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Caractérisation phylogénétique et fonctionnelle de microbialites et de tapis microbiens

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Jan 2018

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microbialites et de tapis microbiens

Aurélien Saghaï

To cite this version:

Aurélien Saghaï. Caractérisation phylogénétique et fonctionnelle de microbialites et de tapis microbi-

ens. Ecosystèmes. Université Paris-Saclay, 2016. Français. �NNT : 2016SACLS502�. �tel-01674211v2�

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NNT : 2016SACLS502

T HÈSE DE DOCTORAT

DE

L’U NIVERSITÉ P ARIS -S ACLAY

PRÉPARÉE À

L’U NIVERSITÉ P ARIS -S UD

É

COLE

D

OCTORALEN

°577

Structure et Dynamique des Systèmes vivants Spécialité de doctorat : Science de la Vie et de la Santé

Par

Aurélien Saghaï

Caractérisation phylogénétique et fonctionnelle de microbialites et de tapis microbiens

Thèse soutenue à Orsay, le jeudi 8 décembre 2016.

Composition du Jury :

Pierre Capy, Professeur Président

Université Paris-Sud

Béatrice Lauga, Professeure Rapportrice

Université de Pau et des Pays de l'Adour

Timothy Vogel, Professeur Rapporteur

Université de Lyon

Francisco Rodriguez-Valera, Professeur Examinateur

Université Miguel-Hernández

Karim Benzerara, Directeur de recherche Examinateur

Université Pierre et Marie Curie/CNRS

Wolfgang Nitschke, Directeur de recherche Examinateur

Institut de Microbiologie de la Méditerranée/CNRS

Purificación López-García, Directrice de recherche Directrice de thèse

Université Paris-Sud/CNRS

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A Joe et Tilou, vos étoiles brillent pour toujours dans mon cœur.

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Remerciements

Il est toujours délicat de choisir par qui commencer cette section si spéciale d’un manuscrit de thèse. Après moult réflexions j’ai décidé d’entamer ces remerciements par quelques mots sur les micro-organismes des trois domaines du vivant. Eh oui, merci à vous archées, bactéries et protistes ! Une mention spéciale à mon ami Lithoflexus mexicanus à qui je pense souvent.

D’une façon générale, je voudrais remercier les micro-organismes de nous permettre de vivre sur leur planète (même si nous sommes des locataires plutôt bordéliques). Enfin, je souhaite adresser une pensée particulière aux habitants des tapis microbiens et des microbialites grâce à qui j’ai passé trois années fascinantes.

Merci aux membres de mon jury, Béatrice Lauga, Francisco Rodriguez-Valera, Karim Benzerara, Pierre Capy, Timothy Vogel, et Wolfgang Nitschke d’avoir accepté d’évaluer mon travail, j’espère qu’il vous intéressera.

Je souhaiterais poursuivre ces mots doux avec une attention pour celui qui m’a initié à la microbiologie il y a maintenant un peu plus de six ans : Ludwig, mon co-bureau et partenaire (très) occasionnel de course à pied. Il s’agissait à l’époque d’aller étudier les micro-organismes de mares et de lacs du Parc Naturel Régional de la Vallée de Chevreuse. L’échantillonnage devait même se faire à partir d’un petit bateau spécialement acheté pour l’occasion m’avait-il dit, sans doute pour me convaincre d’accepter ce stage. Finalement, de bateau il n’y eut point mais j’ai pu malgré tout découvrir un monde fascinant dont j’ignorais (presque) tout. Par la suite tu m’as permis d’avoir un aperçu de la recherche à l’étranger et de réaliser un super stage de M1 (je passe sous silence l’épisode où tu m’as abandonné dans l’Yvette !), tout en étant toujours à l’écoute pour me conseiller sur mon parcours scientifique. Si j’ai pu faire une thèse dans cette formidable équipe (see below) c’est aussi grâce à toi... Bref, j’ai dit en un long paragraphe ce que j’aurais pu résumer en quelques mots : je suis bien heureux d’avoir toqué à ta porte un jour de mai 2010 !

Je remercie bien entendu ma directrice de thèse, Puri. J’envisageais sérieusement de faire

une thèse à l’étranger jusqu’à ce que tu me proposes ce fascinant projet qui m’a amené à

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avant d’accepter, et quatre ans plus tard je peux sincèrement dire que je ne regrette rien. Ma thèse ne fut pas toujours un long fleuve tranquille mais tu as toujours été juste avec moi et je te suis très reconnaissant pour cela. Je sais que j’ai progressé intellectuellement à tes côtés et que cette expérience me servira quel que soit le chemin que je choisis à l’avenir. Tu as des qualités humaines et scientifiques rares, et je suis honoré de t’avoir eue pour encadrante.

Un grand merci à mes proches collaborateurs David, Karim, Philippe et Yvan d’avoir été si disponibles pour moi. Cette thèse n’aurait pas été la même sans vos conseils avisés, votre humour et votre patience.

Je souhaite aussi remercier mes collaborateurs plus lointains (ça se dit ?) sans qui tout ce travail n’aurait pas été possible : Ana, Anabel, Carol, Nina, Paco, Paola, Rohit et Rosaluz.

Un petit coucou à mes grandes sœurs du labo Celine, Marianne et Marie que ça ne doit pas rajeunir de voir leur pP sur le point de soutenir sa thèse ! Merci de m’avoir accompagné dans mes premiers pas et de m’avoir pris sous votre aile.

Merci aux autres membres de l’équipe DEEM, passés et présents : Charles, Estelle, Hélène, Jonathan, Kamil (alias « coco »), Laura (j’anticipe !). Merci aussi au gang des hispanophones (Magda, tu peux dire « rue » ?), qu’ils viennent de la Nouvelle Espagne (Rafou le philosophe) ou de la Catalogne occupée (Guif, « Siiiiii »). Je me sens privilégié d’avoir passé toutes ces années au sein de cette formidable équipe.

Vous n’étiez pas membres de l’équipe mais je vous aime quand même, Juju (Mendeley !), Jérôme (n’oublie pas de prendre tes t-shirts blancs pour le Canada) et Yann (pour m’avoir fait découvrir cette merveilleuse institution qu’est le Saint du Jour).

Je n’oublie pas non plus mes copines de cantine (vous êtes plus que ça, mais je trouvais

la rime classe) Alice, Alodie et Emilie. Ça me manquera de ne plus refaire le monde avec

vous plusieurs fois par semaine. Les samossas végétariens au bœuf aussi, mais c’est une autre

histoire.

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Anaïs et Nicolás, j’espère qu’on aura un jour l’occasion de se retrouver autour de notre cher fémur de renard.

Merci à mes encadrants précédents Jane, François, Mike, Sam, Soley et Xu. C’est aussi grâce à vous que j’en suis où j’en suis aujourd’hui.

Merci à Pascal Simonet et Didier Casane d’avoir participé à mon comité de thèse.

Pour clore cette partie laboratoire je souhaite remercier tous les membres de l’ESE que j’ai croisés dans les couloirs sombres et moins sombres des bâtiments 360 et 362 et avec lesquels j’ai eu plaisir à interagir. Merci aussi à l’IDEEV pour avoir contribué au financement de ma participation aux colloques SMBE et ISME.

Un grand merci à mes amis de rendre ma vie si agréable. En particulier ceux qui me connaissent depuis trèèès longtemps. Anh Dao Buiton, Baptiste van der Wiel et Florent (petit frère devenu grand !), j’espère vous garder encore longtemps près de moi. A mon « fan club » Lucemouth et Paumouth, je suis sûr que vos thèses seront des réussites (évitez de manger trop de sandwichs à la terre quand même). Et il faudrait penser à amener Tomouth à Hippopotamouth un de ces jours, je suis sûr que ça lui plairait.

Je pense aussi à tous mes copains (copines) avec qui je milite régulièrement pour un monde plus paisible et plus vert, que ce soit en France ou ailleurs. J’espère vivre encore de nombreux moments forts à vos côtés ! Un gros bisou aussi à mes copains (copines) du Vaucluse, je suis très heureux de vous avoir rencontrés !

MERCI aux membres de mon exceptionnelle famille pour votre amour et tout ce que vous

avez fait pour moi depuis 27 ans. A mes merveilleux parents d’abord, à qui je dois bien plus

que le simple fait d’exister. On ne choisit certes pas ses parents, mais j’ai tiré le gros lot !

Merci pour cette enfance heureuse, pour les valeurs humaines que vous m’avez transmises et

pour m’avoir donné les moyens intellectuels pour appréhender la complexité du monde. Je

remercie aussi mon oncle et ma tante de Dordogne, Philippe et Marie, vous êtes des personnes

extraordinaires. Un gros câlin à mon Papé, force de la nature et grand-père attentionné. Merci

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vent, notamment Joubin, Kevin, Lena, Lisa, Manouch, Nastia, Negar, Sabine et Yashar.

Je remercie aussi ma belle-famille (c’est bien comme ça qu’on dit ?) pour leur accueil et leur gentillesse (même André, oui oui). J’espère que vous allez bieng.

Enfin, last but not least comme on dit, un ENORME merci à Morgane, qui partage ma

vie depuis un peu plus de 2 ans. Il s’en est passé des choses depuis Lucy, dis donc ! En toute

objectivité, tu réunis un nombre de qualités assez incroyable. Tu es à la fois attentionnée,

cultivée, curieuse, douce, drôle et intelligente. Je voulais aussi ajouter excellente cuisinière,

bricoleuse, photographe et musicienne mais j’ai peur que ça finisse par attirer l’attention. . .

Tout ça pour te dire que j’espère que notre histoire continuera encore looongtemps ! J’espère

aussi que ces derniers mois de thèse n’ont pas été trop douloureux pour toi. En tout cas, savoir

que je peux compter sur ton soutien pour traverser les épreuves me donne beaucoup de force.

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Table des matières

Remerciements i

Table des matières vii

Liste des abbréviations xi

I Introduction 1

1 Le monde microbien 3

1.1 Petit historique de l’étude des micro-organismes . . . . 3

1.1.1 Les pionniers des XVI

ème

et XVII

ème

siècles . . . . 3

1.1.2 L’essor de la microbiologie au XIX

ème

siècle . . . . 5

1.1.3 Darwin et les micro-organismes . . . . 8

1.1.4 La microbiologie à l’ère moléculaire . . . . 9

1.1.5 Comment étudier la diversité aujourd’hui ? . . . . 12

1.2 Diversité phylogénétique et fonctionnelle . . . . 16

1.2.1 Les Bactéries . . . . 16

1.2.2 Les Archées . . . . 22

1.2.3 Les Protistes . . . . 25

1.3 Elements d’écologie microbienne . . . . 29

1.3.1 Les habitats microbiens . . . . 29

1.3.2 Structuration des communautés . . . . 30

2 Les tapis microbiens lithifiés et non-lithifiés 33 2.1 Caractéristiques générales . . . . 33

2.2 Des analogues d’écosystèmes précambriens . . . . 35

2.2.1 Présence dans le registre fossile . . . . 35

2.2.2 Pourquoi les étudier ? . . . . 37

2.3 Les microbialites, des tapis microbiens lithifiés . . . . 39

2.3.1 Définition . . . . 39

2.3.2 Modèle de formation des microbialites actuels . . . . 39

2.4 Tour d’horizon de la diversité microbienne des microbialites et des tapis micro- biens actuels . . . . 44

2.4.1 Les microbialites . . . . 44

2.4.2 Les tapis microbiens . . . . 47

Objectifs 49 II Matériel et Méthodes 51 3 Présentation des systèmes d’étude 53 3.1 Le lac Alchichica . . . . 53

3.1.1 Contexte géographique, géologique et hydrologique . . . . 53

(13)

3.1.3 Cyanobactéries calcifiantes . . . . 55

3.2 Le salar de Llamara . . . . 58

4 Échantillonnage 61 4.1 Les microbialites d’Alchichica . . . . 61

4.2 Les tapis microbiens de Llamara . . . . 62

5 Préparation des échantillons et séquençage 65 5.1 Amplicons d’ADNr 16S et 18S . . . . 65

5.2 Métagénomes . . . . 67

6 Traitement des séquences 69 6.1 Séquences issues du pyroséquençage des amplicons . . . . 69

6.1.1 Définition et détermination des OTU . . . . 70

6.1.2 Assignation taxonomique des OTU . . . . 71

6.1.3 Élimination des chimères . . . . 72

6.2 Séquences issues du séquençage des métagénomes . . . . 75

6.2.1 Extraction, sélection et a ffi liation des fragments d’ADNr 16S et 18S . . 75

6.2.2 Assemblage des reads et annotation fonctionnelle des gènes . . . . 79

6.2.3 Sélection et a ffi liation phylogénétique des longs contigs . . . . 82

7 Analyse des données 85 7.1 Représentativité des métagénomes . . . . 85

7.2 Indices de richesse et de diversité . . . . 86

7.3 Partage des OTU . . . . 87

7.4 Comparaison du degré de ressemblance entre les communautés . . . . 87

7.4.1 Structure phylogénétique . . . . 87

7.4.2 Structure fonctionnelle . . . . 89

7.5 Estimation de l’influence potentielle des paramètres environnementaux . . . . . 90

7.6 Identification de potentielles interactions biotiques . . . . 91

7.7 Reconstructions phylogénétiques . . . . 92

III Les communautés des microbialites d’Alchichica 95 8 Structure des communautés d’Alchichica 97 8.1 Contexte et objectifs . . . . 97

8.2 Manuscrit de l’article 1 . . . . 99

9 Potentiel métabolique des communautés d’Alchichica 119 9.1 Contexte et objectifs . . . 119

9.2 Manuscrit de l’article 2 . . . 121

10 Reconstruction de génomes à partir de métagénomes 145 10.1 Contexte et objectifs . . . 145

10.2 Reconstruction de génomes de Chloroflexi . . . 146

10.3 Perspectives . . . 149

(14)

IV Les communautés des tapis microbiens de Llamara 151

11 Structure des communautés de Llamara 153

11.1 Contexte et objectifs . . . 153

11.2 Manuscrit de l’article 3 . . . 154

11.2.1 Introduction . . . 155

11.2.2 Material and methods . . . 156

11.2.3 Results . . . 162

11.2.4 Discussion . . . 177

11.2.5 Supplementary material . . . 182

12 Potentiel métabolique des communautés de Llamara 199 12.1 Contexte et objectifs . . . 199

12.2 Manuscrit de l’article 4 . . . 200

12.2.1 Introduction . . . 201

12.2.2 Material and methods . . . 202

12.2.3 Results and discussion . . . 207

12.2.4 Perspectives . . . 217

12.2.5 Supplementary Material . . . 219

V Discussion et Perspectives 227 VI Conclusions 243 Bibliographie 249 Annexes 275 A Résumé de mon parcours . . . 275

B Campagne d’échantillonnage au Mexique (mai 2014) . . . 280

C Travail en collaboration . . . 282

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Liste des abréviations

ADN : Acide DésoxyriboNucléique ADNr : ADN ribosomique

ARMAN : Archaeal Richmond Mine Acidophilic Nanoorganisms ARN : Acide RiboNucléique

ARNr : ARN ribosomique ARNt : ARN de transfert

CA : Analyse de Correspondance

CCA : Analyse Canonique de Correspondance COG : Clusters of Orthologous Groups

CPR : Candidate Phyla Radiation

EPS : Substances Polymériques Extracellulaires FISH : Fluorescence In Situ Hybridization Ga : milliards d’années avant le présent HMM : Hidden Markov Model

kb : kilobases Mb : mégabases

MID : Molecular IDentifier

NCBI : National Center for Biotechnology Information NMDS : Non-Metric Multidimensional Scaling

nt : nucléotide

OTU : Unité Taxonomique Opérationnelle pb : paires de bases

PCR : Réaction en Chaîne par Polymérase SI : Indice de Saturation

SRB : Bactéries Sulfato-Réductrices

TDS : Total des Solides Dissous

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Première partie Introduction

« This was for me, among all the marvels that I have discovered in nature, the most marvellous of all ; And I must say, for my part, that no more pleasant sight has ever yet come before my eye than these many thousands of living creatures, seen all alive in a little drop of water ».

Antonie van Leeuwenhoek

Cli ff ord Dobell, 1932. Antony van Leeuwenhoek and his « Little Animals ».

New York, USA ; Harcourt, Brace and Company (p. 144).

(19)
(20)

1 | Le monde microbien

L’histoire des micro-organismes est indissociable de celle de la vie sur Terre. Depuis leur émergence sur la Terre primitive il y a environ 3,5 milliards d’années ils ont colonisé toutes les niches écologiques imaginables, du fond des océans à l’intestin des animaux. Si l’étude de ces organismes fascinants a pendant longtemps été limitée par des contraintes techniques, les avancées des cinquante dernières années ont permis d’explorer de larges pans du monde microbien.

1.1 Petit historique de l’étude des micro-organismes

1.1.1 Les pionniers des XVI

ème

et XVII

ème

siècles

Du fait de leur petite taille, les micro-organismes ont longtemps échappé à l’attention des scientifiques. Si l’existence de vecteurs microscopiques responsables de maladies était suspec- tée depuis longtemps (Drews 2000), il faut attendre le XVI

ème

siècle et les travaux de Girolamo Fracastoro (1478-1553) pour en avoir une première conceptualisation scientifique. Ce savant véronais exposa dans plusieurs ouvrages majeurs sa théorie sur la nature de l’infection et de la contagion de diverses maladies (Garrison 1910). Pour autant, Fracastoro n’aura jamais l’occa- sion d’observer ces « particules trop petites pour être appréhendées par nos sens » (particulae illae insensibilis ; Garrison 1910). En e ff et, l’étude des micro-organismes n’a véritablement pu débuter qu’au XVII

ème

siècle, avec les premières utilisations de microscopes à des fins scientifiques.

Nous devons la découverte du monde microbien à deux hommes, Robert Hooke (1635- 1703) et Antonie van Leeuwenhoek (1632-1723), dont les trajectoires se sont entrecroisées de manière assez étonnante. Hooke était un éminent scientifique anglais, co-fondateur puis Com- missaire des Expériences de la Société Royale de Londres pendant quinze ans (1662-1677).

En 1665, il publia toute une série d’observations dans Micrographia (Hooke 1665), dont la

première description d’un micro-organisme observé au microscope, qu’il nomma « champi-

gnon microscopique » (microscopical mushroom ; Figure 1.1). Il s’agissait d’un champignon

(21)

du genre Mucor, notamment responsable des moisissures noires qui se forment sur le pain et divers fruits et légumes (Gest 2004).

F igure 1.1 – Dessin d’observation du « champignon microscopique » (Hooke 1665). Des sporanges à di ff érents stades sont identifiés par les lettres A, B, C et D. Barre d’échelle = 0.8 mm (Gest 2004).

Van Leeuwenhoek n’avait, quant à lui, pas suivi de formation scientifique et commença sa carrière en tant que drapier à Delft, aux Pays-Bas. Autodidacte, il apprit à perfectionner les microscopes à lentille unique et atteignit une qualité d’observation inégalée à l’époque. De na- ture curieuse

1

, il étendit rapidement l’utilisation de ses instruments à l’observation d’autres objets. Alors que Hooke n’avait vraisemblablement observé qu’une seule espèce microbienne, van Leeuwenhoek décrivit de nombreux micro-organismes, qu’il dénomma « animalcules » et qui sont désormais connus sous le nom d’eucaryotes unicellulaires (ou protistes). Il communi- qua ses découvertes à la Société Royale de Londres, au début des années 1670, par l’intermé- diaire d’amis qui en étaient déjà membres (Gest 2004). Pendant plusieurs années, ses travaux restèrent néanmoins entourés de suspicion, du fait de l’incapacité des autres scientifiques à re- produire ses résultats et de la relative imprécision de ses descriptions (Lane 2015). En 1677,

1. "Je fais ce travail depuis longtemps, sans poursuivre le but de devenir célèbre comme je le suis aujour-

(22)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN la nomination de Hooke au poste de secrétaire général de la Société Royale allait s’avérer dé- cisive. En e ff et, quelques temps après sa prise de fonction il reçut une nouvelle lettre de van Leeuwenhoek décrivant, cette fois-ci de façon très détaillée, un grand nombre d’animalcules observés dans des gouttes d’eau de di ff érents environnements naturels. Cette lettre contient no- tamment la première description de bactéries, qualifiées alors de « très petits animalcules » par van Leeuwenhoek. Hooke s’attacha à reproduire lui-même ces expériences et publia un an plus tard des observations confirmant celles de van Leeuwenhoek, donnant naissance par la même occasion à une nouvelle discipline scientifique, la microbiologie (Lane 2015).

1.1.2 L’essor de la microbiologie au XIX

ème

siècle

De nombreuses nouvelles espèces de micro-organismes ont été décrites pendant les 150 années qui ont suivi les découvertes de Hooke et van Leeuwenhoek. Cependant, l’écologie des micro-organismes restait très énigmatique. Au cours du XIX

ème

siècle, l’amélioration des outils de microscopie et l’invention de techniques de culture de micro-organismes permirent les premières grandes avancées dans le domaine. Christian Gottfried Ehrenberg (1795-1876), spécialiste en microscopie et auteur de plusieurs centaines de descriptions d’espèces, donna leur nom aux bactéries en 1838 (Drews 2000). Le botaniste Ferdinand Cohn (1828-1898), généralement considéré comme le fondateur de la bactériologie, caractérisa le cycle de vie de nombreux micro-organismes et mit en évidence que certaines bactéries pouvaient résister à la chaleur sous forme d’endospores. Il développa aussi des méthodes e ffi caces pour empêcher la contamination de cultures microbiennes (Madigan et al. 2014).

En France, Louis Pasteur (1822-1895), chimiste de formation, a été à l’origine de plusieurs

découvertes majeures. Alors que la fermentation était jusqu’alors considérée comme un proces-

sus strictement chimique lié à la décomposition de cellules mortes, il démontra en 1857 qu’elle

était en fait due à l’activité métabolique d’organismes vivants (Madigan et al. 2014). Pasteur

est également reconnu pour avoir mené une série d’expériences qui a définitivement écarté la

possibilité de génération spontanée chez les micro-organismes. La question de la génération

spontanée anime les débats scientifiques depuis Aristote (384-322 av. J.-C.) et n’est donc pas

nouvelle. Cependant, malgré le fait que Francesco Redi (1626-1697) ait montré expérimentale-

ment au XVII

ème

siècle que la génération spontanée ne concernait ni les animaux ni les plantes,

(23)

une telle démonstration n’avait pas encore été faite pour les micro-organismes (Drews 2000).

La deuxième moitié du XIX

ème

siècle a été aussi marquée par les travaux fondateurs de Robert Koch (1843-1910) en microbiologie médicale. En combinant des études de microscopie et du travail de paillasse, il confirma la théorie de Girolamo Fracastoro formulée plus de 300 ans auparavant sur la nature des maladies. Koch élabora une méthodologie précise (et toujours d’actualité) pour associer avec certitude un micro-organisme à une maladie particulière. Nous lui devons notamment l’identification de l’agent pathogène de la tuberculose, la bactérie Myco- bacterium tuberculosis. Il reçut d’ailleurs le Prix Nobel de physiologie ou médecine en 1905 en récompense de l’ensemble de ses travaux sur la tuberculose (Madigan et al. 2014).

La fin du XIX

ème

siècle vit l’émergence de l’écologie (du grec oikos, « maison », et logos,

« connaissance ») microbienne grâce aux remarquables travaux de Sergeï Winogradsky (1856-

1953) et Martinus Beijerinck (1851-1931). Cette branche de la microbiologie s’intéresse aux

interactions entre micro-organismes (i.e. biotiques) et entre les micro-organismes et leur envi-

ronnement (i.e. abiotiques). Son développement tardif s’explique à la fois par des limitations

techniques et par l’utilisation généralisée des cultures pures qui ne permettaient pas d’étudier

les micro-organismes dans leur environnement naturel (Bertrand et al. 2015). Pour contour-

ner ces limitations, Winogradsky inventa un dispositif expérimental, désormais connu sous

le nom de « colonne de Winogradsky » (un écosystème microbien dans une colonne), qui lui

permettait de réaliser des cultures d’enrichissement à partir d’échantillons environnementaux

(notamment des sédiments et de l’eau de rivière). Il observa une structuration progressive des

micro-organismes de la colonne au fil du temps, en fonction notamment des gradients d’oxy-

gène et de sulfure (H

2

S) qui s’étaient formés. L’activité métabolique des di ff érents groupes

fonctionnels de micro-organismes permet ensuite le maintien de ces gradients et de la structure

de la communauté (Figure 1.2). Il put ainsi cultiver de façon simultanée des micro-organismes

très di ff érents et caractériser leurs conditions de vie. Il a été en cela le premier à mener des

recherches à l’échelle de la communauté. Il montra également que la nitrification (i.e. transfor-

mation d’ammonium en nitrates) était un processus microbien qui s’e ff ectuait en deux étapes

(nitritation puis nitratation), chacune impliquant des groupes de micro-organismes di ff érents

(Dworkin 2012).

(24)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN

EauA

Eau

Boue + MgSO4 + CaSO4

A B

O2

H2S Incubation

Fragments de papier ou de plantes Film plastique troué (pour passage de l'air)

Cyanobacteria

Bactéries sulfo-oxydantes (Alpha- et Gamma-proteobacteria)

Bactéries sulfato-réductrices (e.g. Deltaproteobacteria, Firmicutes) Bactéries photosynthétiques anoxygéniques

(Alpha et Gamma-proteobacteria, Chlorobi et Chloroflexi)

Bactéries fermentatrices

F igure 1.2 – Représentation schématique du résultat d’une culture d’enrichissement de micro- organismes dans une colonne de Winogradsky ; (A) à t = 0 et (B) après quelques semaines d’incubation (modifié à partir de Bertrand et al. 2015).

Beijerinck a été lui aussi à l’origine d’une série de découvertes qui modifièrent en profon-

deur la microbiologie. Il réussit à isoler, pour la première fois, des bactéries sulfato-réductrices

et des bactéries capables de fixer l’azote. Plus globalement, il démontra le rôle central joué par

les micro-organismes dans les cycles biogéochimiques du soufre et de l’azote ainsi que leur

rôle dans la fertilité du sol (Bertrand et al. 2015). Enfin, Beijerinck est reconnu comme l’un des

fondateurs de la virologie pour avoir démontré en 1898 que l’agent infectieux responsable de

la maladie de la mosaïque du tabac n’était pas une bactérie mais quelque chose de plus petit

(contagium vivum fluidum, ou virus ; Robertson 2003).

(25)

1.1.3 Darwin et les micro-organismes

Charles Darwin (1809-1882) publia sa théorie de la sélection naturelle en 1859 dans le livre fondateur de la biologie évolutive, « De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle » (On the Origin of Species by Means of Natural Selection ; Darwin 1859). La possi- bilité que la sélection naturelle puisse inclure les micro-organismes fut pourtant reçue avec une certaine perplexité par un certain nombre de ses contemporains. Ces derniers voyaient en l’ap- parente simplicité structurelle des micro-organismes une preuve d’absence d’évolution et une raison de rejeter la sélection naturelle, alors que Darwin entendait englober toutes les formes de vie au sein de celle-ci. Il est vrai qu’il n’avait aucun goût particulier pour la microscopie et utilisa bien plus ses observations sur la distribution géographique des organismes macro- scopiques pour élaborer sa théorie. Pour autant, il connaissait le travail de ses contemporains microbiologistes (Louis Pasteur, Robert Koch) et correspondait même avec certains d’entre eux (Ferdinand Cohn, Christian Gottfried Ehrenberg), intégrant les résultats de leurs travaux à ses propres réflexions (Figure 1.3 ; O’Malley 2009).

Darwin argumenta dans la troisième édition de son livre que la simplicité de forme n’était

pas incompatible avec sa théorie de la sélection naturelle. En e ff et, cette dernière n’implique

aucune nécessité de complexification si celle-ci ne représente pas un avantage pour l’organisme

(O’Malley 2009). Il ajouta que les « animaux peuvent même se dégrader si leur structure simpli-

fiée reste bien adaptée à leur mode de vie, comme on le voit chez certains crustacés parasites »

(animals may even become degraded, if their simplified structure remains well fitted for their

habits of life, as we see in certain parasitic crustaceans ; Darwin 1863). Ces réponses n’eurent

que peu d’écho auprès des microbiologistes du XIX

ème

siècle. Tout laisse à penser que les dé-

bats autour des travaux de Darwin se concentraient quasi-exclusivement sur les animaux (et

Homo sapiens en particulier), laissant peu de place à une réflexion approfondie sur des micro-

organismes de toute façon encore largement méconnus à l’époque (O’Malley 2009). Il faudra

d’ailleurs attendre la deuxième moitié du XX

ème

siècle et l’apparition des outils d’analyses mo-

léculaires pour réunir définitivement l’évolution, l’écologie et la microbiologie.

(26)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN

Figure 1.3 – Darwin (au centre) et ses contemporains microbiologistes. Dans le sens des aiguilles d’une montre (à partir d’en haut à gauche) : Christian Gottfried Ehrenberg, Ferdinand Cohn, Robert Koch et Louis Pasteur (O’Malley 2009).

1.1.4 La microbiologie à l’ère moléculaire

Depuis la découverte des premiers micro-organismes, les scientifiques ont tenté de classer les di ff érentes espèces identifiées. Malheureusement, les critères phénotypiques utilisés (e.g.

morphologie, tolérance à l’oxygène, capacité à dégrader certains sucres) ne permettaient pas de rendre compte des relations de parenté entre les espèces et de leur histoire évolutive. La classification des micro-organismes selon leur degré de parenté, telle qu’imaginée par Darwin (Darwin 1859), a ainsi longtemps été impossible.

Dans les années 1960, Zuckerkandl (1922-2013) et Pauling (1901-1994) proposèrent de ré- soudre ce problème en utilisant les séquences de molécules porteuses d’information génétique (ADN, ARN et protéines ; Zuckerkandl et Pauling 1965). Selon eux, l’histoire évolutive de ces molécules permettrait d’inférer directement celle des organismes dont elles sont issues. La distance calculée à partir du nombre de di ff érences entre séquences de di ff érents organismes, appelée « distance phylogénétique », permettrait ainsi de retracer de façon objective les relations de parenté entre les espèces, indépendamment de critères phénotypiques forcément subjectifs.

D’abord théorique, la mise en pratique de la phylogénie moléculaire a été rendue possible par

l’invention de techniques de séquençage de fragments d’ARN, notamment développées par

Frederik Sanger (1918-2013 ; Brownlee et al. 1967). Carl Woese (1928-2012) et ses collabora-

(27)

teurs ont été les premiers à utiliser des marqueurs phylogénétiques pour classer les organismes.

Ces marqueurs correspondaient à de véritables code-barres génétiques permettant d’identifier le taxon auquel un organisme appartient. Ils utilisèrent dans un premier temps des catalogues d’oligonucléotides d’ARN de la petite sous-unité du ribosome (ARNr 5S) (Sogin et al. 1972, Woese et al. 1976). Le fait qu’ils se soient servis d’un composant du ribosome afin de mener des analyses phylogénétiques est pertinent pour plusieurs raisons. Premièrement, le ribosome est nécessaire au mécanisme de traduction chez tous les organismes actuels et était donc très probablement présent chez leur ancêtre commun. Ensuite, les di ff érents composants (protéines, ARNr) de sa structure sont extrêmement bien conservés, que ce soit au niveau de la séquence protéique ou nucléotidique (Sogin et al. 1972). Le fait que ces séquences évoluent lentement est très important, notamment parce que cela donne la possibilité de détecter des relations de parenté entre organismes très distants (Woese et Fox 1977). Enfin, du fait de son importance, il est peu probable que les gènes impliqués dans son fonctionnement soient l’objet de transferts horizontaux. Ces transferts, qualifiés d’horizontaux car e ff ectués entre espèces di ff érentes, sont communs dans le monde microbien et concernent le plus souvent des gènes fonctionnels plutôt qu’informationnels (tels que ceux impliqués dans la formation du ribosome). L’histoire phylogénétique des gènes ribosomiques peut ainsi être considérée comme un « proxy » de l’histoire des organismes, en ce sens qu’elle reflète fidèlement leurs relations de parenté (Olsen et al. 1986).

L’utilisation de données phylogénétiques par Carl Woese et ses collaborateurs a modifié

en profondeur notre appréhension du monde vivant. La mise au point de techniques de sé-

quençage de l’ADN, toujours par Frederick Sanger (Sanger et al. 1977, Brenner 2014), leur

permit d’utiliser les séquences de gènes d’ARNr 16S (pour les bactéries) et 18S (pour les

eucaryotes), plus longues et plus informatives que celles de l’ARNr 5S. En 1977, ils montrèrent

que les bactéries telles qu’on les définissait à l’époque étaient en réalité constituées de deux

groupes de micro-organismes, qu’ils nommèrent « Eubacteria » et « Archaebacteria », similaires

morphologiquement mais distincts phylogénétiquement (Woese et Fox 1977). Le terme « Ar-

chaebacteria » (du grec arkhaîa, « ancien ») a été initialement choisi pour ce nouveau groupe

du fait de leur ressemblance morphologique avec les bactéries et parce que le seul représentant

de ce domaine dont ils disposaient à l’époque était un méthanogène dont le métabolisme leur

semblait particulièrement adapté aux conditions environnementales de la terre primitive. Les

(28)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN noms actuels des trois domaines du vivant (Bacteria, Archaea et Eucarya) ont été proposés en 1990. Les Archaebacteria ont été renommées « Archaea » pour insister sur le fait qu’elles représentent un groupe à part entière, clairement distinct des bactéries et même probablement plus proche des eucaryotes que de ces dernières (Figure 1.4 ; Woese et al. 1990, Olsen et Woese 1993). L’ensemble des travaux de Woese marque une véritable rupture avec les précédentes classifications (établies sur des critères non phylogénétiques) et notamment celle en cinq règnes de Whittaker, qui prévalait alors (Whittaker 1969). Au delà de ces aspects phylogénétiques, l’utilisation des outils moléculaires a également permis de réaliser à quel point les micro- organismes sont divers, contrairement à ce que suggéraient les études phénotypiques, au moins dans le cas des bactéries et des archées.

Figure 1.4 – Arbre phylogénétique basé sur les gènes d’ADNr 16S et 18S mettant en évidence l’exis-

tence des trois domaines du vivant (Bacteria, Archaea et Eucarya), tel que proposé par Woese et ses

collaborateurs (Olsen et Woese 1993).

(29)

1.1.5 Comment étudier la diversité aujourd’hui ?

Cultures et microscopie

Bien qu’il soit possible d’étudier au microscope des échantillons environnementaux, par

microscopie directe et / ou FISH (Fluorescence in situ hybridization ; e.g. Thurnheer et al. 2004,

Gérard et al. 2005, Gérard et al. 2013), cultures et microscopie restent étroitement liées. Elles

ont toutes les deux joué un rôle essentiel dans les premiers pas de la microbiologie et elles conti-

nuent d’avoir une place importante aujourd’hui. La culture est, dans l’absolu, le meilleur moyen

de caractériser une espèce microbienne. L’isolement de micro-organismes a ainsi permis d’ob-

tenir des données de référence dans de nombreux domaines dont la biochimie, la génétique et la

physiologie (Prakash et al. 2013). Pour autant, notre capacité à cultiver une grande diversité de

micro-organismes est aujourd’hui restreinte du fait de notre manque de connaissance de leurs

besoins (Alain et Querellou 2009). En conséquence, la majorité des micro-organismes culti-

vés appartiennent à seulement quelques taxons et ne sont pas représentatifs de la diversité du

monde microbien (∼90% des procaryotes cultivés appartiennent à quatre groupes de bactéries :

Proteobacteria, Firmicutes, Actinobacteria et Bacteroidetes ; Rinke et al. 2013). La microsco-

pie permet, elle, l’identification et la description d’un certain nombre de micro-organismes de

grande taille (au moins quelques dizaines de micromètres) et / ou au phénotype reconnaissable,

comme la plupart des protistes et certaines cyanobactéries. Elle se heurte, cependant, à des limi-

tations de deux natures. La première est évidente et concerne les organismes de petite taille (tout

au plus quelques microns) et de forme simple (typiquement les bactéries et les archées, ainsi

que certains protistes), quasi-impossible à di ff érencier sous un microscope. La seconde, moins

triviale, est liée à la classification historique de nombreux protistes en morpho-espèces (i.e. sui-

vant des critères morphologiques). En e ff et, l’analyse de séquences d’ADNr 18S a montré dans

de nombreux cas que des organismes classés au sein d’une même morpho-espèce appartenaient

en fait à des lignées di ff érentes et constituaient des espèces cryptiques (Šlapeta et al. 2006). De

façon similaire, l’existence chez certaines espèces d’une grande variabilité morphologique en

fonction du stade de cycle de vie et / ou des conditions environnementales a parfois conduit à

classer un même organisme dans di ff érentes espèces (Santoferrara et Alder 2009).

(30)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN Les études moléculaires de diversité

Depuis le début des années 1970, l’utilisation de marqueurs phylogénétiques a permis de décrire la diversité microbienne d’un grand nombre d’environnements, en s’a ff ranchissant des limites liées à la microscopie et à la culture. Ciblant le plus souvent les gènes d’ARNr 16S et 18S, ces études ont permis d’enrichir considérablement les bases de données et de rendre ce marqueur, de fait, encore plus informatif. Dans ces études, l’ADN est extrait d’échantillons environnementaux et les régions génomiques correspondant aux gènes marqueurs amplifiées par une Réaction en Chaîne par Polymérase (Polymerase Chain Reaction, PCR ; Saiki et al.

1988). Cette étape d’amplification se fait par l’intermédiaire d’amorces, de courtes séquences nucléotidiques spécifiques au gène d’intérêt et ciblant un groupe d’organismes en particulier (au niveau du domaine ou à un niveau taxonomique inférieur). Les amplicons ainsi générés étaient traditionnellement séquencés par clonage puis séquençage Sanger (Shendure et Ji 2008).

Cependant, les techniques de séquençage haut-débit (pyroséquençage, Illumina) apparues au

cours des dix dernières années permettent désormais de s’a ff ranchir de l’étape de clonage et de

séquencer directement les amplicons (on parle de métabarcoding ; Shendure et Ji 2008). Si les

nouvelles méthodes ont tendance à supplanter le séquençage Sanger, il est important de préciser

que ces deux approches sont en réalité complémentaires. En e ff et, le séquençage Sanger permet

de produire un nombre limité de séquences de bonne qualité, relativement longues (∼900 pb) et

très informatives dans le cadre d’analyses phylogénétiques. Le séquençage haut-débit permet,

lui, de produire des centaines de milliers (voire des millions) de séquences relativement courtes

( < 500 pb pour le pyroséquençage 454 FLX, < 300 ou 150 pb pour Illumina MySeq ou HiSeq)

et avec un taux d’erreur plus élevé. Puisque les séquences obtenues sont, en principe, représen-

tatives de la diversité génétique et de l’abondance relative des amplicons, celles-ci peuvent être

utilisées pour caractériser finement la structure de communautés microbiennes. Quelle que soit

l’approche choisie, les séquences partageant un certain pourcentage d’identité (97% chez les

procaryotes, 98% chez les eucaryotes) sont ensuite regroupées au sein d’Unités Taxonomiques

Opérationnelles (OTU), un « proxy » pour les espèces microbiennes généralement utilisé dans

les études environnementales du fait que le concept d’espèce est problématique chez les micro-

organismes (Achtman et Wagner 2008). Ce regroupement est possible du fait que les amplicons

correspondent à l’amplification d’une même région génomique. Enfin, la séquence représenta-

tive des OTU (la plus longue ou la plus représentée) est attribuée à un groupe taxonomique par

comparaison avec des séquences de référence, déjà identifiées et disponibles dans des bases de

(31)

données publiques (en utilisant BLAST et / ou des analyses phylogénétiques).

Les méthodes en « -omiques »

Nous sommes depuis quelques années entrés dans une ère technologique dans laquelle il est possible de séquencer en masse des échantillons d’ADN et d’ARN (Shendure et Ji 2008, Metzker 2010). La technologie Illumina est l’une des plus utilisées à l’heure actuelle et permet de générer des dizaines de millions de lectures (ou reads) à partir de quelques centaines de nanogrammes d’ADN. Une telle quantité de données permet d’étudier en détail le génome, le transcriptome et le protéome d’un micro-organisme ou d’une communauté (on parle alors de métagénome, de métatranscriptome et de métaprotéome ; Baker et Dick 2013). Ces di ff érentes méthodes sont collectivement appelées les « omiques ». Si chacune permet d’adresser une question biologique particulière, nous allons nous intéresser un moment aux cas de la métagé- nomique et de la génomique sur cellule unique (single-cell genomics).

La métagénomique consiste à séquencer l’ADN extrait d’un échantillon environnemental

sans étape d’amplification préalable (Tringe et Rubin 2005), ce qui permet de s’a ff ranchir des

biais liés à la PCR (e.g. manque de spécificité des amorces pour certains taxons aux gènes

d’ARNr divergents, production de séquences chimériques ; Acinas et al. 2005, Haas et al. 2011,

Pinto et Raskin 2012). Une possibilité est de séquencer des librairies obtenues par clonage de

fragments d’ADN (jusqu’à 2000 kb de longueur ; Venter et al. 1996). L’utilisation de longs

fragments d’ADN ( > 10 kb) est particulièrement pertinente dans le cadre de certaines études

de génomique (e.g. obtention de génomes viraux complets ; Garcia-Heredia et al. 2012) et

de biologie fonctionnelle (e.g. expression de gènes contigus ; Böhnke et Perner 2015). Le

séquençage massif (jusqu’à un million de séquences produites) de fragments plus courts ( < 10

kb) a lui été utilisé au début des années 2000 dans le cadre d’études pionnières s’intéressant à la

structure phylogénétique et métabolique de di ff érentes communautés (Tyson et al. 2004, Venter

et al. 2004), c’est-à-dire à l’information contenue dans leur métagénome. Dans la littérature,

ce terme peut référer à (1) l’ensemble des génomes d’une communauté microbienne et (2) au

résultat du séquençage de l’ADN extrait de celle-ci, comme synonyme et raccourci de « jeu de

données métagénomiques » (Rodriguez-R et Konstantinidis 2014a). L’utilisation indi ff érenciée

de ce terme pour parler du métagénome réel ou du résultat du séquençage n’est cependant pas

(32)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN communautés qui rend impossible le séquençage exhaustif de leur diversité génétique. Dans la suite de ce manuscrit l’emploi du mot « métagénome » réfère ainsi exclusivement au jeu de données.

Les techniques de séquençage haut-débit, développées dans les années suivant ces études, sont cependant désormais privilégiées pour étudier les communautés microbiennes. Elles per- mettent en e ff et de séquencer directement l’ADN environnemental et de produire des dizaines de millions de séquences, tout en s’a ff ranchissant des biais associés au clonage (Temperton et al. 2009). L’abondance relative des séquences obtenues doit ainsi, en théorie, refléter fi- dèlement le contenu génomique de l’échantillon, même si d’autres biais persistent (e.g. lyse cellulaire di ff érentielle, di ffi culté à séquencer les régions riches en séquences répétées). Un autre aspect intéressant est que, contrairement aux approches basées sur des amplicons qui se limitent nécessairement à un marqueur particulier à la fois, la métagénomique capture l’en- semble de la diversité génétique d’un échantillon. Elle permet en cela de caractériser à la fois la diversité phylogénétique (dont des taxons qui « échapperaient » aux amorces universelles de gènes d’ARNr 16S ; Brown et al. 2015) et le potentiel métabolique (ou fonctionnel) d’une com- munauté microbienne. Ceci est essentiel car il est souvent très di ffi cile de déduire les capacités fonctionnelles d’un micro-organisme en se basant seulement sur l’a ffi liation taxonomique de ses gènes d’ARNr 16S ou 18S, du fait de la grande versatilité métabolique qui existe dans le monde microbien (Madigan et al. 2014). Enfin, il est important de préciser que l’on parle bien ici de potentiel et non d’expression puisque la métagénomique se fait à partir d’échantillons d’ADN.

Les données métagénomiques issues de séquençage haut-débit peuvent aussi être utilisées

pour reconstruire des génomes eucaryotes ou procaryotes. Ce fut par exemple le cas pour les

Lokiarchaeota (Spang et al. 2015), dont nous rediscuterons par la suite (voir section 1.2.2). L’ap-

proche par single-cell permet aussi d’obtenir des génomes à partir d’échantillons environnemen-

taux. Les organismes d’intérêt sont ainsi isolés (e.g. cytométrie en flux, micro-manipulation) et

leurs génomes séquencés, sans passer par une étape de culture. Les données produites sont

d’autant plus précieuses qu’elles permettent ensuite d’améliorer l’annotation des métagénomes

(dont la qualité dépend de la représentativité des séquences de référence des bases de données)

et / ou le positionnement phylogénétique de certaines lignées (Stepanauskas 2012).

(33)

1.2 Diversité phylogénétique et fonctionnelle

L’association des méthodes moléculaires et d’outils plus traditionnels (culture, microsco- pie) a permis, de par leur complémentarité, d’explorer à grande échelle le monde microbien, à la fois d’un point de vue phylogénétique et métabolique. Alors que les études pionnières me- nées par Carl Woese et ses collaborateurs étaient basées sur un nombre relativement restreint de séquences provenant d’organismes cultivés, l’application d’approches moléculaires à l’analyse de la diversité environnementale a permis d’élargir l’échantillonnage taxonomique à des orga- nismes non cultivés. D’une manière assez remarquable, les données ainsi accumulées depuis 25 ans ont d’ailleurs confirmé la topologie en trois domaines qu’ils avaient proposée à l’époque (Figure 1.5). Les micro-organismes représentent la majorité des lignées au sein de ces trois do- maines et la diversité phylogénétique des organismes vivants se trouve, de fait, essentiellement sous forme microbienne.

1.2.1 Les Bactéries

Les bactéries forment l’un des deux domaines procaryotes (du grec pro, « avant », et du grec

karyon, « noyau »), avec les archées. Bien que souvent indistinguables morphologiquement, ar-

chées et bactéries di ff èrent en plusieurs points. Par exemple, les lipides de membranes possèdent

des radicaux di ff érents (acides gras chez les bactéries, isoprénoïdes chez les archées) et les liai-

sons dans les phospholipides membranaires sont de type ester chez les bactéries (excepté à de

rares exceptions) et de type éther chez les archées. Archées et bactéries di ff èrent aussi au niveau

des gènes impliqués dans plusieurs processus cellulaires, dont la machinerie informationnelle

(réplication, transcription et traduction), les archées étant plus similaires aux eucaryotes. Enfin,

bien que les membres des deux domaines procaryotes soient très divers métaboliquement, les

bactéries dominent dans la plupart des environnements, à l’exception des plus extrêmes aux-

quels les archées sont, en moyenne, mieux adaptées (Madigan et al. 2014). Nous allons évoquer

ici certaines caractéristiques des groupes de bactéries qui représentent un intérêt particulier pour

la suite du manuscrit.

(34)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN Les Cyanobacteria

Les cyanobactéries sont traditionnellement décrites comme les seuls procaryotes auto- trophes (i.e. utilisant le CO

2

comme source de carbone) capables de faire la photosynthèse oxygénique (productrice d’oxygène). Cependant, certaines lignées de Chroococcales (Zehr et al. 2008) et des endosymbiontes de diatomées (Nakayama et al. 2014) ont perdu cette capa- cité secondairement et ne sont plus photosynthétiques. On distingue généralement six groupes de cyanobactéries, définis historiquement sur des critères phénotypiques et écologiques. Bien qu’incorrecte d’un point de vue phylogénétique (les Chroococcales et les Oscillatoriales sont par exemple polyphylétiques, i.e. réparties dans l’ensemble de l’arbre des cyanobactéries), cette classification taxonomique est toujours utilisée aujourd’hui (Shih et al. 2013). Les Chroo- coccales sont le plus souvent des organismes coccoïdes caractérisés par la présence d’une gaine mucilagineuse et sont capables de former des agrégats. Elles partagent ces propriétés avec les Pleurocapsales qui se distinguent des autres cyanobactéries par leur capacité à se diviser par fissions multiples (Dworkin et al. 2006a). Les Prochlorales sont surtout connues par l’intermédiaire des petites (0,5 à 0,7 µm) cyanobactéries marines du genre Prochlorococcus.

Ces bactéries sont très abondantes dans l’océan où elles y tiennent un rôle majeur (Biller et al.

2015, Scanlan 2014). Les trois autres groupes correspondent à des cyanobactéries filamen- teuses. Les Oscillatoriales peuvent mesurer jusqu’à 100 µm et se distinguent des Nostocales et des Stigonematales par le fait qu’elles ne forment pas d’hétérocystes (i.e. cellules di ff érenciées où l’azote atmosphérique, N

2

, est fixé sous forme d’ammonium, NH

+4

). Des études phylogé- nétiques tendent d’ailleurs à montrer que ces deux derniers groupes forment un unique groupe monophylétique (Dworkin et al. 2006a).

Les cyanobactéries actuelles sont très abondantes et diverses, jouant un rôle essentiel dans

plusieurs cycles biogéochimiques (e.g. azote, carbone, oxygène). Ce groupe a aussi une im-

portance toute particulière dans l’histoire de l’évolution de la vie sur Terre. En e ff et, l’activité

photosynthétique des cyanobactéries est responsable de l’oxygénation de l’atmosphère, un

événement majeur qui a eu lieu il y a environ 2,5 Ga (Farquhar et al. 2011). Ce bouleversement

des conditions environnementales à l’échelle de la planète est à l’origine de la diversification

de nombreuses lignées eucaryotes et procaryotes et a probablement favorisé l’émergence d’or-

ganismes multicellulaires (voir sections 1.2.3 et 2.2.2).

(35)

Les Proteobacteria

Les Proteobacteria constituent l’un des groupes les plus larges et les plus divers au sein des bactéries, à la fois phylogénétiquement et métaboliquement, et sont de fait le plus souvent direc- tement discutées au niveau des classes (aussi appelées sub-divisions). Nous nous intéresserons ici à quatre d’entre elles : Alpha, Beta, Gamma et Delta. Si toutes ces classes sont remarquable- ment diverses, les organismes phototrophes (i.e. utilisant la lumière comme source d’énergie) ne se trouvent qu’au sein de certains ordres d’Alpha- (e.g. Rhizobiales, Rhodobacterales, Rhodospirillales), de Beta- (e.g. Rhodocyclales) et de Gamma-proteobacteria (Chromatiales).

Les photosynthétiques anoxygéniques (i.e. l’oxygène n’est pas le produit de déchet) utilisent le plus souvent le H

2

S comme source d’électrons (Dworkin et al. 2006b). De plus, de nom- breuses Alpha- et Beta-proteobacteria sont également capables de photohétérotrophie, utilisant la lumière comme source d’énergie et des composants organiques comme source de carbone (Madigan et al. 2014). Au sein des classes Alpha et Gamma on retrouve également des bacté- ries sulfo-oxydantes (Friedrich et al. 2005) et des méthanotrophes (utilisent le méthane comme source d’énergie et de carbone ; Hanson et Hanson 1996). Les Proteobacteria impliquées dans le processus de nitrification et capables d’oxyder l’ammonium (NH

+4

) se trouvent, elles, parmi les classes Beta (genres Nitrosomonas, Nitrospira) et Gamma (genre Nitrosococcus ; Klotz et Stein 2008). Enfin, les Deltaproteobacteria se distinguent des autres classes par des styles de vie uniques comprenant par exemple des bactéries prédatrices (Bdellovibrionales), des bacté- ries capables de se di ff érencier et de produire des structures multicellulaires (Myxobacteria), des fermentateurs (e.g. Syntrophus) et des organismes sulfato-réducteurs. Plutôt mésophiles (température optimale de croissance comprise entre 20 et 40˚C), ces dernières sont réparties dans plusieurs lignées et jouent un rôle essentiel dans le cycle du soufre (Muyzer et Stams 2008). Dans certains environnements elles sont aussi impliquées dans l’oxydation anaérobie de méthane, en association avec des archées (Knittel et Boetius 2009, Timmers et al. 2015).

Autres phylums bactériens majeurs

En dehors des Cyanobacteria et des Proteobacteria, les bactéries phototrophes se répartissent

au sein de cinq groupes : Acidobacteria (Bryant et al. 2007), Chlorobi, Chloroflexi (Madigan

et al. 2014), Firmicutes (Gest et Favinger 1983) et, comme découvert récemment, Gemma-

timonadetes (Zeng et al. 2016). Certains membres des Firmicutes, Thermodesulfobacteria et

(36)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN les membres de la classe Nitrospira sont d’ailleurs des acteurs importants de la nitrification (Lücker et al. 2010). Les Acidobacteria et les Bacteroidetes sont des groupes majoritairement hétérotrophes (i.e. des molécules organiques sont leur source de carbone) et abondants dans de nombreux environnements dont le sol (Quaiser et al. 2003, Fierer et al. 2012). Les Planctomy- cetes sont des bactéries un peu particulières. Ses membres ne possèdent pas de peptidoglycane dans leur membrane cellulaire et présentent un degré important de compartimentation in- terne (Fuerst et Sagulenko 2011). Présentes dans de nombreux environnements terrestres et aquatiques, les Planctomycetes sont majoritairement hétérotrophes. Certaines sont cependant capables d’oxyder l’ammonium en conditions anaérobie, un métabolisme uniquement détecté dans ce groupe à l’heure actuelle (Oshiki et al. 2016). Les Planctomycetes forment, de plus, un superphylum avec les Verrucomicrobia et les Chlamydiae (Fuerst 2013). Les Verrucomicrobia sont les seuls méthanotrophes aérobies connus en dehors des Proteobacteria (Op den Camp et al. 2009). Présents dans divers types de sols, leur écologie reste tout de même méconnue (Bergmann et al. 2011). Le phylum Actinobacteria est l’un des plus diversifiés. Il correspond à des bactéries à la morphologie et aux capacités métaboliques variées, distribuées dans divers environnements terrestres et aquatiques (Ventura et al. 2007). Enfin, les Spirochaetes sont des organismes hétérotrophes avec une structure interne (e.g. présence de filaments axiaux) unique parmi les bactéries (Madigan et al. 2014).

Les divisions candidates

Les phylums n’ayant pas de représentant cultivé sont regroupés sous le terme générique de

« divisions candidates » (Solden et al. 2016). Le développement des approches de génomique de ces dernières années a néanmoins permis d’a ffi ner leur position phylogénétique, tout en révélant certains aspects de leurs capacités métaboliques (Albertsen et al. 2013, Rinke et al.

2013, Brown et al. 2015). Ces études ont montré que les membres de nombreuses divisions candidates ont des génomes relativement petits (souvent < 1 Mb) et aux potentiels métaboliques variés, indiquant qu’ils sont probablement engagés dans des relations symbiotiques étroites (e.g.

mutualisme, parasitisme) avec d’autres organismes (Kantor et al. 2013, Luef et al. 2015, Brown et al. 2015). Si les divisions candidates sont réparties dans tout l’arbre des bactéries (Figure 1.5), il a été proposé qu’une trentaine d’entre elles forment un super-groupe monophylétique appelé « radiation des phylums candidats » (candidate phyla radiation, CPR ; Brown et al. 2015).

Cependant, la présence de génomes réduits étant souvent corrélée à une vitesse d’évolution

(37)

élevée, le caractère monophylétique observé pour ce groupe pourrait être en réalité le résultat

du phénomène d’attraction des longues branches. Cet artefact de reconstruction en phylogénie

moléculaire a tendance à regrouper des séquences évoluant rapidement, et ce indépendamment

de leur liens de parenté (Philippe et Laurent 1998). Enfin, certaines de ces CPR présentent la

particularité d’avoir des séquences d’ADNr 16S divergentes qui peuvent échapper aux analyses

basées sur les amplicons obtenus en utilisant des amorces « universelles » classiques et n’ont

ainsi pu être détectées que par métagénomique. Des progrès notables dans la compréhension de

ces divisions candidates ont donc été faits récemment, malgré notre incapacité à les cultiver. Il

ne fait aucun doute que l’expansion des études métagénomiques et single-cell va nous permettre

de poursuivre dans cette voie au cours des prochaines années.

(38)

CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN

0.4

Candidate Phyla Radiation

Microgenomates Parcubacteria

Eucarya Bacteria

Opisthokonta

Amoebozoa Chromalveolata Archaeplastida Excavata RBX1

WOR1 Cyanobacteria Melainabacteria

PVC superphylum

Lignées n'ayant pas de représentant isolé : Lignées ayant des représentants isolés : italique Dojkabacteria WS6

Peregrinibacteria

Gracilibacteria BD1-5, GN02 Absconditabacteria SR1

Katanobacteria WWE3

Berkelbacteria SM2F11

CPR1CPR3

Nomurabacteria Kaiserbacteria Adlerbacteria Campbellbacteria

Wirthbacteria Chloroflexi

Armatimonadetes

Giovannonibacteria Wolfebacteria

Jorgensenbacteria

Azambacteria

Yanofskybacteria Moranbacteria

Magasanikbacteria Uhrbacteria Falkowbacteria

Saccharibacteria

Woesebacteria Amesbacteria Shapirobacteria Collierbacteria Pacebacteria Beckwithbacteria Roizmanbacteria Gottesmanbacteria Levybacteria Daviesbacteria Curtissbacteria

Nanoarchaeota Woesearchaeota Pacearchaeota Nanohaloarchaeota

Micrarchaeota

Altiarchaeales Aenigmarchaeota

Diapherotrites

Z7ME43

Loki.

Thaumarchaeota

Archaeoglobi Methanomicrobia

Halo.

Thermoplasmata Methanococci Spirochaetes

Firmicutes (Tenericutes)

Bacteroidetes Chlorobi

Gammaproteobacteria Alphaproteobacteria

Betaproteobacteria

Actinobacteria

Planctomycetes Chlamydiae, Lentisphaerae, Verrucomicrobia

Omnitrophica

AminicentantesRokubacteria NC10 Elusimicrobia Poribacteria

Ignavibacteria

Dadabacteria

TM6

Atribacteria Gemmatimonadetes

Cloacimonetes Fibrobacteres

Nitrospirae Latescibacteria

TA06

Caldithrix Marinimicrobia

WOR-3 Zixibacteria

Synergistetes Fusobacteria Aquificae Calescamantes

Deinococcus-Therm.

Caldiserica Dictyoglomi

Deltaprotebacteria (Thermodesulfobacteria)

Epsilonproteobacteria

DeferribacteresChrysiogenetes Tectomicrobia, Modulibacteria

Nitrospinae Acidobacteria

Zetaproteo.

Thermotogae

Acidithiobacillia

Parvarchaeota Hydrogenedentes NKB19

Thor.

BRC1

Thermococci Methanobacteria Hadesarchaea Methanopyri

Aigarch.

Crenarch.

YNPFFA Korarch.

Bathyarc.

Archaea

Euryarchaeota

TACK

Figure 1.5 – Une vue actuelle de l’arbre de la vie, basé sur la concaténation de 16 protéines ribosomales.

L’arbre inclut 92 phylums de bactéries, 26 phylums d’archées et les cinq super-groupes d’eucaryotes.

Les noms Tenericutes et Thermodesulfobacteria sont indiqués entre parenthèses pour indiquer que ces

lignées branchent, respectivement, au sein des Firmicutes et des Deltaproteobacteria (modifié à partir

de (Hug et al. 2016)).

(39)

1.2.2 Les Archées

Nous l’avons vu, les archées ont été identifiées en tant que telles il y a seulement une quarantaine d’années (voir section 1.1.4) et di ff èrent des bactéries en de nombreux aspects (e.g. composition des membranes, machinerie informationnelle, métabolismes énergétiques ; voir section 1.2.1). Bien que souvent considérées comme étant des organismes extrêmophiles, elles sont en réalité adaptées à un large spectre de conditions environnementales. Les relations phylogénétiques entre les grands groupes d’archées font, elles, toujours l’objet d’un vif débat (Brochier-Armanet et al. 2011, Yutin et al. 2012, Petitjean et al. 2014, Raymann et al. 2015), et ce malgré la considérable augmentation des données génomiques à notre disposition au cours des dernières années.

Les Euryarchaeota

Les Euryarchaeota regroupent des organismes aux caractéristiques génomiques, méta- boliques et physiologiques variées. Les Halobacteria et les Nanohaloarchaea sont des hété- rotrophes halophiles facilement reconnaissables du fait qu’ils contiennent des pigments de caroténoïdes leur conférant une couleur rouge (Ma et al. 2010). Certaines sont, commme Halo- quadratum walsbyi, aussi capables de photohétérotrophie (Sharma et al. 2007). La production de méthane (méthanogenèse) est un métabolisme énergétique propre à ce domaine. A ce jour, les méthanogènes connus sont distribués dans di ff érentes lignées d’Euryarchaeota, comprenant les Methanobacteria (Methanobacteriales), les Methanococci (Methanococcales) les Metha- nomicrobia (Methanocellales, Methanomicrobiales et Methanosarcinales), les Methanopyri (Methanopyrales) et les Thermoplasmata (Methanomassiliicoccales) (Borrel et al. 2013, Iino et al. 2013). Au sein de ces dernières on retrouve également des micro-organismes adaptés à des conditions extrêmes d’acidité (jusqu’à des valeurs de pH négatives ; Ciaramella et al. 2005) ou impliqués dans la dégradation de protéines détritiques dans les fonds marins (Lloyd et al. 2013).

Les membres des groupes Thermoccoci et Archaeoglobi sont, eux, thermophiles (température

optimale de croissance comprise entre 45 et 80˚C) ou hyperthermophiles (température opti-

male de croissance > 80˚C) et ceux du genre Archaeoglobus font partie des quelques archées

capables de sulfato-réduction (Beeder et al. 1994). Le séquençage récent de plusieurs génomes

à partir d’échantillons environnementaux a permis d’en apprendre plus sur un super-groupe

d’archées non cultivées, informellement nommé DPANN et dont les membres présentent un

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CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN 2015). La monophilie de ce groupe est cependant incertaine, du fait que les lignées qui le composent pourraient être sujettes au phénomène d’attraction de longues branches, comme évoqué plus haut dans le cas des CPR. Ce groupe correspondait initialement aux Diaphero- trites, Parvarchaeota (anciennement Archaeal Richmond Mine Acidophilic Nanoorganisms, ou ARMAN), Aenigmarchaeota, Nanoarchaeota et Nanohaloarchaeota. D’autres taxons ont ensuite été ajoutés, dont notamment les Woese- et les Pace-archaeota (tous deux anciennement DHVEG-6). Bien que la caractérisation de leur métabolisme reste incomplète, il semblerait que de nombreuses DPANN soient impliquées dans la partie anaérobie du cycle du carbone.

La petite taille de leur génome ( < 1 Mb) indique de plus que les DPANN ont certainement des relations d’interdépendance avec d’autres organismes (Castelle et al. 2015). C’est par exemple le cas de la célèbre Nanoarchaeota Nanoarchaeum equitans qui vit en symbiose avec Ignicoccus hospitalis, une Crenarchaeota hyperthermophile (Huber et al. 2002).

Le superphylum TACK

Au départ composé de quatre phylums (Thaumarchaeota, Aigarchaeota, Crenarchaeota et Korarchaeota), le superphylum TACK s’est dernièrement vu adjoindre les Bathyarchaeota puis, encore plus récemment, les Lokiarchaeota (dont nous discuterons dans le paragraphe suivant).

Découvertes dans l’océan (DeLong 1992, Fuhrman et al. 1992), les Thaumarchaeota ont en- suite été détectées dans un grand nombre d’environnements dont le sol (Oton et al. 2016), des aquifères (Ragon et al. 2014) et certains tapis microbiens thermophiles (Hatzenpichler et al.

2008). D’abord classées en tant que Crenarchaeota mésophiles, elles n’ont acquis leur statut de phylum (et leur nom de Thaumarchaeota) qu’à la fin des années 2000 (Brochier-Armanet et al. 2008). Elles sont particulièrement abondantes dans de nombreux environnements, où elles jouent un rôle essentiel dans la nitrification, une étape majeure dans le cycle de l’azote (Pester et al. 2011). Les Aigarchaeota (Hedlund et al. 2015, Beam et al. 2016), les Crenarchaeota (Ma- digan et al. 2014) et les Korarchaeota (Elkins et al. 2008) sont trois phylums dont les membres, thermophiles ou hyperthermophiles, sont peu divers métaboliquement et présents dans des environnements aussi bien terrestres qu’aquatiques. Des organismes sulfato-réducteurs ont été détectés chez les Crenarchaeota (genres Caldivirga, Thermocladium ; O ff re et al. 2013) et chez un groupe identifié récemment, les Thorarchaeota (Seitz et al. 2016). Enfin, les Bathyarchaeota correspondent à un groupe d’organismes abondant dans les sédiments (Kubo et al. 2012).

De récentes études génomiques ont par ailleurs indiqué que ces archées avaient des capacités

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