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remodelage cardiaque et interactions patient-ventilateur
Adrien Kerfourn
To cite this version:
Adrien Kerfourn. Modélisation du système cardio-respiratoire : remodelage cardiaque et interactions patient-ventilateur. Sciences du Vivant [q-bio]. Normandie Université, Université de Rouen, 2015.
Français. �tel-02560593�
THÈSE
Pour obtenir le grade de Docteur opérée par l’Université de Rouen
Discipline : Sciences de l’ingénieur Spécialité : Ingénierie biomédicale
Modélisation du système cardio-respiratoire : remodelage cardiaque et interactions
patient-ventilateur
Présentée et soutenue publiquement par
Adrien Kerfourn
Thèse soutenue publiquement le 26 novembre 2015 devant le jury composé de
Laurent Laval MCF-HDR, Université Paris 13 Rapporteur
François Lusseyran Directeur de Recherche, Université Paris-Sud Rapporteur Virginie Le Rolle MCU, Université de Rennes Examinateur Didier Menguy Directeur général, Breas Medical, Lyon Examinateur Jean-François Muir PU-PH, Université de Rouen Examinateur Paul Mulder PU-PH, Université de Rouen Président du jury Christophe Letellier PU, Université de Rouen Directeur de thèse
Bouchra Lamia PH, CHU de Rouen Co-Directrice de thèse
Christine Cheval PH, Hôpital San Salvadour, Hyères Membre invité
Thèse dirigée par Christophe Letellier , Université de Rouen et Bouchra Lamia , CHU de Rouen.
i
Remerciements
Je souhaiterais tout d’abord remercier Christophe Letellier pour m’avoir fait confiance lors de ces trois années de thèse, pour m’avoir soutenu et permis de mener ce projet à bien.
Je remercie également Bouchra Lamia qui m’a apporté son expertise médicale et permis d’appréhender plus facilement ce domaine qui m’était inconnu.
Je remercie l’ADIR Association pour avoir financé cette thèse et tout particulièrement Monsieur Muir qui a toujours su faire preuve de bienveillance même dans les moments les plus compliqués.
Je remercie le CORIA dans son ensemble, pour m’avoir accueilli et pour avoir rendu cette thèse possible d’un point de vue technique. Je pense tout particulièrement au service informatique (Cédric et Guillaume) que j’ai souvent sollicité et dont l’efficacité remarquable me manquera, sans aucun doute, lorsque je quitterai le CORIA.
Je remercie également tous mes collègues et ancien collègues de l’équipe (Louise, Clément, Valérie, Gaëtan, Willy, Martin, Dounia et Ubiratan) avec qui nous avons souvent pu échanger sur divers sujets, tant personnels que professionnels et qui ont tous à leur manière été d’un grand soutien lors de l’avancement de ce projet.
Je remercie tout particulièrement Émeline Fresnel avec qui j’ai pu lier une amitié forte et dont le soutien a été particulièrement important. Notre coopération scientifique fut particulièrement prolifique et j’espère qu’elle pourra encore continuer dans les années à venir.
Je remercie également tous mes amis (que je ne citerai pas ici tant la liste est longue) qui m’ont suivi pendant ces trois dernières années (et parfois plus pour la plupart) et qui ont très souvent marqué un grand intérêt pour mes travaux, ce qui fut particulièrement motivant. Je remercie tout particulièrement Anaïs Wolff qui, non contente de m’avoir ouvert son cœur, m’a toujours fortement soutenu (et continue de le faire) lors de ma thèse.
Je remercie finalement ma famille qui m’a toujours encouragé dans cette voie et plus particulièrement mes
parents, qui ont rendu tout cela possible en faisant souvent preuve d’abnégation pour me permettre de poursuivre
mes études.
Table des matières
Introduction générale 1
I Dynamique du système cardiovasculaire en situation d’hypertension artérielle
pulmonaire 3
1 Physiopathologie et évaluation clinique 5
1.1 Introduction . . . . 5
1.1.1 Anatomie du cœur . . . . 6
1.1.2 Fonctionnement de la pompe cardiaque . . . . 8
1.1.3 Mécanismes de régulation du débit cardiaque . . . 12
1.2 Visualisation du cœur . . . 14
1.2.1 Imagerie par résonance magnétique . . . 14
1.2.2 Échographie . . . 15
1.3 Hypertension artérielle pulmonaire . . . 17
1.4 Évaluation de la fonction cardiaque droite . . . 19
1.4.1 Mesure de l’excursion systolique de l’anneau tricuspide . . . 19
1.4.2 Volume et fraction d’éjection du ventricule droit . . . 21
1.4.3 Étude de la variation fractionnaire de surface . . . 30
1.4.4 Vitesse du flux transtricuspide . . . 31
1.4.5 Étude de la déformation et de la désynchronisation segmentaire . . . 32
1.5 Conclusion . . . 33
Bibliographie . . . 35
2 Outils d’analyse échocardiographique 41 2.1 Introduction . . . 41
2.2 Étude de la déformation segmentaire . . . 41
2.2.1 Estimation de l’évolution de la surface ventriculaire . . . 45
2.2.2 Estimation du débit . . . 48
2.2.3 Discussion . . . 48
2.3 Marqueur de la dégradation de la fonction cardiaque . . . 49
2.3.1 Recherche des seuils optimaux . . . 51
2.3.2 Score contenant tous les indicateurs . . . 52
2.3.3 Score final . . . 53
2.3.4 Discussion . . . 55
2.4 Conclusion . . . 57
Bibliographie . . . 59
3 Modélisation dynamique du système cardio-vasculaire 61 3.1 Introduction . . . 61
3.2 Modèle statique simple . . . 65
3.2.1 Situation normale . . . 65
3.2.2 Situation d’exercice . . . 66
3.2.3 Hypertension artérielle pulmonaire . . . 66
3.3 Modèle dynamique . . . 68
iii
3.3.1 Régulation et évolution de la fréquence cardiaque . . . 68
3.3.2 Évolution des volumes télé-diastoliques droit et gauche . . . 69
3.3.3 Régulation du volume externe . . . 69
3.3.4 Estimation des volumes d’éjection systolique droit et gauche . . . 70
3.3.5 Estimation des pressions des veines pulmonaire et cave . . . 71
3.3.6 Régulation et évolution des résistances internes droite et gauche . . . 72
3.3.7 Synthèse . . . 73
3.3.8 Modélisation de l’hypertension artérielle pulmonaire . . . 74
3.3.9 Discussion . . . 76
3.3.10 Limitations du modèle . . . 78
3.4 Conclusion . . . 78
Bibliographie . . . 81
Conclusion de la partie i 83 II Étude des interactions patient-ventilateur en ventilation non invasive 85 4 Physiopathologie et conséquences de la VNI 87 4.1 Introduction . . . 87
4.1.1 Anatomie de l’appareil respiratoire . . . 87
4.1.2 Fonctionnement de la respiration . . . 88
4.1.3 Régulation de la respiration . . . 90
4.2 Insuffisance respiratoire chronique . . . 90
4.3 Ventilation non invasive . . . 91
4.3.1 Fonctionnement des ventilateurs . . . 92
4.3.2 Asynchronismes patient-ventilateur . . . 94
4.4 Conclusion . . . 94
Bibliographie . . . 97
5 Modélisation des interactions patient-ventilateur 99 5.1 Introduction . . . 99
5.2 Modélisation physique . . . 99
5.2.1 Modélisation du système respiratoire . . . 100
5.2.2 Modélisation de l’interface patient-ventilateur . . . 101
5.2.3 Modélisation de la partie mécanique du ventilateur . . . 102
5.2.4 Synthèse . . . 103
5.3 Régulation de la pression de sortie du ventilateur . . . 104
5.3.1 Montée en pression . . . 105
5.3.2 Retour à la pression basse . . . 105
5.4 Stratégies de cyclage du ventilateur . . . 105
5.4.1 Déclenchement de la montée à la pression haute . . . 105
5.4.2 Déclenchement du retour à la pression basse . . . 107
5.5 Synchronisation et référence . . . 107
5.6 Analyse et discussion . . . 108
5.6.1 Problématiques des pathologies restrictives . . . 110
5.6.2 Problématiques des pathologies obstructives . . . 111
5.6.3 Conséquences d’une erreur d’estimation du débit patient . . . 114
5.6.4 Comparaison avec des cas réels . . . 118
5.7 Conclusion . . . 121
Bibliographie . . . 123
Conclusion de la partie ii 125
TABLE DES MATIÈRES v
Conclusion générale 127
A Cohorte de patient 129
B Guide utilisateur du logiciel Smart II 133
B.1 Démarrage rapide . . . 133
B.1.1 Navigation dans les menus . . . 134
B.1.2 Connexion avec le ventilateur . . . 134
B.1.3 Enregistrement d’une session . . . 134
B.1.4 Déconnexion du ventilateur . . . 134
B.1.5 Ouverture d’une session enregistrée . . . 135
B.1.6 Quitter le logiciel . . . 135
B.2 Présentation des différents onglets . . . 135
B.2.1 Onglet Live . . . 136
B.2.2 Onglet Curves . . . 136
B.2.3 Onglet Global . . . 138
B.2.4 Onglet Offline . . . 140
B.3 Définition des différents asynchronismes . . . 140
B.3.1 Cycles normaux . . . 141
B.3.2 Cycles de sécurité . . . 141
B.3.3 Cycles non-déclenchés . . . 141
B.3.4 Cycles double- ou multi-déclenchés . . . 141
B.3.5 Cycles auto-déclenchés . . . 142
B.3.6 Cycles avec retour en pression basse avancé . . . 142
B.3.7 Cycles avec retour à la pression basse retardé . . . 142
B.3.8 Cycles avec retour en pression basse contrôlé . . . 143
Introduction générale
L’insuffisance respiratoire, qui se définit comme une incapacité de l’appareil respiratoire à assurer l’hématose, c’est-à-dire à assurer une oxygénation normale du sang, est l’une des principales causes de maladies et de décès en France. Cela est particulièrement vrai lorsque nous regardons les chiffres liés aux bronchopneumopathies chroniques obstructives qui touchent 3,5 millions de personnes en France et en tuent près de 17 000 par an.
Selon les estimations, cette pathologie ignorée par deux malades sur trois, sera la troisième cause de mortalité d’ici 2020. Le plus souvent, l’origine de ces pathologies provient de facteurs environnementaux comme la pollution ou le tabagisme chronique. En plus des pathologies obstructives , comme les bronchopneumopathies chroniques obstructives que nous venons d’évoquer ou l’asthme et la mucoviscidose qui sont toutes caractérisées par une augmentation de la résistance au passage de l’air au niveau des voies aériennes, nous trouvons des pathologies dites restrictives caractérisées par une diminution de la compliance pulmonaire – c’est-à-dire une diminution de la capacité des poumons à se distendre – et regroupant le plus souvent des anomalies de la cage thoraciques ou des effecteurs, comme les muscles respiratoires ou les voies de conduction. Le traitement de ces pathologies passe régulièrement par l’utilisation d’une assistance respiratoire – par le biais d’un ventilateur , aussi appelé improprement respirateur – dont l’objectif est de réduire le travail inspiratoire du patient pour le soulager et retarder la dégradation musculaire.
Cette assistance respiratoire se traduit par l’application d’une ventilation généralement non invasive puis- qu’elle ne nécessite pas d’intubation oro-trachéale. Cette technique est relativement ancienne puisque les premiers traitements par ventilation non invasive se sont popularisés dans les années 1950 après une épidémie de polio- myélite en Europe et en Amérique du nord et qui provoquait parfois une paralysie des muscles respiratoires. Ces premiers ventilateurs étaient dits à pression négative et consistaient en un caisson hermétique d’où seule la tête du patient ressortait : la diminution de la pression dans le caisson à l’aide d’une pompe électrique permettait alors de provoquer une insufflation du patient. Les machines modernes sont dites à pression positive puisqu’elles consistent en un compresseur envoyant de l’air dans les poumons via le nez ou la bouche par l’intermédiaire d’un masque nasal ou facial : c’est, dans cette situation, l’augmentation de la pression au niveau des voies aériennes supérieures qui provoque l’insufflation. Bien qu’il existe des modes de ventilations divers, un en particulier nous intéresse ici : la ventilation spontanée avec aide inspiratoire. Ce mode de ventilation consiste en une détection des demandes inspiratoires du patient afin de provoquer une augmentation de la pression qui lui est délivrée et conduisant à une insufflation – qui est donc déclenchée par le patient. L’objectif de ce mode est de permettre au patient de conserver une autonomie dans sa respiration qu’il pilote tout en réduisant le travail inspiratoire nécessaire. Bien évidement, pour que cela fonctionne, il faut que les cycles de pressurisation du ventilateur soient synchrones avec les cycles respiratoires du patient : dans le cas contraire, cela peu provoquer de l’inconfort ou avoir des effets néfastes pour le patient.
Les études sur l’effet de la ventilation mécanique sur le cœur ne sont pas nombreuses mais certaines rapportent parfois des effets bénéfiques sur ce dernier. En particulier, il n’existe à notre connaissance aucune modélisation dynamique des effets de la ventilation non invasive sur le cœur et le système cardiovasculaire, ni même de modélisation des interactions à long terme entre les poumons et le cœur. C’est pour ces raisons que nous proposons ici de réaliser une modélisation des interactions entre le cœur et les poumons et, en particulier, de l’effet de l’hypertension artérielle pulmonaire sur le remodelage cardiaque, puis une modélisation des interactions entre le patient et son ventilateur afin de mieux comprendre l’origine des asynchronismes qui peuvent apparaître.
Ces deux modélisations constituent respectivement les deux parties principales qui composent cette thèse.
La première partie traite donc de la dynamique du système cardiovasculaire en situation d’hypertension artérielle pulmonaire. L’objectif est alors de mieux identifier les causes du remodelage cardiaque dans cette pathologie. En effet, cette pathologie conduit à deux phases : la phase de compensation caractérisée par un épaississement de la paroi du ventricule droit et la phase de décompensation caractérisée par une augmentation importante du volume de ce même ventricule. Néanmoins, il n’existe aucune explication concernant la manière
1
dont le système cardiovasculaire, partant d’une situation saine, passe par ces deux phases. C’est pour cela que nous nous sommes intéressés à la modélisation de la régulation du système cardiovasculaire pour proposer une explication possible de la manière dont ces mécanismes de régulation conduisent aux effets observés. Nous nous somme arrêtés sur le cas de l’hypertension artérielle pulmonaire car une étude menée par le Dr. Lamia contenait déjà un ensemble de données analysables pour une cohorte d’environ 90 patients. Ce travail nous à également conduit à développer des outils d’analyse et, en particulier, à développer un marqueur de la dégradation car- diaque en synthétisant de manière objective un ensemble de mesures échocardiographiques.
La deuxième partie traite, quant à elle, de la modélisation des interactions entre le patient et son ventilateur et des problématiques propres à la ventilation non invasive afin de mieux identifier l’origine des asynchronismes qui peuvent apparaître. L’originalité de cette modélisation est de prendre en compte tous les éléments : non seulement le patient et l’interface avec le patient (le masque), mais également le ventilateur – qui n’est lui jamais modélisé complètement. Ce modèle, réalisé avec l’aide d’Émeline Fresnel, permet d’étudier la manière dont le fonctionnement du ventilateur influe sur les interactions patient-ventilateur. En particulier, nous modélisons les algorithmes qui pilotent les alternances dans la pression délivrée au patient de la manière la plus synchrone possible afin de comprendre comment ils conditionnent, de manière intrinsèque, les problèmes de synchronisa- tion. Nous étudierons plus particulièrement une stratégie simple, vraisemblablement proche de celle adoptée par certains ventilateurs, et l’effet des pathologies obstructives et restrictives sur les asynchronismes ; nous mon- trerons que la constante de temps associée à la pathologie conditionne également les types d’asynchronisme observés. Comme nous le verrons, nous modélisons aussi une fuite intentionnelle dans le circuit de ventilation, or une estimation incorrecte par la machine du débit de fuite conduit également à la présence d’asynchronismes spécifiques. Ce travail théorique s’est également concrétisé par une application pratique avec le développement d’un outils de gestion en temps réel des asynchronismes pour le compte d’un constructeur de ventilateur et dont le guide utilisateur est présenté en annexe B : ce travail n’est pas plus développé ici pour des raisons évidentes de confidentialité.
Le manuscrit se termine enfin sur une conclusion rappelant les principaux résultats de ce travail. Elle y
présente également les perspectives tant pour les deux parties prises de manière indépendante que dans la
construction d’un lien entre les interactions cœur-poumon et les interactions patient-ventilateur.
Première partie
Dynamique du système cardiovasculaire en situation d’hypertension artérielle
pulmonaire
3
Chapitre 1
Physiopathologie et évaluation clinique non invasive en pathologie
cardio-circulatoire
1.1 Introduction
L’ appareil circulatoire est composé de trois parties : le cœur , les vaisseaux sanguins et le sang . Ce dernier est un liquide qui permet à différents éléments dissous ou en suspension ( O 2 , CO 2 , nutriments, déchets, etc.) ainsi qu’à certaines cellules d’être transportés sur de grandes distances. Les vaisseaux sanguins permettent au sang de circuler du cœur vers les tissus pour ensuite revenir vers ce premier. Le cœur, quant à lui, pompe le sang afin de lui donner l’énergie nécessaire à son écoulement vers les tissus [1].
Les premières descriptions connues du système circulatoire remontent aux Égyptiens. Le papyrus Ebers est ainsi le plus vieux document (xvi
esiècle avant J.C.) découvert à ce jour : les Égyptiens pensaient que l’air passait de la bouche aux poumons, puis était distribué par le cœur au travers des artères. Les premières dissections connues pratiquées par des médecins Grecs sur des animaux montrent que les artères sont vides tandis que le foie et la rate sont gorgés de sang : leur interprétation va dans le sens de celle des Égyptiens puisqu’ils pensaient que les artères transportent de l’air. Galien (131–201) fut le premier à faire une description précise du réseau de veines et d’artères à partir de la dissection de porcs, mais son interprétation fut erronée : selon lui, le sang est créé par le foie à partir des aliments, circule ensuite dans les veines pour aller se mélanger avec l’air dans les poumons. Il se dirige ensuite dans le ventricule droit où le sang passe la parois inter-ventriculaire – qu’il pense poreuse –, puis est distribué au reste du corps par le ventricule gauche. Une fois le sang arrivé aux extrémités, il est consommé et ressort sous forme de transpiration : la notion de circuit fermé n’est pas encore en place. Les écrits Égyptiens et Grecs – dont le traité de Galien – sont récupérés et traduits par les médecins musulmans lors de l’invasion de l’Égypte au vii
esiècle. En 1242, Ibn Al-Nafis fut le premier à décrire la circulation pulmonaire, les artères coronaires et la circulation capillaire. Andreas Vesalius écrit en 1543 un traité d’anatomie humaine [2] où il corrigea un certain nombre d’erreurs dues à Galien. La théorie de Galien fut ensuite infirmée par Amato Lusitano [3] en 1551 qui fut en effet le premier a constater que les veines ont des valves obligeant le sang à revenir vers le cœur, contrairement à l’idée de Galien qui suppose que le sang ne revient pas. La description de la circulation pulmonaire fut réalisée pour la première fois dans le monde occidental par Michel Servet au xvi
esiècle, puis par Realdo Colombo [4] en 1559. C’est à Andrea Cesalpino (1519–1603) que l’on doit la première utilisation du terme « circulation » ; il fut le premier à en attribuer l’origine au cœur alors que l’on pensait alors que le mouvement du sang était une conséquence de la pulsation des artères. Il fallut finalement attendre 1628 pour que William Harvey [5] fasse la première description du système circulatoire, en décrivant notamment le sens de circulation du sang et le rôle des valves veineuses. Il montra également que le débit cardiaque est de plusieurs litres par minute, alors qu’on le pensait de l’ordre d’un goutte-à-goutte. Pour Harvey, le système circulatoire forme un unique circuit composé de deux pompes et décomposé en deux parties (Figure 1.1) : la circulation pulmonaire – ou petite circulation – forme une première moitié du circuit entre le cœur et les poumons, tandis que la circulation systémique – ou grande circulation – forme l’autre moitié du circuit entre le cœur et le reste des organes. Le sang sort du cœur par des vaisseaux appelés artères et y revient par des vaisseaux appelés veines .
5
Poumons
Organes
Cœur droit Cœur
gauche
Figure 1.1 – Schéma hydraulique de la circulation sanguine : le cœur apparaît comme une double pompe.
Le cœur gauche, la circuit systémique, le cœur droit et le circuit pulmonaire sont en série (Figure 1.1). Le sang de la partie gauche du cœur est éjecté vers les organes – à l’exception des poumons 1 – pour y apporter l’oxygène nécessaire à leur fonctionnement. Le sang revient alors des tissus pulmonaires appauvri en O 2 et enrichi en CO 2 produit par les tissus. Le sang arrive dans la partie droite du cœur, qui l’éjecte ensuite vers les poumons où le sang libère son CO 2 et s’enrichit de l’ O 2 contenu dans ceux-ci. Le sang revient alors dans la partie gauche du cœur et le cycle recommence. Ainsi, le cœur droit reçoit le sang venant de la circulation systémique et l’éjecte vers la circulation pulmonaire, tandis que le cœur gauche reçoit le sang venant de la circulation pulmonaire et l’éjecte vers la circulation systémique.
Bien que le cœur puisse être décomposé en deux pompes, il s’agit bien d’un seul et unique organe. Nous commencerons donc par une description anatomique du cœur avant d’aborder son fonctionnement. Enfin, nous étudierons les mécanismes permettant la régulation du débit cardiaque.
1.1.1 Anatomie du cœur
Le cœur est un organe musculaire creux – dont le muscle est appelé myocarde – ayant approximativement la taille d’un point fermé et pesant environs 250 grammes chez un humain adulte normal [6]. Situé dans le thorax entre le sternum – à l’avant – et la colonne vertébrale dorsale – à l’arrière –, le cœur est limité latéralement par les poumons , verticalement par la trachée , et les gros vaisseaux au dessus et en-dessous par le diaphragme . Son diamètre diminue de la base – en haut – vers la pointe nommée apex – en bas. Le grand axe – allant de la base à l’apex – est orienté de sorte que la base soit plutôt à droite du sternum et l’apex plutôt à gauche (Figure 1.2) [1].
Le cœur constitue donc un seul organe composé de deux parties – une gauche et une droite – fonctionnellement et anatomiquement distinctes travaillant de manière synchrone [6]. Chacun des deux côtés possède deux cavités : le sang arrive ainsi dans l’ oreillette avant d’être éjecté par le ventricule (Figure 1.2). Le mélange entre le sang oxygéné circulant dans le cœur gauche et le sang pauvre en oxygène qui revient au cœur droit est empêché par une cloison musculaire continue appelée septum . L’épaisseur des parois des différentes cavités du cœur est proportionnelle à la puissance mécanique qu’elle délivre : ainsi les oreillettes ont des parois plus minces que les ventricules. De plus, la paroi du ventricule gauche est plus épaisse que celle du ventricule droit, puisque la différence de pression développée pour lutter contre la résistance de la circulation systémique est plus importante que celle de la circulation pulmonaire.
Afin d’empêcher la rétrocirculation du sang, le cœur comporte plusieurs valves (Figure 1.3a). Le reflux du sang dans les oreillettes, alors qu’il doit aller vers les ventricules, est limité par la valve tricuspide s’ouvrant vers la cavité ventriculaire droite et par la valve mitrale du côté gauche (Figure 1.2). Ces valves sont rattachées aux muscles papillaires – qui forment des piliers musculaires – par des fibres tendineuses (Figure 1.3b) qui maintiennent les lames valvulaires vers l’intérieur du ventricule [7]. Ainsi le retournement des valves lors de la contraction du ventricule est impossible en temps normal. Il peut arriver que les fibres se rompent : cela créé un reflux sanguin dans l’oreillette rendant le cœur moins efficace lors de la contraction. Le reflux du sang venant de l’aorte vers le ventricule gauche est limité par la valve aortique , tandis que le reflux du sang venant de l’artère pulmonaire vers le ventricule droit est limité par la valve sigmoïde .
1. Le cas des poumons est un peu particulier car les deux circuits (pulmonaire et systémique) y passent. Comme pour les autres organes, c’est la circulation systémique qui permet l’oxygénation des tissus pulmonaires. La circulation pulmonaire ne passe alors dans les poumons que pour augmenter la concentration en O
2dans le sang et y diminuer la concentration en CO
2.
2. http://en.wikipedia.org/wiki/File:Heart_diagram-en.svg
1.1. INTRODUCTION 7
Poumon droit
Haut du corps
Bas du corps
Poumon gauche
Oreillette droite
Oreillette gauche
Ventricule droit
Ventricule gauche Veine cave
supérieure
Veine cave inférieure
Valve sigmoïde
Valve tricuspide
Valve aortique
Valve mitrale Veine pulmonaire
Artère pulmonaire
Aorte
Grand axe
Figure 1.2 – Représentation schématique du cœur. (Adapté de Wikipedia – Heart 2 )
Avant
Arrière
Valve tricuspide
Valve mitrale
Valve sigmoïde
Valve aortique
Ventricule droit
Ventricule gauche Valve
tricuspide Valve
mitrale
Fibres tendineuses
Muscles papillaires
(a) Valves cardiaques (b) Maintient des valves tricuspide et mitrale
Figure 1.3 – Représentation schématique des valves cardiaques (cœur en vue de dessus) (a) et du maintient des valves tricuspide et mitrale par les fibres tendineuses (b).
Les parois cardiaques sont composées de trois couches, l’ épicarde , le myocarde et l’ endocarde . L’ épicarde – ou péricarde viscéral – est une couche externe séreuse. Le péricarde fibreux , composé de fibres de collagène et de fibres élastiques enferme le cœur dans un sac. Cette couche sert à limiter les frottements lors des mouvements cardiaques, la petite quantité de liquide séreux qu’elle contient servant à lubrifier les surfaces [8]. Au centre, se situe le myocarde , élément contractile composé de fibres musculaires spécialisées, appelées cellules myocardiques.
Il constitue la partie la plus importante des tissus cardiaques : l’épaisseur du myocarde entre les différentes cavités et le diamètre des fibres musculaires sont fonction du travail effectué par celles-ci [8]. Ainsi, comme vu précédemment, les oreillettes ont des parois plus fines que les parois des ventricules et le ventricules gauche à des parois plus épaisses que le ventricule droit.
Le myocarde ventriculaire est formé de traversées fibreuses en spirale qui s’enroulent dans le sens horaire
au niveau de l’endocarde (face interne) et dans le sens anti-horaire au niveau de l’épicarde (face externe)
(Figure 1.4a). Une coupe de la parois ventriculaire – dans une direction perpendiculaire à l’axe base-apex
– montre que l’orientation des cellules varie progressivement de +90 ◦ à −90 ◦ entre l’endocarde et l’épicarde
(Figure 1.4b). Cette orientation des cellules, responsable de la torsion du cœur, procure un maximum de
réduction du volume ventriculaire durant la systole et un minimum de tension entre les cellules adjacentes [7].
Enfin, la couche interne, appelée endocarde , tapisse le myocarde et se prolonge, hors du cœur, dans les artères et les veines. L’épaisseur de l’endocarde est variable : ainsi, il est plus épais dans les oreillettes et plus mince dans les ventricules, surtout le gauche. L’endocarde permet alors au myocarde de ne pas interférer avec le flot régulier du sang passant dans le cœur [8].
Ventricule
droit Ventricule gauche
Épicarde Endocarde
(a) Orientation des fibres dans le cœur (b) Variation de l’orientation des fibres
Figure 1.4 – Réprésentation schématique de l’orientation des fibres au niveau de l’endocarde (face interne) et de l’épicarde (face externe) (a) et de la variation de l’orientation des fibres dans l’épaisseur du myocarde (b) [7].
Le cœur, comme les autres muscles, tire l’énergie qui lui est nécessaire de l’apport d’ O 2 et du métabolisme aérobie. Ce n’est pas du sang passant dans les cavités du muscle cardiaque que l’ O 2 est extrait mais, comme pour tous les organes, par un réseau vasculaire systémique permettant la circulation coronaire . En effet, l’endocarde étant étanche, il ne laisse pas passer le sang des cavités vers le myocarde. De plus, les parois sont trop épaisses pour que la diffusion de l’ O 2 et des autres produits nécessaires soit suffisante pour atteindre toutes les cellules [1].
Le cœur est constitué de deux types de cellules musculaires : les cellules contractiles – composant 99%
des cellules musculaires cardiaques – qui servent au travail mécanique mais qui ne donnent pas naissance à leur propre potentiel d’action et les cellules auto-rythmiques qui, bien qu’en petit nombre, sont néanmoins très importantes. Leur rôle n’est pas de se contracter mais de produire et de conduire le potentiel d’action responsable de l’excitation des cellules contractiles. Les cellules cardiaques, capables d’activité pacemaker , se répartissent sur plusieurs localisations. Le nœud sinusal – aussi appelé nœud sinoatrial – est un petit groupe de cellules d’environs 20 mm de long et 4 mm de large situé dans la paroi de l’oreillette droite près de l’embouchure de la veine cave supérieure (Figure 1.5) [7]. Le nœud auriculo-ventriculaire est situé au plancher de l’oreillette droite au niveau de la partie inférieure du septum interauriculaire, juste au-dessus de la valve tricuspide. Il est relié au nœud sinusal par les fibres internodales (Figure 1.5). Du nœud auriculo-ventriculaire part le faisceau de His dont le rôle est de propager les impulsions électriques des oreillettes vers les ventricules. Il passe ensuite dans la partie haute du septum interventriculaire où il se divise en une branche droite et plusieurs branches gauches descendant le long du sternum interventriculaire jusqu’à la pointe du cœur qu’elles dépassent pour remonter vers les oreillettes dans les parois externes des ventricules. De ce faisceau naît alors les fibres de Purkinje qui se répartissent sur l’ensemble du myocarde des ventricules par une ramification semblable à celle des branches d’un arbre [1] (Figure 1.5). Ce sont des fibres de conduction rapide terminant le faisceau de His et permettant une contraction synchrone du ventricule.
1.1.2 Fonctionnement de la pompe cardiaque
Le cœur est l’organe qui fournit l’énergie nécessaire à la circulation du sang dans les vaisseaux. Le fonction-
nement de la pompe cardiaque n’est pas continu mais pulsatile . Chez l’homme adulte sain au repos la fréquence
cardiaque est d’environ 70 battements par minute [7]. Le sang revenant des organes par les veines systémiques
– appauvri en O 2 et enrichi en CO 2 – arrive dans l’oreillette droite. Pendant la relaxation ventriculaire, le sang
passe dans le ventricule droit. La contraction ventriculaire éjecte alors le sang dans les artères pulmonaires qui
le draine vers les poumons où il va diminuer sa concentration en CO 2 et augmenter sa concentration en O 2 .
Le sang arrive alors dans l’oreillette gauche en passant par les veines pulmonaires et transite ensuite par le
ventricule gauche durant la relaxation ventriculaire. Il est alors éjecté dans les veines pulmonaires durant la
contraction ventriculaire et se dirige vers les organes où le sang perd alors son O 2 consommé par les organes, et
s’enrichit en CO 2 rejeté par ceux-ci. Le sang revient ensuite dans l’oreillette droite via les veines systémiques et
le cycle recommence (Figure 1.6).
1.1. INTRODUCTION 9
Atrium droit
Atrium gauche
Ventricule droit
Ventricule gauche sinusal Nœud
auriculo-ventriculaire Nœud
Fibres internodales
Fibres interatriales
Faisceau de His (gauche)
Faisceau de His (droit)
Fibres de Purkinje
Figure 1.5 – Représentation schématique de la répartition des cellules auto-rythmique et de conduction du signal électrique dans le cœur.
Poumons
Organes
Cœur
droit Cœur
gauche Circulation pulmonaire
Circulation systémique
Capillaires pulmonaires
Artères pulmonaires
Veines systémiques
Veines pulmonaires
Artères systémiques Capillaires
systémiques
Sang riche en O
2Sang appauvri en O
2Figure 1.6 – Représentation schématique de la circulation sanguine dans le corps humain.
Dans les cas non-pathologiques, les cœurs gauche et droit se contractent et se relâchent simultanément. On distingue classiquement quatre phases durant un cycle cardiaque : le remplissage, la contraction isovolumétrique, l’éjection et la relaxation isovolumétrique (Figure 1.7) [7]. Ces phases apparaissent de manière synchrone des deux coté du cœur. Le relâchement isovolumétrique ainsi que le remplissage qui le suit se déroulent durant la diastole tandis que la contraction isovolumétrique et l’éjection qui la suit se déroulent durant la systole . Ainsi, la télé-diastole correspond au moment du cycle auquel le volume des ventricules est maximum et la télé-systole correspond à l’instant auquel le volume des ventricules est minimum. On appelle respectivement ces volumes extrêmes volume télé-diastolique et volume télé-systolique .
Le remplissage ventriculaire survient juste après le relâchement ventriculaire. La pression ventriculaire est
alors inférieure à la pression auriculaire qui a augmenté à cause de l’afflux sanguin. Cette différence de pression
entre le ventricule et l’oreillette provoque l’ouverture de la valve tricuspide (à droite) et de la valve mitrale (à gauche) : il y a alors un écoulement du sang dans le ventricule. Ce remplissage des ventricules provoque une augmentation de la pression intraventriculaire et, par conséquent, une diminution de la différence de pression entre le ventricule et l’oreillette : cela a pour conséquence de réduire le débit et donc de ralentir l’augmentation du volume ventriculaire. Peu avant la fin de la diastole, l’oreillette se contracte provoquant une augmentation de sa pression interne, augmentant ainsi un peu plus le volume ventriculaire. La fin de la contraction de l’oreillette marque la fin de la diastole : la pression ventriculaire dépasse la pression auriculaire, et les valves tricuspide et mitrale se ferment.
La contraction isovolumétrique marque le début de la systole : le ventricule se contracte et provoque une aug- mentation rapide de la pression intraventriculaire. Néanmoins, tant que la pression du ventricule reste inférieure à la pression de l’artère, la valve sigmoïde (à droite) et la valve aortique (à gauche) restent fermées. Pendant cette période, le ventricule est un espace clos où le volume reste constant et égal au volume télé-diastolique qui est en moyenne de 135 m l chez un adulte sain. Cette augmentation de pression créé un bombement de la valve tricuspide et de la valve mitrale causant une légère augmentation de la pression auriculaire (Figure 1.7b).
La phase d’ éjection correspond à l’instant auquel la pression ventriculaire devient supérieure à la pression artérielle : il y a alors ouverture des valves sigmoïde et aortique. Cette ouverture des valves permet l’éjection du sang hors du ventricule et une diminution du volume ventriculaire. La contraction se poursuivant, le sang est éjecté dans l’artère plus vite qu’il ne peut se répandre en raison des résistances périphériques : la pression artérielle suit alors la pression ventriculaire. Le début du relâchement ventriculaire apparaît au milieu de la phase d’éjection : il provoque une diminution de la pression ventriculaire et de la pression artérielle, mais l’écoulement, et donc la réduction du volume ventriculaire, se poursuit. La pression ventriculaire diminue jusqu’à devenir inférieure à la pression de l’artère et provoque ainsi la fermeture des valves sigmoïde et aortique. Simultanément, la pression ventriculaire est toujours supérieure à la pression de l’oreillette. Le volume restant constant, cette phase est appelée relâchement isovolumétrique . Le début de cette phase marque la fin de la systole et le début de la diastole.
Comme nous venons de le voir, l’activité du cœur se décompose en plusieurs événements mécaniques caracté- ristiques du cycle cardiaque. Une éventuelle modification de ses événements résulte de modifications rythmiques de l’activité électrique. L’ électrocardiogramme – ou ECG – correspond à une mesure cette de activité électrique : on peut d’ailleurs relier les différentes phases de l’électrocardiogramme aux différentes phases de l’activité méca- nique (Figure 1.7a). L’activité électrique naît des cellules auto-rythmiques et se propage à l’ensemble du cœur.
Contrairement aux autres muscles, la gradation de la contraction dans le cœur ne se fait pas par la contraction d’un plus ou moins grand nombre de cellules contractiles : le cœur se contracte en masse ou ne se contracte pas.
La contraction partielle du muscle cardiaque est impossible à exception de cas pathologiques que nous reverrons.
Seule une variation de l’activité contractile de toutes les cellules musculaires peut entraîner une gradation de la contraction cardiaque. Contrairement aux autres cellules, celles du système de conduction du cœur ne sont pas stables au repos. La membrane se dépolarise lentement entre les potentiels d’action jusqu’à ce qu’un certain seuil soit atteint et qu’elle donne naissance au potentiel d’action. Les cycles répétés de dépolarisation et de potentiel d’action se propageant à l’ensemble du cœur sont responsables des battements cardiaques sans qu’il y ait de stimulus nerveux [1]. C’est de la vitesse de dépolarisation que dépend la fréquence à laquelle les cellules peuvent générer des potentiels d’action. Le nœud sinusal présente les cellules ayant la fréquence la plus élevée, allant de 70 à 80 potentiels d’action par minute chez un sujet au repos. Lorsqu’un potentiel d’action apparaît en un point du cœur, il se propage dans celui-ci par les jonctions communicantes et par le système de conduction.
Ainsi, le nœud sinusal pilote, en temps normal, le reste du cœur selon son rythme. Activées par les potentiels d’actions venant du nœud sinusal, les cellules auto-rythmiques ne peuvent fonctionner à leur fréquence propre – inférieure à la fréquence propre des cellules du nœud sinusal – car elles sont activées par le potentiel d’action du nœud sinusal avant que leur dépolarisation spontanée n’ait eu le temps d’atteindre son propre seuil [1].
Si, pour une raison quelconque, le nœud sinusal cesse de fonctionner, c’est le nœud auriculo-ventriculaire qui
prend le relais : n’étant plus excité par le nœud sinusal, le potentiel d’action se déclenche naturellement dans le
nœud auriculo-ventriculaire mais avec une fréquence plus petite, typiquement de l’ordre de 40 à 60 potentiels
d’action par minutes [1]. Lorsque c’est la conduction de l’activation – c’est-à-dire, lorsque le nœud auriculo-
ventriculaire est défaillant, par exemple – entre les oreillettes et les ventricules qui pose problème, ces premiers se
contracteront au rythme du nœud sinusal tandis que les ventricules se contracterons à un rythme beaucoup plus
lent – entre 20 et 40 potentiels d’actions par minutes –, celui des cellules de Purkinje [1]. Il peut arriver qu’un
foyer de cellules de Purkinje devienne anormalement excitable et se dépolarise plus rapidement que les cellules
du nœud sinusal : cette zone est appelée foyer ectopique et génère un potentiel d’action prématuré qui se propage
dans le cœur avant la production d’un potentiel d’action par le nœud sinusal. L’excitation anormale occasionnelle
1.1. INTRODUCTION 11
P Q
R
S
T P
t
{ {
Remplissage ventricules des
Contraction isovolumétrique
des ventricules
Éjection
ventriculaire Relachement isovolumétrique
des ventricules Complexe
QRS Intervalle
TP
(a) Électrocardiogramme 120
100
80
60
40
20
0 t
3
4 7
8
9
P res sio n sa n g u in e ( mm Hg )
Ventricule gauche
Oreillette gauche
Aorte
(b) Évolution de la pression dans le ventricule gauche (trait plein), l’oreillette gauche (tirets) et l’aorte (pointillés) (en mmHg)
135
65
1 2 5 6 t
V ol u m e ( ml)
Volume télédiastolique
Volume télésystolique
Remplissage des ventricules
(c) Évolution du volume dans le ventricule gauche (en ml)
Figure 1.7 – Représentation schématique d’un électrocardiogramme (ECG) (a), de l’évolution de la pression
dans le ventricule gauche, l’oreillette gauche et l’aorte (b) ainsi que l’évolution du volume dans le ventricule
gauche (c) [1]. ○ Dépolarisation de l’oreillette.
1○ Contraction isovolumétrique.
2○ Fermeture des valves mitrale
3et tricuspide. ○ Ouverture des valves aortique et sigmoïde.
4○ Éjection ventriculaire.
5○ Relaxation isovolu-
6métrique. ○ Fermeture des valves aortique et sigmoïde.
7○ Onde dicrote.
8○ Ouverture des valves mitrale et
9tricuspide.
provenant d’un foyer ventriculaire ectopique porte le nom d’ extrasystole ventriculaire [1]. La fréquence cardiaque d’un adulte sain au repos est en moyenne de 70 battements par minute. Il existe néanmoins une grande variabilité entre les personnes puisque la fréquence cardiaque d’un athlète peut être inférieure à 40 battements par minutes alors qu’elle peut atteindre 90 battements par minutes chez une personne sédentaire [7].
La proportion de temps passée en systole et en diastole n’est pas indépendante de la fréquence cardiaque.
Ainsi, si nous considérons un cœur battant à 75 battements par minutes, sur les 800 ms du cycle cardiaque 300 ms seront consacrées à la systole et 500 ms seront consacrées à la diastole : à cette fréquence, la diastole représente environs 60% du cycle cardiaque. Lorsque l’on considère une augmentation de la fréquence à 180 battements par minute, la diastole dure 125 ms sur les 333 ms du cycle cardiaque, représentant un peu moins de 40% de la durée totale du cycle. C’est donc essentiellement la durée de relaxation qui est considérablement réduite lors de l’augmentation de la fréquence cardiaque. La durée de la systole décroit moins vite que la durée de la diastole augmentant la proportion de temps passée en systole avec l’augmentation de la fréquence cardiaque (Figure 1.8). Néanmoins l’essentiel du remplissage est effectué en début de relaxation (Figure 1.7c).
Le remplissage est donc assez peu affecté par la réduction de la durée de relaxation due à l’augmentation de la fréquence cardiaque lors d’un effort physique notamment.
Fréquence cardiaque (bpm) Dur ée du c yc le car di a qu e ( s) Dur ée de la s yst o le ( s)
50 60 75 100 150
1 1,2
0,6 0,4 0,8
0,2