NOTE
UTILISATION DIGESTIVE
D’ALIMENTS D’ALLAITEMENT CONTENANT DES LACTOSÉRUMS DE DIFFÉRENTES QUALITÉS
PAR LE VEAU PRÉRUMINANT A L’ENGRAIS
J.-L.
PARUELLE R. TOULLEC C.-M. MATHIEUMarguerite BEAUFILS, J.
LAREYNIE Yvette LENTO Station de Rechercheszootechniques,
Centre de Recherches de
Rennes,
I. N. R.A., 65,
rue deSainl-Bvieuc,
35042 Rennes
RÉSUMÉ
Deux aliments
d’allaitement,
contenant 20p. 100de lactosérum doux ou de lactosérum acide neutralisé par addition dechaux,
ont été distribués chacun à 3 veauxpréruminants
àl’engrais
élevés en cages à bilan entre les
âges
de 8 et 100jours. L’appétit,
lacroissance,
l’efficacité alimen- taire et les résultatsd’abattage
ont été satisfaisants pour les deuxrégimes.
Lafréquence
desdiarrhées a été faible dans les deux cas, en
particulier
avec l’aliment contenant le lactosérum acide et neutralisé. La richesse en calcium de cet aliment acependant
entraîné une baisse de ladigesti-
bilité des matières grasses de l’aliment
qui
estprobablement
due à laformation,
dans la lumièreintestinale,
decomplexes
insolubles entre le calcium d’unepart,
lephosphore
et les acides graslongs
saturés alimentaires d’autrepart.
Le lactosérum séché constitue pour le veau
préruminant
une source alimentaire riche enlactose et en
minéraux,
mais relativement pauvre en matières azotées(respectivement
de l’ordrede 75, 9 et 13 p. 100de la matière
sèche).
Sesprotéines présentent
un bonéquilibre
en acidesaminés
indispensables (Piorr
et FAUCONNEAU,19 66)
et leurdigestibilité apparente
chez le veauest élevée : 90à 93 p. 100
(Tour.r.EC et
al.,106 9 ;
TOULLECet MATHIEU,1971 ). Actuellement,
lapoudre
de lactosérum est courammentincorporée
à raison de 5 à 10 p. 100dans les aliments d’allaitementqui
contiennent en outre 5oà 70
p. 100de lait écrémé et ilpeut
êtreéconomique-
ment intéressant de
l’incorporer
à des tauxplus
élevés. Parailleurs,
ellereprésente
laprincipale
source de lactose
disponible
pour la réalisation d’aliments d’allaitement contenant desprotéines
de
remplacement d’origine
non laitière. Cettepossibilité
suppose une meilleure connaissance dupouvoir diarrhéique
du lactosérum. Eneffet,
pour certains auteurs, il a chez le veaupréruminant
une influence laxative due à sa forte concentration minérale
(O WEN
etal., 195 8 ;
Busx etal., 19 6 3 ),
mais ces inconvénients n’ont pas été
signalés
par LnnxnT etJ OUSSELIN ( 19 68)
et par SOLMS( 19
68)
avec des aliments d’allaitement contenant 15 à 20p. 100depoudre
de lactosérum. Il est deplus
nécessaire depréciser
lesconséquences
nutritionnelles de l’utilisation de lactosérums de différentesqualités.
Du fait de leurorigine,
certains lactosérums subissent une acidificationlactique importante qui
rend nécessaire une neutralisation avant leurséchage.
Dans les études réaliséessur l’utilisation par le veau de lactosérums acides neutralisés ou non
(F ISHER , i 9 66;
LADRAT etJoussEr.irr, i 9 68 ; S OLMS , 19 68),
la teneur en acidelactique
n’estjamais précisée
et l’influencesur l’utilisation
digestive
n’est pasenvisagée.
Nous avons donc
mesuré,
chez le veaupréruminant
àl’engrais,
l’utilisationdigestive
de deuxlaits de
remplacement
obtenus àpartir
d’aliments d’allaitement contenant 20p. 100de lacto- sérum séché par leprocédé Spray (tabl. i).
Dans l’un des aliments(aliment
Lactosérumdoux),
il
s’agissait
d’un lactosérum ày ° Dornic,
issu de la fabrication defromages
àpâte molle, écrémé, pasteurisé
et non neutralisé. Dans l’autre aliment(aliment
Lactosérumneutralisé),
ils’agissait
d’un lactosérum à
72 ° Dornic,
issu de la fabrication defrom ages
àpâte fraîche, écrémé, pasteurisé
et neutralisé à 18° Dornic par addition de chaux.
Chacun des aliments a été distribué à 3veaux de race
Française
Frisonne Pie-Noive achetés àl’âge
d’environ 8jours
etplacés
en cages à bilan dès leur arrivée. Les mesures ont commencé 13jours plus
tard et ont alors été effectuéespendant
6périodes
successives de mjours séparées
par des
interpériodes
de 3jours.
Les aliments d’allaitement ont été dilués dans de l’eau à4o!C
et les laits de
remplacement
ainsipréparés
ont été distribués au seau 2fois parjour.
Lesquantités
offertes aux anirraux étaient
importantes
etcomparables
à cellesqui
sont habituellement distri- buées aux veaux àl’engrais.
Le détail du rationnement ainsi que des mesures, desdosages
et descalculs effectués a été décrit
précédemment (PnxuELLE et al., 1972 ).
Ledosage
des matières grasses a été réalisé sur les aliments et les refus par extraction par lemélange
chloroforme-métha- nol selon leprincipe
de la méthode deF OLCH ,
LEES et SLOarrE-STeNLEY( 1957 )
et sur les fècespar extraction par l’éther
éthylique après hydrolyse chlorhydrique
à chaud. La teneur en acidelactique
a été déterminéed’après
la méthode de BARKER( 1957 ).
Lephosphore
a été dosé par colorimétrie duphospho-vanado molybdate
d’ammonium et les autres éléments parspectro- photométrie d’absorption atomique (appareil
Unicam SP 90A).
Les animaux ont été abattus à la fin del’expérience, 9 8
à 100jours après
leur arrivée.Les 2aliments ont été bien consommés et ont
permis
des croissances élevées. L’état sanitairea
toujours
été satisfaisant et lafréquence
des diarrhées a été très faible avec les deuxrégimes,
en
particulier
avec l’aliment Lactosérum neutralisé(tabl. 2 ).
L’aliment Lactosérum doux a provo-qué
un état relâchéplus fréquent.
Ces résultats sont en accord avec ceux de BROWN, READ et WILLIARD
( 1953 ) qui
ont montré l’effetpréventif
de la chaux dans le cas de diarrhéesd’origine
nutritionnelle du veau. Par ailleurs, lors de
l’abattage,
le rendement en carcasse, l’étatd’engrais-
sement et la coloration de la viande ont été satisfaisants et
identiques
dans les deux cas.Le coefficient d’utilisation
digestive (CUD) apparent
de la matièreorganique
des deuxaliments a été élevé
(tabl. 2 ).
Ses variations ont surtout été liées à celles de ladigestibilité
desmatières grasses. En
effet,
le CUD des matières grasses s’est maintenu constant( 93 , 1
p.100 )
pour l’aliment Lactosérumdoux,
alorsqu’il
a diminué de 91,1 lors de lapremière période
de mesureà
8 7 , 7
p. 100lors de la sixièmepériode
pour l’aliment Lactosérum neutralisé(fig. i).
Dans le mêmetemps,
le CUDapparent
du calcium a diminué de88, 9
à8 3 , 5
p. 100pour l’aliment Lactosérum doux et de8 3 , 2
à5 6, 9
p. 100pour l’aliment Lactosérum neutralisé. Le CUDapparent
duphosphore
est resté constant
(8 7 ,8
p.100 )
pour l’aliment Lactosérum doux et a diminué de92 ,8
à86,o
p. 100 pour l’aliment Lactosérum neutralisé. Par suite de la teneur en calciumplus
élevée de l’aliment Lactosérumneutralisé,
on observe donc unedigestibilité apparente
moins élevée des matièresgrasses et du
phosphore
de cetaliment,
cequi
serait dûprincipalement
à la formation accrue, dans la lumièreintestinale,
decomplexes
insolubles entre le calcium d’unepart,
lephosphore
etles acides gras
longs
saturés alimentaires d’autrepart (CARROLL
et RICHARDS,195 8 ;
RAVEN etR
OBI
NSON, 19 6 0
etI964 ; TOULLEC,
FLANZY etRIGAUD, 1968 ; F A KA MB I,
FLANZY etF RANÇOIS , 19
6 9
). Cependant,
la diminution de ladigestibilité apparente
du calciumqui
estégalement
obser- vée, auraitprobablement
eu lieu en l’absenced’augmentation
desquantités
decomplexes
insolublesformés
(Y ACOWITZ
etal., 19 6 7 ).
En effet, l’accroissement desquantités
d’acides grasfécaux,
s’il était réaliséuniquement
sous forme de savons decalcium, n’expliquerait
au maximum que 75p. 100du calcium fécal
supplémentaire
en moyenne pour l’ensemble de l’essai. GUÉGUEN( 19 6 4 )
et GUÉGUENet MATHIEU
( 19 6 2
et1965)
ont d’ailleurs montré que, chez le veau, larégulation
del’utilisation du calcium se fait presque exclusivement au niveau de
l’absorption intestinale,
alors que celle duphosphore
se faitprincipalement
par l’élimination urinaire. En outre, les deux aliments différaientégalement
par leur teneur en lactates dont onignore
l’influence sur ladigesti-
bilité des matières grasses du calcium et du
phosphore.
Les
quantités
de calcium retenues parkg
degain
depoids vif,
et dans une moindre mesurecelles de
phosphore,
ont étéplus importantes
chez les animaux recevant l’aliment Lactosérum neutralisé. Cet aliment a doncpermis
de réaliser une meilleure minéralisation osseuse que l’ali- ment Lactosérum doux.Cependant,
sa teneur en calcium a paru excessive. Bienqu’insuffisante,
la teneur en calcium de l’aliment Lactosérum doux
peut
donc être considérée comme satisfaisantepuisqu’elle
apermis
une vitesse de croissance sensiblementégale
à celle des animaux recevant l’aliment Lactosérum neutralisé sans occasionner le même effetdépressif
sur ladigestibilité
desmatières grasses.
Il
paraît
doncpossible d’incorporer
dans les aliments d’allaitement des tauximportants
delactosérum doux ou neutralisé par addition de chaux sans observer d’effets défavorables sur la croissance des animaux ni sur la
fréquence
de l’étatdiarrhéique.
La teneur élevée en calcium dulactosérum neutralisé entraîne
cependant
une baisse de ladigestibilité
des matières grasses de l’aliment. Cet inconvénient n’existerait pas avec des aliments d’allaitement contenant certainesprotéines
deremplacement
pauvres en calcium(levures
d’alcanes parexemple).
Reçu pour yublication
en décembre 1972.REMERCIEMENTS
Nous adressons nos vifs remerciements à l’Union des
Coopératives Agricoles
d’Alimentation du Bétail(Chierry -
02400Château-Thierry)
pour l’aidequ’elle
nous aapportée
à l’exécution desanalyses.
SUMMARY
DIGESTIVE UTILIZATION OF MILK SUBSTITUTES CONTAINING WHEY OF DIFFERENT
QUAI,ITI!S
BY PRERUMINANT FATTENING CALVESTwo milk substitutes
containing
20p. 100sweetwhey
or acidwhey
neutralizedby
additionof lime were
given
to 3preruminating fattening
calveskept
in balance crates between the ages of 8 and 100days. Appetite, growth,
feedefficiency
andslaughter quality
weresatisfactory
forthe two diets. The
frequency
of diarrhoea was low in the two cases, inparticular
with the feedcontaining
the acid and neutralizedwhey.
However, thehigh
calcium content of this feedbrought
about a
lowering
in thedigestibility
ofdietary
fats. This wasprobably
due to the formation, in the intestinal lumen, of insolublecomplexes
between calcium on the one hand andphosphorous
as well as
/saturated long
chainfatty
acids on the other hand.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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