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Les exceptions environnementales et sanitaires dans la jurisprudence de l'OMC

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Academic year: 2021

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UNIVERSITÉ DE NICE – SOPHIA ANTIPOLIS

FACULTÉ DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES

ÉCOLE DOCTORALE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET DE GESTION

LABORATOIRE GREDEG UMR627–CNRS

L

ES EXCEPTIONS ENVIRONNEMENTALES ET SANITAIRES

DANS LA JURISPRUDENCE DE L

’OMC

Thèse présentée et soutenue publiquement pour l’obtention du grade de Docteur en droit par Uriell CHOQUET

Le 07 novembre 2015

JURY

Monsieur Jean-Baptiste RACINE

Professeur à l’Université de Nice – Sophia Antipolis, Directeur de recherches Monsieur François COLLART DUTILLEUL

Professeur à l’Université de Nantes, Co-directeur de recherches Monsieur Gilles-Jean MARTIN

Professeur émérite à l’Université de Nice – Sophia Antipolis Madame Marie-Pierre LANFRANCHI

Professeure à Aix – Marseille Université, Rapporteure Madame Valérie PIRONON

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L’Université de Nice – Sophia Antipolis n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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R

EMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent avant tout à Madame la Professeure Laurence BOY, qui fut la première à m’accorder sa confiance pour traiter de ce sujet passionnant. Sa lucidité et sa vision m’auront servi de guide tout au long de l’élaboration de cette thèse.

Je tiens également à témoigner ma reconnaissance à Mesdames les Professeures Marie-Pierre LANFRANCHI et Valérie PIRONON, ainsi qu’à Messieurs les Professeurs Jean-Baptiste RACINE, François COLLART DUTILLEUL et Gilles J. MARTIN, pour l’attention qu’ils ont accordée à mon travail. Je remercie plus particulièrement mes directeurs de thèse pour les conseils avisés qu’ils n’ont cessé de me prodiguer. C’est grâce à leur confiance, leur indulgence et leur grande disponibilité que ce travail a pu aboutir. Qu’ils trouvent ici l’expression de toute ma gratitude.

Enfin, cette thèse nomade doit tout aux personnes rencontrées chemin faisant qui, avec leur infinie bienveillance, m’ont offert leur appui : un immense merci à mes familles niçoise, nantaise et parisienne, pour m’avoir tant et si bien nourrie pendant toutes ces années.

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S

OMMAIRE

Remerciements ... 1

Sommaire ... 3

Principales abréviations ... 5

Introduction générale ... 11

PREMIÈRE PARTIE. L’APPARENTE EFFECTIVITÉ DES EXCEPTIONS ENVIRONNEMENTALES ET SANITAIRES ... 45

TITRE I L'effectivité formelle des exceptions dans la jurisprudence de l’OMC ... 49

CHAPITRE 1. Une application limitée des exceptions environnementales et sanitaires sur le fondement de l’article XX du GATT ... 51

CHAPITRE 2. Une consécration formelle de droits environnementaux et sanitaires sur le fondement des Accords SPS et OTC ... 111

TITRE II L’ineffectivité substantielle des exceptions dans la jurisprudence de l’OMC 169 CHAPITRE 1. Une ineffectivité fondée sur les faits des espèces des différends .. 171

CHAPITRE 2. Une ineffectivité fondée sur les Accords SPS et OTC ... 209

DEUXIÈME PARTIE. LES CAUSES DE L’INEFFECTIVITÉ DES EXCEPTIONS ENVIRONNEMENTALES ET SANITAIRES ... 261

TITRE I La neutralisation des exceptions par l’interprétation prétorienne des règles probatoires ... 265

CHAPITRE 1. Une neutralisation au regard de la répartition de la charge probatoire ... 269

CHAPITRE 2. Une neutralisation au regard de la répartition des compétences en matière d’appréciation des éléments de preuve ... 311

TITRE II La neutralisation des exceptions par la reconnaissance sélective des normes externes au droit de l’OMC ... 369

CHAPITRE 1. La reconnaissance des standards techniques internationaux ... 373

CHAPITRE 2. Le refus de reconnaissance des règles internationales externes au droit de l’OMC ... 403

Conclusion générale ... 469

Bibliographie... 475

Principales décisions ... 509

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P

RINCIPALES ABRÉVIATIONS

AJDA Actualité juridique de droit administratif

AFDI Annuaire français de droit international

AFRI Annuaire français de relations internationales

ACDI Annuaire canadien de droit international

AJIL The American Journal of International Law

AJWH Asian Journal of WTO & International Health Law & Policy

al. Alinéa

Arch. philo. droit Archives de philosophie du droit

Art. Article

Chron. Rubrique « Chroniques » du recueil Dalloz

CE Communautés européennes

CIRDI Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

CJCE Cour de justice des Communautés européennes CJUE Cour de justice de l’Union européenne

CILJ Cornell International Law Journal

D. Dalloz

dir. Sous la direction de

Dr. et société Droit et société

éd. Édition

EJIL European Journal of International Law

Env. Environnement et développement durable

EPO Étiquetage indiquant le pays d’origine

Fasc. Fascicule

GATT General Agreement on Tarifs and Trade

(Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce)

Gaz. Pal. Gazette du Palais

ibid. ibidem

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JDI Journal du droit international (Clunet)

JIDS Journal of International Dispute Settlement

JIEL Journal of International Economic Law

JO Journal officiel

JWT Journal of World Trade

LPA Les Petites affiches

Màj. Mise à jour

Numéro

Obs. NU L’observateur des Nations Unies

OGM Organismes Génétiquement Modifiés

OIE Office internationale des épizooties

(ancienne Organisation mondiale de la santé animale) OIC Organisation internationale du Commerce

OMC Organisation Mondiale du Commerce

OMS Organisation Mondiale de la Santé ONG Organisation non-gouvernementale

ONU Organisation des Nations-Unies

op. cit. opere citato

ORD Organe de Règlement des Différends de l’OMC OTC Obstacles techniques au Commerce

p. Page

pp. Pages

§ Paragraphe

§§ Paragraphes

Rec. Recueil

Rép. dr. civ. Répertoire de droit civil Dalloz

Rép. eur. Répertoire de droit européen Dalloz

Rép. pr. civ. Répertoire de procédure civile Dalloz

Rép. Sociétés Répertoire de droit des sociétés Dalloz

RBDI Revue belge de droit international

(11)

RDSS Revue de droit sanitaire et social

RD rur. Revue de droit rural

Rev. arb. Revue de l’arbitrage

REDE Revue européenne de droit de l’environnement

RESS Revue européenne des sciences sociales

RGDIP Revue générale de droit international public

RIDE Revue internationale de droit économique

RJE Revue juridique de l’environnement

ROC Règlement sur les Obstacles au Commerce

RQDI Revue québécoise de droit international

RRJ Revue de recherche juridique et de droit prospectif

RSC Revue de science criminelle (Dalloz)

RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD Eur. Revue trimestrielle de droit européen

RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme

SPS Sanitaire et phytosanitaire

s. et suivants

TAFTA Traité de libre-échange transatlantique

TiSA Trade in Services Agreement

TCE Traité instituant la Communauté européenne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TPICE Tribunal de première instance des Communautés européennes TPIUE Tribunal de première instance de l’Union européenne

TUE Traité sur l’Union européenne

v. Voir

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(13)

À Laurence, Qui aurait nécessairement trouvé beaucoup à y redire ; Que ce travail puisse néanmoins lui rendre hommage.

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I

NTRODUCTION GÉNÉRALE

1. L’environnement et la santé, ou la suspicion du protectionnisme. Quel est le

point commun entre l’essence, la pêche aux crevettes et les tortues ? Pourquoi parler dans le même temps de cigarettes aux clous de girofle et d’amiante ? Quel dénominateur commun ces produits connaissent-ils avec les produits agricoles, les pommes, la viande aux hormones, les organismes génétiquement modifiés (OGM), les volailles, les saumons, les sardines, les thons et les dauphins ? Tous ces produits, en tant que marchandises, objets du commerce international, ont fait l’objet de litiges devant les organes de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La caractéristique principale de ces litiges réside dans la tentative de l’État défendeur de justifier une mesure restrictive pour le commerce, le plus souvent de produits agro-alimentaires, au nom de la protection de la santé ou de l’environnement. Protectionnisme ou préservation de l’intérêt général ? Hormis les affaires Amiante et Crevettes, les juges de l’OMC ont estimé que la santé et l’environnement ne servaient que d’alibi à des mesures protectionnistes biaisant le jeu de la concurrence loyale entre les États membres. Le constat interroge l’observateur qui en vient à se demander si les exceptions environnementales et sanitaires présentes dans les accords de l’OMC ont effectivement une quelconque consistance. Seraient-elles inscrites dans les textes uniquement pour rassurer le profane sur l’éthique des activités commerciales des États ? L’Union européenne était-elle de si mauvaise foi lorsqu’elle interdit l’importation sur son territoire de produits biotechnologiques pour risque sanitaire ? Interroger le sort de ces exceptions devant les organes de règlement des différends permet de révéler les équilibres et déséquilibres d’un système commercial prédominant dans le paysage juridique international, traduisant autant d’arbitrages entre valeurs et intérêts divergents de la société contemporaine.

C’est ainsi que, tout en saluant le saisissement par le droit économique de valeurs non commerciales, telles que la santé et l’environnement, Laurence BOY a néanmoins pu mettre en garde contre le cynisme, ou la naïveté, des espoirs placés dans leur

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« marchandisation contrôlée ». D’après elle, ces valeurs devraient être l’objet d’une « régulation réelle »1. Concernant l’OMC, les valeurs portées par la réglementation commerciale multilatérale s’expliquent notamment par l’évolution historique de l’Organisation. Initialement vouée à être chapeautée par l’ONU, c’est en tant qu’organisation commerciale autonome qu’elle a connu son apogée.

2. L’échec de l’Organisation Internationale du Commerce. La création de l’OMC

résulte d’une large dynamique institutionnelle advenue sur le plan international au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’optique de la mise en place d’une véritable interdépendance des différents États du monde, assimilée à une pacification des rapports interétatiques, les grandes puissances alliées signent d’importants accords mettant en place autant d’institutions spécifiques2. C’est dans cette dynamique que se

forme le projet visant à la mise en place de l’Organisation internationale du commerce (OIC). Ce projet se déroule sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU3). Il aboutit, en mars 1948 lors de la Conférence de La Havane, à l’adoption de la

« Charte instituant une organisation internationale du commerce »4. Cette Charte vient compléter les objectifs de paix et de sécurité déjà consacrés par l’ONU en régissant les questions économiques et sociales. Le premier article de la Charte dispose ainsi qu’elle vise à « atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations

unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social ».

L’OIC présentait ainsi deux particularités, qui ne se retrouvent pas dans l’actuelle OMC : premièrement, elle s’inscrivait dans le système onusien, et avait vocation à n’être qu’un volet spécifique d’un ensemble de politiques coordonnées ;

1 B

OY L., « L’appel à la régulation en droit de l’environnement », in MARTIN G. J., (Mélanges en l’honneur

de), Pour un droit économique de l’environnement, Frison-Roche, Paris, 2013, p. 73. 2

Ainsi, dès 1944, sont signés les Accords de Bretton Woods, créant le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Initialement, les deux institutions obéissent à une même logique de reconstruction des économies nationales post-conflit : la première remplit un rôle de gestion des taux de change à court terme, tandis que la seconde vise à financer des projets de construction à plus long terme. Les États-Unis posent explicitement, en janvier 1945, la nécessité de compléter ces accords par la création d’une organisation ayant pour but de réduire les obstacles aux échanges internationaux des marchandises.

3

Créée à San Francisco en juin 1945.

4 L’intégralité du texte est disponible en ligne sur le site de l’OMC :

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deuxièmement, elle ne se contentait pas de régler les questions commerciales, mais également les questions d’emploi et de développement économique. L’OIC avait ainsi vocation à endosser une fonction régulatrice des questions économiques, tout en étant chapeautée par une organisation également compétente en matière de droit de l’homme1. Ce projet ambitieux est pourtant resté dans l’impasse, la Charte de la

Havane n’ayant finalement jamais été ratifiée par les États-Unis, suite à des tensions politiques internes, soldant ainsi le projet par un échec2. Seul le volet commercial de l’OIC subsistera, servant de base à un accord de libre-échange des marchandises, finalement signé en marge de l’ONU.

3. Le GATT de 1947. Sur les cendres de l’OIC, un Accord général sur les tarifs

douaniers et le commerce est négocié et signé par vingt-trois États le 30 octobre 1947 à Genève : le GATT de 19473. Le GATT (ou Accord général) est un accord indépendant des Nations Unies, et exclusivement recentré sur les questions commerciales : il poursuit le double objectif de mettre en place des principes permettant une concurrence loyale entre ses contractants et d’assurer un processus continu de libéralisation du commerce international4. Le GATT de 1947 régit pendant

11 C’est ainsi que la Charte de la Havane prévoyait d’appliquer un régime d’exception à certains produits

dits « de base », rejoignant l’idée des exceptions environnementales et sanitaires de l’OMC, en poursuivant un objectif de sécurité alimentaire : v. COLLART DUTILLEUL F., « Charte de La Havane », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans le monde, éd. Larcier, Bruxelles, 2013, pp. 143-145. Le Programme Lascaux a d’ailleurs fait une proposition prônant un retour à l’esprit de la Charte de la Havane, afin de répondre aux défis actuels de sécurité alimentaire. V.

infra n° 6.

2 Pour une présentation succincte de l’échec de l’OIC, v.

RAINELLI M., L’Organisation mondiale du

commerce, Collection Repères, La Découverte, 9e éd., Paris, 2011, encadré p. 23 ; pour une présentation plus approfondie, v. GRAZ J.-C., Aux sources de l’OMC. La Charte de la Havane, 1941-1950, Librairie Droz, Genève, 2009, 367 p.

3 Le sigle GATT reprend les initiales de la dénomination anglaise de l’accord : General Agreement on Tariffs and Trade. Celui-ci est beaucoup plus usité que l’acronyme français : AGETAC.

4 Les conditions d’un « commerce loyal » (fair trade) sont assurées par une série d’obligations. Les

obligations centrales relèvent des deux premiers articles de l’Accord général. L’article I impose à toutes les parties contractantes l’adoption de la clause de la nation la plus favorisée. Toute concession accordée par une partie à une autre doit par là même être généralisée à l’ensemble des parties contractantes sans discrimination. L’article II de l’Accord général pose en outre l’obligation de consentir des concessions tarifaires en limitant les droits de douane imposés aux importations d’autres États signataires. Par le biais de ces obligations principales, sans instaurer le libre-échange, le GATT vise à libéraliser les échanges entre les parties contractantes, notamment en passant du bilatéral au multilatéral. Les obligations accessoires imposent un code de conduite engageant les parties contractantes à ne pas prendre de mesures créant des entraves au commerce international. Sous l’égide du GATT de 1947, les entraves visées relèvent principalement des droits de douane et des restrictions quantitatives. L’Accord général contient en outre un

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une cinquantaine d’années les rapports interétatiques commerciaux, jusqu’à l’issue de l’Uruguay Round, qui marque un tournant dans l’histoire du droit du commerce international en organisant la transition du GATT vers l’OMC. Malgré des positionnements politiques différents1, les négociations aboutissent le 15 décembre 1993. Avec le cycle de l’Uruguay, les parties contractantes d’un Accord visant à libéraliser le commerce des marchandises deviennent les États membres d’une véritable organisation internationale.

4. La naissance de l’OMC. L’« Acte final reprenant les résultats des négociations

commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay » est signé le 15 avril 1994 à

Marrakech. L’« Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce » (dit

« Accord sur l’OMC »), auquel est annexé l’ensemble des accords négociés, fait partie

intégrante de cet Acte final. L’Accord sur l’OMC comporte ainsi quatre annexes principales : le premier corps d’annexes comprend les accords multilatéraux sur le

certain nombre d’exceptions et de dérogations. Sont tout d’abord exclus du champ d’application de l’accord les services, les produits agricoles et le textile. Les pays en développement bénéficient par ailleurs de dispositions dérogatoires les exemptant par exemple de l’obligation de réciprocité, sous certaines conditions. Enfin, l’Accord général autorise la constitution de zones régionales de libre-échange ou d’unions douanières, du type CEE ou ALENA, sous réserve de différentes conditions également. Cet Accord général met également en place un embryon de système de règlement des différends par le biais de son article XXIII, intitulé « Protection des concessions et des avantages ». Celui-ci prévoit une procédure en cas de plainte d’une partie contractante contre une autre pour différend commercial. En cas d’échec des négociations bilatérales entre les parties concernées, un groupe de travail ou d’experts, dit panel, instruira l’affaire pour trouver un arrangement. Ce panel rédige un rapport, en sus du rapport délivré par l’État en cause, présentant des recommandations ou autorisations de suspension d’obligations à l’égard de l’État en cause. Parallèlement à ce fonctionnement quotidien de l’institution se déroulent des cycles de négociations commerciales multilatérales (dit round). Ceux-ci relèvent de la dynamique de libéralisation continue des échanges de marchandises. Leur objet est ainsi la généralisation de concessions tarifaires des parties contractantes entre elles. Six différents cycles de négociations se sont déroulés sous l’égide du GATT de 1947 : les cycles de Genève (1947), d’Annecy (1949), de Torquay (1951), le Dillon Round (1960-1961), le Kennedy Round (1964-1967), le Tokyo round (1973-1979) et l’Uruguay Round (1986-1994). Ces cycles sont caractérisés par une longueur et une complexité croissantes : celles-ci correspondent au passage de négociations portant d’abord principalement sur les droits de douane, à des négociations relatives aux barrières non-tarifaires, par exemple réglementaires. Il est à noter également que ces cycles de négociations ont été l’occasion d’accueillir de nouvelles parties contractantes : de vingt-trois en 1947, elles sont passées au nombre de cent-vingt en 1994. Pour une synthèse plus détaillée du GATT de 1947, v. RAINELLI M.,

L’Organisation mondiale du commerce, op. cit., pp. 19-58.

1 Les négociations ont été longues et complexes, en achoppant sur plusieurs points : la nouvelle attitude

offensive des États-Unis soutenant leurs exportations, et appelant à l’ouverture des marchés étrangers, à la libéralisation du commerce mondial des produits agricoles, à l’extension des principes libre-échangistes au commerce des services, à l’adoption de nouveaux accords.

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commerce des marchandises1, l’Accord sur le commerce des services (AGCS)2, ainsi que les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)3 ; la seconde annexe est constituée par le Mémorandum d’Accord sur le règlement des différends ; la troisième régit le Mécanisme d’examen des politiques commerciales ; la quatrième et dernière annexe comporte les différents accords commerciaux plurilatéraux4.

L’OMC est ainsi née le 1er

janvier 1995, suite à la signature de ces accords de Marrakech le 15 avril 19945. Son champ d’application s’est à ce point élargi que l’organisation régit désormais le commerce international des marchandises, des services et de la propriété intellectuelle. L’Organisation s’est également vue dotée d’un mécanisme de règlement des différends, véritable fer de lance de l’Organisation, qui lui confère une puissance inégalée6.

1 Cette Annexe 1A à l’Accord sur l’OMC est la plus importante et comprend l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, dit GATT de 1944 et fondé sur le GATT de 1947 ; l’Accord sur l’agriculture ; l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit Accord SPS ;

l’Accord sur les textiles et les vêtements ; l’Accord sur les obstacles techniques au commerce, dit Accord

OTC ; l’Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce ; l’Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ; l’Accord sur la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ;

l’Accord sur l'inspection avant expédition ; l’Accord sur les règles d'origine ; l’Accord sur les procédures

de licences d'importation ; l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires ; l’Accord sur les sauvegardes.

2 Annexe 1B à l’Accord sur l’OMC. 3

Annexe 1C à l’Accord sur l’OMC.

4

Cette quatrième annexe à l’Accord sur l’OMC comprend l’Accord sur le commerce des aéronefs civils ; l’Accord sur les marchés publics ; l’Accord international sur le secteur laitier ; l’Accord international sur

la viande bovine.

5 Le fonctionnement de l’institution est quotidiennement assuré par un secrétariat et son Directeur général.

Cette administration assure les tâches de gestion mais n’a aucun pouvoir décisionnel. L’Organisation est dite member driven, c’est-à-dire que les décisions ne peuvent être prises que par les Membres. Leurs représentants se réunissent dans le cadre de la Conférence ministérielle ou du Conseil général. Ce dernier se réunit également pour remplir les fonctions d’Organe de règlement des différends et d’Organe d’examen des politiques commerciales. Les Membres se réunissent également dans le cadre de Conseils spécifiques à chaque accord, ou de comités spécialisés, groupes de travail ou d’expertise compétents pour certaines questions plus précises. Le principe reste le même que sous l’empire du GATT de 1947 : chaque État membre dispose d’une voix. Les décisions sont prises par consensus, ou le cas échéant à la majorité des votes émis.

6 Le système de règlement des différends était considéré comme le « joyau de la couronne » de l’OMC par

son ancien Directeur général, Mike MOORE ; pour d’autres, il incarne la « clef de voûte » ou la « pierre

angulaire » du dispositif commercial multilatéral (v. not. MCHANETZKI M.-L., « Le règlement des différends de l’OMC », Notes Bleues de Bercy, n°175, Janvier 2000, pp. 1-8) ; pour une présentation exhaustive de la mise en place et du fonctionnement du système de règlement des différends de l’OMC, v.

(20)

5. L’apogée d’une organisation commerciale autonome. L’OMC, qui a

aujourd’hui vingt ans, regroupe la quasi-totalité des pays du monde1

, dont les États membres de l’Union européenne2. L’élargissement du champ d’application des

principes du libre-échange, et la mise en place d’un véritable système de règlement des différends, ont transformé le simple Accord général en véritable organisation multilatérale de régulation du commerce international. Loin de sa vocation première à n’incarner qu’une facette d’une gouvernance onusienne plus globale, l’OMC est devenue une organisation exclusivement commerciale, fondée sur un système juridique autonome, et dotée d’un mécanisme de règlement des différends lui conférant une puissance inégalée. Dotée de nouveaux pouvoirs, l’organisation commerciale se retrouve alors confrontée à de nouveaux défis. C’est ainsi que la dynamique d’extension de ses domaines de compétence a notamment signifié la transformation juridique des denrées agro-alimentaires en marchandises soumises aux principes du libre-échange. Ces nouvelles règles de commerce international des produits agro-alimentaires incarnent à la fois la fin de l’« exception agricole » et le renouveau de la problématique des valeurs non commerciales dans ce système commercial.

6. Le commerce des produits agro-alimentaires, ou le renouvellement de la problématique des valeurs non commerciales à l’OMC. L’élargissement du champ

d’application de l’OMC en général, aux produits agro-alimentaires en particulier, a renouvelé la problématique de l’articulation des questions non-commerciales à ce système commercial3. Dans le domaine du commerce international des marchandises,

MONNIER P. et RUIZ FABRI H., « OMC. – Règlement des différends », Jurisclasseur Droit international, Fasc. 130-15, 2010.

1 L’OMC compte 160 Membres, ainsi que 24 gouvernements observateurs. Rapporté aux 197 pays reconnus

par l’ONU dans le monde, ce chiffre révèle que seule une petite dizaine de pays n’est pas concernée par l’Organisation.

2 La Commission européenne s’exprime ainsi au nom des 28 États Membres de l’Union aux réunions de

l’OMC, ces derniers étant par ailleurs membres à part entière de l’organisation. Il faut également noter que pour des raisons juridiques, l’Union européenne était dénommée « Communautés européennes » jusqu’au 30 novembre 2009 au sein de l’OMC, dénomination qui sera réutilisée dans cette thèse le cas échéant.

3 Cette problématique de l’articulation des questions commerciales et non commerciales se retrouve dans

d’autres domaines de l’OMC, qui ne seront néanmoins pas approfondis dans la présente étude. L’ADPIC, par exemple, présente un immense intérêt, en particulier concernant la propriété intellectuelle des semences. L’objectif social de l’accord est de protéger les résultats des investissements réalisés dans la mise au point

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le changement majeur opéré en 1995 réside dans l’adoption de l’Accord sur

l’Agriculture (AsA). Celui-ci régit spécifiquement le commerce international des

denrées agro-alimentaires, qu’il soumet en substance aux principes généraux du libre-échange. Poursuivant l’objectif d’« établir un système de commerce des produits

agricoles équitable et axé sur le marché », l’AsA incarne la fin de l’« exception agricole »1. Il reprend le principe majeur du « droit général des échanges de

marchandises »2 en appliquant le principe de non-discrimination aux produits agro-alimentaires3. Or, ce domaine, comme l’illustre la difficulté des négociations pour arriver à un accord, est d’une grande sensibilité politique, car lieu de rencontre de multiples enjeux : l’agriculture et l’alimentation sont sous-tendues par des enjeux culturels, sociaux, humains, sanitaires, environnementaux, et effectivement, commerciaux. L’enchevêtrement, sinon l’affrontement, d’enjeux et d’intérêts apparaît ainsi avec une acuité particulière dans le domaine agro-alimentaire, qui a déjà fait l’objet d’importantes recherches. Le libre commerce des denrées agro-alimentaires présente effectivement des enjeux pratiques importants en termes de sécurité alimentaire.

de technologies nouvelles, de façon à encourager les activités de recherche-développement dans ce domaine et à donner les moyens de les financer. Son article 27.3 autorise néanmoins les États membres à exclure de la brevetabilité « les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur

territoire pour protéger l’ordre public et la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement ».

Sur ces questions, v. notamment la proposition du Programme LASCAUX, « Accès aux variétés végétales et propriété intellectuelle internationale : les chercheurs à l’écoute des analyses des ONG », in COLLART DUTILLEUL F. et BRÉGER T. (dir.), Penser une démocratie alimentaire – Thinking a food democracy, Vol. 2, INIDA, San José (Costa Rica), 2014, pp. 209-223 ; v. également NGO M.-A., « Accord ADPIC », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans

le monde, op. cit., pp. 23-25 ; COLLART DUTILLEUL C., La propriété industrielle appliquée aux produits

agro-alimentaires, thèse, Nantes, 2014, 449 p. ; et YAMTHIEU S., Accès aux aliments et droit de la propriété

industrielle : brevet, certificat d'obtention végétale et sécurité alimentaire dans les pays en développement,

Larcier, 2014, 392 p.

1 Pour une présentation succincte de l’Accord sur l’Agriculture (AsA), en particulier de ses interactions

avec la problématique de la sécurité alimentaire, v. CHARLIER C., « Accord sur l’Agriculture », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans le monde,

op. cit., pp. 30-32.

2Droit incarné par le GATT de 1947 selon R

UIZ-FABRI H., « Organisation mondiale du Commerce – Droit matériel – Généralités. Marchandises », JurisClasseur Droit international, 11,1998, Fasc. 130-20.

3

Il s’agit ici du principe de non-discrimination dérivé en droit de l’OMC par deux types d’obligations : la clause de la nation la plus favorisée, interdisant les discriminations entre États membres ; et la clause du traitement national interdisant une discrimination entre produits nationaux et étrangers.

(22)

C’est à cette question de savoir quel rôle joue, ou peut jouer, le droit pour atteindre l’objectif de sécurité alimentaire1, que s’est attelé le programme de recherche

LASCAUX2. Partant du principe que « le droit est ce langage politique, au sens premier,

qui porte les valeurs qu’une société se donne à elle-même », les travaux du

programme LASCAUX ont mis en lumière les pans du droit concourant aux problèmes mondiaux tels que la famine, la malnutrition ou les scandales alimentaires3. Bien évidemment, le droit du commerce international et l’ouverture des marchés ne sont pas en reste : les obligations commerciales incombant aux États constitueraient autant d’entraves à la constitution de stocks de nourriture d’une part, et à la protection environnementale et sanitaire de leurs ressortissants d’autre part4. Que le droit de l’OMC soit une cause de l’insécurité alimentaire dans le monde, ou qu’il échoue à la réduire, il est mis en cause. Le Programme LASCAUX a ainsi émis deux propositions principales pour le faire évoluer : la première consisterait à revenir à l’esprit de la Charte de la Havane, en reconnaissant une « exception sur les produits agricoles de

1 Le Premier point du Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation (compris dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, Rome, le 13 novembre 1996) affirme que la sécurité alimentaire

est réputée exister « lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à

une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Cette définition comprend ainsi deux axes

principaux, de quantité suffisante de nourriture (food security) et de qualité de celle-ci (food safety) (Pour une présentation plus détaillée de la notion de sécurité alimentaire, et des différents instruments juridiques la consacrant, v. PARENT G. et MORALES S., « Sécurité alimentaire », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans le monde, op. cit., pp. 618-619.).

2 L’ensemble des activités et publications du Programme Lascaux est accessible en ligne :

http://www.droit-aliments-terre.eu [consulté le 05/07/2015]; v. également le nouveau site du Programme, aujourd’hui entré dans une seconde phase : www.programmelascaux.eu [consulté le 05/07/2015].

3 C

OLLART DUTILLEUL F., « Préface », in COLLART DUTILLEUL F. et BRÉGER T. (dir.), Penser une

démocratie alimentaire – Thinking a food democracy, Vol. 1, INIDA, San José (Costa Rica), 2013, p. 1 :

l’auteur rappelle, entre autres choses, qu’après des décennies de GATT et d’OMC, la famine frappe encore plus de 800 millions de personnes et laisse un milliard et demi de personnes en état de malnutrition.

4 V. notamment J

OURDAIN-FORTIER C.et PIRONON V., « La sécurité alimentaire dans le droit de l’OMC ; analyse critique et prospective » », in COLLART DUTILLEUL F. et BRÉGER T. (dir.), Penser une démocratie

alimentaire – Thinking a food democracy, Vol. 1, op. cit., p. 267-268 ; JOURDAIN-FORTIER C., LOQUIN E., « Droit du commerce international et sécurité alimentaire », RIDE, 2012/4 t. XXVI, pp. 21-47 ; pour un exemple de débat entre la souveraineté alimentaire et la libéralisation des échanges, v. « La libéralisation du commerce et l’OMC : aide ou entrave au droit à l’alimentation ? », table ronde entre Olivier DE SCHUTTER et Pascal LAMY, 11 mai 2009, Genève [accessible en ligne : http://www.wto.org/french/forums_f/debates_f/debate14_f.htm, consulté le 1er juin 2012].

(23)

base » 1 ; la seconde consisterait à reconnaître une « exception alimentaire » sur le

modèle de l’« exception culturelle »2. La présente recherche s’inscrit naturellement

dans cet ensemble de travaux. Elle envisage néanmoins une hypothèse alternative, à défaut de consensus multilatéral relatif à ces deux propositions, d’utilisation par le juge de l’OMC des textes déjà négociés, en particulier des exceptions environnementales et sanitaires. En effet, l’interdépendance entre commerce, santé et environnement, semble, en apparence du moins, déjà prise en compte par l’OMC3

.

7. L’apparente prise en compte de l’interdépendance entre commerce, santé et environnement par l’OMC. L’ancien Directeur générale de l’OMC, Pascal LAMY, a ainsi pu publier une lettre ouverte adressée à Olivier DE SCHUTTER, Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, avançant que le commerce international n’entre pas nécessairement en conflit avec la sécurité alimentaire, voire qu’il y participe4

. Cette interdépendance entre enjeux commerciaux et non commerciaux apparait dans certains textes juridiques sur lesquels est fondée l’OMC. Le Préambule de l’Accord sur l’OMC fait ainsi explicitement

1 P

ROPOSITION LASCAUX, « Les voies d’amélioration de la sécurité alimentaire dans un contexte de mondialisation du commerce », in COLLART DUTILLEUL F. et BRÉGER T. (dir.), Penser une démocratie

alimentaire – Thinking a food democracy, Vol. 1, op. cit., pp. 213-242. 2 P

ROPOSITION LASCAUX, « Proposition pour la reconnaissance internationale d’une ‘exception alimentaire’ sur le modèle de l’’exception culturelle’ », in COLLART DUTILLEUL F. et BRÉGER T. (dir.), Penser une

démocratie alimentaire – Thinking a food democracy, Vol. 1, op. cit., pp. 13-43.

3 En théorie, la question se pose également de la place concourante des considérations sociales dans le droit

de l’OMC, notamment au regard de la problématique de la sécurité alimentaire. Elle est en pratique néanmoins beaucoup moins présente, que ce soit dans les textes, ou dans les recours exercés dans le cadre du système de règlement des différends de l’OMC. Parce que trop marginale, en comparaison de la place prise par les exceptions environnementales et sanitaires, elle ne sera pas développée dans les développements de la présente étude. Pour une introduction à cette question, v. MARCEAU G., « Le droit du commerce international, les droits fondamentaux et les considérations sociales », Obs. NU, 2009, vol. 27, n°2, pp. 241-247 ; v. également LANFRANCHI M.-P., « La gouvernance du commerce international : la question de l’articulation commerce/normes sociales », in MEHDI R.(ed.), Quels acteurs pour une nouvelle

gouvernance ?, La Documentation français, 2005, pp. 185-208 ; et de la même auteure, « Les droits sociaux

fondamentaux dans le droit applicable au commerce international », in CHÉROT J.Y. et VAN REENEN T. (ed.)

Les droits sociaux fondamentaux à l’âge de la mondialisation, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2005,

pp. 59-73.

4 Cette allocution a été publiée le 14 décembre 2011 sur le site de l’OMC, sous l’intitulé « M. Lamy réfute l’allégation du Rapporteur des Nations Unies selon laquelle le droit à l’alimentation est ‘otage’ des

négociations de l’OMC », et est accessible en ligne :

https://www.wto.org/french/news_f/news11_f/agcom_14dec11_f.htm [consulté le 05/07/2015]. Cette lettre constituait une réponse à un rapport publié par Olivier DE SCHUTTER O. : « L’Organisation Mondiale du Commerce et l’Agenda sur la Crise Mondiale de la Sécurité Alimentaire », note d’information du Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation, novembre 2011, accessible en ligne : http://www.srfood.org/fr/commerce [consulté le 05/07/2015].

(24)

mention de l’objectif de développement durable (qui ne figurait pas dans le texte du

GATT de 1947) que souhaitent poursuivre les États membres1. S’appuyant sur ce

préambule, et annexée aux accords de Marrakech, est adoptée par les États membre une Décision sur le commerce et l’environnement qui témoigne également du souci des États membres d’accorder une attention particulière à ce lien entre commerce et environnement2. Les Membres de l’OMC ont également pris acte de la relation entre les politiques commerciales et sanitaires. On citera, entre autres choses, la série d’ateliers consacrée à la propriété intellectuelle et la santé3

. Prendre en compte certaines de ces interdépendances entre commerce, santé et environnement ne conduit pourtant pas nécessairement à résoudre les contradictions qui en résultent. Ces travaux présentent souvent le travers de cultiver le mythe d’une convergence des objectifs commerciaux et non commerciaux, en éludant leurs points de tension4. Par ailleurs, la juridicité de ces travaux n’est pas établie, et n’a jamais constitué une base suffisamment solide pour fonder la protection de la santé ou de l’environnement. Un terrain plus solide, apparemment, est offert par l’inscription d’une exception générale aux principes du libre-échange : certains accords prévoient la possibilité de mesures restrictives pour le commerce international lorsqu’elles sont « nécessaires à la

protection de la vie et de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation

1

Les États membres reconnaissent ainsi que « leurs rapports dans le domaine commercial et économique

devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d’un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de préserver l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique ».

2 Cette décision fonde la création d’un Comité du commerce et de l’environnement, ouvert à tous les

Membres et également à certaines organisations intergouvernementales en tant qu’observateurs. Ce Comité mène des discussions, sans prendre de décision, mais permettant d’arrêter les termes d’un débat poursuivi dans le cadre des négociations multilatérales. Ainsi en a-t-il été à propos de la relation entre le droit de l’OMC et les Accords environnementaux multilatéraux (AEM).

3

Ceux-ci sont organisés conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et par le Secrétariat de l’OMC. Ils abordent des sujets tels que l’accès aux technologies médicales, l’innovation. Ils font notamment suite à la Déclaration sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée le 14 novembre 2001 par les États membres. Celle-ci consiste à reconnaître la nécessité de certaines flexibilités dans la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle afin d’appuyer « le droit des Membres de l’OMC de protéger la santé publique, et en particulier, de

promouvoir l’accès de tous aux médicaments » (Quatrième paragraphe de la Déclaration sur l’accord sur les

ADPIC et la santé publique).

4 V. entre autres sur le site de l’OMC : « L’OMC peut agir en faveur de l’environnement et de la santé » V. :

(25)

des végétaux »1. C’est dans l’étude de ce régime d’exception que s’ancre la recherche

relative aux aspects environnementaux et sanitaires dans le droit de l’OMC.

8. Un régime d’exceptions. La « protection de la santé et de la vie des personnes et

des animaux » et la « préservation des végétaux »2 constituent l’exception phare au régime général du commerce des marchandises. Et pour cause, elle est aussi bien envisagée dans l’article XX b) du GATT, que dans les Accords OTC et SPS.

Il en va de l’articulation de ces trois accords, comme d’un régime d’exception allant du plus général au plus particulier. L’article XX b) du GATT consiste en une

« exception générale » aux principes et règles de libre-échange des marchandises

posés par l’Accord général. C’est corrélativement à l’extension du champ d’application de ces principes aux marchandises agro-alimentaires, par le biais de l’adoption de l’Accord sur l’Agriculture (AsA), qu’ont été adoptés les Accords SPS et

OTC. Ceux-ci doivent être appréhendés comme les garde-fous à une utilisation

éventuellement abusive de l’exception environnementale et sanitaire, qui rendrait caduque l’application des règles de libre-échange aux marchandises agro-alimentaires. Les Accords SPS et OTC ont ainsi comme vocation première d’encadrer l’adoption des mesures « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des

animaux » 3. Ces deux accords contiennent des dispositions très similaires, et

l’articulation entre les deux n’est pas toujours aisée. Sorte d’exceptii speciales de l’article XX b) du GATT, ils prévalent sur lui le cas échéant. Ces trois accords interagissent ainsi selon une dynamique d’entonnoir : l’Accord SPS s’applique en priorité s’il s’agit d’une mesure protectrice de l’environnement ou de la santé ; à défaut, la mesure est susceptible de correspondre à la catégorie plus large des règlements techniques, et d’être régie par l’Accord OTC ; si la mesure ne rentre dans aucun des deux champs d’application précédents, elle sera soumise au régime prévu par l’article XX b) du GATT. L’ensemble de ces textes est représentatif de l’ambigüité

1

Termes issus de l’article XX (b) du GATT, et repris en substance dans les préambules et les articles des

Accord SPS et OTC. 2 Ibid.

3

Selon l’OMC, « environ 10 pour cent des réglementations proposées au titre des Accords OTC et SPS qui

sont notifiées à l’OMC indiquent comme objectif la protection de l’environnement », v.

(26)

du régime auquel sont assujettis les produits agro-alimentaires, en ce que tout en aménageant des exceptions au régime général, ils affichent comme principal objectif la réduction minimale des effets négatifs sur le commerce.

9. L’article XX b) du GATT, « exception générale » aux principes du libre-échange. L’article XX b) du GATT dispose que sont autorisées les mesures

« nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ». Tout en étant très proche des Accords SPS et OTC,

l’article XX b) connaît un champ d’application plus large. Corrélativement, ses conditions d’application sont moins strictes que celles des accords précédents : la mesure doit viser l’objectif de protection environnementale ou sanitaire, et être appliquée de bonne foi. Nous verrons que la jurisprudence a néanmoins dégagé une interprétation relativement stricte de cette exception1. De façon générale, un État membre a tout intérêt quand il adopte une mesure d’ordre sanitaire à le faire en conformité avec l’Accord SPS qui est le plus exigeant. Son article 2.4 énonce d’ailleurs une présomption de compatibilité des mesures qui lui sont conformes avec l’article XX (b) du GATT. Le statut de l’article XX pose encore question : stricte exception, droit de valeur égale, voire réserve d’ordre public du commerce international2, le débat n’est pas tranché3. Il est en revanche établi que son paragraphe b) et sa mise en œuvre par les organes de règlement des différends sont décisifs dans la place des mesures sanitaires et environnementales au sein du droit de l’OMC4

. Depuis 1995, cet article XX b) est relayé par deux accords qui apparaissent comme ses

exceptii speciales.

1 Concernant l’interprétation restrictive par les organes de règlement des différends de l’article XX b) du

GATT, v. infra n° 42 à 51.

2

RUIZ-FABRI H., « Organisation mondiale du Commerce – Droit matériel – Généralités. Marchandises »,

JurisClasseur Droit international, Fasc. 130-20, 1998, n° 132. 3 Sur cette question, v. not. B

ARTENSTEIN K., « L'article XX du GATT : le principe de proportionnalité et la concordance concrète entre le commerce et l'environnement », Les Cahiers de droit, vol. 43, 2002/4, pp. 651-684.

4 V. not. M

ARCEAU G., "The Future of International Trade Law: How Best for Trade to Deal With (New) Non-trade Concerns?", in MULLER S., ZOURIDIS S., FRISHMAN M. and KISTEMAKER L.(eds.),The Law of

the Future and the Future of Law: Volume II, TOAEP, 2012, The Hague, pp. 279-295 ; ANDELA J.J., « L'article XX du GATT de 1994 dans la jurisprudence de l'Organe de règlement des différends de l'OMC : une analyse sous le prisme environnemental », RQDI, vol. 25.1 (2012), pp. 1-28.

(27)

10. Les Accords SPS et OTC, exceptii speciales aux principes du libre-échange.

Les Accords SPS et OTC, adoptés le 1er janvier 1995, figurent dans la liste de l’Annexe 1A (Accords multilatéraux sur le commerce des marchandises) de l’Accord

instituant l’OMC. Malgré le fait que les champs d’application des deux accords

diffèrent, il n’est pas toujours évident de délimiter leurs frontières respectives. Grossièrement, on considère que l’Accord SPS couvrira les mesures poursuivant un objectif de protection contre un risque sanitaire ou environnemental1, et l’Accord OTC les règlements techniques mettant par exemple en place des obligations d’étiquetage2

. Si apparemment, les dispositions de l’Accord OTC paraissent moins strictes que celles de l’Accord SPS, pour certains auteurs, « ces deux accords relèvent des mêmes

principes et [la] jurisprudence en a considérablement atténué les différences »3. Pour qu’il y ait compatibilité avec leurs termes, les Accords SPS et OTC posent une série de conditions très strictes. Les deux grands principes de ces accords, pour que les mesures environnementales et sanitaires y soient conformes, consistent à se fonder sur des normes internationales existantes4, ou, à défaut, à justifier la mesure par des preuves scientifiques établissant l’existence d’un risque pour la santé ou l’environnement5

. De plus, les mesures mises en place doivent être cohérentes, non-discriminantes et proportionnées à l’objectif visé.

1 L’objet de l’Accord SPS est d’encadrer les mesures des États membres visant à prévenir les risques pour

les personnes causés par des maladies ou des parasites véhiculés par des animaux ou des plantes ; ou à cause d’additifs, de contaminants, de toxines ou d’organismes pathogènes contenus dans les produits alimentaires, boissons ou animaux. Pour une présentation succincte de l’Accord SPS, en particulier de ses interactions avec la problématique de la sécurité alimentaire, v. CHARLIER C., « Accord SPS », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans le monde,

op. cit., pp. 28-30.

2 L’Accord OTC a pour objet de réglementer l’élaboration, l’adoption et l’application de tous les règlements

techniques et normes des offices de normalisation. Il met également en place des procédures d’évaluation et de conformité des produits. Les normes sanitaires et phytosanitaires visées par l’Accord SPS sont exclues de son champ d’application. Ainsi, dans le domaine agro-alimentaire, l’Accord OTC s’applique aux normes non-couvertes par l’Accord SPS, et pouvant être qualifiées de règlements techniques, telles que les prescriptions en matière d’emballage, de marquage et d’étiquetage. Pour une présentation succincte de l’Accord OTC, en particulier de ses interactions avec la problématique de la sécurité alimentaire, v. CHARLIER C., « Accord OTC », in COLLART DUTILLEUL F. et BUGNICOURT J.-P. (dir.), Dictionnaire

juridique de la sécurité alimentaire dans le monde, op. cit., pp. 26-28. 3 L

UFF D., Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce – Analyse critique, Bruylant, L.G.D.J., Bruxelles (Belgique), 2004, p. 1107.

4 Article 3.1 de l’Accord SPS.

(28)

S’il s’agit d’autoriser les mesures « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux », la réserve reste posée « que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, soit une restriction déguisée au commerce international » 1.

Il faut ici souligner à quel point les Accords SPS et OTC sont connotés politiquement. Ils incarnent, au même titre que l’AsA, la libéralisation du secteur agricole2. En effet, leurs dispositions reprennent à plusieurs reprises l’impératif absolu de « réduire au

minimum les effets négatifs [des mesures sanitaires et phytosanitaires] sur le commerce » 3. C’est pourquoi l’accord s’applique à toutes les mesures sanitaires et

environnementales « qui peuvent, directement ou indirectement, affecter le commerce

international » 4. Ces mesures ne sauraient « constituer une restriction déguisée au commerce international »5, et ne doivent donc pas être « plus restrictives pour le commerce qu’il n’est requis »6.

Ainsi, l’article XX b) du GATT en général, les Accords OTC et SPS en particulier, permettent aux États membres d’adopter des mesures considérées comme des obstacles aux échanges des produits agro-alimentaires, mais justifiées par un même objectif de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, ou de préservation des végétaux. Cependant, on constate que ces textes posent de strictes exigences pour autoriser ces types de mesures, et qu’ils restent avant tout des outils de promotion du libre-échange de produits considérés comme des marchandises. Les

1 § 1 du préambule et art. 5.4 de l’Accord SPS

2 L’« objectif prioritaire [de l’Accord SPS] est d’éviter qu’en matière de sécurité alimentaire précisément, l’usage de mesures sanitaires ne camoufle des barrières déguisées aux échanges » : NOIVILLE C., « Principe de précaution et Organisation mondiale du commerce – Le cas du commerce alimentaire », JDI, 2000/2, p. 266.

3 § 4 du préambule de l’Accord SPS 4

Art. 1.1 SPS

5

Art. 2.3 SPS ; v. également le § 6 du préambule de l’Accord OTC qui pose la condition « que ces mesures

ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international ». 6

Art. 5.6 SPS ; v. également l’article 2.2 de l’Accord OTC qui précise que ces mesures ne doivent avoir « ni

pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international » et que « les règlements techniques ne seront pas plus restrictifs pour le commerce qu’il n’est nécessaire ».

(29)

organes de règlement des différends n’ont pas manqué de préciser les modalités d’application de ces articles dans le cadre des nombreux litiges rapidement apparus.

11. L’éclosion d’un contentieux des exceptions environnementales et sanitaires.

Comment, dès lors, étudier le sort des exceptions environnementales et sanitaires dans le droit de l’OMC ? Les textes régissant la question sont complexes et techniques, et laissent la place à de nombreuses spéculations théoriques. Il appert en revanche que les organes de règlement des différends ont eu à se prononcer sur cette question à maintes reprises, et offrent à l’observateur des réponses concrètes et tangibles sur des cas précis. En outre, les domaines environnementaux et sanitaires étant particulièrement sensibles, l’évolution du droit s’y caractérise par un rôle moteur primordial du juge. Il n’est qu’à mentionner l’évolution avant tout prétorienne du principe de précaution en droit interne et européen pour illustrer ce rôle1. Sur un plan matériel, soulignons que l’éclosion de ce contentieux environnemental et sanitaire correspond à la facette qualitative de la sécurité alimentaire2. Cela n’a rien d’étonnant, les grandes puissances étant les premières utilisatrices du système de règlement des différends de l’OMC : elles sont plus concernées par cet aspects qualitatif, que par l’aspect quantitatif, qui reste avant tout un problème de pays pauvres. Malgré ce biais qualitatif, les résultats de cette étude doivent être appréhendés dans une optique de sécurité alimentaire, les exceptions environnementales et sanitaires en étant sa principale manifestation dans le droit de l’OMC. La présente étude propose ainsi une analyse exhaustive des rapports adoptés par l’Organe de règlement des différends (ORD) ayant eu à mettre en œuvre les exceptions environnementales et sanitaires dans le domaine du commerce international des marchandises3. L’ensemble de ces rapports

1 Le juge a par exemple joué un rôle clef dans l’extension du principe de précaution de l’environnement à la

santé. Sur ce point, v. notamment NOIVILLE C., « La lente maturation jurisprudentielle du principe de précaution », in NOIVILLE C.(coord.), « Dossier sur le principe de précaution », Rec. D., 2007, n°22, pp. 1514 s.

2 Nous avons vu précédemment que la sécurité alimentaire est aujourd’hui conçue de manière quantitative

(une nourriture suffisante) et qualitative (une nourriture saine et nutritive). V. supra n° 6.

3

En réalité, les premiers litiges à dimension sanitaire ou environnementale remontent aux années 80, sous l’égide de l’ancien GATT : Rapport du Groupe spécial Canada—Mesures affectant l'exportation de harengs

et de saumons non préparés, L/6268 — 35S/106, adopté le 22 mars 1988 ; Rapport du Groupe spécial Thaïlande — Restrictions à l'importation et taxes intérieures touchant les cigarettes, DS10/R, adopté le 7

novembre 1990 ; Rapport du Groupe spécial États-Unis—Restrictions à l'importation de thon, DS21/R, distribué le 3 septembre 1991 ; Rapport du Groupe spécial États-Unis—Restrictions à l'importation de thon,

(30)

esquisse un véritable contentieux environnemental et sanitaire, dont les tenants et aboutissants de l’étude doivent être précisés.

12. La forme des rapports étudiés. En vingt ans, ce sont une quinzaine d’affaires qui

ont posé la question de la mise en œuvre de l’exception environnementale ou sanitaire dans le cadre du système de règlement des différends. Certaines sont purement sanitaires, d’autres purement environnementales, mais la majorité relève du secteur agro-alimentaire et mêle les deux types d’enjeux. À l’exception de deux affaires, toutes ont usé de la procédure d’appel après la distribution du rapport du panel1

. Si l’échantillon est limité, il présente néanmoins une diversité de cas, ainsi que l’intérêt d’offrir à l’examen des procédures complètes. Il faut préciser que les rapports des organes de règlement des différends sont conséquents : le nombre de pages moyen des rapports est de deux cents. Les rapports les plus importants sont ceux rédigés par les Groupes spéciaux, le plus édifiant à cet égard étant le rapport OGM qui ne fait pas moins de 1200 pages ! Si la complexité scientifique de ces affaires explique la taille phénoménale des décisions rendues, elle ne la justifie pas totalement. Les rapports de l’Organe d’appel, malgré son cantonnement aux questions de droit, atteignent presque systématiquement la centaine de pages. Ceux-ci présentent d’importants développements théoriques et juridiques qui alourdissent les raisonnements jusqu’à les rendre difficilement compréhensibles. Dans l’ensemble, ces rapports manquent de clarté concernant à la fois les motifs, les définitions des concepts, les conditions des régimes et leur articulation. Ce manque de rigueur pose aux lecteurs la difficulté de ne pas se laisser duper par la complexité des raisonnements : certaines déclarations de principe laissent souvent croire à la mise en place d’une règle, qui n’est finalement pas appliquée au cas d’espèce. Autrement dit, la forme des rapports étudiés nécessite de faire la part entre les déclarations formelles, et les décisions substantielles.

distribué le 16 juin 1994, 33 I.L.M. 839 (1994). Néanmoins, il ne sera question de ces affaires que dans la mesure de leur interdépendance avec celles traitées dans le cadre du système de règlement des différends de l’OMC.

1

La phase juridictionnelle, qui comporte un double degré de juridiction, fait intervenir un Groupe spécial, puis, sur le choix des parties, l'Organe d'appel. Sur ce point, v. MONNIER P. et RUIZ FABRI H., « OMC. – Règlement des différends », op. cit., n° 52 à 94.

(31)

13. Le fond des rapports étudiés. Ces rapports forment un tout cohérent et homogène

tant dans les raisonnements que dans les solutions qu’ils adoptent. Hormis deux affaires, les organes de règlement des différends n’admettent jamais la mise en œuvre des exceptions environnementales ou sanitaires. Le point d’achoppement entre les faits du cas d’espèce et la décision juridique réside nécessairement dans la difficile justification, permettant aux mesures litigieuses de déroger aux grands principes du libre-échange, justification qui passe le plus souvent par l’établissement scientifique de l’existence d’un risque. Il faut rappeler que certains risques sanitaires ou environnementaux invoqués relèvent du principe de précaution, qui, par nature, vise des hypothèses de risques suspectés (non encore avérés). Il en résulte que les États ne parviennent pas à prouver l’existence du risque environnemental ou sanitaire ayant motivé l’adoption des mesures litigieuses restrictives pour le commerce international des marchandises. Les raisonnements des organes de règlement des différends sont techniques et complexes : ils articulent des exigences tant scientifiques que juridiques, posent des règles inédites tant matérielles que procédurales. De manière générale, ils font preuve d’une action normative importante, soit que les textes soient lacunaires, soit qu’ils laissent une marge importante à leur interprète.

14. L’action normative des organes de règlement des différends. En se confrontant

à la question de l’exception environnementale et sanitaire, les organes de règlement des différends endossent une véritable fonction normative. L’article 3.2 du

Mémorandum d’Accord indique certes que « les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés ». Malgré la prégnance de ce mythe du juge comme (simple) bouche de

la loi, les observateurs s’accordent à dire que cette idée relève de la fiction en ce qui concerne les décisions prises par les organes de règlement des différends de l’OMC1.

1

CULOT H.,«Soft Law et droit de l’OMC», RIDE, 2005/3 t. XIX, 3, p. 258, se référant à DAS B.L., The

WTO and the Multilateral Trading System – Past, Present and Future, Penang, Third World Network,

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