Article pp.149-152 du Vol.24 n°2-3 (2005)

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Editorial

L'Atelier d’Evaluation de Performances (AEP) est un lieu de rencontre de jeunes chercheurs francophones dans le domaine de l'analyse quantitative des systèmes informatiques, des systèmes automatisés, des réseaux. Avec une périodicité de 1,5 à 3 ans, les dernières éditions se sont déroulées à Grenoble (AEP5, 1995), Versailles (AEP6, 1996) et Paris (ENS rue d’Ulm, AEP7, 2001).

Ce numéro spécial est consacré aux meilleures contributions provenant du 8^ème Atelier d’Evaluation de Performances qui s’est tenu à Reims du 12 au 16 mai 2003.

Cette manifestation était soutenue par le CNRS, l’Université de Reims Champagne- Ardenne et la Ville de Reims. Ces contributions représentent donc une bonne image de la recherche en Evaluation de Performances, et couvrent aussi bien les aspects algorithmiques ou méthodologiques que les applications dans le domaine des réseaux ou des systèmes informatiques. Le processus de sélection a permis de choisir les meilleurs papiers, mais aussi de montrer l’importance de ce domaine dans les équipes françaises et l’étendue thématique tant au niveau des objets étudiés (Internet, CORBA, P2P, réseaux actifs, interaction disque et système) que des techniques utilisées (modèle, simulation, mesure). Cette importance se traduit aussi par plusieurs conférences internationales en France en 2005 : Performance 2005 à Nice en octobre et EPEW à Versailles en juillet.

Les réseaux informatiques constituent de longue date un sujet d’étude privilégié pour l’évaluation de performances. C’est encore le cas ici avec plusieurs problèmes importants qui font l’objet de contributions intéressantes : les réseaux actifs, le contrôle des réseaux TCP et du mécanisme RED, les routeurs et, dans une certaine mesure les systèmes pair à pair.

Tigist Alemu et Alain Jean-Marie présentent dans « Etude de la configuration dynamique des paramètres de RED » un algorithme permettant de fournir les paramètres à un mécanisme adaptatif RED (« Random Early Detection »). RED a été proposé pour gérer les tampons associés à TCP. Avec une gestion classique des paquets en excès (« Drop Tail »), lorsqu’un tampon est plein, on perd le dernier paquet entrant et le mécanisme de temporisation de TCP permet de l’envoyer de nouveau. Mais TCP ajuste alors son débit de façon drastique. Si le tampon est partagé, tous les flots ralentissent puisqu’ils commencent tous à perdre des paquets en même temps. L’idée de RED est de provoquer de façon aléatoire des pertes de paquet alors qu’il reste encore de la place dans les tampons. Ainsi seuls certains flots réduisent leur fenêtre d’émission et le débit global reste élevé. La difficulté consiste

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur tsi.revuesonline.com

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alors à paramétrer ce mécanisme. Alain Jean-Marie et Tigist Alemu ont donc étudié une version adaptative de RED dont les paramètres changent dynamiquement.

Dans « Méthode de décomposition pour l’évaluation de performances de réseaux linéaires de routeurs ON/OFF », Alexandre Royer, Stéphane Mocanu et Christian Commault modélisent un trafic UDP traversant un réseau constitué de plusieurs routeurs. Le trafic UDP est représenté par un fluide, c’est à dire une quantité infiniment divisible et non plus discrète. On perd donc la notion de paquet, mais on peut conserver une partie de la dynamique du phénomène tout en réduisant l’espace d’états du modèle. Le réseau est analysé par décomposition en groupes simples de deux routeurs en s’inspirant d’une technique d’approximation de modèle fluide mise au point pour l’analyse de système de production.

Yvan Calas et Alain Jean-Marie étudient dans l’article « Qualité audio pour un schéma FEC simple », les propriétés d'un schéma de contrôle d'erreur préventif (Forward Error Correction) du trafic audio dans les réseaux. Le transport de flux audio dans l’Internet pose des problèmes bien connus quant à la variation du délai et à la perte de paquets auxquelles ces flux sont très sensibles alors que l’Internet n’offre qu’un service « au mieux » (best effort). Le schéma de correction en avance normalisé par l’IETF consiste à transmettre une copie redondante mais moins fidèle d’un paquet donné avec un paquet transmis par la suite. La complexité de l’étude de l’efficacité de ce procédé tient aux multiples paramètres en jeu : la distance entre l’original et sa copie, la qualité de la copie ainsi que le nombre possible de sources audio avec et sans FEC et la sporadicité de ces flux dans le réseau. L’article présente une analyse fine, fondée sur un modèle chaîne de Markov, de l’impact du schéma FEC sur la qualité du flux audio en fonction de ces différents paramètres.

D’un point de vue plus méthodologique, les techniques actuelles cherchent à structurer l'espace d’états de manière à s’affranchir de la taille du problème ou du moins, à en limiter les conséquences depuis la modélisation jusqu’à la résolution effective. Un exemple de ce type de technique a été proposé voici maintenant vingt ans par Brigitte Plateau grâce aux réseaux d’automates stochastiques (SAN) en temps continu et à la représentation de la matrice de taux de transition d’une chaîne de Markov par une formule tensorielle. Cette représentation très compacte d’objets de très grande taille a depuis été associée à d’autres formalismes : Stochastic Process Algebra ou Stochastic Petri Nets. Ces thèmes de recherche ont été particulièrement développés en France et ce numéro spécial reflète la qualité de ces travaux.

Dans l'article « Réseaux d'automates stochastiques à temps discret », Anne Benoit, Brigitte Plateau et William Stewart revisitent l'extension au temps discret du modèle réseau d'automates stochastiques (SAN) développé au sein de l'équipe depuis la fin des années 1980. Les modèles à temps discret présentent des difficultés spécifiques au regard des modèles à temps continu, dont l’une des plus délicates concerne la sémantique des événements à prendre en compte au même instant. Ces événements peuvent en effet être effectivement simultanés ou sembler l’être dans le modèle en temps discret en raison même de la discrétisation du temps. L’article

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propose une solution pour ce type de problème dans le contexte des SAN. Il expose également la construction de la chaîne de Markov dérivée d'un modèle SAN à temps discret en illustrant cette construction par divers exemples.

Clément Delamare et Patrice Moreaux se penchent dans « Analyse de performance de systèmes décomposables : exemple et mise en œuvre » sur l’analyse quantitative de systèmes décrits à base de composants et sur un outil d’analyse. Les résultats obtenus s’appliquent aux systèmes de production automatisés mais aussi aux systèmes fondés sur CORBA et reposent sur une formalisation par Réseau de Petri, et plus particulièrement une extension avec des objets typés (ou colorés).

Lorsque ces réseaux vérifient, de plus, des contraintes fortes de symétrie, on parle alors de réseaux bien formés et c’est dans ce cadre que se place ce travail. Les principes de décomposition synchrone et asynchrone des réseaux bien formés ont été développés par Serge Haddad et Patrice Moreaux, il y a quelques années. Cette approche permet des gains importants dans la taille des objets traités, à condition de développer les algorithmes adaptés. C’est un des buts de ce travail, l’autre étant de montrer sur des exemples les conditions d’application des décompositions synchrones et asynchrones et leur signification dans le modèle.

Leila Kloul et Amdjed Mokhtari étudient dans « Algèbre des processus pour l'analyse des performances des nœuds actifs », certains aspects des réseaux dont les nœuds, dits actifs, sont dotés de capacité d'exécution de code de gestion du réseau.

De tels nœuds induisent une charge supplémentaire tout en cherchant à améliorer les performances globales du nœud. Il donc est nécessaire d'analyser les effets de leur introduction dans une architecture réseau. Le travail présenté ici cherche à quantifier ces effets sur le flux de paquets standard pour un nœud actif donné. Le modèle d’un nœud est développé dans le contexte de l’algèbre de processus stochastiques PEPA et illustre ainsi l’usage d’un formalisme désormais classique en évaluation de performances. Les résultats numériques sont également comparés à des mesures effectuées sur une plateforme de réseau à nœuds actifs.

Enfin, si les techniques analytiques, les approches numériques et les simulations permettent d’étudier des composants isolés avant leur réalisation, l’évaluation de performances est aussi affaire de mesures sur des systèmes réels dont on ne comprend pas toujours les capacités. Cette approche est toujours plus délicate, il faut étudier des systèmes fermés ou de grande taille. Les spécifications manquent souvent ainsi que les données des constructeurs. Les mesures sont bruitées ou difficilement reproductibles et doivent être traitées par des techniques statistiques adaptées. Nous sommes donc particulièrement heureux d’avoir pu retenir deux articles portant sur des aspects expérimentaux de l’évaluation de performances.

Le premier d’entre eux, « Éléments de caractérisation des environnements des systèmes Pair à Pair » est signé par Georges Da Costa, Corinne Marchand, Olivier Richard et Jean-Marc Vincent. Il s’agit ici de montrer des caractéristiques statistiques rencontrées lors des mesures sur les systèmes Pair à Pair, aussi bien pour les puissances de calcul, les tailles des fichiers, que pour la distribution des

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requêtes et les modèles statistiques des utilisateurs. L’étude se concentre sur le coté client d’un système Pair à Pair et repose sur l’analyse de traces de trafic Internet ou provenant du système Pair à Pair Gnutella ou d’un projet collaboratif pour l’analyse de la qualité sur les connexions ADSL.

L'article de Jalil Boukhobza et Claude Timsit, « Analyse de performances des accès séquentiels aux fichiers sous Windows », présente une étude détaillée des performances du système Windows (API Win32) concernant les entrées/sorties disque intensives. Les mesures de performances sur des systèmes effectifs restent une approche fondamentale dans les problèmes d’évaluation de performances, aussi bien comme travail en amont de la modélisation que comme outil indispensable à la validation des modèles proposés. Les auteurs développent ici une méthodologie d'analyse fine des temps de réponse en lecture/écriture disque de fichiers séquentiels de très grande taille, type de fichiers rencontré par exemple dans les applications multimédia. Ils dressent un panorama exhaustif des performances du système Win32 en fonction des différents paramètres dont disposent les programmeurs d'application. Cette étude complète les résultats publiés sur le sujet et révèle en particulier des différences importantes et systématiques de performance selon le mode d'accès choisi et le nombre d'activités disque simultanées.

Nous voudrions finir cette introduction en remerciant l’équipe éditoriale de TSI pour son aide et pour avoir accepté de diffuser les articles issus de cet Atelier, les référés qui ont permis de choisir les meilleures contributions et tous les auteurs, conférenciers et auditeurs de l’Atelier de Reims. Nous vous souhaitons une bonne lecture et vous donnons rendez-vous au prochain AEP.

Jean-Michel Fourneau PRiSM, Versailles Patrice Moreaux LERI-RESYCOM, Reims LAMSADE, Paris Dauphine