Géographie, économie, Société 8 (2006) 447-466
GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ
Les clusters régionaux au Portugal Regional Clusters in Portugal
Regina Salvador
*, Joana Chorincas
e-GEO – Centro de Estudos de Geografia e Planeamento Regiona Faculdade de Ciências Sociais e Humanas, Universidade Nova de Lisboa
Avenida de Berna, 26-C, 1069-061 Lisboa PORTUGAL
Résumé
Cet article a comme principal objectif celui d’analyser l’évolution des systèmes productifs locaux au Portugal, selon la méthodologie des quatre pointes du diamant proposée par Michael Porter : « conditions des facteurs productifs », « conditions de la demande », « secteurs connexes » et « stratégie, structure et concurrence ».
En tenant compte des points forts et faibles des clusters régionaux au Portugal, on va analyser
l’efficacitéetl’articulationdespolitiquesrégionalesdepuisl’adhésionàl’UnionEuropéenne.
Ainsiidentifiéslesfacteursquiontbloquéledéveloppementdessystèmesproductifslocaux,onva
proposer des clusters émergents, en accord avec les avantages compétitifs des régions portugaises.
On fera encore une comparaison avec quelques cas de succès en Europe.
© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.
Summary
This article aims to analyse local productive systems in Portugal, according to the four points diamond methodology proposed by Michael Porter: ‘factor conditions’, ‘demand conditions’,
‘related sectors’ and ‘strategy, structure and competition’.
Held the strong and weak points of regional clusters in Portugal, we analyze regional policies effectiveness and articulation, since European accession.
Oncewehaveidentifiedthefactorsthathadharmedthedevelopmentofthelocalproductivesystems,
we propose emergent clusters, in accordance with the Portuguese regions competitive advantages.
A comparison with some success cases in Europe is also presented.
© 2006 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.
*Auteur correspondant : regina.salvador@fcsh.unl.pt
Mots clés : clusters régionaux, systèmes productifs locaux, diamant de Porter, politique régionale, Portugal, pays de l’Europe de l’Est.
Keywords: regional clusters, local productive systems, Porter diamond, regional policy, Portugal, Eastern European countries.
1. Le contexte
Traditionnellement, on voyait le facteur déclencheur du développement régional comme un évènement qui provenait principalement de l’extérieur. Cette conception a eu, comme conséquence, celle de limiter considérablement le rôle des acteurs locaux, comme
«bénéficiaires»passifsdesubventions.
De plus en plus, le développement régional est vu aujourd’hui comme un processus dans lequel les acteurs sont « proactifs » et ne sont pas en attente de décisions venant de l’extérieur. Cette nouvelle vision du développement régional est notamment soulignée par l’essor, depuis les années 70, de nouvelles théories, telles que les « milieux innovateurs », les « régions apprenantes » ou les « clusters régionaux ».
La performance des économies nationales et régionales est de plus en plus fortement influencée par le développement des systèmes productifs locaux, c’est-à-dire par
la proximité géographique. En effet, cette proximité géographique présente des conséquences dans la dynamique de la compétitivité et de l’innovation, dans la mesure où elle fait augmenter les avantages compétitifs des territoires, accroît les économies d’agglomération,fomentelesrelationsdeconfianceentrelesacteursrégionaux-même
entreceuxquisontrivaux-etdépasselesinitiativesisolées.
La prévision de la « mort de la distance » par Cairncross (2001), résultant des révolutions technologiques et des transports, s’avère, comme les nouvelles sur la mort de Mark Twain, un peu exagérée. L’histoire de la géographie économique démontre une tension permanente entre forces centrifuges (qui recherchent des localisations lointaines, moins chères) et forces centripètes dynamisées par des activités innovatrices (qui ont besoin de la proximité du marché ou des centres de recherche).
OnaconstatéunesituationsemblableàlafinduXVIIIeetàlamoitiéduXIXe siècle, auxÉtats-Unis,oùlaconstructiondescheminsdeferetl’installationdutélégraphe
ont été accompagnées par une concentration croissante de l’activité économique et de l’urbanisation.
Storper/Venables(2003),entreautres,démontrentaussil’importanceactuelledela
concentrationdesactivitéséconomiquesauxÉtats-Unis:environ40%del’emploi
estlocalisésur1,5%delasurfaceetsadensitégéographiqueestmêmeentrainde
croître ces dernières années. On estime que 18 clusters localisés sont responsables pour plus de 50% de l’emploi (Rapport du «US Department of Housing and
Development », cité par Morgan, 2004).
C’est pour cela que, en général, les théories géographiques de la concentration économique ontgagnéunesiimportanteréputationscientifiquelorsdecesdernièresannéeset,en
particulier, la théorie des « clusters ».
Lorsqu’on parle de « cluster », on fait référence aux notions de développement régional basées sur la proximité géographique et sur une forme d’organisation des industries. Les
premières études sur ces questions ont été celles sur les fameux districts industriels italiens, caractérisés par une forte concentration d’entreprises (très souvent, de PME), par une division du travail entre les entreprises et par l’union des vies sociales et économiques.
En effet, on doit faire référence aux travaux précurseurs du concept de cluster : Becattini (1975), Bagnasco et Trigilia (1984) sur l’industrialisation diffuse comme alternative aux modèles basés sur les économies d’échelles ; Piore et Sabel (1984) surlaspécialisationflexible;oulesdiverstravauxitalienssurlesdistrictsindustriels
développés par Becattini (1979 et 1987), Brusco (1982 et 1986) et Garofoli (1991), prolongés en France sous le nom de « systèmes industriels localisés » par une équipe grenobloisesousl’impulsiondeCourletetPecqueur(1986)etauxÉtats-Unisparles
géographes californiens Scott (1986) et Storper (1992).
Cela va sans oublierAlfred Marshall, le premier auteur au XIXesiècle, à mettre en
évidence que les économies d’échelles peuvent provenir « d’effets externes » dispensés par le milieu économique où les entreprises se situent et qui, grâce à leur proximité
spatiale, permettent des relations particulières qui améliorent leur productivité. Selon Marshall,leséconomiesexternes,laconfiancemutuelle,lesavoir-fairetraditionnelet
l’«atmosphèreindustrielle»conduisentàdesinnovationsincrémentielles.
Bien que le concept de cluster de Porter n’apporte aucune innovation théorique importante, ilal’avantaged’êtreunoutilpragmatiquequi,grâceàl’inventairedespointesdudiamant
etdesfacteursexternesaucluster(accidentshistoriques,politiques),seprêteàl’analyse
de cas concrets. Pour Porter (1990, p. 21), un cluster est « une concentration géographique de groupes d’entreprises interconnectées, d’universités et d’institutions associées, qui résulte des couplages (linkages) ou des externalités entre industries ».
Le concept est repris sous des terminologies telles que «filière», «grappe
industrielle », « système productif local » (SPL), « district industriel » ou « milieu innovateur », sans oublier les « technopoles » et les « pôles de compétitivité ». On retrouve parmi ces vocables des différences conceptuelles subtiles, mais tous les conceptsdéfinissentdesformesd’organisationindustriellebaséessurladynamique
de proximité et l’interdépendance des acteurs régionaux. Sur un même territoire,
uneproximitéentreacteurssevérifie,selontroislogiques:proximitégéographique
(distance physique), proximité économique (synergies) et proximité institutionnelle (normes, règles, codes, valeurs et routines).
Plusieurs exemples de « régions gagnantes » attestent l’importance de ces phénomènes de proximité et de territorialisation comme éléments déterminants de la compétitivité des systèmes territoriaux de production (Benko et Lipietz, 1992).
Selon Lagendijk et al.(1999),lesclustersrégionauxontunrôleessentielàjouerdans
la croissance économique des régions périphériques, dans la mesure où ils permettent l’accroissement du « capital absorbant » et les capacités innovatrices des économies régionales. Dans le cas des économies faibles, l’association, le réseautage, le transfert de connaissances tacites entre différents acteurs, ainsi que la présence de groupes de travailleurs, favorisent l’innovation.
Les entreprises du cluster développent des relations privilégiées avec leur territoire d’implantation,toutenfaisantpartiederéseauxglobaux.C’estgrâceàcesrelationsprivilégiées
avecleterritoirequelesclusterspeuventêtreunoutildecroissanceéconomique,enengendrant
desavantagescollectifsaubénéficedelacompétitivitédesactivitésetdesrégions.
Maistandisquejusqu’àrécemment,onmettaitl’accentsurleséchangesdebiens(produits
intermédiaires,enparticulier)etdetravailleurs,lesréflexionslesplusrécentess’orientent
vers les transactions immatérielles (échanges d’informations, de connaissances, d’idées).
Leamer/Storper(2001)etStorper/Venables(2003)vontencoreplusloin,enspécifiantque
c’estlecontactface-à-face(« face-to-face » - F2F) qui est essentiel pour les transactions économiques contemporaines.
Plusieurs pays ou régions se sont dotés de programmes de développement régional, en cherchantàdéfinirdeslignesdirectricespourdespolitiquesquivontmettreenœuvredes
clusters régionaux. À ce titre, des clusters régionaux font l’objet de nombreuses études dans le but de comprendre les recettes du succès. Et les gouvernements consacrent de plus en plus de ressources pour stimuler leur émergence et expansion.
AuPortugal,lapolitiquerégionaleaeujusqu’àprésenttendanceàignorerlesclusters
ou,quandellenelesignoraitpas,àlessoumettreàunevisionfragmentéeetinsuffisante.
Commesusmentionnée,lamiseenplaced’unesensibilisationàcettequestionaétéfaite
par le « Rapport Porter » (« Construire les Avantages Compétitifs du Portugal » – 1994), commandéparlegouvernementportugaisafind’identifierdesclusterspotentielsetde
contribuerainsiàladéfinitiond’unepolitiquedeclusters.
2. Le « diamant » de porter
Au début des années 1980, Porter a proposé l’existence de concentrations géographiques où la croissance est importante et soutenue par les interactions entre les acteurs privés, publics et institutionnels, en schématisant le fonctionnement des clusters dans un diagrammeenformedelosange–le«diamantdePorter»-,dontlesquatreéléments
principaux sont les suivants (Figure 1) :
•Les«conditionsdesfacteurs»-sontlesélémentsdel’environnementstructurel
(ressources naturelles, main-d’œuvre, capital, institutions, infrastructures,
universités). La qualité des principaux facteurs de production constitue la première question d’encadrement au développement des entreprises et des clusters.
•Les«conditionsdelademande»-reflètentlescaractéristiquesdelademandesurle
marchéinternedesproduitsoudesservicesdel’industrie.C’estgrâceàleuranalyseque
les entreprises prévoient les évolutions prévisibles des marchés et essayent de répondre auxdésirsdesconsommateurs.Lapressiondelademandeincitelesentreprisesàinnover,
àchercherdenouvellesméthodesdeproductionetàmonterdanslachaînedevaleur.
•Les«industriesconnexes»-sontlesactivitésquifournissentd’autresproduitset
servicesmaisqui,àunedemandesimilaire,peuventdoncinteragirautantavecle
clientqu’aveclesentreprisesducluster.Laproximitégéographiquetendraàexploiter
lesbénéficesapportésavecl’échanged’idéesetd’innovations.
•La«stratégie,structureetrivalité»- l’existencedeconcurrentslocauxestaussi
une puissante stimulation pour l’innovation et l’amélioration de la performance des entreprises sur toute la chaîne de valeur. Mais, quand c’est nécessaire, la coopération entre entreprises peut aussi s’avérer déterminante.
Pour parachever le caractère systématique du diamant, Porter inclut encore deux facteurs externes au cluster : les accidents historiques et les politiques publiques.
Figure 1 : le « diamant » de porter
Stratégie, structure et rivalité
§Normes spécifiques
§Régulation
§Incitation , partenariats
Industries connexes Fournisseurs
§Présence de fournisseurs avec capacité technologique
§Présence de fournisseurs spécialisés, inducteurs de l’innovation
Conditions des facteurs
§Facteurs physiques
§Facteurs financiers
§Connaissance
§Ressources Humaines Accidents historiques
Pouvoirs publics Conditions de la demande
§Liaisons avec les clients
§Clients leaders
§Sophistication de la demande Stratégie, structure et
rivalité
§Normes spécifiques
§Régulation
§Incitation , partenariats
Industries connexes Fournisseurs
§Présence de fournisseurs avec capacité technologique
§Présence de fournisseurs spécialisés, inducteurs de l’innovation
Conditions des facteurs
§Facteurs physiques
§Facteurs financiers
§Connaissance
§Ressources Humaines Accidents historiques
Pouvoirs publics Conditions de la demande
§Liaisons avec les clients
§Clients leaders
§Sophistication de la demande
Source : Porter, M. (1990).
Ce schéma doit être analysé de manière systémique, vu que l’effet d’un des quatre
éléments principaux dépend de l’état des restants. Les interactions au sein du cluster sont principalement informelles, en induisant la cohérence entre les éléments du diamant : tous les acteurs favorisent le cluster (collaboration), mais maintiennent leur liberté de choix dans toutes les opportunités d’affaires (concurrence).
C’est l’examen détaillé de chacune des pointes du diamant qui s’avère un guide pratique d’analyse(ayantrecoursàdesenquêtes,analysesstatistiques,interviews)etd’identification
des points forts et faibles d’un cluster particulier.
3. Les clusters régionaux portugais
Porter a proposé pour le Portugal des «grands» clusters nationaux (vin, forêt,
tourisme) et a défié les chercheurs portugais à évaluer le potentiel de quelques
clusters locaux (Figure 2) : il s’agit de concentrations géographiques, historiquement bien connues, où on trouve des centres importants d’expertises, bien qu’avec des faiblesses structurelles typiques.
Le Rapport défend le développement et la montée dans la chaîne de valeur des secteurs traditionnels au Portugal, au détriment des secteurs nouveaux et/ou de technologiedepointe.CettequestionadivisélesPortugaisetcontinueàêtreune
pomme de discorde aujourd’hui.
Açores
Madère
Horticulture Tourisme
Agglomérats d'écorce
Tourisme Vin Rouge
Roches ornementales Habillement
Habillement Textiles (laine) Vin Rouge Habillement
Vin de Porto Ovins et caprins Vin
Textiles (coton)
Automobile Tourisme Cuir et peaux Fruits Meubles de pin Matière plastique
Cellulose et papier Céramique Bouchons d'écorce Automobile (composants ) Chaussure Classique
MeublesHabillement Produits laitiers Chaussures sportives Cuir et peaux
Produits transformés d'écorce
Tourisme Vin
Produits Laitiers
N
Castelo Branco Guarda
Portalegre
Beja Évora
Faro Setúbal Lisboa
Santarém Leiria
Coimbra Aveiro
Viseu Vila Real
Bragança
Porto Braga Viana do Castelo
0Km 35Km 70Km Açores
Madère
Horticulture Tourisme
Agglomérats d'écorce
Tourisme Vin Rouge
Roches ornementales Habillement
Habillement Textiles (laine) Vin Rouge Habillement
Vin de Porto Ovins et caprins Vin
Textiles (coton)
Automobile Tourisme Cuir et peaux Fruits Meubles de pin Matière plastique
Cellulose et papier Céramique Bouchons d'écorce Automobile (composants ) Chaussure Classique
MeublesHabillement Produits laitiers Chaussures sportives Cuir et peaux
Produits transformés d'écorce
Tourisme Vin
Produits Laitiers
N
Castelo Branco Guarda
Portalegre
Beja Évora
Faro Setúbal Lisboa
Santarém Leiria
Coimbra Aveiro
Viseu Vila Real
Bragança
Porto Braga Viana do Castelo
0Km 35Km 70Km
Figure 2 : clusters régionaux au Portugal
Source: Monitor Company (1994).
Dèslors,lesscientifiquesrégionauxportugaisontfaitdemultiplesétudessurces–et
d’autresencore-clusters(certains,même,parlesauteursdecetarticle…):cesontles
principales conclusions de ces études que nous allons présenter ensuite, pour donner une visiond’ensemblesurlesclustersrégionauxauPortugal,mêmes’ilestclairquechaque
casasesspécificités.
•Les«conditionsdesfacteurs»–AuPortugal,doitêtremisenévidencel’importance
des clusters régionaux liés aux ressources naturelles (exemples des clusters du bois, du liège, des céramiques, du vin, des produits laitiers ou des roches ornementales) et autravailintensif(exempledestextiles,del’habillementetducuir).Doitêtreaussi
mise en évidence l’importance du cluster automobile qui témoigne l'importance des économies d'échelle. Ce cluster constitue aujourd'hui un des meilleurs exemples nationaux de réseautage.
• Les « conditions de la demande » – La dimension réduite du marché interne portugais, allié au manque d’une demande sophistiquée (faible pouvoir d’achat)pourlapresquetotalitédesproduits(àl’exceptiondecertainsproduits
alimentaires – poissons, vins, fruits) représente une faille importante. La seule solution est celle de l’engagement sur les marchés extérieurs, notamment ceux de l’Union Européenne. L'absence de marques portugaises, dans un monde
caractérisé précisément par le pouvoir des marques, ainsi que la faible image de certainsproduitsauPortugaletàl’extérieurestunautregrosproblème.
• Les « industries connexes » – La majorité des clusters au Portugal sont de simples
«districts industriels» au sens Marshallien, c'est-à-dire, il y a juxtaposition
géographique d’entreprises semblables, mais il y a très peu de synergies et réseaux d’affairesentrecelles-ci.Quelquefois,lesimpleachatd’unepièced’équipement
–quidoitvenirdel’étranger–obligel’arrêtdelaproduction.
• La « stratégie, structure et rivalité » des entreprises – C’est certain que, depuis l’adhésionduPortugalàl’UE(etgrâcenotammentauxfondsstructurels),l’ambiance
desaffairesestbeaucoupplusfavorableàl’investissementetàuneconcurrence
croissante,mêmeauniveaulocal.Çanevapassansdirequ’ilyaencorebeaucoup
àfairedanscesdomaines,enparticulierdanslacoopérationentreentreprises,pour
contrecarrer l’excès d’individualisme des entrepreneurs.
En résumé, beaucoup de ces concentrations géographiques sont seulement des clusters potentiels qui se caractérisent par la présence d’entreprises et d’industries sans lien entre elles (sans masse critique), par l’émergence de réseaux d’affaires fragmentés et à faible densité, par l’absence de synergies, ainsi que par l’absence d’outils
permettant aux décideurs d’intervenir. Et le manque de dialogue sur les éléments lesplussignificatifsdespolitiquespubliques,entreentreprisesetpouvoirspublics,
n’aidepasnonplusàleuressor.
Avectouscesfacteursnégatifs,ilestclairqu’ilrestebeaucoupdechosesàfairepouravoir
des clusters régionaux dynamiques et compétitifs. On peut dire que les clusters fonctionnels sontencoreloind’êtreuneréalité,unedécennieaprèsle«RapportPorter»…
C’estcertainqu’onpeutdéjàenidentifierquelques-unsquiontévoluétrèspositivement,
ces dernières années. C’est le cas des matières plastiques, du vin, de l’automobile et, jusqu’àuncertaindegré,dutourisme.
Mais se focaliser seulement sur un petit nombre de clusters expose l’économie portugaise auxdangersdesfluctuationsmondiales.Lastratégiededéveloppementdoitinclurela
portéelapluslargepossibledesclustersetdonnerprioritéàceuxquisechevauchent.
Lapetitedimensiondel’économieportugaise(deportéesemblableàquelquesrégions
espagnoles) le conseille vivement. C’est la seule voie pour augmenter la prospérité générale et créer une capacité d’innovation.
Ànotreavis,pourarriveràcetobjectif,ilfaut,avanttout,tenircomptedetroisaspects
principaux :
• La spécialisation de l’économie portugaise ;
• La politique régionale ;
• L’individualisme des entrepreneurs.
4. La spécialisation de l’économie portugaise
En synthèse, on peut dire que la spécialisation économique portugaise se caractérise par les faits suivants :
•Importancedessecteursindustrielsàtravailintensifetpoidsinsuffisantdu«capital
symbolique » et de l’innovation, éléments de différenciation des produits ;
•Importancedessecteursdeservicesbaséssurlesressourcesnaturellesetclimatiques
etsurlamain-d’œuvrepeuqualifiée(letourisme);
•Importance des secteurs industriels qui dépendent de l’échelle de production,
notamment le secteur automobile, encore peu structuré et assez dépendant d’une grande entreprise («Autoeuropa – VW» qui, néanmoins, fonctionne comme
une entreprise - «ancre»), au-delà d’un ensemble de producteurs étrangers de
composants, dont plusieurs sont susceptibles de délocalisation ;
• Faible présence d’industries de haute technologie.
En effet, au Portugal, prédomine la production de biens basés, d’un côté, sur le travail intensif et/ou sur les ressources naturelles endogènes et, d’un autre côté, sur les fortes économies d’échelle. Ces biens représentent, dans leur ensemble, approximativement 80%dutotaldesbiensexportésparlesrégionsportugaises.
Uneétudesurlesavantagescompétitifsdesrégionsportugaises(Salvadoret al. 1998), estarrivéeàdesconclusionssemblables.Danscetteétude,ilyaunessaid’identification
desfacteursdecompétitivitédesrégionsportugaisesàl’échelledeNUT2(Figure3),
àtraversl’usagedemodèlesderégressionsmultiples.Lesfacteursdecompétitivité
inclus(variablesindépendantes)ontétélessuivants:main-d’œuvrenonspécialisée,
travail spécialisé (ou capital humain), capital physique, ressources naturelles, recherche et développement, économies d’échelle et économies d’agglomération.
La variable dépendante était alternativement mesurée par le quotient de localisation et par le surplus commercial de chaque secteur dans chaque région, suivant la méthodologie proposée par Harrison (1982).
Lesmodèlesutilisésontlaformelogarithmique,c’est-à-dire:
ln Yi = α0+Σαi ln Xi +εi oulaformesemi-logarithmique:
Yi = α0 +Σαi ln Xi +εi ou la forme linéaire : Yi = α0 +Σαi Xi +εi
Lesrésultatsdecetteanalysemontrent–enaccordaveccequiaétéditci-dessus-que
lamajoritédesrégions(àl’exceptiondelarégionLisbonneetValléeduTage)ades
avantages compétitifs dans des secteurs où prédomine le travail intensif.
Mais le plus intéressant est que le seul facteur productif à avoir un résultat positif
et statistiquement signifiant dans toutes les régions est le facteur «économies
d’agglomération».C’est,enparticulier,lecaspourlesindustriesduNord,Centreet
AlgarveetpourlesservicesdeLisbonneetValléeduTage.
Tantquelamain-d’œuvreetlesressourcesnaturellesnesontpasdes«vrais»facteurs
de compétitivité dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, reste l’exploitation des Figure 3 : régions portugaises (nut ii)
économiesd’agglomération:lacréationdeclusters(engendrésdeformesignificativepar
la proximité géographique) ou de formes en réseaux.
5. La politique régionale
Undesfacteursdesuccèsdesclustersestlapolitiquerégionalemiseenœuvre.Maisquel
bilanpeut-ontirerencequiconcernelapolitiquerégionaleauPortugal?
Le Portugal a eu accès aux fonds structurels après l’adhésion à l’Union Européenne
(1986). Le caractère exceptionnel de la situation portugaise s’est traduit par les conditions d’accès aux fonds: jusqu’à 1990, la taxe maximale d’aide a été de 70%, pouvant
atteindre90%danslesprojetset/oulesrégionsprioritaires(c’était55%danslerestede
laCommunauté)et,pourlapremièrefoisdansl’histoireduFEDER,desfinancements
pourdeséquipementsrelatifsàlasantéetàl’éducationontétépermis.
En matière de politique régionale, la question la plus polémique a été l’option entre soutenir les régions du littoral, plus développées et qui pouvaient affronter le « choc européen » ou réduire les inégalités régionales ; ce qui impliquait, dans ce dernier cas, de dépenser les fonds dans des régions sans capacité concurrentielle. Le résultat a toujours été–aveclesdifférentsGouvernements-deconcentrerlesfondsdanslesrégionsles
plus développées. Ainsi, tout le territoire national a été classé comme Objectif 1, mettant sur le même point d’égalité toutes les régions en ce qui concerne l’accès aux fonds,
malgréquelquesmaigrespréoccupationsde redistribution(qui justifientquandmême
des capitations un peu plus importantes dans les régions de l’intérieur et dans les régions insulaires). Le corollaire naturel de cette décision a été de ne pas régionaliser : le Portugal estleseulpaysdel’UE-15(avecleLuxembourg)àn’avoirfaitjusqu’àprésentaucune
démarche dans le sens de créer des régions.
La conséquence est que la réalité territoriale portugaise présente toujours de profondes disparités : en 1986, les déséquilibres entre la région la plus pauvre et la région la plus riche du Pays étaient pareils aux déséquilibres qui séparaient le Portugal de l’État Membre leplusrichedel’UnionEuropéenne.Depuislors,detelsdéséquilibressesontaggravés:
ilsuffitderappelerquelarégiondeLisbonneetValléeduTageaétélarégiondel’UE
aveclaplusgrandecroissanceentre1986et1996…
Mais cela veut aussi dire que les gouvernements successifs ont toujours été conscients des problèmes du manque de masse critique dans l’économie portugaise et du retard de développementfaceàlamoyenneeuropéenne.Lastratégiederenforcementdelacompétitivité
globale s’est concentrée dans les régions les plus développées. Les préoccupations de croissance globale se sont imposées sur les questions des déséquilibres régionaux.
Cette stratégie n’a pas permis – elle a même rendu difficile - la création ou le
développement de clusters régionaux. La logique de concession des fonds structurels a été strictement basée sur les qualités individuelles de chaque projet, dans une logique du « laissez faire », loin de la culture traditionnelle des affaires et de l’Administration
Publique portugaises. Cette logique d’actuation n’a pas eu la préoccupation de créer des synergiesdanslesrégions(État-Entreprises,Entreprises-Entreprises,Entreprises-Centres
deRecherche),danslesensdedéfinirunminimumd’actionsconcertées.Lerésultataété
la migration des populations et des capitaux des régions les moins développées vers les Aires Métropolitaines de Lisbonne et Porto où des projets intensifs en capital ont pris le devant.
Enattendant,lesréflexionsdelapolitiquerégionalevis-à-visdeladémarchedesclusters
régionauxdemeuraientaustadedel’idée…
Lerôledespouvoirspublicsn’estpasd’inventerlesclusters,maisplutôtdelesidentifier
et de promouvoir leur soutien et essor. Si les clusters ne sont pas basés sur des avantages réels, ils ne survivent pas (bien que, plusieurs fois, la politique régionale ait créé des clusters«politiques»…).
6. L’individualisme des entrepreneurs
L’individualisme des entreprises freine le développement des clusters : au Portugal, l’individualisme est dominant et la coopération est traditionnellement ressentie comme unecontrainte.Lesentrepriseséprouventdesdifficultésàs’engagerdansdesdémarches
collectives;d’oùlesdifficultésàtravailler-ouàfairetravailler-enréseausontréelles.
Le démarrage, l’incubation et le fonctionnement de clusters régionaux peuvent prendre plusieursannées.Donclesacteursdoiventapprendreàtravaillerensemble.Pourdépasser
l’individualisme des entreprises, il faut encore montrer aux dirigeants (entrepreneurs et hauts fonctionnaires) les avantages de travailler en réseau.
Seulunexempleconcretdecasàsuccèspourrachangercetraittypiquedelaculture
nationale.
7. Le désert portugais
Les régions portugaises – et l’économie du Pays – souffrent du manque de compétitivité économique,mêmesilessalairessontàpeuprèsentre1/3et1/2delamoyenneeuropéenne
(UE-15).Commeonn’envisagepasderégresserauxniveauxdevied’ilyavingtansou
àceuxdesPaysdel’Europedel’Est,ilfautpariersurdespolitiquesdedéveloppement
et d’innovation.
Onavucomment-pourdynamiserdesterritoiresquiavaientunelonguetraditiondans
certains secteurs (produits de la forêt, textiles, chaussures) - les politiques éprouvent
desérieusesdifficultésfaceàcertainescaractéristiquesdelasociétéetdel’économie
portugaises (individualisme, par exemple) et aux conséquences des options prises après l’adhésionàl’UE.
Lerésultatestqu’onnepeutpasfaireappelàlapanoplied’instruments,aujourd’huidéjà
« classiques » dans beaucoup de pays, pour développer des régions et des territoires basés sur la proximité géographique. La métropolisation et littoralisation du pays, le manque général et croissant de masse critique dans les régions de l’intérieur nourrissent des déséquilibresrégionauxprofonds.Vingtansaprèsl’adhésionàl’UnionEuropéenne,la
géographie économique qui en résulte est celle d’une bande littorale longue et concentrée –mêmesicelle-ciprésentedes«trous»importants–àcôtéd’unintérieurbeaucoupplus
vaste mais dépeuplé.
S’ilyadesauteurs,commeJ.Gaspar(2003),quiattirentl’attentionsurlesavantages
–quisontcertains-decette«RégionMétropolitaineAtlantique»(Figure4),ilnefaut
pas oublier les problèmes soulevés :
• Les déséconomies d’agglomération (spéculation foncière, accessibilités) dans une aire métropolitaine avec une forme semblable au Chili.
• L’abandon de la majorité de la surface et des régions du pays, susceptible de soulever des problèmes géopolitiques et géoéconomiques avec l’Espagne.
•Le renoncement à quelques «vrais» clusters basés surtout sur des ressources
naturelles (poisson, liège, marbre, vin, fruits, cuivre, étain, wolfram) susceptibles d’êtreàl’originedeprocessusd’industrialisationnonnégligeables.
En paraphrasant Jean-François Gravier, on peut parler de «Lisbonne et le désert
portugais»etconclurequelegranddéfidelapolitiquerégionaleactuelleestceluide
trouver une voie de développement pour ce « désert ».
Figure 4 :SystèmeUrbainIbérique
8. Compétitivité et clusters
Les différentes études et analyses sont unanimes dans la conclusion que les clusters font accroître la prospérité des économies car ils agissent comme des incubateurs de l’innovation.
Les clusters ont les éléments de base pour engendrer le succès : des universités ou centres de recherche qui produisent toute une série de nouvelles connaissances ; des entreprises qui transforment ces connaissances dans de nouveaux produits et/ou services ; d’autres entreprises qui fournissent des machines, des composants, des services de marketing ou de distribution.
Il faut repenser les méthodes de gouvernement et la politique régionale pour que les
modalités d’intervention publique soient adaptées aux caractéristiques des systèmes de production localisés.
Heureusement,onassisteparfoisàlamontée,auniveaulocal,demodesd’organisation
et de régulation des acteurs publics et privés autour de stratégies globales de développement des territoires.
Par exemple, dans la région de Marinha Grande (région Centre), les autorités locales ontmisenœuvreun«clustervolontariste»basésurl’actiondu«PacteTerritorialde
l’Emploi»quivisaitàassurerlarestructurationdelaverrerieetdelaplasturgieetà
diversifierl’économielocale.
Aujourd’hui, la synergie s’effectue entre la Mairie, les industriels, les syndicats, les écoles etl’officedetourisme.L’emploiseconsolideparlacréationd’uncentredeformation
et technologie et des nouveaux investissements sont réalisés grâce à une agence de
développement local qui assure la promotion du cluster et de la région.
Toutefois,ce«clustervolontariste»estleseulexemplenotoire,àsuivre,maisencore
trèsinsuffisant.Ilconvientdonclemultiplier.
Lamiseenplaced’uneorganisationterritorialeentreacteurslocauxpeutaussiinsuffler
desclustersémergents.C’estainsique,peuàpeu,commencentàs’imposerdesclusters
émergents qui se caractérisent par la présence d’une masse critique d’entreprises, par une certaineconcentrationauniveaulocal,parlaprésencedeliensquipeuventdevenirefficaces,
malgré une faible synergie issue de l’absence d’une vision commune entre les acteurs.
9. Les clusters émergents
Pourprofiterdufacteurdecompétitivitéleplusimportantsurleterritoireportugais–les
économies d’agglomération – et par manque de « clusters » régionaux type Troisième Italie,leGouvernementadécidédepariersurcinq«méga-clusters»nationaux.
L’OCDEdéfinitunméga-clustercommeunensembled’activitésdistinctesmaisdont
les biens ou les services satisfont la demande d’un « secteur fonctionnel de demande finale»,enfaisantappelàdescompétencesdebasecomplémentairesetenexplorantdes
avantagesd’interconnexionetderéseautage(grâceàdessecteursquisechevauchent).
Les5méga-clustersidentifiésauPortugalsontlessuivants:
• La Santé qui pourra faire du Portugal un des principaux pôles européens de conception etdefabricationdeconsommableshospitaliers(entirantprofitdescompétencesdans
lessecteursdestextiles,dupapier,desfibrescellulosiquesetdesmatièresplastiques).
Ceméga-clusterpourraencoredévelopperlaproductionconcurrentielledecomposants
et de modules pour les multinationales pharmaceutiques et de l’ingénierie biomédicale déjàprésentesauPortugal.Parconséquent,deplusenplus,lesentreprisesduméga- cluster feront partie de réseaux globaux dirigés par des multinationales, fourniront des clients d’autres parties du monde ou entreront dans des alliances stratégiques. Les régionsquiprésententdesavantagescompétitifspourledéveloppementdu«méga- clustersanté»sontleNordetleCentre(régionslittorales).
• Les Communications et l’Électronique, méga-cluster basé sur l’activité des
multinationales de l’électronique automobile, présentes au Portugal depuis l’installation du groupe Renault et du groupe VW dans le pays (conception et
fabrication d’équipements avancés pour la communication, la navigation et le multimédia automobile). Les régions (littorales) Lisbonne et Vallée du Tage et
Centre enregistrent les meilleurs avantages compétitifs pour le développement de ceméga-cluster.
• L’Aéronautique et l’Automobile–ceméga-clusterassureraitledéveloppementdes
activités aéronautiques autour de la manutention des grands avions construits avec des matériels«classiques»,lasous-traitancedesconstructeursquicentrentleursnouveaux
modèles dans l’utilisation de matériaux composites et l’attraction de constructeurs d’avions légers. Il faut aussi renforcer le cluster «matières plastiques» (dans les
régionsNordetCentre),etl’élargirauxmatériauxcompositesafinqu’ilfournisseles
industries automobile et aéronautique. Pour développer le cluster automobile, il faut stimuler l’ascension, dans la chaîne de valeur, des activités automobiles présentes dans le pays (en ce qui concerne l’innovation et les produits différenciés). Le cluster automobilebénéficiedemeilleursavantagescompétitifsdansleNord,leCentreetla
régionLisbonneetValléeduTage.Àsontour,c’estlarégionAlentejoquiprésenteles
plus grands avantages compétitifs pour le secteur aéronautique.
• La Mode-ceméga-clusterreprésentelatransformationetl’articulationdesactuelles
activités du secteur textile, de l’habillement et des chaussures autour des marques capables d’être présentes dans des créneaux exigeants, en offrant des concepts
innovateursetdesproduitsintégrés.CesontlesrégionslittoralesNordetCentre
qui présentent les plus grands avantages pour son développement.
• Le Tourisme/Loisirs – Ce cluster consiste en l’ascension, dans la chaîne de valeur, des activités touristiques traditionnelles présentes dans le pays (notamment le tourisme«soleil-plage»).Ilsebasesurledéveloppementdenouveauxsecteurs
dumarché(tourismerural,paysager,culturel,architecturaloureligieux).Ilfaut
souligner aussi l’importance du « tourisme vinicole » ou des « routes des vins » (basé sur un produit traditionnel et très important dans certaines régions du pays).
Àrapporterencoreledéveloppementdel’offredeproduitsqualifiés(nature,golf,
sports nautiques, navigation de plaisance) et d’activités liées au sport (football).
La captation de touristes seniors pour longues périodes de séjour dans le pays (secondes résidences) présente de bonnes perspectives mais demande la création d’un ensemble de services d’assistance.
Àrapporteraussilesactivitésdetourismedirigéesàdesclientsinstitutionnels,orientées
vers les réunions et les congrès internationaux.
Ainsi,chaquerégionpeutsespécialiseràl’intérieurdeceméga-cluster:Lisbonneetla
ValéeduTagedansletourismedecongrès;leNorddansletourismepaysager,vinicoleet
des sports nautiques ; le Centre dans le tourisme religieux et culturel ; l’Alentejo dans le tourismeruraletvinicole;l’Algarvedanslesactivitéstouristiquestraditionnelles«soleil- plage », dans le secteur du golf et dans la captation de touristes seniors.
En2001,leGouvernementadéveloppéle«ProgrammeIntégréd’Aideàl’Innovation»,
destinéàstimulerlesclustersinnovantsenpartantd’ungroupedéfinideclustersnationaux
etdemesuresincitativesàlacollaborationentrelesentreprises,lesinstitutionséducatives,
d’innovation et de R&D. Deux des tâches principales ont été l’amélioration de la qualité des produits et l’innovation dans les clusters traditionnels.
Toutefois, les résultats sont encore loin d’atteindre les objectifs espérés. Des études ont étédéveloppées,maisleslignesd’actionproposéesn’ontpasencoreétémisesenœuvre:
leschangementspolitiquesetlesdifficultésàatteindredessynergiesentrelesdifférents
acteursontreportéledéveloppementdesclusters…
10. Les expériences d’autres territoires européens
Enparticulier,depuislesannées1990,plusieurspayseuropéensontconçuetmisen
place différentes politiques de clusters, basées sur la coopération des entreprises avec les infrastructures technologiques régionales et la stimulation des clusters émergents.
Les approches des politiques des clusters sont très diverses car les contextes nationaux et régionaux diffèrent aussi (en ce qui concerne, par exemple, l’environnement des affaires, la culture d’entreprise ou le cadre culturel et institutionnel), mais elles ont en commun les points suivants :
• Les pouvoirs publics fournissent des mesures incitatives pour renforcer le réseautage etdévelopperlescapacitésdesdifférentsacteursdesréseauxàdépasserleursintérêts
individuels ;
•Nepasimposerauxacteursunprojetquivientdel’extérieur-ilfautaccorderune
placeimportanteauxacteursetàleursobjectifs;
•Trouverunenjeucommun-ilestsouventdifficiled’arriveràunconsensusentre
les acteurs en ce qui concerne la compréhension et l’appropriation des enjeux ou objectifs communs ;
• Assurer l’accompagnement des acteurs.
Ainsi l’Italie, la France, le Danemark, la Finlande et l’Espagne (Pays Basque) sont
considéréscommedesexemplesàsuivrevuqu’ilspossèdentdesinstrumentsefficaces
pour le développement et le renforcement de clusters régionaux.
AuRoyaume-Uniaussi,lesclusterssontdevenusunedeslignesprincipalesdespolitiques
gouvernementales. La politique de clusters mise en œuvre encourage les Agences de
DéveloppementRégionalàcontinuerledéveloppementdesclustersexistantsouémergents.
Danslessecteursoùl’Italieestleadersurlesmarchésmondiaux-commelamode,certains
équipementsindustrielsoulesarticlespourlamaison-,lerôledesdistrictsestdéterminant.
Enparticulier,dansla«TroisièmeItalie»,despolitiquescaractériséesparlafusionentreles
politiquesnationalesetlespolitiques/initiativesrégionalesetlocalesontétémisesenœuvre.
En avril 2002, le Ministero dell’Istruzione, dell’Universitá e della Ricerca (MIUR) a
établi le Piano Nazionale per la Ricerca.L’objectifest«d’alimenter»financièrement
lesdistrictsindustrielsayantlataillecritiquesuffisantepourgarantiruncertainsuccès
et pour devenir des «districts technologiques». Certains ont déjà fait l’objet d’un
accordentredesacteurslocauxetleMIUR,commeparexempleleTorinoWireless,le
VenetoNanotech,l’EtnaValley(matériauxàNaples),lesbiotechnologiesetlasantéen
LombardieetlamécaniqueenEmilieRomagne.LeMIURaégalementidentifiécertains
pôlescommeceuxdelarobotiquedeGênesetdel’aérospatialdeTurin.
EnFrance,depuis1998,onviseàdévelopperunepolitiquedesoutienaux«Systèmes
ProductifsLocaux»(SPL),miseenœuvregrâceàdesappelsàprojets.Enjuillet1997,un
Club des Districts Industriels Français(CDIT)aétécréé,aveclescontributionsdeplusieurs
SPLetdel’Agenced’AménagementduTerritoireetàl’ActionRégionale(DATAR).
En septembre2004, le Comité Interministériel de l’Aménagement du Territoire
(CIADT) a décidé de lancer un appel à projets en vue de la constitution de
« pôles de compétitivité »1 à rayonnement international, dont l’objectif vise «à
renforcerlesspécialisationsdel’industriefrançaise,créerlesconditionsfavorables
à l’émergence de nouvelles activités à forte visibilité internationale, et par-là,
améliorer l’attractivité des territoires ».
Le Danemark a développé une politique des « clusters de compétences », basée sur l’idée quelesclustersfortsposséderaientdescompétencesetdessavoir-fairetrèsspécifiques
qu’il faut appuyer pour développer la masse critique des entreprises, des services spécialisésetd’infrastructures.Lesclustersrégionauxdanoissontàlafoisdesindustries
traditionnelles comme le textile et l’habillement, le meuble ou l’horticulture, ainsi que des industries nouvelles comme les communications mobiles et satellites.
La Finlande a développé le « Programme des Centres d’Expertise » pour regrouper les ressources locales, régionales et nationales et pour stimuler des champs d’expertise compétitifs internationalement. Actuellement, plus d’une dizaine de Centres d’Expertise (CE) régionaux et deux nationaux sont opérationnels. Les CE sont sélectionnés par des appels d’offres concurrentiels et les principaux critères de sélection sont le haut niveau international, l’innovation de l’approche et l’impact potentiel des mesures proposées.
À son tour, le Pays Basque a développé une politique basée sur la création de groupes d’entreprises,appartenantàdessecteursindustrielsimportantsdanslarégionouestimés
commecruciauxdansl’avenir.L’appuipublics’effectueàtraversl’assistancefinancière
qui couvre partiellement les coûts des activités réalisées dans les clusters.
Sur la base de ces expériences, le Portugal pourra définir une politique particulière
quirépondeàsesspécificités.Néanmoins,unegrandequestionsepose:commentla
Selon le CIADT (2004), un « pôle de compétitivité » est « la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publiques ou privées, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère innovant ».
politiquededéveloppementetlapolitiquerégionaleauPortugaldevraient-ellesprendre
en compte les clusters régionaux? Nous essayons de répondre à cette question de la
manière suivante.
11. Quelle politique de clusters au Portugal ?
Mettreenplaceunepolitiquedeclustersimplique,enpremierlieu,d’êtreconscientque
laconstitutiond’unclustern’estpasunobjectifensoi.Ils’agitd’unprocessuscomplexe,
d’un effort soutenu pendant plusieurs années (voire plusieurs décennies).
Cela demande une vision stratégique partagée par la majorité des acteurs économiques et politiques et une direction forte et dynamique, capable de surmonter l’individualisme des entreprises et de stimuler la coopération.
En plus de cela, et en tenant compte du problème du manque de masse critique pour le développementdesclusters,ilfaut,enmêmetemps,pariersurdes«méga-clusters».
Pources«méga-clusters»,unedémarche«bottom-up»,émanantdesentreprisesetdes
régionselles-mêmes,s’impose.Unespritentrepreneurplusactifetlamodernitédeces
secteurs demandent que l’État joue seulement un rôle de « facilitateur ».
Pour les régions moins développées de l’intérieur, un effort «top-down» paraît plus
souhaitable:lesbasniveauxd’éducation,lechômageàlongtermeetlemanqued’une
tradition d’« entrepreneurship » demandent une approche plus active de la part des gouvernements.Lesexpériences,dansbeaucoupdepayseuropéens(RoyaumeUniet
Italie,notamment),mettentenévidencequ’unexcèsde«politiquementcorrect»n’est
pasnécessairementefficace.
Ilfautsuivreunepolitiquefondéesurl’idéedesélectionneretdepariersurlesplus
forts–lesleadersrégionaux-,ainsiquesurl’idéedestimuleretd’appuyerlessecteurs
émergents et potentiellement plus dynamiques.
Néanmoins, mettre en place des clusters émergents requiert des démarches de
sensibilisation et d’accompagnement solides, tant au niveau des entreprises, qu’au niveau des gestionnaires de la politique régionale et des clusters.
Cesontlesconditionsqui-ànotreavis-permettrontàtoutepolitiquerégionaleetde
clustersd’avoirdusuccèsetdecontinuerleseffortsmisenœuvreauPortugal,commencés
par le « Rapport Porter » et continués par des politiques fragmentées, dispersées et isolées.
12. En guise de conclusion : quelles leçons de l’expérience portugaise intéressent les Européens ?
S’il est certain que les caractéristiques sociales, économiques et culturelles du Portugal sont très particulières, il n’est pas moins vrai que l’expérience portugaise peut s’avérer d’ungrandintérêtpourl’Europe.Commeonsait,l’UnionEuropéennevientdes’élargir
de15à25ÉtatsMembreset,pour2007,ilyauraencore2membressupplémentaires(la
Bulgarie et la Roumanie).
Or,ilyabeaucoupd’élémentsdansl’expérienceportugaisequipeuventbénéficierles
nouveaux venus de l’Europe de l’Est
Comme le Portugal, ce sont des pays où, pour différentes raisons, il n’y a pas une longue tradition d’économie de marché et d’esprit d’entreprise. Comme le Portugal, la majorité despaysdel’Europedel’Estaunniveaudeproductivité(VABper capita) inférieurà
la moyenne européenne et, par conséquent, elle est engagée dans une voie de croissance rapide basée sur les pôles territoriaux les plus compétitifs. Comme le Portugal, le système de planificationcentralen’apasfavorisél’émergencededynamiquesrégionalesautonomes.
On pourra ainsi apprendre avec l’expérience portugaise : orienter les fonds structurels vers les régions les plus fortes mais sans oublier le moyen et le long terme, sous peine d’augmenter exponentiellement les déséquilibres territoriaux et de ne pas exploiter le potentiel de croissance de toutes les régions.
Annexe
Exportationsportugaisesparfacteurdecompétitivité(2001–%desexportations)
0 5 10 15 20 25 30 35
T ravail intensif Économies d'echelle
Ressources naturelles
Connaissances T echnologie et différenciation
Source : Institut National de Statistique.
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