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être réfutée n’est pas une hypothèse utile. Pour moi, le défaut le plus sérieux du modèle numérique du Dr.

Guyton est qu’il ne peut échouer en aucune circonstance... Il y a tant de manières différentes où il peut être

utilisé pour ne rien prédire du tout que cela signifie qu’il ne peut rien prédire du tout. »2 [25].

Notre objectif n’est pas, ici, de développer un nouveau modèle exhaustif – qui aurait toutes les chances de

reprendre les travers du modèle deGuytonet al.– mais de nous focaliser sur la compréhension de l’évolution

de l’hypertension artérielle pulmonaire et, en particulier, du remodelage cardiaque dans ce type de pathologie

à évolution lente. Nous nous focaliserons donc sur la modélisation des mécanismes de régulation (strictement

nécessaires) qui permettent d’observer l’adaptation du cœur en réponse à des modifications des paramètres du

système cardiovasculaire tels que la résistance du circuit pulmonaire. La problématique est alors d’avoir à la

fois un modèle assez simple – pour réduire la complexité algorithmique et donc avoir des durées de simulation

raisonnables – tout en ayant une évolution des variables modélisées la plus proche possible de la réalité clinique.

Nous nous limitons ici à un modèle qualitatif, c’est-à-dire que nous supposons le modèle comme suffisamment

valide lorsque l’ordre de grandeur des variables est équivalent à ce qui peut-être observé cliniquement (lorsque

nous pouvons le faire).

Comme nous venons de le voir, il existe déjà une multitude de modèles dynamiques du système

cardiovas-culaire. Néanmoins, ils ne s’intéressent généralement qu’à l’évolution dynamique au cours du cycle cardiaque

et n’introduisent que très rarement des mécanismes de régulation. Ces études travaillent donc en régime

sta-tionnaire où le développement du muscle cardiaque n’est pas considéré : or il s’agit d’un point important dans

l’étude de pathologies comme l’hypertension artérielle pulmonaire qui conduisent à un remodelage cardiaque.

Nous chercherons ici l’obtention de l’évolution de certains paramètres physiologiques sur le long terme,

c’est-à-dire de l’ordre de plusieurs années.

Nous souhaitons ici montrer que lorsque l’hypertension artérielle se développe, les deux phases observées

dans le ventricule droit proviennent des interactions entre les parties droite et gauche du cœur. Puisque le

ventricule droit fini par ne plus pouvoir délivrer le débit cardiaque nécessaire, nous supposerons que c’est le

ventricule gauche qui prend le relais pour assister le ventricule droit défaillant : nous n’avons à ce jour aucune

autre hypothèse alternative. Il en résulte alors une augmentation de pression dans le circuit veineux systémique

(et donc au niveau de l’entrée de l’oreillette droite), induisant une augmentation du volume du ventricule droit.

Afin de valider cette hypothèse, nous commençons par construire un modèle statique simple pour comparer

les puissances délivrées par chacun des ventricules dans différentes situations. Dans un second temps, nous

développons un modèle dynamique du système cardiovasculaire pour mieux comprendre la manière dont les

mécanismes de régulation conduisent au remodelage cardiaque. L’objectif de cette seconde partie est de modéliser

les mécanismes de régulation et de reproduire les différentes phases de l’hypertension artérielle pulmonaire. Nous

ferons cela en considérant un sujet initialement sain mais dont la résistance pulmonaire augmente lentement.

3.2 Modèle statique simple

Nous commençons avec un modèle statique simple où tous les effets capacitifs et inductifs sont négligés.

Les circuits systémique et pulmonaire sont alors considérés comme étant uniquement résistifs (Figure3.7). Le

cœur gauche (oreillette gauche et ventricule gauche) et le cœur droit (oreillette droite et ventricule droit) sont

décrit par des générateurs de pression et nous supposons que la pression de la veine pulmonaire reste constante.

3.2.1 Situation normale

Supposons que le débit cardiaque Qc d’un sujet sain au repos soit de 5 l/min. Les pressions moyennes à

différents endroits du système cardiovasculaire sont

Paa= 95mmHg artère aorte

Pvc= 3mmHg veine cave

Pap= 11.6mmHg artère pulmonaire

Pvp= 8 mmHg veine pulmonaire

2. “A hypothesis which cannot be disproved is not a useful hypothesis. To me, the most serious flaw in Dr. Guyton’s computer

model it that is cannot, in any circumstances, fail.... There are so many different ways that it can be made to predict anything at

all, which means that it cannot predict anything at all.”

Circulation pulmonaire

Circulation systémique

Cœur

droit

Artères

pulmonaires

Veines

caves

Cœur

gauche

Veine

pulmonaire

Artère

aorte

Qc

Figure 3.7 – Schéma de la circulation sanguine telle que nous la considérons dans notre modèle statique. Le

système cardiovasculaire est vu comme un circuit électrique comprenant deux sources de tension correspondant

aux deux cotés du cœur, et deux résistances, la première étant associée au circuit systémique et la seconde au

circuit pulmonaire.

Nous supposons que les pressions au niveau des veines caves et pulmonaire sont identiques aux pressions des

oreillettes droite et gauche, respectivement. Les puissances délivrées par les deux parties du cœur pour assurer

le débit cardiaque dans les circuits systémique et pulmonaire sont données par

(

Pd= ∆Pd·Qc

Pg= ∆Pg·Qc

(3.5)

où∆Pdet∆Pgsont respectivement les gradients de pression entre l’entrée et la sortie des cœurs droit et gauche.

Ainsi, pour le cœur gauche nous avons

Pg= (Paa−Pvp)·Qc= 0,967W (3.6)

et

Pd= (Ppa−Pvc)·Qc= 0,0956W (3.7)

pour le cœur droit. Nous constatons alors que la puissance délivrée par le cœur droit est approximativement

égale à 10% de la puissance délivrée par le cœur gauche. De ce point de vue, le cœur droit est plutôt faible

comparé au cœur gauche.

3.2.2 Situation d’exercice

Afin d’avoir une meilleure perception du rapport des puissances délivrées entre les cœurs droit et gauche,

nous considérons maintenant un sportif occasionnel. Les valeurs serviront également comme référence afin de

discuter ce qui peut se passer dans le cas d’une hypertension artérielle pulmonaire. Supposons qu’à l’exercice,

son cœur produise un débit cardiaque Qc égale à 25 l/min [26] et une pression aortique moyenne d’environs

200 mmHg. Nous considérons différents niveaux d’exercice en utilisant la terminologie de Brown et al. [26].

Nous estimons la pression aortique à différent niveaux d’exercice par une interpolation linéaire comme cela est

suggéré par les auteurs. La pression artérielle pulmonaire moyenne dépend alors du débit cardiaqueQc suivant

la relation

Pap= 0,94Qc+ 6,9 (3.8)

qui a été obtenue à partir des données disponible dans [27] et où la pression est donnée en mmHg et le débit

cardiaque en l/min. Ces données permettent de calculer la puissance développée dans les cœurs droit et gauche

à l’exercice (Tab.3.2).

3.2.3 Hypertension artérielle pulmonaire

Nous considérons maintenant un patient souffrant d’une légère hypertension artérielle pulmonaire compensée

par une hypertrophie du ventricule droit permettant d’assurer le débit cardiaque nominal. La pression artérielle

3.2. MODÈLE STATIQUE SIMPLE 67

Table3.2 – Caractéristiques hémodynamiques pour différents niveaux d’exercice. Les données sont interpolées

linéairement entre les valeurs d’exercice maximal et au repos pour un sportif occasionnel. La pression artérielle

pulmonaire est obtenue en utilisant la régression linéaire (3.8).

Niveau Qc Paa Ppa Pl Pr

d’exercice (l/min) (mmHg) (mmHg) (W) (W)

Maximal 25 200 30.4 10.67 1.522

Soutenu 17 157 22.9 5.63 0.752

Léger 9 115 13.4 2.14 0.208

Repos 5 95 11.6 0.967 0.0956

pulmonaire est choisie àPap= 25mmHg. La puissance délivrée par le ventricule droit au repos (Qc= 5l/min)

est alors

Pd= (Pap−Pvc)·Qc= 0,244W, (3.9)

ce qui est équivalent à la puissance délivrée lors d’un exercice léger (voirTable3.2). Il n’y a pas de symptômes

significatifs.

Considérons maintenant un patient présentant une hypertension artérielle pulmonaire associé avec une

dé-compensation du ventricule droit. Dans ce cas, nous supposons une pressionPap0 égale à50mmHg. La puissance

délivrée par le ventricule droit pour assurer le débit cardiaque au repos est alors

Pd0 = (Pap0 −Pvc)·Qc= 0,522W, (3.10)

ce qui correspond à un effort équivalent à plus du double (251%) de la puissance délivrée lors d’un exercice léger.

De plus, contrairement à une situation d’exercice pour laquelle l’augmentation de la puissance n’est délivrée

que pour une durée limitée, la puissance cardiaque est ici délivrée continuellement, comme c’est le cas pour un

patient souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire : cela peut être une première explication du syndrome

d’essoufflement souvent associé à cette pathologie. Le corps va chercher une solution plus optimale du point

de vue de la dépense énergétique puisque, chez les patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire, le

travail requis pour assurer le débit cardiaque ne peut pas être exclusivement délivré par le ventricule droit.

L’augmentation de la puissance (0,426W) difficilement supportable par le ventricule droit peut être facilement

délivrée par le ventricule gauche, au moins du point de vue de la puissance. En conséquence, lors de la phase

de décompensation, le ventricule ne devrait pas délivrer plus que la puissance nécessaire ; contrairement à ce

qui se passe lors de la phase de compensation, cette puissance serait amenée par le ventricule gauche tandis

que le ventricule droit pourrait travailler comme il le ferait au repos. Dans cette situation, pour être capable de

délivrer la puissance requise dans le circuit pulmonaire, le cœur gauche devrait augmenter la pression moyenne

dans l’ensemble du circuit systémique de 38,4 mmHg, augmentant ainsi la pression au niveau de la veine cave

à Pvc0 = 41,4 mmHg, et induire une augmentation de la pression aortique àPaa0 = 133,4mmHg. La puissance

développée par le ventricule droit deviendrait

Pd= (Pap0 −Pvc0 )·Qc= 0,0956W, (3.11)

qui est identique à la puissance produite au repos tandis que la puissance assurée par le ventricule gauche

deviendrait

Pg= (Paa0 −Pvp)·Qc= 1,39W, (3.12)

ce qui est une puissance significativement inférieure (65%) à la puissance produite lors d’un exercice léger.

D’après notre supposition, le cœur aurait un grand avantage énergétique (du point de vue des conditions de

travail) à assurer le débit cardiaque par le cœur gauche plutôt que par le cœur droit.

Ce relais pris par le cœur gauche présente un effet secondaire puisque le ventricule droit est sur-pressurisé

de38,4mmHg. En utilisant la compliance du ventricule droit

C= dV

dP = 4cm3/mmHg (3.13)

comme mentionné dans [28], une augmentation de la pression de38,4mmHg dans le ventricule droit impliquerait

une augmentation du volume de 153,6ml, c’est-à-dire que le volume est presque doublé.

Ce modèle statique simple ne permet pas de déterminer plus précisément les contributions respectives des

deux côtés du cœur pour assurer le débit cardiaque. Néanmoins, il met en évidence que le cœur gauche doit

assister, d’une certaine manière, le cœur droit et permet d’expliquer pourquoi le ventricule droit gonfle lors de

la phase de décompensation. Une compréhension plus précise d’une telle assistance devrait être obtenue avec

un modèle dynamique du système cardiovasculaire, en particulier, s’il prend en compte une description des

différents mécanismes de régulation. Il sera alors possible de suivre l’évolution de la fonction cardiaque lorsque

la résistance pulmonaire évolue d’une valeur correspondant à un sujet sain vers une valeur associée à un patient

dans un état de décompensation.

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