrée sur l’humour et le théâtre de boulevard. Par ailleurs, la salle peut être louée pour d’autres types de manifestations, comme des conférences, des spectacles amateurs ou professionnels. Finalement, la salle est également utilisée à des fins scolaires par le cycle d’orientation. Propriété de l’ensemble des communes du district de la Gruyère, la salle compte 750 places. Elle est gérée par le CCIG, commission culturelle intercommunale de la Gruyère, qui comprend 20 communes sur les 26 que compte le district.

- Le Théâtre de l’Arbanel se situe à Treyvaux, dans la campagne fribourgeoise. C’est à la fois un café-théâtre de 150 places et une troupe de théâtre amateur. Aménagé, géré et animé par une association à but non lucratif, la salle propose une saison culturelle d’une dizaine de spectacles professionnels, ainsi que diverses activités culturelles telles que expositions, soirées lecture, cinéma, contes,…. Depuis sa création en 1973 la structure s’autogère, avec l’aide de la Loterie Romande et de soutiens privés.

Pour chacun des trois théâtres, une entrevue enregistrée d’environ une heure a eu lieu avec une personne ayant une fonction à responsabilité. Il s’agit de :

- Madame Sara Nyikus, chargée de diffusion et attachée de presse pour le Théâtre des Osses depuis 2005. Nous avons fait parvenir nos questions au préalable à Madame Nyikus, afin qu’elle puisse s’informer auprès des directrices et compléter ses propres connaissances.

- Monsieur Dominique Rime, directeur artistique de la salle CO2 à la Tour-de-Trême depuis son ouverture en 2004.

- Madame Gabrielle Jenny, membre du comité de l’Arbanel, responsable de la billetterie et des finances.

Les transcriptions de ces entretiens figurent en annexe13.

13 C.f. Annexes 6, 7 et 8.

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Nous avons posé différentes questions à nos interlocuteurs, s’agissant de leur public, des problématiques de fidélisation et de convergences entre structures. Nous avons également voulu connaître leur avis sur le principe d’un programme de fidélisation commun à l’ensemble des structures culturelles du canton.

Les Osses et l’Arbanel sont des lieux aux capacités d’accueil modestes, mais très chaleureux. La longue histoire de ces deux structures leur a permis de se constituer un public très fidèle et ouvert à la découverte de nouveaux objets artistiques. Le cas de CO2 est différent. Les productions romandes ont davantage de peine à trouver leur public à CO2, qui est une très grande salle.

Dominique Rime tient à conserver 50 % de création romande dans sa programmation, même s’il pourrait accroître considérablement la fréquentation de sa salle en se limitant aux succès parisiens.

On sent au travers de ce genre de témoignage que la diffusion du travail des artistes suisses reste une mission primordiale pour certains lieux. Elle dépend toutefois fortement du subventionnement des collectivités publiques et de la Loterie Romande.

A l’Arbanel et aux Osses, nous l’avons dit, le public est très fidèle. Par conséquent, l’âge moyen des spectateurs augmente. Des pistes sont d’ores et déjà explorées, dans un but de renouveler et de rajeunir le public. Les Osses par exemple, grâce aux nombreuses scolaires organisées, augmente régulièrement le nombre de ses abonnés étudiants.

Dans les lieux contactés, la mise en place d’un programme de fidélisation passe généralement au second plan, faute de moyens et de personnel. L’ensemble de l’effort reste donc concentré sur la promotion. Les structures ont différents systèmes d’abonnements, avec en plus pour les Osses, une possibilité de devenir « membre ami ». A signaler que nos interlocuteurs associent d’une certaine façon promotion et fidélisation. Cependant, l’âge moyen du public est unanimement qualifié de plutôt âgé. A CO2, on lie l’âge des spectateurs aux tarifs pratiqués qui, même s’ils demeurent moindres que sur l’arc lémanique, restent assez importants et limitent l’accès aux salles aux personnes qui disposent d’un revenu confortable.

La tendance générale qui se dégage de cette enquête montre que peu d’actions de fidélisation proprement dites ont été menées. Dans ces lieux, la fidélisation passe par la qualité de la programmation et la qualité de l’accueil. L’offre est diverse et complétée par des événements parallèles (conférence, moments d’échange entre les artistes et le public, représentations scolaires). On estime que si le public se sent bien accueilli, qu’il bénéficie d’un bon programme, il reviendra.

On constate également que plusieurs structures, toujours pour les mêmes raisons de temps et de moyens, ne disposent pas d’informations précises relatives à leur public. Et lorsque, ponctuellement, elles parviennent à en récolter, elles ont ensuite du mal à les exploiter pratiquement.

Concernant la possibilité de regrouper les forces des structures fribourgeoises en vue d’un programme commun de fidélisation, les avis sont positifs. Les férus de culture en seraient ravis. On admet volontiers que la concurrence est rude dans le canton où chacun se bat pour ses exclusivités. Pour cette raison, les structures se rapprochent peu les unes des autres. Les personnes interrogées font également part de certaines réserves au sujet du projet. Pour que cela fonctionne, on pense qu’il faudrait expressément que le programme soit mené par un intervenant (ou groupe) indépendant, non lié à une des salles actuelles. L’intervention nécessaire de la DICS est évoquée. Il est relevé que les cartes de tous ordres se multiplient dans les portefeuilles des gens et que par conséquent, une nouvelle carte ne serait probablement pas bien reçue. Il vaudrait mieux songer à un autre support.

Une fois informés des détails de fonctionnement du projet Culture+, nos interlocuteurs voient plusieurs atouts à ce projet. Le programme incite le public à découvrir de nouveaux lieux et de nouveaux objets culturels. Il récompense la fidélité. Il favorise notamment les jeunes.

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3.5 Synthèse

Au travers des différents contacts que nous avons pu établir hors enquête, nous avons constaté que la fidélisation et le renouvellement du public préoccupent l’ensemble des prestataires culturels.

Les musées connaissent généralement des pics de fréquentation sur certaines expositions temporaires, qui succèdent à des périodes creuses. Concernant les festivals, la problématique est différente, puisque ceux-ci sont davantage tributaires des conditions météo. Pour terminer, dans le domaine des pratiques amateurs, ce sont souvent les proches et les amis qui assistent aux manifestations. Là aussi, le renouvellement du public est un souci.

4. LA PROMOTION DE LA CULTURE14 4.1. La position de l’Etat

La mission de promotion de la culture revient à la fois aux autorités et aux prestataires culturels.

Les premières interviennent de façon indirecte, en amont, au travers du subventionnement de la création. Les seconds agissent directement en direction du public, par des actions de médiation, du marketing, de l’information ou des programmes de fidélisation.

Aujourd’hui, tous les cantons romands se sont dotés d’une loi sur la culture. Globalement, les lois cantonales se ressemblent : promotion de la création, sauvegarde du patrimoine, soutien aux infrastructures culturelles cantonales (bibliothèques, musées). L’indépendance des créateurs et des programmateurs est garantie. La volonté de rendre la culture accessible à tous est également récurrente. Ce dernier point, dans les faits, est mis en œuvre indirectement, au travers du subventionnement. Les cantons prennent en charge une partie des coûts de production et ce soutien permet ensuite de réduire le prix des billets. On peut donc parler de facilitation, plus que d’encouragement.

Les différents services culturels disposent au minimum d’un site internet sur lequel figure en toute transparence l’ensemble des institutions soutenues. Lorsqu’un événement est soutenu, le logo du service de la culture figure généralement sur le matériel de communication et de promotion du projet. Ce petit repère n’est pas perçu comme un argument promotionnel par les services culturels, mais davantage comme une indication de provenance du produit, voire aussi comme une preuve de transparence, qui indique aux citoyens que l’Etat est intervenu financièrement.

Les cantons font donc savoir qu’ils soutiennent, mais interviennent peu dans la promotion de produits culturels en particulier, si ce n’est, parfois, dans l’offre proposée au jeune public. Le relais est généralement passé aux organes cantonaux de tourisme pour lister l’ensemble des événements culturels et alimenter un agenda des manifestations. Ainsi, l’Etat ne doit pas intervenir activement dans la promotion d’événements. Son rôle n’est pas de choisir ou de mettre en évidence certaines œuvres au détriment d’autres. Une « labellisation » de certains produits culturels par un canton déboucherait sur une forme de catalogue de référence et on devine bien les risques et les enjeux éthiques qui en découleraient. Les services cantonaux sont donc attentifs à éviter tout dérapage vers une culture commune dictée par l’Etat, dans laquelle les créateurs finiraient par ne pouvoir proposer que ce qui plaît aux autorités. Contrairement aux vœux de Malraux, l’Etat ne cherche plus aujourd’hui à orienter les individus vers des œuvres « majeures » puis à rendre celles-ci accessibles au plus grand nombre. Il agit davantage comme un prestataire de services. Ainsi, le soin de faire la publicité des produits culturels est-il laissé aux structures elles-mêmes.

Le programme Culture+ propose de repenser la position de l’Etat dans la promotion de la culture et c’est là l’une des innovations de ce programme. Dans ce cas, parallèlement au subventionnement

14 C.f informations obtenues auprès de M. Jean-Daniel Jaggi, adjoint au Département de l’éducation, de la culture et des sports du canton de Neuchâtel, le 13 avril 2012 et auprès de Mme Dominique Perruchoud, directrice adjointe du Service cantonal de la culture du canton de Genève, le 13 février 2012.

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de la création, le canton prend l’initiative de mener une action directe de promotion auprès du public. Cet aspect sera développé dans le chapitre 7.

4.2. Les limites de la médiation culturelle

Lorsqu’on souhaite élargir son public et augmenter sa consommation, on cherche généralement du côté de la médiation culturelle, qui a longtemps été vue comme LA solution permettant de rapprocher le public et l’art. Le projet Culture+ ne prend pas cette direction. Toutefois, l’étude de la médiation culturelle et de ses limites implique de s’interroger à nouveau sur le sens à donner au mot culture. Cette réflexion amène également à envisager le décloisonnement comme un outil au service de promotion de la culture.

Par médiation culturelle, on entend communément l’ensemble des actions destinées à mettre un public en lien avec une œuvre. Dès les années 60, des activités de médiation au sens pédagogique ont ainsi été mises en place dans les structures aussi bien que dans les services culturels. Le médiateur culturel allait aider à la démocratisation de la culture proposée plus tôt par Malraux. On nourrissait l’espoir qu’une fois épaulé, le public réfractaire à l’art parviendrait à jouir pleinement de l’offre culturelle mise à sa disposition. Des budgets ont été consacrés à l’élaboration et à la conduite d’activités allant dans ce sens. Mais après plusieurs décennies d’efforts, force est de constater que la médiation culturelle n’a pas encore atteint ses objectifs. Tout au plus ce concept aura-t-il permis d’augmenter la consommation culturelle d’une tranche de population qui en consommait déjà, à savoir très majoritairement le groupe des personnes au bénéfice d’études supérieures et d’un revenu confortable. En revanche, il n’a pas permis de « convertir » durablement de nouveaux publics. Il semble que notre société soit constituée d’une part d’individus qui ne fréquentent ni expositions, ni théâtres, ni musées, ni salles de concert et qui par ailleurs ne demandent rien et n’attendent rien de l’art. Il s’agirait même d’une partie largement majoritaire de la population française, selon le ministre Catherine Trautmann en 1998, s’exprimant en marge de la parution de la « Charte des missions de service public pour le spectacle vivant ».

L’erreur concernant la médiation aura été l’idée qu’on pouvait réunir tout le monde autour d’une même appréhension de la culture. On a tendance à assimiler culture et art. Or l’art n’est qu’une forme de culture et il convient de ne pas opposer ces deux concepts.

4.3. Les avantages du décloisonnement

Sans revenir sur la longue liste des différentes définitions du mot culture, on doit constater que bien souvent ce terme a été qualifié de manière infiniment trop restrictive. Au sens commun, la culture est vue comme une forme de communion générale autour de certaines œuvres d’art ou celles qui avaient été reconnues comme telles. Mais cette vision ne tient pas compte de la société humaine dans sa grande diversité. Dans la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 2007, le terme

« culture » « … recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement ». Dans nos démarches de promotion de la culture, nous devons garder à l’esprit le respect de « la dignité culturelle des citoyens »15, décloisonner la culture et l’accueillir dans toute la diversité de ses formes. « Les phénomènes artistiques et culturels contribuent à tisser des relations sociales, à proposer des schèmes d’identification, à nourrir des perspectives imaginaires et sensibles. Bien qu’ils s’expriment d’abord dans des pratiques individuelles, ces phénomènes construisent un sens partagé qui s’incarne dans des normes et des espaces de légitimation. Ils s’inscrivent dans l’ordre du politique. » (Jean Caune, 2008, p.26).

15 Jean-Michel Lucas, www.raison-publique.fr/article284.html, 22.04.2010

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