1.2 Diversité phylogénétique et fonctionnelle
1.2.3 Les Protistes
Les protistes (du grec protistos, « le premier de tous ») correspondent à un collectif
poly-phylétique d’organismes unicellulaires appartenant aux Eucarya (du greceu, « vrai », et du grec
karyon, « noyau »), le troisième domaine du vivant. Les micro-organismes eucaryotes sont, en
moyenne, structurellement plus complexes que les procaryotes, que ce soit d’un point de vue
génétique (e.g. introns, séquences répétées) ou cellulaire (e.g. noyau, organelles). Les protistes
doivent leur nom au fait qu’ils étaient initialement considérés comme des formes ancestrales
des organismes multicellulaires eucaryotes. La taille et la diversité morphologique d’un certain
nombre d’eucaryotes unicellulaires avaient tout de même permis leur identification bien avant
l’usage d’outils moléculaires, contrairement aux procaryotes.
Si la question des liens potentiels unissant procaryotes et eucaryotes a pu se poser pendant
longtemps, le caractère chimérique de la cellule eucaryote est aujourd’hui clairement établi.
Ainsi, si la machinerie informationnelle (i.e. réplication, transcription et traduction) des
euca-ryotes est de type archéen, les phospholipides des membranes et les gènes impliqués dans la
production d’énergie et dans le métabolisme du carbone sont eux de type bactérien (
López-García et Moreira 2015). Deux autres éléments, identifiés dès les débuts de la phylogénie
mo-léculaire par Robert Schwartz et Margaret Dayhoff (Schwartz et Dayhoff 1978), permettent
d’attester de l’importance des procaryotes dans l’évolution des eucaryotes : la mitochondrie et
le chloroplaste. La mitochondrie est issue d’un unique événement d’endosymbiose avec une
bactérie (une Alphaproteobacteria) et était déjà présente chez l’ancêtre commun aux eucaryotes
actuels (Gray 2012). Les chloroplastes proviennent eux d’un événement d’endosymbiose, lui
aussi unique et impliquant une cyanobactérie et un hôte eucaryote hétérotrophe (Keeling 2010).
Aujourd’hui les eucaryotes sont répartis en sept super-groupes, très majoritairement microbiens
(Figure 1.6) et dont nous allons brièvement aborder les caractéristiques (Keeling et al. 2005,
Figure 1.6 – Arbre phylogénétique schématique des eucaryotes, basé sur des données moléculaires.
Les groupes en rouge contiennent des organismes multicellulaires, les autres uniquement des
micro-organismes. Modifié à partir deLópez-García et Moreira 2008.
Les Alveolata
Les Alvéolés sont des organismes prédateurs, phototrophes ou parasites. Les Ciliophora (ou
ciliés) sont des prédateurs hétérotrophes communs dans un grand nombre d’environnements et
ont été isolés à partir d’échantillons d’eau (à la fois marins et d’eau douce) et de sol. Certains
ciliés vivant dans des conditions anaérobies dépendent d’endosymbiontes méthanogènes. Le
groupe des Apicomplexa regroupe des organismes parasites d’animaux. Le troisième grand
groupe d’alvéolés est constitué par les Dinophyceae (ou dinoflagellés), des organismes libres
souvent abondants dans les communautés marines et qui peuvent être hétérotrophes,
auto-trophes ou mixoauto-trophes (i.e. capables de se nourrir soit par autotrophie soit par hétérotrophie).
Enfin, les Perkinsea sont des parasites de mollusques et de dinoflagellés.
CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN
Les Amoebozoa
Les Amoebozoa sont des protistes amiboïdes ou amiboflagellés. Majoritairement
bactéri-vores, on les retrouve aussi bien dans le sol que dans l’eau. Certains, dont les Archamoebae,
sont des parasites. Les Dictyostelia constituent un groupe particulier. En effet, ces organismes
libres sont capables de s’agréger et de former des structures multicellulaires complexes lorsque
les conditions environnementales sont hostiles, ce qui leur a valu le surnom « d’amibes
so-ciales ».
Les Archaeplastida
Le super-groupe des Archaeplastida est né de l’événement d’endosymbiose ayant mené à
l’incorporation d’une cyanobactérie par un eucaryote hétérotrophe. Il contient des organismes
essentiellement photosynthétiques, uni- et multi-cellulaires, distribués dans quatre groupes
principaux. Les Chlorophyta (algues vertes) sont abondantes dans les environnements
aqua-tiques et terrestres, tout comme les Streptophyta. Ces groupes forment un groupe informel que
l’on appelle « algues vertes ». Enfin, alors que les Rhodophyta (algues rouges) sont plutôt des
organismes marins, les Glaucophyta sont plutôt rares que ce soit dans l’eau ou dans les milieux
terrestres.
Les Excavata
Le groupe des Excavés correspond à des protistes dont les deux lignées majeures sont les
Metamonada et les Discoba (Euglenozoa, Heterolobosea et Jakobida). La plupart des
Metamo-nada sont des organismes libres anaérobies et/ou parasites et ne possèdent pas de mitochondrie
fonctionnelle. Les Discoba sont, eux, plus divers. En effet, si les Heterolobosea et les Jakobida
sont des organismes libres hétérotrophes, on trouve au sein des Euglenozoa des hétérotrophes,
des photosynthétiques et des parasites.
Les Opisthokonta
Les Opisthokonta sont très divers en termes de morphologie et de style de vie. Si les
animaux (Metazoa) sont multicellulaires, on retrouve des protistes dans les autres groupes. Les
Choanoflagellida sont des prédateurs présents dans différents habitats aquatiques. Les
cham-pignons sont des organismes osmotrophes (i.e. qui se nourrissent par diffusion de substances
dissoutes au travers de leur membrane) majoritairement saprotrophes (i.e. qui se nourrissent
de matière organique en décomposition). Les Ascomycota regroupent la majorité des espèces
connues de champignons et englobent notamment des espèces présentes chez les lichens (i.e.
des consortia symbiotiques dans lesquels un ascomycète est associé à des algues vertes ou à
des cyanobactéries). Les Glomeromycota sont eux impliqués dans des relations symbiotiques
mutualistes avec des plantes. Enfin, les Basidiomycota et les Chytridiomycota forment les deux
autres groupes principaux de champignons.
Les Rhizaria
Les Rhizaria sont composés de trois groupes principaux. Les Radiozoa sont des prédateurs
planctoniques marins. Les Foraminifera sont plutôt benthiques, même si on les retrouve
éga-lement dans le plancton océanique et d’eau douce, ainsi que dans les sols. Enfin, les Cercozoa
présentent différentes morphologies (amiboïde, flagellée ou amiboflagellée) et sont
majoritai-rement hétérotrophes (quelques membres sont photosynthétiques).
Les Heterokonta (Straménopiles)
Le super-groupe des straménopiles regroupe des organismes aux capacités métaboliques
variées. Les Bacillariophyta (ou diatomées) sont ainsi des photosynthétiques abondants en
milieu aquatique alors que la plupart des Labyrinthulida sont saprotrophes et les Bicosoecida
hétérotrophes. Un grand nombre de taxons de straménopiles n’ont pas de représentant cultivé,
comme c’est le cas des lignées MAST (MArine STramenopiles). Enfin, il semblerait que les
straménopiles forment en fait un groupe monophylétique avec les Alveolata et les Rhizaria,
parfois nommé « SAR ».
Les lignées incertae sedis
Les relations phylogénétiques entre les différents super-groupes restent relativement peu
résolues et beaucoup de taxons d’organismes unicellulaires ne sont affiliés à aucun de ces
super-groupes. Parmi eux nous pouvons citer les Apusozoa (hétérotrophes), les Centroheliozoa
(hétérotrophes), les Cryptophyta (majoritairement photosynthétiques) et les Haptophyta
(photo-synthétiques, certains mixotrophes). Ces derniers sont des producteurs primaires importants du
plancton océanique. Certaines Haptophyta (les coccolithophores) sont recouvertes de plaques
CHAPITRE 1. LE MONDE MICROBIEN
de carbonate de calcium dans lesquelles elles piègent leCO
2fixé par photosynthèse et jouent
un rôle davantage important dans le cycle du carbone.
Dans le document
Caractérisation phylogénétique et fonctionnelle de microbialites et de tapis microbiens
(Page 42-46)