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Submitted on 1 Nov 2020
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Engraissement rituel
Christophe Serra-Mallol
To cite this version:
Christophe Serra-Mallol. Engraissement rituel. Dictionnaire des cultures alimentaires, 2012. �hal-
02985114�
<TITRE>Engraissement rituel
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La pratique d’engraissement systématique et institutionnalisée de groupes humains a été relevée dans des sociétés où règne une forme d’anxiété alimentaire du fait de graves pénuries saisonnières : c’est le cas des Annang au Nigéria (Pollock 1995), des femmes sahariennes Maures et Tuareg (Garine 1979), ou des Masa du Cameroun (Garine 1996) qui font subir, au moment où s’annonce la période de pénurie saisonnière, une cure d’engraissement spectaculaire à certains jeunes gens, les guru walla. En faisant grossir certains de leurs membres au moment où c’est matériellement le plus difficile, ces sociétés substituent ainsi une prospérité symboliquement créée par l’homme à une situation de disette naturelle et régulière.
Nous nous intéressons ici à la pratique d’engraissement rituelle de sociétés du Pacifique insulaire, le ha’apori.
<IT1>Une pratique réservée à certains groupes sociaux
<IT2>Description générale
La pratique du ha’apori (littéralement « engraissement ») a été relevée par les premiers Européens en contact dans une bonne partie du Pacifique insulaire est : îles Manihiki- Rakahanga, Mangaia, Mangareva, Nauru, île de Pâques, Rurutu, Cook, et dans l’archipel de la Société. Elle aurait été inconnue à Tonga, en Nouvelle Zélande, aux Marquises et à Hawaii (Goldman 1970, Oliver 2002a).
La pratique du ha’apori était réservée aux classes les plus élevées de la société polynésienne ancienne, et à l’occasion de rites de passage. Ces pratiques étaient associées à la beauté physique et à la fertilité, et sont à analyser dans une optique culturelle, maintenir la cohésion de la société, aussi bien que biologique, accroître les chances de fertilité féminine et assurer la reproduction de la société (Serra Mallol 2008).
Lors de la période de récolte des fruits de l’arbre à pain (‘uru), les personnes soumises au ha’apori étaient enfermées à l’ombre dans des cases spéciales séparées du reste de la communauté, et nourries abondamment par les metua-pori (littéralement les « maîtres engraisseurs ») d’une préparation à base de popoi ou ‘opio, pâte élaborée à partir du fruit de l’arbre à pain, écrasé et mélangé à de la pulpe de fruits, auquel on ajoutait de l’eau pour lui donner une consistance semi-liquide. Tout mouvement, tout exercice étaient proscrits, à part le bain quotidien et les besoins naturels : elles mangeaient et dormaient autant qu’elles le pouvaient pendant deux mois. « A la fin de cette période on les libère mais ils sont tellement gras qu’ils peuvent à peine respirer et il leur faut plusieurs semaines avant de pouvoir marcher à quelque distance » (Morrison 1989).
Une fois « engraissées », les personnes soumises au ha’apori étaient présentées en public à leur chef traditionnel pour qu’il apprécie la rondeur et la blancheur de leurs corps.
La même cérémonie existait à Puka Puka, et à Mangareva, où elle concernait principalement les aînés des garçons de chaque famille qui, s’ils vomissaient leur nourriture par trop-plein, devaient manger de nouveau ce qu’ils avaient rejeté (Oliver 2002a).
<IT2>La pratique du ha’apori au dix-neuvième siècle
Moerenhout (1959) qui les observa encore en 1832 et Henry (2000) ont décrit les pratiques d’engraissement auxquelles étaient soumises les jeunes femmes. L’îlot de
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