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4.3 Ventilation non invasive

4.3.2 Asynchronismes patient-ventilateur

La ventilation non invasive présente deux objectifs principaux : éviter les dysfonctions diaphragmatiques en

permettant au patient de générer des efforts spontanés [35] et de réduire le travail respiratoire du patient en

délivrant un niveau d’aide suffisant [36]. Or, il semble que de bonnes interactions entre le patient et le ventilateur

conduisent à une amélioration du confort et une réduction du travail respiratoire [36]. Il est donc important

d’essayer de réduire les asynchronismes qui peuvent se présenter en ventilation non invasive. La littérature décrit

aujourd’hui différents types d’asynchronismes :

– lesefforts ineffectifs9[36, 37, 38] lorsque l’effort du patient est insuffisant pour déclencher une insufflation

du ventilateur ;

– lescycles double-déclenchés10 [36, 38] correspondant à deux déclenchements de la montée en pression par

le ventilateur pour un seul effort inspiratoire du patient ;

– les cycles auto-déclenchés11 [36, 39] correspondant à un déclenchement de la montée en pression par le

ventilateur sans demande du patient (pas d’effort inspiratoire) ;

– lescycles courts12 [38] où l’insufflation à pression haute est trop courte par rapport à la durée de

l’inspi-ration du patient et enfin

– lescycles prolongés13 [38] où l’insufflation est trop longue par rapport à la durée inspiratoire du patient.

Bien que ces asynchronismes soient décrit dans la littérature, il n’existe aucun article de référence les définissants

rigoureusement.

Les travaux entamés par l’équipe du Pr. Letellier, notamment dans le cadre de plusieurs thèses [2, 40,

41, 42] et, en particulier, les travaux sur les tests de ventilateurs, ont conduit à une redéfinition précise des

asynchronismes observés. Pour cela, nous définissons l’inspiration et l’expiration comme étant respectivement

la phase durant laquelle la pression musculaire accessible par exemple sur des poumons mécaniques comme

l’ASL 5000 (IngMar Medical) ou la pression œsophagienne (mesure invasive pouvant être pratiquée en clinique)

est décroissante et la phase durant laquelle la pression musculaire est croissante. Nous pouvons ainsi définir les

types d’asynchronismes suivant en ventilation spontanée avec aide inspiratoire :

– les cycles non déclenchés correspondant à un effort du patient qui n’est pas récompensé par un passage

en pression haute du ventilateur ;

– les cyclesauto-déclenchés correspondant à un passage en pression haute du ventilateur sans demande du

patient, c’est-à-dire durant l’expiration.

– les cyclesmulti-déclenchéscorrespondant à plusieurs cycles du ventilateur (plusieurs alternances de passage

en pression haute et basse) pendant l’inspiration ; les cycles double-déclenchés correspondent à un cas

particulier apparaissant plus fréquemment et ne comportant que deux déclenchement lors de la phase

inspiratoire ;

– lescycles de sécuritécorrespondant à un déclenchement du ventilateur piloté par une fréquence de sécurité

afin d’éviter une apnée trop longue.

– les cycles avec retour à la pression basse contrôlé correspondant à un retour à la pression basse contrôlé

par le ventilateur, c’est-à-dire lorsque la durée de la pressurisation atteint la durée maximale configurée

par le praticien ;

– les cycles avecretour à la pression basse avancé correspondant à un retour à la pression basse survenant

plus de 300 ms avant le début de l’expiration ;

– les cycles avec retour en pression basse retardé correspondant à un retour à la pression basse survenant

plus de 300 ms après le début de l’expiration.

Ces définitions, utilisées dans les travaux d’ÉmelineFresnel[42], nécessitent d’avoir accès à la pression

mus-culaire ou, à défaut, à une information permettant de différencier l’inspiration de l’expiration.

4.4 Conclusion

Comme nous venons de le voir, le traitement des pathologies respiratoires est un véritable enjeux puisque

celles-ci sont amenées à se développer dans les années à venir. Dans de nombreux cas, le traitement consiste

en l’application d’une ventilation non invasive pour suppléer à une ventilation physiologique défaillante et ainsi

9. Appelésineffective triggering en anglais.

10. Appelésdouble triggering en anglais.

11. Appelésauto-triggering,auto-cycling ou encoreself-triggeringen anglais.

12. Appelésshort cyclingen anglais.

4.4. CONCLUSION 95

soulager les muscles respiratoires. Néanmoins, pour que la réduction du travail respiratoire soit effectivement

diminuée, il ne faut pas que les interactions entre le patient et sa machine conduisent à trop d’asynchronismes.

La réduction des asynchronismes correspond à une des solutions pour améliorer le confort et donc la

réduc-tion du travail respiratoire des patients. Les asynchronismes sont, pour la plupart, observés et décrits depuis

longtemps mais la compréhension de l’origine de leur apparition reste limitée. En effet, les descriptions des

asynchronismes se limitent en général à des observations des courbes de pression et de débit permettant au

praticien de les évaluer visuellement. Cette absence d’une compréhension complète des mécanismes sous-jacents

à ces asynchronismes ne permet alors pas de comprendre comment réduire leur apparition et, ainsi, améliorer

la qualité de la ventilation.

Il semble donc aujourd’hui manquer une étude théorique des interactions patient-ventilateur permettant de

mettre en évidence l’origine des asynchronismes observés en pratique clinique et sur banc de test. Pour cela nous

nous proposons de développer un modèle dynamique décrivant les compartiments du patient, du ventilateur,

de la fuite ainsi que les spécificités de l’algorithme de déclenchement dont nous pensons qu’elles jouent un rôle

important.

BIBLIOGRAPHIE 97

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Chapitre 5

Modélisation des interactions

patient-ventilateur

5.1 Introduction

La ventilation non invasive est délicate à ajuster puisque les cycles de pression délivrés par le ventilateur

doivent être synchronisés avec les cycles ventilatoires du patient. En pratique, une synchronisation parfaite

est quasiment impossible à obtenir. Une bonne ventilation entre le patient et le ventilateur permet cependant

d’assurer un meilleur confort ventilatoire et de réduire le travail respiratoire du patient [1]. Les asynchronismes

patient-ventilateur sont définis comme un déphasage entre le cycle ventilatoire du patient et le cycle de

pressuri-sation délivré par le ventilateur. Différents types d’asynchronismes peuvent apparaître au cours de la ventilation

non-invasive [2, 3], et la prévalence de certains d’entre eux peut être détectée par l’intermédiaire de mesures non

invasive [4]. Cependant, l’observation des asynchronismes ne permet pas toujours d’appréhender les mécanismes

sous-jacents qui sont responsables de leur apparition. Plus important, les causes sont souvent recherchées du

côtés de l’interface patient-ventilateur et rarement du côté du ventilateur lui-même, dont les réglages sont

ajus-tés de façon empirique. En effet, il est extrêmement difficile de trouver une méthode générique qui permette

d’optimiser le réglage des ventilateurs, étant données les nombreuses hétérogénéités existant entre les différentes

machines sur le marché (logiques de réglages différentes, nomenclatures hétéroclites, etc.). Les stratégies dont

disposent les ventilateurs pour assurer les cycles de pressurisation peuvent par ailleurs varier d’une machine à

l’autre, sans que ces stratégies ne soient communiquées aux médecins prescripteurs.

Classiquement, les ventilateurs présents sur le marché font l’objet d’évaluations grâce à des procédures de

tests sur banc d’essai, tel que l’ASL 5000 (IngMar Medical) qui est un poumon mécanique actif. Ces

évalua-tions permettent de tester les différents réglages disponibles sur chaque machine et de qualifier leur influence

sur la synchronisation patient-ventilateur. L’inconvénient de ces évaluations est que les résultats obtenus sont

spécifiques à chaque procédure et à chaque ventilateur. Elles peuvent par ailleurs être très coûteuses en terme

de temps (300 h de simulation par ventilateur dans la procédure paramétrique développée parFresnel[5]).

Nous proposons ici d’élaborer un modèle dynamique permettant d’étudier les interactions patient-ventilateur,

indépendamment d’un ventilateur donné. L’objectif est de disposer d’un modèle théorique qui soit générique,

c’est-à-dire qui contienne différents éléments pouvant être spécifiés si besoin, afin de pouvoir simuler à la fois

différentes stratégies ventilateur et différents modèles pulmonaires. Cette modélisation permet ainsi d’étudier

l’influence sur la synchronisation patient-ventilateur des réglages les plus courants sur les ventilateurs, et

d’ob-server l’éventuelle présence d’asynchronismes.

La modélisation du ventilateur se décompose en deux sous-parties : la partie physique représentant l’aspect

mécanique du ventilateur, la régulation de la pression de sortie du ventilateur et la partie logique modélisant

l’algorithme de déclenchement des passages en pression haute et basse du ventilateur.

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