NOTE
UTILISATION DIGESTIVE DES MATIÈRES GRASSES PAR LE VEAU PRÉRUMINANT A L’ENGRAIS :
INFLUENCE DU TAUX D’INCORPORATION DANS LES ALIMENTS D’ALLAITEMENT
R. TOULLEC C.-M. MATHIEU Station de Recherches sur
l’Élevage
desRuminants,
Centre de Recherches deClevmont-Ferrand,
I. N. R.A.,
63 -
Saint-Genès-Cham!anelle
Les aliments d’allaitement pour veaux contiennent
généralement
moins de matières grasses(
15
à 25 p.ioo)
que le lait entier( 25
à 30p. 100de la matièresèche).
Deplus,
les aliments lesplus
riches ne sont
généralement
distribuésqu’en
find’engraissement.
3IATHIEU et BARRÉ( 19 6 4 ),
en
comparant
l’utilisationdigestive
par le veau de laits entiers etplus
ou moins écrémés conte- nant 15, 25, 35 ou 45 p. I ooo de matières grasses( 14 ,
22, 27 ou 32 p. 100de la matièresèche),
n’ont constaté de diminution de la
digestibilité
que pour le taux leplus élevé ;
cette diminution était associée à uneplus grande fréquence
des diarrhées. Il nous a donc paru intéressant de voir s’il y avait des limitesdigestives
à l’utilisation des matières grasses deremplacement qui
sontgénéralement
très différentes de celles du lait. Nous avons mesuré l’utilisationdigestive
par leveau
préruminant,
de deux aliments d’allaitement contenantrespectivement
27et 32 p. 100de suif(aliment
27et aliment32 ),
matière grasse laplus classiquement
utilisée en France.Les deux aliments d’allaitement ont été
préparés
en deuxétapes :
dans unpremier temps,
un
mélange
de lait écréméliquide
et de suif fondu( 35
p. 100de la matièresèche)
a étéhomogénéisé puis déshydraté
dans une tourSpray ;
dans un deuxièmetemps,
lacomposition
recherchée pourchaque
aliment d’allaitement a été obtenue enmélangeant
cettepoudre
de lait ainsi enrichie enmatières grasses à de la
poudre
de laitécrémé ;
unmélange
minéral etvitaminique
contenantégalement
de lachlortétracycline
et de la furazolidone a étéajouté
au cours de la mêmeopération.
Ces aliments contenaient
respectivement (en
p. 100de la matièresèche) :
27,1et 31,7 de matières grasses, 25,3et 21,7 de matières azotées et6,.I
et5 ,8
de matières minérales.Chacun des aliments a été distribué à 3 veaux mâles
( 2
Frisons et i Ilontbéliard XFrison)
sur
lesquels
on a mesuré ladigestibilité
de la matière sèche entre lesâges
d’environ 15et9 6 jours ; cependant,
seules les fèces des 2 veauxqui
ont eu le meilleurappétit
ont étéanalysées.
Les mesuresont été effectuées en 6
périodes
de mjours séparées
par desinterpériodes
de 3jours.
Les aliments(
1
)
Adresse actuelle : Laboratoire de Recherches de la Chaire deZootechnie,
Centre de Recherches deRennes,
65, rue deSaint-Brieuc,
35 - Rennes.d’allaitement ont été dilués dans de l’eau à
40 0 C
et les laits ainsi obtenus ont été distribués au seau deux fois parjour.
La concentrationqui
était de i2o g parkg
de lait au cours de la ir!période, augmentait progressivement
pour atteindre 160àpartir
de la 5cpériode.
Lesquantités
d’alimentd’allaitement distribuées par
jour
étaientimportantes
etaugmentaient
avecl’âge
et lepoids
méta-bolique (poids
vif0 , 75 ) :
elles étaient de 55 g parkg
depoids métabolique
au cours des deux pre- mièrespériodes, puis
de6 7
g,passant
ainsiprogressivement
d’un minimum de ikg
par veau àun maximum de 2,7
kg.
Ledosage
des matières grasses a été effectué dans les aliments selon la méthode deI!otcx,
LEESet SLOANE STANLEY( 1957 )
et dans les fèces par extraction chlorofor-mique après hydrolyse chlorhydrique,
l’extraitchloroformique
étant dans ce dernier cassaponifié
pour isoler les acides gras. Les autres méthodes de mesure et
d’analyse
ont étéexposées
en détail dans unepublication précédente (T OULLEC M ATHIEU , ig6g).
L’appétit,
lacroissance,
l’efficacité alimentaire et l’état sanitaire ont été dans l’ensemble très satisfaisants. Les veauxqui
recevaient l’aliment 32 ontcependant
faitdavantage
de refus(
II
,6 p.
100 au lieu de5 , 7 ) ;
enconséquence,
ils n’ont consommé que 9,6p.
100de matières grasses deplus
que les animaux recevant l’aliment 27, au lieu de y,o p. 100. Les veauxqui
consommaient l’aliment 27 ont effectué la croissance laplus rapide ( 1
123g/j
au lieu de l045 ).
Les animauxqui
recevaient l’aliment 32 ont
ingéré
moins de matière sèche parkg
degain
depoids ( 1 , 347 kg
aulieu de
1 , 410 )
mais ils ont consommé la mêmequantité d’énergie
brute(calculée).
L’état d’en-graissement
a été engénéral
satisfaisant et n’a pas étésystématiquement
influencé par lerégime :
en
effet,
la somme desdépôts adipeux périrénaux, péritonéaux
et intestinaux a constitué dans les deux cas 2,4 p. 100dupoids
vif vide. Lafréquence
desjours
de diarrhées(jour
où la teneur enmatière sèche des fèces a été inférieure à 12 p.
100 )
a été sensiblement la même dans les 2 cas :respectivement i 3 ,6
et 9,7 p. 100chez les veauxqui
consommaient l’aliment 27et ceuxqui
rece-vaient l’aliment 32.
La
digestibilité apparente (tabl. i)
des deux aliments d’allaitement a été élevée( 95 ,6
p. 100 pour la matièresèche).
Ses variations avecl’âge
ont surtoutporté
sur les matières grasses(fig. i)
et les matières minérales. Les différences entre
régimes
ont été très faibles(tabl. i) : ainsi,
ladiges-
tibilité des matières grasses a été de
92 ,8
p. 100pour l’aliment 27 et de 93,7 p. 100pour l’aliment 32. Ladigestibilité
des matières grasses a même étéplus
élevée que celle( 90
p.i oo) que nous avions
obtenue dans un essai
précédent (T OULLEC
etM ATHIEU , ig6g)
pour un suifincorporé
à raison de20p. 100de la matière
sèche ;
cela estprobablement
dû aux différences dans lacomposition
enacides gras
(dans
l’essaiprécédent,
le suif contenait 27 p. ioo d’acidestéarique
et dans cet essai1
8 p.
100 ).
Roy et al.( 1970 )
n’ont pas nonplus
observé de différence dans ladigestibilité
desmatières grasses entre deux aliments d’allaitement contenant
respectivement
21 et 29p. 100 de matières grasses, mais celles-ci contenaient desproportions
notables d’acides gras courts et moyens et seulement 4,5 p. 100 d’acidestéarique.
Chez les veauxcroisés,
l’utilisationdigestive
a étéplus
faible que chez les deux animaux de race pure
qui
ontingéré
les mêmesquantités
d’aliments(respectivement
gi,5 et 94,9 pour les matières grasses ; P !0 , 02 ) ;
ceci demanderaitcependant
à être confirmé sur un
plus grand
nombre d’animaux.Ro y ,
STOBOet GASTON( 1970 )
ont de mêmesignalé
que l’utilisationdigestive
des aliments d’allaitement étaitplus
élevée chez les veaux derace Frisonne que chez ceux de race
Ayrshire.
L’utilisation de l’azote a été très élevée pour chacun des veaux,indépendamment
durégime (CR apparents compris
entre70 ,6
et 79,3 p.100 ).
Le CRapparent
le moins élevé a été observé chez l’animal dont la croissance a été la moinsrapide.
LeCR
apparent
de l’azote a varié avecl’âge
mais différemment suivant lerégime (fig. i).
Les veauxqui
recevaient l’aliment 27 ontapparemment
retenudavantage
d’azote parkg
degain
depoids (37.3
gau lieu de2 9 , 4 ).
En
conclusion,
les matières grasses deremplacement,
comme lesuif,
ont une utilisationdiges-
tive élevée même
lorsqu’elles
sont introduites à des taux trèsimportants
dans les aliments d’allai- tement, au moinsquand
latechnologie
del’incorporation
est satisfaisante. Ce n’est donc pas au niveaudigestif
que se situent les limites à l’utilisation des matières grasses par le veauprérumi-
nant, mais
plutôt
au niveaumétabolique (effet dépressif
surl’appétit
et lacroissance).
Reçu pour publication en janvier
19i1.SUMMARY
DIGESTIVE UTILIZATION OF FAT BY THE PRERUMINANT FATTENING CALF : EFFECT OF THE LEVEL OF INCORPORATION IN THE MII,K SUBSTITUTES Two milk substitutes
containing
2!,i and 31,7 p. ioorespectively (compared
with thedry
matter)
oftallow, incorporated
inliquid
skim milkby
means ofhomogenisation,
were each distri- buted to threepreruminant
calves. Thedigestibility
measurements wereperformed
between the ages of about 15 and9 6 days.
The
apparent digestibility
of the fat(table i)
was veryhigh ( 92 ,8
p. 100 for feed 27 and 93. 7
P- Ioo for feed
32 ),
and evensuperior
to that obtained in aprevious
trial where the tallowonly
constituted 20p. 100of the milk substitute.Thus,
thedigestive
utilization of fat substitutes like tallow ishigh
even whenincorporated
in the milk substitutes at veryimportant
levels.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
F
OLCH
J.,
LEES M., SLOANE STANLEY G.H.,
I957. Asimple
method for the isolation andpurification
oftotal lipids
from animal tissues. J. Biol.Chem.,
226, 497-509.M
ATHIEU C.-M., BARRÉ
P.-E.,
1964. Digestion et utilisation des aliments par le veaupréruminant
àl’engrais.
I. Utilisation des laits entiers oupartiellement
écrémés. Ann. Biol. anim. Bioch.Biophys., 4,
403-422.
Ro
y
J.
H. B., STOBO I.J. F.,
GASTON HELENJ.,
OREATOREXJ. C.,
1970. The nutrition of the veal calf. II. The effect of different levels ofprotein
and fat in milk substitute diets. Brit.J. Nutr., 24,
441 -457.
R
OY
J. H. B., S TOS O
I. J. F., GASTONHELENJ., I g7o.
Thenutrition of the veal calf. III. Acomparison
ofliquid
skim-milk with a diet of reconstituted spray dried skim-milkpowder containing
20p. Ioo marga- rine fat. Brit.J.
Nutr., 24, 459-475.TouLLEC
R.,
MATHIEU C.-M.,19 6 9 .
Utilisationdigestive
des matières grasses et de leursprincipaux
acides gras par le veaupréruminant
àl’engrais.
Influence sur lacomposition corporelle.
Ann. Biol.anim. Bioch.