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La coopération internationale entre régulateurs suisses, états-uniens et italiens en cas de soupçon de délits d'initiés

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Academic year: 2022

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Master

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La coopération internationale entre régulateurs suisses, états-uniens et italiens en cas de soupçon de délits d'initiés

CANOVA, Letizia

Abstract

La globalisation et le progrès technologique ont conduit ces dernières années à une transformation du marché des capitaux. En effet, les intermédiaires financiers interviennent sur les places financières étrangères sans aucune difficulté. Néanmoins, le même progrès a également permis aux investisseurs de baser les activités frauduleuses sur des marchés régis par des juridictions différentes pour essayer d'échapper à la détection et aux poursuites des autorités nationales. Si les fraudes sont devenues un phénomène international, les régulateurs restent en revanche limités par les frontières nationales. Les transactions effectuées au sein d'une bourse sont soumises à la surveillance du régulateur du pays dans lequel celle-ci est établie. C'est pourquoi une coopération internationale rapide et efficace est donc devenue vitale pour permettre la mise en œuvre des lois nationales et ainsi assurer l'intégrité des marchés et la protection des investisseurs. Ce d'autant plus que l'accès aux marchés des capitaux étrangers est désormais subordonné à la capacité de fournir des informations [...]

CANOVA, Letizia. La coopération internationale entre régulateurs suisses,

états-uniens et italiens en cas de soupçon de délits d'initiés. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:109416

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(2)

FACULTE DE DROIT

Mémoire de Maîtrise universitaire en droit

La coopération internationale entre

régulateurs suisses, états-uniens et italiens en cas de soupçon de délits d’initiés

Dans le cadre du séminaire « Droit du marché international des capitaux »

Letizia Canova

Sous la direction de la Professeure Aline Darbellay

Semestre de printemps 2018

(3)

Table des matières

Liste des abréviations ... III

I. INTRODUCTION ... 1

II. LE DÉLIT DINITIÉ ... 2

A) Le cadre juridique du délit d’initié ... 2

B) Le comportement réprimé par le droit de la surveillance ... 3

1) L’information d’initié ... 3

2) La prohibition d’exploiter les informations d’initiés ... 4

C) Les autorités de surveillance compétentes en matière de délit d’initié ... 5

1) L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) ... 6

2) La Securities and Exchange Commission (SEC) ... 6

3) La Commissione nazionale per le società e la Borsa (CONSOB) ... 7

III. L’ASSISTANCE ADMINISTRATIVE INTERNATIONALE ... 8

A) Le cadre juridique de l’assistance administrative internationale ... 9

1) Le cadre juridique suisse ... 9

2) Le cadre juridique italien et états-unien ... 10

B) Les Memorandums of Understanding ... 10

C) L’origine de la requête d’assistance ... 11

D) Les principes applicables à l’assistance ... 12

1) L’assistance entre autorités étrangères de surveillance ... 12

2) Le principe de spécialité ... 13

a) L’atténuation du principe de spécialité ... 14

b) La retransmission aux autorités pénales ... 14

3) Le principe de confidentialité ... 15

4) Le principe de proportionnalité ... 16

(4)

a) Le soupçon initial ... 16

b) Les informations recherchées et l’interdiction des fishing expedition ... 17

c) Le tiers manifestement non impliqué ... 18

E) La procédure d’assistance ... 18

1) Le recueil des informations ... 18

2) La qualification des informations recueillies ... 19

F) La procédure-client ... 20

1) La transmission avec procédure préalable ... 21

a) La notification ... 21

b) Le droit d’être entendu ... 22

c) La décision de transmission et la qualité pour recourir ... 22

2) La transmission sans procédure préalable ... 23

a) Les conditions d’application ... 24

b) La notification a posteriori ... 25

IV. CONCLUSION ... 25

V. BIBLIOGRAPHIE ... 27

VI. SOURCES OFFICIELLES ... 30

(5)

Liste des abréviations

al. alinéa

art. article

ATAF Recueil officiel des arrêts du tribunal administratif fédéral ATF Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral

BO Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale

Bull. Bulletin

CC Code civil suisse

CF Conseil fédéral

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

Cm chiffre marginal

consid. considérant

CONSOB Commissione nazionale per le società e la borsa

Cst. Constitution fédérale de la Confédération Suisse (RS 101) DOJ Department of Justice

éd. édition

édit. éditeur(s)

FF Feuille fédérale

FINMA Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FMI Fonds monétaire international

G.U. Gazzetta Ufficiale della Repubblica Italiana

IOSCO/OICV International organisation of securities commission/Organisation internationale des commissions de valeurs

LB Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.0)

LBVM Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (RS 954.1)

(6)

LFINMA Loi sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (RS 956.1)

lit. lettre

LIMF Loi fédérale sur les infrastructures des marchés financiers et le comportement sur le marché en matière de négociation de valeurs mobilières et de dérivés (RS 958.1)

MAR Market Abuse Regulation

MMoU Multilateral Memorandum of Understanding

n° numéro

NASDAQ National association of Securities Dealers Automated Quotation

NYSE New York Stock Exchange

Oém-FINMA Ordonnance réglant la perception d’émoluments et des taxes par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (RS 956.122) OPA Offre publique d’acquisition

p. page

par. paragraphe(s)

pp. pages

RS Recueil systématique du droit fédéral TAF Tribunal administratif fédéral

TF Tribunal fédéral

s(s) suivante(s)

SEC Securities and Exchange Commission

TEJUS Traité entre la Confédération Suisse et les Etats-Unis d’Amérique sur l’entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.933.6)

TUF Testo unico della finanza

U.S.C. United States Code

vol. volume

(7)

I. Introduction

Un des objectifs principaux des lois sur les marchés financiers dans le monde est celui de protéger et de promouvoir l’intégrité des marchés financiers ainsi que de protéger les investisseurs. Afin de préserver cette intégrité et de réaliser cet objectif, les régulateurs nationaux doivent éliminer les abus de marché dont fait partie le délit d’initié1. En substance, le délit d’initié vise l’exploitation de la connaissance d’informations privilégiées afin d’obtenir un profit illicite ou d’éviter une perte2. Un approfondissement de la notion de ce comportement en ce qui concerne la Suisse, l’Italie et les Etats-Unis fera l’objet de la première partie de cette contribution.

La globalisation et le progrès technologique ont conduit ces dernières années à une transformation du marché des capitaux. En effet, les intermédiaires financiers interviennent sur les places financières étrangères sans aucune difficulté. Néanmoins, le même progrès a également permis aux investisseurs de baser les activités frauduleuses sur des marchés régis par des juridictions différentes pour essayer d’échapper à la détection et aux poursuites des autorités nationales3.

Si les fraudes sont devenues un phénomène international, les régulateurs restent en revanche limités par les frontières nationales4. Les transactions effectuées au sein d’une bourse sont soumises à la surveillance du régulateur du pays dans lequel celle-ci est établie. Si une banque suisse investit sur le marché états-unien5 ou italien6 pour le compte d’un client, c’est respectivement à la Securities and Exchange Commission (ci-après SEC) et à la Commissione nazionale per le società e la borsa (ci-après CONSOB) qu’il revient d’enquêter si elles considèrent que cet investissement fonde un soupçon de délit d’initié. Dans le cadre de leurs enquêtes, ces autorités pourront connaître le nom de l’intermédiaire financier ayant passé l’ordre. En revanche, elles n’auront pas la possibilité de découvrir le nom du client de la banque7 puisque l’art. 271 du Code pénal suisse8 s’applique. C’est pourquoi une coopération internationale rapide et efficace est donc devenue vitale pour permettre la mise en œuvre des lois nationales et ainsi assurer l’intégrité des marchés et la protection des investisseurs. Ce d’autant plus que l’accès aux marchés des capitaux étrangers est désormais subordonné à la

1 AUSTIN, Investigation and Prosecution, p. 13 ; FINMA, Rapport annuel 2017, p. 36.

2 LANGEVOORT, p. 52 ; BAINBRIDGE, p. 7.

3 AUSTIN, Investigation and Prosecution, p. 66.

4 FRIEDMAN/JACOBS/MACEL, p. 37.

5 Notamment sur le NYSE ou le NASDAQ.

6 Notamment sur la Borsa Italiana.

7 SCHALLER, p. 2.

8 Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 (CP, RS 311.0).

(8)

capacité de fournir des informations dans le cadre de la coopération internationale9. Cette notion générale de coopération internationale englobe les expressions d’entraide administrative internationale, d’assistance internationale et d’échange d’informations car il s’agit dans tous ces cas de “l’aide apportée et reçue d’un Etat envers un homologue étranger […]”10.

Dans ce domaine en constante évolution, nous dégagerons, dans la deuxième partie de cette contribution, la procédure et les principes applicables à la coopération fournie par la FINMA à ses homologues états-unien et italien en cas de soupçon de délit d’initié. Cette coopération est actuellement régie par la loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers11 (ci-après LFINMA). Etant donné qu’elle était bloquée, jusqu’à récemment, avec les autorités de surveillance états-unienne et italienne, mon travail se portera également sur cette problématique12.

II. Le délit d’initié

A titre liminaire, il convient de présenter les éléments constitutifs du délit d’initié tels qu’ils sont appréhendés par les différentes législations nationales. En effet, avant de présenter la coopération internationale en matière de délits d’initiés, il faut analyser les comportements pouvant constituer cette infraction et quelles autorités la répriment.

A) Le cadre juridique du délit d’initié

L’incrimination des délits d’initiés a été introduite dans le Code pénal suisse en 1988. Avant cette date, contrairement aux Etats-Unis, la Suisse ne connaissait pas cette infraction13. C’est sous la pression de la SEC que la Suisse s’est vue contrainte à introduire une telle disposition pénale. En effet, la Suisse ne pouvait pas donner suite aux demandes d’entraide judiciaire en matière pénale14 provenant des Etats-Unis en raison de la condition de la double punissabilité.

Les Américains ont donc menacé de prendre des mesures radicales contre la Confédération15. Vu leur lien étroit avec l’activité boursière, les opérations d’initiés sont désormais régies par

9 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, pp. 7 s.

10 HOMSY, Nouvelles dispositions, p. 2.

11 Loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, du 22 juin 2007 (LFINMA ; RS 956.1).

12 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 12 ; SCHLICHTING, 2004, p. 50.

13 HURTADO POZO, p. 472 s.

14 A l’époque était la seule voie disponible pour l’échange d’informations.

15 Voir notamment l’affaire St Joe Minerals dans laquelle la Banca della Svizzera italiana (BSI) refuse de transmettre des informations à la SEC sur la base du secret bancaire suisse. Suite au risque d’être soumise à des sanctions, la BSI obtient l’accord de son client pour la transmission des informations à l’étranger, SEC vs. Tome, 638 F. Supp. 596 (SDNY 1986) ; EMCH/MONTAVON, p. 179 ; voir aussi SCHMID, p. 114.

(9)

les art. 142 et 154 de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers (ci-après LIMF16). Ce comportement est réprimé en matière de droit de la surveillance et de droit pénal17.

Les Etats-Unis ont été l’un des premiers Etats à interdire l’abus d’informations d’initiés. La prohibition de l’insider trading est prévue principalement18 dans le Securities Exchange Act de 1934, notamment dans la Section 10(b) et dans la Rule 10b-5, une large disposition antifraude adoptée par la SEC interdisant tout comportement frauduleux en relation avec l’achat ou la vente de n’importe quelle security19.

Quant à l’Italie, la répression de l’abus d’informations d’initiés n’a été introduite qu’en 1991 dans la loi n° 15720. Avec l’adoption du règlement n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil21 (ci-après MAR), et notamment de ses art. 7 et suivants, la répression administrative des opérations d’initiés est désormais harmonisée au niveau européen22. En ce qui concerne le volet pénal, c’est encore l’art. 184 du Testo Unico della Finanza23 (ci-après TUF) qui s’applique, étant donné que la nouvelle Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil24 n’a pas encore été transposée dans le droit national25.

B) Le comportement réprimé par le droit de la surveillance 1) L’information d’initié

L’analyse préalable de la notion d’information d’initié est fondamentale pour l’application des dispositions réprimant les opérations d’initiés26.

Selon les trois droits en question, la définition d’information d’initié contient essentiellement deux caractéristiques principales : l’information doit être accessible uniquement à un nombre

16 Loi fédérale sur les infrastructures des marchés financiers et le comportement sur le marché en matière de négociation de valeurs mobilières et de dérivés, du 19 juin 2015 (LIMF ; RS 958.1).

17 Conseil fédéral, Message relatif à la modification de la loi sur les bourses – Délits boursiers et abus de marché, FF 2011 6329, pp. 6334, 6342.

18 L’insider trading est aussi visée par la Section 14(e) et la Rule 14e-3 du Securities Exchange Act qui interdisent à tout insider des sociétés impliquées dans une OPA de tipping d’informations confidentielles relatives à cette offre. De plus, elles prohibent à toute personne en possession d’informations d’initiés concernant une OPA d’effectuer des transactions sur les titres de la cible, VENTUROZZO, p. 6.

19 Speech by SEC Staff, Insider Trading- A U.S. Perspective, remarks by NEWKIRK T.,

« https://www.sec.gov/news/speech/speecharchive/1998/spch221.htm ».

20 Legge del 17 maggio 1991 sulle norme relative all’uso di informazioni riservate nelle operazioni in valori mobiliari e alla Commissione nazionale per le società e la borsa (G.U. Serie Generale n° 116 del 20.5.1991) ; PARMEGGIANI, p. 1.

21 Règlement UE n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marchés (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.

22 MOCK/VENTUROZZO,p. 209 ; BRUSEGAN, Nuove frontiere, p. 2.

23 Testo Unico della Finanza, adopté avec décret législatif n° 58 du 24 février 1998 (G.U. n° 71 du 23.6.1998).

24 Directive 2014/57/UE du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché).

25 BASILE, p. 1.

26 MOCK/VENTORUZZO,p. 209.

(10)

restreint de personnes et doit être susceptible d’influencer de manière sensible le cours des valeurs mobilières si elle venait à être rendue publique27. Par valeurs mobilières, il faut essentiellement entendre les titres cotés, notamment des actions ou des dérivés.

En pratique, le domaine dans lequel sont commis le plus grand nombre de délits d’initiés est celui des mergers and acquisitions28. Cela est dû notamment au fait qu’une grande quantité d’informations susceptibles de constituer des informations d’initiés est échangée durant le processus de due diligence29.

2) La prohibition d’exploiter les informations d’initiés

Aux Etats-Unis, il existe deux théories qui permettent à la SEC d’appliquer la Section 10(b) et la Rule 10b-5. Selon la théorie classique, les personnes30 qui effectuent des transactions sur la base d’informations d’initiés en violation d’un fiduciary duty se rendent coupables d’insider trading31. En vertu de la misappropriation theory, un “outsider” qui entre en possession d’une information d’initié tombe aussi sous le coup de la Rule 10b-5 lorsqu’il viole un devoir de fidélité32 qu’il avait à l’encontre de la source des informations afin d’obtenir un profit33. Selon les deux théories, une personne (tipper) viole cette règle également pour tipping d’informations d’initiés34. De plus, la règle est également violée par le tippee qui exécute des transactions sur la base d’informations qu’il a reçues par le tipper35. Dans tous les cas, la

27 Pour le droit suisse, voir l’art. 2 lit. j LIMF et la Circulaire FINMA 2013/8 « Règles de conduite sur les marchés », Cm. 10 ; pour le droit européen, voir l’art. 7 MAR, CONSOB, Guide operative in materia di informazioni privilegiate, p. 24, RIDER/ALEXANDER/BAZLEY/BRYANT, p. 69 ; pour le droit états-unien, il convient de préciser qu’une information est “material” lorsqu’elle est considérée par un investisseur raisonnable comme importante pour la décision d’investir, BAINBRIDGE, Insider trading, pp. 8 s. Toutefois, à notre avis, une information susceptible d’influencer le cours des titres est la seule information qui peut être considérée comme importante.

28 LANGEVOORT, p. 162.

29 Ce processus a notamment comme objectif la détermination du prix de la société, lequel ne reflète pas nécessairement la valeur de ses actions sur le marché. De plus, des informations concernant notamment la santé financière de la société ou de risques potentiels environnementaux y sont également échangés.

30 On parle ici d’insiders (directeurs ou administrateurs d’une société) et de constructive insiders (notamment d’avocats ou de comptables qui, une fois engagés par la société, sont tenus par une obligation légale de confidentialité), BAINBRIDGE, Insider trading, p. 11.

31 En revanche, aucune violation du devoir de fidélité n’est nécessaire dans l’application de la Rule 14e-3, VENTUROZZO, p. 6.

32 voir Rule 10b(5)-2 du Securities Exchange Act.

33 BAINBRIDGE, Law and Policy, pp. 5 s ; COFFEE/SALE/HANDERSON, p. 1191.

34 BAINBRIDGE, Law and Policy, p. 99 ; COFFEE/SALE/HANDERSON,pp. 1186 ss.

35 Pour que le tippee soit retenu responsable d’insider trading, 4 conditions doivent être remplies : le tipper doit avoir violé un devoir de fidélité qu’il avait envers la société et le tippee doit savoir ou aurait dû savoir que l’information lui a été transmise en violation d’un devoir de fidélité. De plus, le tipper doit avoir obtenu un avantage personnel dans la transmission de l’information et le tippee doit avoir utilisé cette information, BAINBRIDGE, Insider trading, p. 12.

(11)

personne qui exploite l’information d’initié doit agir avec scienter. L’intention de commettre une fraude est donc nécessaire36.

En ce qui concerne la Suisse et les pays européens, les comportements réprimés (art. 142 LIMF et art. 8, 14 MAR) sont essentiellement les mêmes que ceux prévus par le droit états- unien (trading and tipping)37, cependant la théorie à la base de la prohibition est celle de l’égalité d’accès aux informations. Cela se reflète dans l’application des dispositions concernant le délit d’initié. En effet, tout acteur du marché qui profite d’une information d’initié peut ainsi se rendre coupable d’insider trading38. Aucun fiduciary duty de même qu’aucune forme de misappropriation ne doivent être prouvés39.

Au niveau états-unien, une personne est censée avoir effectué des transactions sur la base d’informations d’initiés lorsqu’elle “trade while aware of inside informations” (Rule 10b(5)-1 Securities Exchange Act) 40. En revanche, selon le droit suisse, l’auteur aurait au moins dû se rendre compte qu’il s’agissait d’une information d’initié41. Enfin, le droit européen exige non seulement la possession de l’information d’initié, mais également son utilisation (art. 8 par. 1 MAR). Utiliser des informations d’initiés signifie se rendre compte que l’on possède un avantage informationnel vis-à-vis d’une contrepartie et qu’en concluant une transaction avec cette contrepartie, un avantage est effectivement obtenu42. Toutefois, cette utilisation est présumée. Néanmoins, cette présomption peut être renversée par la personne elle-même43. Cette brève analyse du délit d’initié met en exergue le fait que la charge de la preuve est la plus importante pour la SEC, notamment par rapport à la violation du devoir de fidélité et au mental state.

C) Les autorités de surveillance compétentes en matière de délit d’initié Malgré l’internationalisation des marchés financiers, la régulation et la surveillance de ces derniers relèvent de la compétence des autorités nationales. En effet, celles-ci sont responsables de la détection et de la poursuite des délits d’initiés effectuées sur le marché

36 BAINBRIDGE, Law and policy, pp. 70 s.

37 Pour le droit suisse, SETHE/FAVRE/HESS/KRAMER/SCHOTT pp. 1993, 1997, 1998 ; pour le droit européen, LANGHENBUCHER, p. 433, MOLONEY,pp. 724 s ; RIDER/ALEXANDER/BAZLEY/BRYANT,pp. 73 ss.

38 Pour le droit suisse, SETHE/FAVRE/HESS/KRAMER/SCHOTT,p. 1988 ; pour le droit européen, MOLONEY,p.

724.

39 LANGENBUCHER, p. 443.

40 BAINBRIDGE, Law and policy, p. 73 s ; contra, VENTUROZZO qui considère qu’une présomption d’utilisation résulte de cet article, VENTUROZZO, p. 6.

41 SETHE/FAVRE/HESS/KRAMER/SCHOTT,pp. 1999 s.

42 HANSEN, p. 10.

43 Idem, pp. 4 s.

(12)

dont elles assurent la surveillance44. En règle générale, c’est une enquête de l’autorité de surveillance étrangère qui déclenche une requête d’assistance internationale. Cela est dû au fait que l’autorité investigatrice recherche des informations qui se trouvent en dehors de ses frontières afin de mener ses enquêtes45.

Toutefois, afin d’être considérée comme autorité légitimée à requérir l’assistance internationale, cette autorité doit être une autorité de surveillance dotée de pouvoirs d’exécution des lois sur les marchés financiers46. C’est pour cette raison qu’il est opportun de présenter brièvement les autorités compétentes au niveau suisse, états-unien et italien.

1) L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA)

La FINMA, conformément à l’art. 4 al. 1 de la loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après LFINMA), est une autorité indépendante de droit public dotée de la personnalité juridique. Elle exerce une fonction souveraine dans la surveillance des marchés financiers (art. 5 LFINMA). Sa compétence s’étend aussi au niveau international (art. 6 LFINMA), notamment en matière d’assistance administrative.

La FINMA a le devoir de faire respecter les règles en matière de délits d’initiés à toutes les personnes physiques ou morales actrices du marché, qu’elles soient soumises ou non à sa surveillance prudentielle47. En cas de soupçon de violation de ces règles, la FINMA a le pouvoir de mener des enquêtes. Si elle constate ensuite une violation effective du droit, elle la sanctionne48 en procédure d’enforcement49.

Etant donné que le délit d’initié est également réprimé au niveau pénal, la FINMA est donc tenue d’informer le Ministère public de la Confédération lorsque les éléments constitutifs de l’art 154 LIMF sont remplis (art. 38 al. 3 LFINMA).

2) La Securities and Exchange Commission (SEC)

La SEC est une autorité fédérale administrative indépendante américaine. Elle fait partie de la division exécutive du Gouvernement des Etats-Unis50.

44 AUSTIN, Investigation and prosecution, p. 68.

45 GALLIANO/MOLO, p. 1040.

46 HOMSY, Nouvelles dispositions, p. 7.

47 Circulaire FINMA 2013/8 « Règles de conduite sur les marchés », Cm 3 ; Conseil fédéral, FF 2011 6329, p.

6344.

48 Les instruments dont elle dispose sont listés aux art. 29 ss LFINMA pour les assujetties (art. 145 LIMF).

Pour les non-assujeties, elle dispose uniquement des instruments listés aux art. 29 al.1, 30, 32, 34 et 35 LFINMA, SETHE/FAVRE/HESS/KRAMER/SCHOTT,p. 2000.

49 GALLIANO/MOLO, p. 1037 ; FINMA, Portrait, p. 15.

50 BERMAN, p. 3.

(13)

Conformément aux Securities regulations, la SEC a le devoir de surveiller le marché financier et de mettre en œuvre les securities law51. Elle est également compétente dans la conduite des investigations en cas de violation potentielle de la Rule 10b-5 du Securities Exchange Act52. Si pendant ces investigations suffisamment d’informations ont été récoltées pour construire un cas de délit d’initié, la SEC peut soit conduire une procédure administrative devant un administrative law judge, soit porter une action civile devant la cour fédérale du district concerné. Dans ce dernier cas, conformément aux Sections 21 et 21A du Securities Exchange Act53, la SEC peut requérir soit une injonction54, soit des amendes (civil penalty55)56.

De plus, des sanctions pénales57 sont aussi envisageables. La SEC doit donc transmettre les preuves recueillies pendant ses investigations à l’Attorney General, chef du U.S. Departement of Justice (ci-après US DOJ), sur la base de la règle 21(d)-1 du Securities Exchange Act58. 3) La Commissione nazionale per le società e la Borsa (CONSOB)

Etablie en 1974, la CONSOB est un organisme de droit public doté de la personnalité juridique (art. 1 par. 2 loi n° 21659). C’est une autorité administrative autonome responsable de la surveillance du marché financier italien60.

En vertu de l’art. 22 MAR61, chaque Etat membre doit désigner une autorité unique compétente pour faire respecter sur son territoire les dispositions du règlement. Le Gouvernement italien n’a pas encore donné suite à la délégation62 du Parlement pour conformer la législation italienne au règlement européen. Pour cela, les dispositions internes demeurent encore inchangées. L’art. 187-octies TUF confère à la CONSOB les pouvoirs de surveillance et d’investigation en cas d’abus de marché. En particulier, elle doit accomplir

51 LIN/HUNG, p. 40.

52 ZAGARIS,p. 288 ; COFFEE/SALE/HANDERSON, p. 1400.

53 Ces sections ont été introduites grâce à la signature de l’Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act du 1988, FRIEDMAN, pp. 476, 492.

54 Pour les types d’injonctions possibles, voir 15 U.S.C par. 78u(d)(1), (2), (5).

55 Pour les montants et la procédure de prélèvement, voir 15 U.S.C ch. 78u-3(b), (c).

56 LIN/HUNG, p. 45.

57 Pour les sanctions pénales envisageables, voir 15 U.S.C par. 78ff(a).

58 LIN/HUNG, p. 40.

59 Loi du 7 juin 1974, n° 216, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 8 aprile 1974, n° 95, recante disposizioni relative al mercato mobiliare ed al trattamento fiscale dei titoli azionari (G.U. n° 149 du 8.6.1974).

60 Voir « http://www.consob.it/web/area-pubblica/consob ».

61 Cet article n’est pas directement applicable. En conséquence, des mesures pour se conformer à cette disposition doivent être mises en place par les Etats membres, MOCK/VENTORUZZO,p. 440.

62 La loi du 25 octobre 2017, n° 163 (G.U. Serie Generale n° 259 du 6.11.2017), donne au Gouvernement italien le devoir d’adapter la législation nationale afin de se conformer au règlement européen. L’art. 8 par. 3, lit. c de la loi n° 163/2017 prévoit la CONSOB comme étant l’autorité compétente au sens de l’art. 22 MAR et disposant, au minimum, de tous les pouvoirs de surveillance, d’investigation et de sanction prévus dans ce même règlement.

(14)

tous les actes nécessaires afin de déterminer une éventuelle violation des dispositions en matière d’insider trading (187-octies par. 2)63. Si une violation effective est constatée, la CONSOB possède également le pouvoir de prononcer des sanctions (187-bis TUF)64. La procédure qu’elle conduit est de nature administrative (187-septies TUF).

Lorsque la CONSOB peut présumer que les éléments constitutifs permettant une répression pénale du délit d’initié sont remplis, celle-ci doit transmettre au Ministère public toute la documentation recueillie pendant ses investigations (187-decies TUF).

III. L’assistance administrative internationale

L’assistance administrative internationale65 constitue pour la FINMA ainsi que pour la SEC et la CONSOB, le pilier central de l’échange d’informations. En effet, elle permet aux régulateurs de rechercher en dehors de leurs frontières nationales une information nécessaire afin de confirmer ou d’infirmer un soupçon de délit d’initié66.

Bien qu’il soit de moins en moins possible de les différencier, cette procédure d’assistance doit être délimitée par rapport à l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, laquelle se caractérise par la collaboration entre autorités judiciaires étrangères pour la mise en œuvre de leur puissance publique67. Il convient ici de préciser que les enquêtes de la SEC68 et de la CONSOB69 peuvent bénéficier de ce type d’entraide judiciaire70. Elles disposent donc de deux voies parallèles pour demander la coopération de la FINMA. Etant donné que les conditions relatives à l’assistance administrative sont moins exigeantes, l’utilisation de l’entraide judiciaire devrait se limiter aux cas où les autorités étrangères souhaiteraient bloquer des comptes en Suisse71. En effet, la FINMA ne bénéficie d’aucune base légale lui conférant le pouvoir de bloquer les profits résultant d’une opération d’initié à la demande

63 BRUSEGAN, Consob, p. 155.

64 Avant 2005, c’était le Ministère du trésor qui disposait du pouvoir de sanctionner les violations des dispositions en matière de délits d’initiés, BRUCCIANTI, p. 127.

65 Pour nous conformer à la terminologie utilisée par le droit suisse, dorénavant nous utiliserons le terme d’assistance internationale.

66 HOMSY, International cooperation, pp. 20, 105.

67 OFJ, L’entraide judiciaire internationale en matière pénale, p. 5 ; MOREILLON, p. 8.

68 Voir l’art. 1 al. 3 du Traité du 25 mai 1973 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique sur l’entraide judiciaire en matière pénale (TEJUS, RS 0.351.933.6) et les échanges de lettres du 3 novembre 1993 entre la Suisse et les Etats-Unis relatif à l'entraide judiciaire dans des procédures administratives complémentaires concernant les requêtes ayant trait aux infractions commises en relation avec l’offre, l’achat et la vente de valeurs mobilières et de produits financiers dérivés (RS 0.351.933.66).

69 Voir l’accord entre la Suisse et l’Italie en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et d’en faciliter l’application, conclu le 10 septembre 1998 (RS 0.351.945.41).

70 SANSONETTI, p. 304, 327 ; MOREILLON, p 455.

71 OFJ, Rapport d’activité 2015, p. 22 ; SCHALLER, p. 24 ; SANSONETTI, p. 307.

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d’une autorité étrangère72. Le plus souvent, une telle demande de blocage est déposée par l’autorité étrangère à titre de mesure préventive. En effet, l’objectif escompté par cette demande est celui d’éviter tout déplacement des avoirs acquis de manière illicite afin de pouvoir les restituer aux ayants droits une fois la violation des dispositions concernant les délits d’initiés effectivement constatée par l’autorité étrangère73.

La Suisse est devenue au cours des dix dernières années l’une des plus importantes actrices mondiales dans l’octroi de l’assistance internationale, notamment en matière de délits d’initiés74. En effet, entre 2007 et 2017, les demandes globales d’assistance administrative adressées à la FINMA ont augmenté d’environ 500%75. Cela est dû à la forte présence d’intermédiaires financiers sur son territoire76. Pour cette raison, cette contribution va se concentrer sur l’assistance administrative internationale fournie par la FINMA aux autorités homologues des Etats-Unis et de l’Italie77. Etant donné que l’assistance est octroyée en principe sur une base réciproque78, la faculté de fournir une assistance de la part des autorités étrangères doit aussi être brièvement analysée.

A) Le cadre juridique de l’assistance administrative internationale 1) Le cadre juridique suisse

En Suisse, l’entrée en vigueur en 2016 de la LIMF a entraîné un regroupement des dispositions concernant l’assistance administrative internationale qui se trouvent aujourd’hui aux art. 42 ss LFINMA. La réglementation est divisée en deux parties. D’une part, l’art. 42 LFINMA définit les bases essentielles pour la collaboration internationale avec les régulateurs étrangers. Cette disposition habilite la FINMA à demander (al. 1) et à fournir (al. 2-6) l’assistance administrative aux autorités de surveillance étrangères. D’autre part, l’art. 42a

72 HOMSY,International cooperation, pp. 236 s ; il convient de préciser que la FINMA a le pouvoir de confisquer les gains illicites ou les pertes évitées sur la base de l’art. 35 LFINMA. Toutefois, cette confiscation se limite aux gains acquis par un assujetti ou par une personne qui exerce une fonction dirigeante (art. 35 al. 1 LFINMA). De plus, la confiscation prononcée dans le cadre d’une procédure pénale est prioritaire par rapport à celle prononcée par la FINMA (art. 35 al. 5 LFINMA). Dans tous les cas, la confiscation des gains acquis par le client d’un assujetti est en revanche régie par l’art. 70 CP, SCHLICHTING, FINMA, p. 34 ; ZUFFEREY/CONTRATTO, pp. 152 s.

73 HOMSY,International cooperation, pp. 235 s.

74 HOMSY, Nouvelles dispositions, p. 5.

75 Elles sont passées de 94 en 2007 à 458 en 2017, FINMA, Rapport annuel 2014, p. 82 ; FINMA, Rapport sur l’enforcement, p. 37.

76 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 8.

77 Pour une comparaison, en 2017 la FINMA a reçu 52 demandes d’assistance de la part des USA et 14 de l’Italie. A l’inverse, la Suisse a déposé une demande d’assistance aux USA et 0 à l’Italie, FINMA, Rapport sur l’enforcement 2017, pp. 37 s.

78 BOVET, L’entraide, p. 163.

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LFINMA réglemente la procédure d’assistance79. Ces nouveaux articles se fondent essentiellement sur l’ancien art. 38 de la loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières80 (ci-après LBVM)81.

Dans les demandes d’assistance concernant des soupçons de délits d’initiés, le régulateur étranger requiert des informations concernant le client de l’intermédiaire financier ayant exécuté les transactions fondant ce soupçon. Dans cette hypothèse, par le renvoi de l’art 42a al. 2 LFINMA, les règles de procédure applicable sont en principe celles de la loi fédérale sur la procédure administrative82 (ci-après PA).

2) Le cadre juridique italien et états-unien

En Italie, la CONSOB est habilitée à coopérer avec des Etats tiers non membres de l’Union européenne de par l’art. 4 par. 3 TUF. L’échange d’informations est subordonné à l’existence de dispositions relatives au secret professionnel (art. 4 par. 5 bis TUF). La double punissabilité n’est pas requise83.

Aux Etats-Unis, la SEC est compétente pour fournir l’assistance à ses homologues étrangers sur la base de la Section 24(c) et de la Section 21a-2 du Securities Exchange Act. Pour ce faire, deux conditions sont posées par la loi états-unienne : une assistance réciproque doit être garantie par l’autorité de surveillance étrangère et aucun intérêt public des Etats-Unis ne doit être lésé par l’octroi des informations84. De plus, aucune exigence de double punissabilité n’est pas non plus requise85.

B) Les Memorandums of Understanding

En 2010, la Suisse est devenue signataire A86 du Multilateral Memorandum of Understanding concerning Consultation and cooperation and the Exchange of Informations (ci-après IOSCO

79 Conseil fédéral, Message concernant la loi sur l’infrastructure des marchés financiers, FF 2014 7235, p.

7362.

80 Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, du 24 mars 1995 (LBVM, RS 954.1).

81 HOMSY, Nouvelles dispositions, p. 7 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-524/2017, du 10.4.2017, consid. 2, lequel dit que, comme les nouvelles dispositions introduites dans la LFINMA reprennent l’esprit du vieil art. 38 aLBVM, la jurisprudence et la pratique de la FINMA trouvent toujours application.

82 Loi fédérale sur la procédure administrative, du 20 décembre 1968 (PA ; RS 172.021).

83 FMI, Italy, pp. 68 s.

84 FMI, United States, p. 95; SEC, international enforcement assistance,

« https://www.sec.gov/about/offices/oia/oia_crossborder.shtml ».

85 FMI, United States, p. 96.

86 Une distinction est faite entre les signataires de l’annexe A qui sont des signataires à part entière, et les signataires de l’annexe B qui devront modifier leur législation afin de pouvoir respecter leur engagement à devenir signataires du IOSCO MMoU, AUSTIN, IOSCO MMoU, p. 18.

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MMoU 87 ) élaboré par l’Organisation Internationale des commissions de valeurs (IOSCO/OICV) en 2002. Les Etats-Unis ont été l’un des premiers Etats signataires de cet instrument multilatéral. L’Italie ne l’a signé qu’une année après, plus précisément le 15 septembre 200388. Cet accord multilatéral établit au niveau international un standard minimal dans la coopération entre autorités de surveillance des marchés financiers89. En effet, il standardise la procédure et décrit les conditions de base nécessaires à l’octroi de celle-ci90. Parmi lesquelles figurent le principe de spécialité (art. 10 IOSCO MMoU) et le principe de confidentialité (art. 11 IOSCO MMoU). Il garantit donc une répression internationale du délit d’initié et assure qu’aucun secret bancaire ne bloque l’échange d’informations91. Bien qu’il ne soit pas contraignant d’un point de vue juridique et qu’il ne remplace pas les dispositions nationales, son respect revêt une importance capitale pour les Etats signataires. En effet, il faut interpréter les dispositions nationales conformément à cet instrument international92. A coté de cet engagement multilatéral, la FINMA a conclu avec la SEC et la CONSOB un Memorandum of Understanding par lequel ces deux dernières autorités s’engagent, en termes de “best efforts”93, à respecter les conditions nécessaires à l’assistance internationale94.

C) L’origine de la requête d’assistance

En pratique, deux éléments déclenchent une requête d’assistance. Premièrement, la SEC ou la CONSOB ouvrent une enquête afin de déterminer s’il y a eu une opération d’initié, notamment lorsqu’elles s’aperçoivent qu’un volume inhabituel de transactions a été effectué sur un titre déterminé peu avant l’annonce d’une information susceptible de modifier le cours de ce titre. Deuxièmement, il faut qu’un rattachement avec la Suisse soit découvert. Ce rattachement peut être donné par l’intervention d’un négociant suisse en valeurs mobilières sur le marché étranger95. Ainsi, des informations nécessaires à l’autorité investigatrice pour pouvoir poursuivre son investigation se trouvent donc dans une autre juridiction96. En effet,

87 International organisation of securities commission OICV/IOSCO, Multilateral Memorandum of Understanding concerning Consultation and cooperation and the Exchange of Informations, 2002, version révisée en 2012, « https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD386.pdf » (23.3.2018).

88 OICV/IOSCO, Signatories to appendix A and appendix B List,

« https://www.iosco.org/about/?subSection=mmou&subSection1=signatories ».

89 AUSTIN, IOSCO MMoU, p. 1, 3.

90 AUSTIN,Investigation and Prosecution, p. 185.

91 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, pp. 8 s.

92 HOMSY, International Cooperation, pp. 47 s.

93 Les autorités étrangères déclarent faire tout leur possible afin de respecter notamment les principes de spécialité et de confidentialité. Toutefois, pour être valable, cet engagement ne doit pas être en contradiction avec une loi nationale, AMADO, pp. 429 s.

94 BERNASCONI, p. 630.

95 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 13.

96 GALLIANO/MOLO, p. 1040.

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les investigations concernant des délits d’initiés reposent principalement sur des données factuelles. Il suffit de penser à la nécessité de prouver notamment le mental state requis par le droit états-unien, l’existence d’une information d’initié, sa possession et son exploitation.

Pour cette raison, n’ayant pas la possibilité de s’adresser directement à l’intermédiaire financier suisse, une demande d’assistance administrative sera soumise à la FINMA.

D) Les principes applicables à l’assistance

L’assistance internationale est limitée aux interactions entre autorités de surveillance des différents Etats97. De ce fait, on parle d’assistance administrative. En effet, la requête d’assistance doit parvenir d’une autorité étrangère de surveillance qui s’engage à respecter les principes de spécialité et de confidentialité (art. 42 al. 2 LFINMA). Désormais, leur respect peut être présumé grâce à l’affiliation de la SEC et de la CONSOB au IOSCO MMoU98. De plus, la FINMA accorde une grande confiance aux autorités étrangères pour le respect de ces principes et leur bonne foi est présumée99. En ce qui concerne le contenu de la requête, il doit respecter le principe de proportionnalité100. En revanche, aucune condition de double punissabilité n’est requise101.

L’art. 42 LFINMA ne pose aucune condition concernant la forme de la requête. Toutefois, une aide dans la formulation est donnée par l’appendice C du IOSCO MMoU.

1) L’assistance entre autorités étrangères de surveillance

Selon l’art. 42 al. 2 LFINMA, la FINMA peut transmettre des informations102 non accessibles au public uniquement à des autorités étrangères de surveillance des marchés financiers.

Comme le terme d’“autorité” n’est pas défini par la loi, cette notion est interprétée de manière large par la jurisprudence103. Toutefois, même si les fonctions des autorités étrangères ne doivent pas nécessairement correspondre à celles de la FINMA, un alignement de leurs compétences est tout de même nécessaire104. Par exemple, une exclusion de l’assistance ne peut pas entrer en ligne de compte du seul fait que l’autorité étrangère peut prononcer des

97 HOMSY, International cooperation, p. 19; toutefois, depuis 2016 la FINMA bénéficie de la possibilité de transmettre également des informations à des organisations et des organes internationaux (art. 42b LFINMA).

98 En effet, une simple référence aux art. 10 et 11 IOSCO MMoU dans la requête d’assistance suffit pour pouvoir présumer le respect de ces principes, HOMSY, International cooperation, pp. 113, 115.

99 SCHLITHING, Commentaire, p. 83.

100 HOMSY, International Cooperation, p. 109.

101 BERNASCONI, p. 633.

102 La notion d’information au sens de cette disposition se réfère aussi aux documents non accessibles au public, FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 10.

103 SCHALLER, p. 9.

104 HOMSY, International cooperation, p. 98.

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sanctions pécuniaires105, comme c’est le cas pour la CONSOB, mais pas pour la FINMA. À ce jour, la qualité d’autorité habilitée à requérir l’assistance a été reconnue à la SEC106 et à la CONSOB107.

2) Le principe de spécialité

Au sens de l’art 42 al. 2 lit. a in initio LFINMA, l’assistance internationale est subordonnée à la condition que l’autorité requérante utilise les informations transmises par la FINMA exclusivement pour l’exécution108 des lois sur les marchés financiers. Sont englobées par cette dernière notion toutes les lois réprimant les délits d’initiés109. A noter que l’utilisation des informations par la SEC dans une procédure civile ne s’oppose pas à ce principe, pour autant qu’elle le fasse pour la mise en œuvre des Securities regulations110.

Le Tribunal fédéral a longtemps retenu que la CONSOB violait ce principe111. Malgré l’échange de lettres entre l’ancienne Commission fédérale des banques (ci-après CFB) et la CONSOB par lequel cette dernière s’engageait, en termes de “best efforts”, à utiliser les informations uniquement pour l’exécution des lois sur les marchés financiers, cet engagement ne trouvait pas de suite dans la loi italienne112. En effet, la CONSOB était obligée par l’art. 4 al. 10 TUF à fournir toutes les informations dont elle était en possession au Ministère du trésor113 italien. Celui-ci était effectivement compétent pour prononcer des sanctions administratives en cas de violation de la réglementation boursière, mais il constituait également une autorité politique faisant partie du gouvernement italien. De ce fait, il ne présentait pas toutes les garanties permettant d’assurer un constant respect du principe de confidentialité et donc toutes les informations pouvaient être connues par d’autres autorités et être utilisées à d’autres fins que celui de l’exécution des lois sur les marchés financiers114. De plus, toute retransmission d’informations à une autorité distincte de la requérante nécessitait le consentement préalable de la CFB (art. 38 al. 2 lit. c aLBVM). Toutefois, ce consentement ne pouvait pas être donné à cause du non respect du principe de confidentialité par le

105 SCHLITHING, Commentaire, p. 83.

106 Arrêt du Tribunal fédéral 2A.13/2007, du 3 septembre 2007.

107 Arrêt du Tribunal fédéral 2A.371/2006, du 7 février 2007 in : Bull. CFB 50/2007, pp. 104 ss.

108 Selon le Message du Conseil fédéral concernant la loi sur l’infrastructure des marchés financiers, le terme

“exécution” se réfère à l’art 56 LFINMA, FF 2014 7235, p. 7363.

109 AMADO, p. 438.

110 Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-1534/2017, du 3 juillet 2017.

111 Arrêt du Tribunal fédéral 2A.83/2000, du 28 juin 2000 in : Bull. CFB 41/2000, p. 96 ; SCHLICHTING, 2004, p.

112 Arrêt du Tribunal fédéral 2A.41/2002, du 18 septembre 2002, consid. 5.2 ; B48. ERNASCONI, p. 632.

113 Actuel Ministère de l’économie et des finances.

114 SCHLICHTING, 2004, p. 48 ; BERNASCONI, p. 632.

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Ministère du trésor115. Ainsi, comme la CONSOB était obligée de retransmettre les informations au Ministère, le TF décida de refuser d’accorder l’assistance à la CONSOB elle- même116.

a) L’atténuation du principe de spécialité

Suite aux modifications législatives intervenues en 2006, l’assistance administrative a pu être rétablie avec la CONSOB117. En effet, la lit. a in fine de l’art. 42 al. 2 LFINMA prévoit qu’une retransmission à d’autres autorités118, administratives, civiles ou pénales, même en dehors des frontières nationales119, est possible sans aucune autorisation préalable de la FINMA, pour autant que les informations soient toujours utilisées pour l’exécution des lois sur les marchés financiers120. Une telle retransmission est possible même si l’autorité tierce ne respecte pas le principe de confidentialité. En effet, l’assistance est désormais régie par le principe de la confiance réciproque121. On parle alors de principe de spécialité atténué. De toute façon, suite aux modifications intervenues dans le droit interne italien, la CONSOB peut désormais aussi refuser de transmettre des informations au Ministère du trésor (art. 4 par. 4 TUF). Ainsi, les principes de spécialité et de confidentialité sont aujourd’hui respectés par la CONSOB122.

b) La retransmission aux autorités pénales

L’atténuation du principe de spécialité est particulièrement significative en matière de délits d’initiés, étant donné qu’il s’agit d’une infraction réprimée aussi pénalement. En effet, une retransmission des informations au US DOJ ou au Ministère public italien pour qu’ils puissent intenter des procédures pénales en matière de délits d’initiés ne requiert aucun assentiment préalable de la FINMA123. Toutefois, pour qu’il ne s’agisse pas d’un contournement de l’entraide judiciaire en matière pénale, un intérêt intrinsèque de la SEC ou de la CONSOB dans l’obtention des informations doit être démontré124. La conduite d’une procédure pénale

115 ATF 2A.41/2002, consid. 5.4 ; ATF 2A.83/2000 in : Bull. CFB 41/2000, pp. 91 ss.

116 ATF 2A.83/2000 in : Bull. CFB 41/2000, p. 96.

117 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 12.

118 Par autorité, il faut aussi entendre tribunaux ou organes (art. 42 al. 2 lit. a in fine LFINMA).

119 Par exemple, la SEC peut retransmettre les informations qu’elle a reçues par la FINMA à la CONSOB, Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-5053/2010, du 29 septembre 2010, consid. 7.

120 Les informations peuvent être utilisées aussi pour un but autre que celui pour lequel elles ont été requises à la FINMA, HOMSY, International Cooperation ; Conseil fédéral, FF 2014 7235, p. 7364.

121 SCHALLER, p. 20.

122 ATF 2A.371/2006, in : Bull. CFB 50/2007, consid. 2.

123 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 10 ; HOMSY, International cooperation, pp.

143 s.

124 Arrêt du Tribunal administratif fédéral B-7195/2015, du 25 janvier 2016, consid. 9.1.

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publique aux Etats-Unis ne pose plus aucun problème, du fait que le respect du principe de confidentialité par la deuxième autorité n’est plus nécessaire125.

Il importe d’établir une distinction quant à la retransmission d’informations à l’autorité pénale pour la poursuite d’infractions criminelles qui ne sont pas réprimées par les lois sur les marchés financiers. Une autorisation de la part de la FINMA, en accord avec l’Office fédéral de la justice, est alors nécessaire ; elle ne sera fournie que si toutes les conditions matérielles nécessaires pour l’octroi de l’assistance judiciaire internationale en matière pénale sont remplies (art. 42 al. 5 LFINMA). En particulier, la condition de la double incrimination doit être satisfaite126.

3) Le principe de confidentialité

Selon le principe de confidentialité prévu par l’art. 42 al. 2 lit. b LFINMA, les autorités requérantes doivent être liées par le secret de fonction ou par le secret professionnel. Par conséquent, les informations transmises ne doivent pas être rendues publiques127. La jurisprudence restrictive du TF concernant l’application de ce principe a conduit au blocage de l’assistance administrative avec la SEC jusqu’à la modification de l’art. 38 aLBVM en 2006. En effet, dans sa pratique dite des litigation release, la SEC informe le public du commencement d’une poursuite sur son site Internet. Les informations que cette autorité de surveillance obtient de la part de la FINMA peuvent donc être consultées dans le monde entier128. De plus, le caractère public des procédures ouvertes sur plainte de la SEC permet au public de consulter tous les documents qui motivent cette plainte129. Pour le TF, cette pratique des litigation release et de publicité des procédures violait l’ancien art. 38 aLBVM130. En effet, les documents dans les mains de la SEC étaient librement accessibles au public et cela en violation des principes de spécialité131 et de confidentialité.

Une réserve au principe de confidentialité a été introduite par le législateur132. L’art. 42 al. 2 lit. b LFINMA prévoit aujourd’hui que “les dispositions applicables à la publicité des procédures et à l’information du public sur de telles procédures […]” sont réservées. Nous

125 SCHALLER, p. 18.

126 FINMA, L’entraide administrative boursière internationale, p. 10.

127 HOMSY, International Cooperation, p. 114.

128 AMANDÒ, p. 13.

129 SCHALLER, p. 18.

130 Arrêt du Tribunal fédéral 126 II 126, du 1er mai 2000 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.349/2001, du 20 décembre 2001.

131 En effet, n’importe quelle autorité pouvait connaître les informations et les utiliser à d’autres fins que celles de la surveillance.

132 Conseil fédéral, Message concernant la modification de la disposition sur l’assistance administrative internationale de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 10 novembre 2004, FF 2004 6341, pp. 6359 s ; SCHALLER,p. 19.

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