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A propos de l'utilisation des os humains du Mexique ancien. L'exemple des racles.

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Texte intégral

(1)

A

propos

de

l ’ u tilis a tio n

du

Mexique

L’exemple des racles

Grégory Pereira (UMR 8096 - Archéologie des Amériques)

O n sait depuis longtem ps q u e les sociétés mésoam éricaines o n t e m p lo yé l'os hum ain pour la réalisation d 'o b je ts divers. Les fam eux masques-crânes exhibés dans divers musées du m o n d e sont sans doute les productions les plus connues du grand public. Elles sont toutefois loin d 'ê tre les seules e t il existe par ailleurs une g ra n d e variété d 'o b je ts qui tém oignent, pour certains d 'u n e fonction cla ire m e n t rituelle tandis que d'autres s'apparentent, pa r leur m orphologie du moins, à des objets utilitaires.

Je m e limiterai ici à l'é tu d e d 'u n e c a té g o rie d 'a rte fa cts. Il s'a g it d'o s longs d o n t la diaphyse est m arquée d 'u n e série d e rainures transversales parallèles. Ceux-ci sont particulièrem ent répandus dans le Mexique central et dans la région du M ich o a câ n durant le Postclassique ré ce n t (1200-1521 ap. J.-C.), où on les rencontre souvent en co ntexte funéraire ou dans des dépôts associés à des structures cérémonielles. Si ces objets o n t été identifiés dès la fin du XIX- siècle par Eduard Seler (1991 (1898)) c o m m e des insfruments de musique connus en nahuafl sous le term e d ' om ichicahuaztli (littéralem ent « sonnailles en os »), aucune étude systématique des m odifications artificielles que p o u va it conserver la surface d e ces objets n 'a v a it é té menée. Dans le présent exposé, j'insisterai en premier lieu sur c e dernier aspect. À partir d e l'é tu d e des diverses traces visibles sur les os, je tenterai d e retracer l'histoire d e l'utilisation d e ces objets. Dans un deuxièm e temps, faisant a p p e l à d'autres sources d 'in form ation (ethnohistoriques, iconographiques) je chercherai à éclairer le co n te xte dans lequel é ta ie n t em ployées les racles en os.

Les modifications artificielles observables sur les objets

Les données présentées ici sont principalem en t issues de l'é tu d e d e collections p ro ve n a n t d e deux sites datés du Postclassique récent. Le premier ensemble est form é de 26 pièces qui sont conservées au Musée d'Histoire Naturelle d e New York. Celles-ci sont issues des fouilles réalisées par Lumholtz (Lumholtz e f Hrdlicka, 1898) à la fin du XIX- siècle dans le site tarasque d'EI Palacio (Pereira, à paraître), dans le M ichoacân. Le second ensemble est conservé au Musée National d 'A n th ro p o lo g ie d e M exico e t regroupe 223 objets (Pereira e t Pijoan, en préparation) qui ont é té mis au jour lors d e fouilles plus récentes m enées sur le site m atlatzinca de Teotenango, dans la vallée de Toluca (Zacarlas, 1975). Enfin, nous nous référerons plus p onctue llem ent à des objets issus du bassin d e Mexico, qui sont dispersés dans divers musées.

L'étude des traces perm et d e restituer les différentes étapes d 'u n e véritable chaîne opératoire.

On observe to u t d 'a b o rd un ensemble de traces qui est lié à l'acquisition des ossements. Il s'agit de fines incisions visibles sur la surface d e l'os qui o n f é té provoquées par l'usage d 'u n instrument tranchant. Ces incisions se co n ce n tre n t à proximité des zones articulaires e t d'insertions musculaires, m o n tra n t qu'elles sont le produit d 'u n e opération de désarticulation e t d e décharne m ent. Des traces d e ra cla g e longitudinales sont ég a le m e n t visibles sur la diaphyse et indiquent qu e l'os a é té soigneusement n e ttoyé des résidus organiques qui pouvaient encore y adhérer. Notons q u 'e n c e qui c o n ce rn e les parties anatom iques choisies le fémur e t le tibia a p p a rte n a n t à des sujets adultes o n t fait l'o b je t d 'u n e nette préférence. Les autres grands os longs, q uoiqu e moins souvent représentés, sont toutefois présents.

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D'autres m odifications té m o ig n e n t des transformations subies p a r l'os lors d u processus d e fabrication. Des sciages transversaux réalisés sur un c ô té de la diaphyse o n t créé une série d e rainures profondes régulièrem ent distribuées. L'extrém ité des os a souvent été sectionnée par sciage transversal, ou perforée dans le sens longitudinal. Enfin, un d é c o r géom étrique ou figuratif a parfois é té incisé sur une p artie d e l'os.

La m orphologie générale e t les techniques d e fa b rica tio n révèlent un certain nom bre de variations. D 'un e part, le nom bre e t la disposition des rainures m ontrent d e telles différences individuelles à l'inférieur d 'u n e m êm e série qu'il esf raisonnable d e supposer qu e les objets o n t é té produits p a r des personnes différentes. D 'autre part, des traditions techniques régionales sem blent se d é g a g e r d e la com paraison des séries. Par exem ple, à El Palacio e t Teotenango, le sciage des rainures se faisait g é n é ra le m e n t à l'a id e d 'u n instrument tra n c h a n t tandis qu e dans le bassin d e Mexico, le sciage à la c o rd e sem ble plus courront. On constate é g a le m e n t des variations importantes c o n c e rn a n t les m odifications a p p o rté e s aux épiphyses : à Teotenango, ces m odifications sont exceptionnelles ; à Palacio, la perforation longitudinale est la te ch n iq u e la plus cou ra n te ; dans le bassin d e Mexico, le sectionnem ent transversal semble d e règle.

Pour c e qui est de l'utilisation de ces objets, nous avons pu constater l'existence d e traces d'usure plus ou moins marquées au niveau des rainures. Il s'ag it d 'u n e usure en biseau visible au niveau du bord des rainures, qui s 'a c c o m p a g n e générale m ent d 'u n lustre. La disposition e t l'orie ntation d e ces traces indiquent un fro tte m e n t répété d e la surface rainurée dans le sens longitudinal au m oyen d 'u n m atériau dur. On constate là encore d 'im p ortantes variations dans le degré d'usure. Ces variations p e u v e n t être liées au tem ps d'utilisation mais aussi au m atériau em ployé pour frotter la surface. Des analyses plus approfondies, com binées à d e l'expérim entafion seraient nécessaire pour préciser c e t aspect. Les données ethnohistoriques et iconographiques a p p o rte n t toutefois quelques pistes d e recherche dans c e d o m a in e (cf. Pereira, à paraître). Ainsi d'a près la C rônica M e xica n a d 'A lva ra d o Tezozômoc, on e m ployait un co q u illa g e à c e t effet. Diverses représentations votives réalisées dans de la pierre ou d e la terre cuite ont é té mises au jour dans certaines offrandes d e l'e n ce in fe sacrée d e Tenochtitlan (Lumholtz, 1986 (1904) : 417 ; E ggebre cht e t al. 1987 : 318 ; Lôpez Lujân 1993 : 355, 413-414). Elles figurent l'os strié a c c o m p a g n é du racleur en co q u illa g e d e la fam ille des

O lividae qui lui é fa it assujetti à l'a id e d 'u n lien. Mais on sait aussi par l'Historia d e las Indias d e N ueva Espana

d e Durân qu e le racleur p o u va it aussi être en os. C 'est aussi c e q u e m ontre une scène figurée dans le c o d e x

Vindobonensis (pl. 24) où le dieu Q uetzalcoatl est figuré jo u a n t de c e t instrument à l'a id e d 'u n o b je t interprété

co m m e une o m o p la te d e c e rf (cf. Beyer 1969).

Pour finir, nous avons co nstaté que plusieurs d e ces os striés é ta ie n t brisés volo n ta ire m e n t à la fin d e leur usage. La présence d e fracturations intentionnelles sur os frais visible sur la p lupart des objets étudiés m ontre qu e leur c a ra c tè re souvent in co m p le t n'est pas le fa it d'altérations intervenues après le d é p ô t des objets mais bien d 'u n a c te intentionnel.

Signification des racles en os : éléments de discussion

S'il ne fait à présent aucu n doute que les artefacts étudiés ici o n t é té utilisés c o m m e des racles, le co n te xte dans lequel on jo u a it d e c e t instrument dem eure encore mal connu. Il fa u t dire que dans ce dom aine, les sources ethnohistoriques ne fo n t q u 'e xce p tio n n e lle m e n t allusion à ces objets. En fait, pour tenter d 'a b o rd e r c e tte question, il est nécessaire d e recourir à un ensem ble d'inform ations certes disparates, mais entre lesquelles on p e u t é ta b lir des liens. Nous n 'é vo q u e ro n s ici q u e d e u x des p rincipales pistes d'interprétation.

On p e u t d 'a b o rd souligner qu'il existe des relations entre l'em ploi des racles e t les pratiques funéraires. C 'est c e que l'on p e u t déduire en to u t cas d 'u n certain nom bre d e contextes archéolog iques dans lesquels ces objets o n t é té trouvés. Se fo n d a n t sur les quelques mentions disponibles dans les textes, ainsi que l'ico n o g ra p h ie figurée sur certaines pièces, E. Seler (1991 (1898)) proposa d'associer plus spécifique m e nt ces instruments aux cérém onies funéraires dédiées aux guerriers morfs au c o m b a t. C 'e st e ffe c tiv e m e n t dans le c a d re des funérailles des guerriers d e M exico morts lors d e la guerre c ontre une c ité rivale q u e les chroniqueurs fo n t allusion aux racles. En outre, certaines racles du bassin d e M exico po rte n t un d é c o r incisé représentant des éléments qui fo n t allusion aux guerriers morts ou au destin post-m ortem d e ceux-ci.

Mais il nous semble im p o rta n t de souligner ici un autre lien possible qui n'est d'ailleurs pas incom patible a v e c les interprétations précédentes. Q uoique les racles a ie n t pu être utilisées lors des rites funéraires dédiés aux guerriers, il semble que leur production s'inscrive plu tô t dans un c o ntexte sacrificiel. C 'e st c e q u e suggèrent les traces d e d é ch a rn e m e n t observées sur les racles. Elles m ontrent qu e celles-ci o n t é té réalisées à partir

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correspondent aux captifs acquis par le guerrier a va n t sa mort. On sait, en effet, par les sources du XVIe siècle que les guerriers aztèques p o u va ie n t conserver un fém ur des captifs qu'ils a v a ie n t conduits au sacrifice. L'os é ta it alors prélevé sur la dépouille, puis, enve lo p p é dans une tunique e t paré d e plumes d e héron, il était suspendu à un m â t dans la co u r d e la maison du guerrier. C e t os n 'é ta it pas un simple trophée de guerre. Il portait le nom de m alteotl, « le dieu c a p tif », e t il d e ve n a it le p ro te cte u r du guerrier lors d e ses expéditions

(C ô d ic e Florentino II : 60 ; Durân, 1967 : 11, 165). Doit-on supposer q u e les racles n 'é ta ie n t q u e l'ultim e utilisation

d e c e typ e d e « relique » ? Les sources restent muettes sur c e p o in t e t il n'est sans d o u te pas possible d e le prouver par l'archéologie...

Éléments bibliographiques

A lvarado Tezozômoc H. 1980. C rô n ica M exicana. Porrûa, México.

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C ô d ice Vindobonensis 1992. Fondo d e Cultura Econômica, Akadem ische Druck-u. Verlagsabstalt, México.

C ô d ice Florentino 1979. El manuscrito 218-220 d e la c o le cciô n Palatina d e la Biblioteca M e d ic e a Laurenziana. ed. facs. 3

vol. Giunti Barbéra e t Archivo G eneral d e la Naciôn, Firenze.

Durân F. D. 1967. Historia d e las Indias d e Nueva Espaha e islas d e Tierra Firme. 2 vol., A. M. G aribay K„ Porrûa, México. Eggebrecht E. e t al. 1987. Les Aztèques. Trésors d u Mexique Ancien. 2 vol. W iesbaden, Roemer und Pelizaes Museum,

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I

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Traces observées sur les racles en os humains d u site d'EI Palacio

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Représentation d e Q uetzalcoatl utilisant une racle q u 'il frotte à l'a id e d 'u n os (p ro b a b le m e n t une scapula d e cerf). C odex Vindobonensis,

N ationalbibliothek d e Vienne (Autriche) 1

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Réplique en basalte d 'u n e ra d e e t d u coquillage (signalé p a r la flèche) qui é ta it em ployé po u r racler la surface rainurée

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