DIGESTION ET UTILISATION DES ALIMENTS PAR LE VEAU PRÉRUMINANT A L’ENGRAIS
II. —REMPLACEMENT DES MATIÈRES GRASSES DU LAIT PAR DU GLUCOSE
C.-M. MATHIEU H. de TUGNY
Jacqueline RIGAUD J.-M. BOISSAU Station de Recherches sur
l’Élevage
des Ruminants,Centre national de Recherches zootechniques,
Jony-en-Josas (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Le but de ce travail a été d’étudier chez le veau
préruminant
àl’engrais
la valeur alimen- taire duglucose
introduit dans des laits entiers oupartiellement
écrémés. Six « laits de 4niveauxénergétiques
différents ont été utilisés : ils contenaient z3, 46 ou 69g deglucose
et avaient desteneurs en matières grasses de 5, r5, z5 ou 3!
g/kg.
Chacun d’eux a été offert a 2 ou 3 veaux, maintenus en cages à bilan de l’âge de 2semainesjusqu’à
leurabattage
à l’âge de 12-13semaines.Les
quantités
de lait consommées ont étéimportantes
etcomparables
à cellesqui
sont consomméeshabituellement par les veaux à
l’engrais.
La
digestibilité
des 6 laits a été très élevée etpratiquement
constante au cours del’expérience;
elle a été
comparable
à celle du lait entier (98,5), c’est-à-dire que leglucose
était totalementdigestible (le
C. U. D. de la fraction glucidique(lactose
!.glucose)
était de 99,0 :Je 0,3). Legain
de
poids
et le C. R. de l’azote ont augmenté avec le niveauénergétique
de l’alimentingéré ;
enoutre, pour un même niveau
énergétique,
ils ont étéplus
élevéslorsque
le laitapportait
à la foisdes matières grasses (15 ou z5
g/kg)
et du glucose( 4 6
ou 23g;kgp.
Lorsque
laquantité
deglucose
introduite dans le laitétait
élevée(6 9 g ! kg),
les veaux onteu une
hyperglycémie
postprandiale importante (2 g/1), une hypergivcosurie élevée(jusqu’à
i3g/1) etdes diarrhées fréquentes (60 p. 100des cas).
L’état
d’engraissement
des carcasses a été très insuffisant pour les veauxqui ’ recevaient
leslaits pauvres en matières grasses
( 5
ou z5gJkg),
et l’addition deglucose
à ces laits n’a pas amélioré l’étatd’engraissement.
INTRODUCTION
C’est au début du siècle que différents auteurs ont utilisé pour
l’engraissernent
des veaux, du lait écrémé additionné de saccharose
( MALPEAUX , zgo 7 ),
ou de féculede pomme de
terre (Gourn-
etA NDOUARD , igo8) ;
ils ont ainsipréparé
lespremiers
laits de
remplacement.
Endépit
desprogrès accomplis depuis
ces travaux, le choix (1
) Adresse actuelle : Centre expérimental SnVDEtts. Sourche (Sarthe).
de certains constituants des laits de
remplacement
actuels nepeut
encore sejustifier
que par des observations
empiriques.
Nous avons
entrepris
d’étudier defaçon systématique
l’utilisation des différentsglucides
que l’onpourrait employer
pourremplacer
les matières grasses du lait.Nous
rapporterons
ici les résultats obtenus avec leglucose ;
d’autresglucides (saccha-
rose,
dextrines, amidon...)
ferontl’objet
depublications
ultérieures.Différents auteurs ont
déjà
abordé l’étude de l’utilisation par le veau duglucose
distribué soit en solution dans l’eau
(K EXNEDY
etal.,
1939 ; LARSEX etSTO DDARD ,
I(!j3 ; I,ARSENetC IL., I9 j6 ;
DOLLAR etPORTER,
I(!5!, 1959;O h AMOTO,
THOMAS etJOHNSON,
I(!59 ;VELU,
GARDNER et )!END ALL,1959 ;
VELU, ILEND.°.I,I, etGARD N ER, I9
6o ;
HUBERetJ A C OBSON , 10 6 0 ;
HUSERetnl., 19 6 1 ),
soit comme constituant d’un véritable laitsynthétique (W IES E
etal.,
Ic!.!7 ; PLIPS! eta.l.,
1949, 1950 a, 1950b ;
BL A X TI;
R
et WOOD,
1951 ; W AI,LACI;, LOOSLIetTLTRh,
1951;C UNNIN G HAM etBRISSON, 1957
.)
En mesurantl’augmentation
de laglycémie après
le repas(tableau I ),
ils ontmontré que le
glucose
était résorbérapidement.
Ces essaispartiels
et de courte duréene
permettent
pas depréciser
l’utilisationdigestive
etmétabolique
duglucose,
ni sonaction sur la santé de
l’animal ;
parsuite,
ils nepermettent
pas de définir lapossibilité pratique
d’utiliser leglucose
dans les laits deremplacement
pour les veaux àl’engrais.
Dans cet
essai,
nous avons cherché àpréciser
simultanément ces différentsaspects ;
pourcela,
nous avonspréparé
6 laits de 4 niveauxénergétiques
différentsen introduisant des
quantités
variables deglucose ( 23 , 4 6
ou6! g)
dans des laits entiers oupartiellement
écrémés avant les tauxbutyreux
suivants : 35, 25, 15 et 5 p. I ooo.Nous avons distribué ces laits à des veaux maintenus en cages à bilan entre les
âges
de 14 et de8 4
à 91jours.
Lesquantités
distribuées étaientcomparables
à celles
qui
sont habituellement offertes aux veaux àl’engrais.
Nous avons mesuréla
digestibilité apparente
du lait et de sesconstituants,
la rétention de l’azote et les variations de laglycémie ;
les veaux ont été abattus à la fin de l’essai et nous avonsapprécié
laqualité
de la carcasse.Les laits contenant du
glucose
ont étécomparés
aux laits sansglucose
ayant soit le même tauxbutyreux
et, parconséquent,
unniveau énergétique plus faible,
soit un tauxbutyreux plus
élevé et un niveauénergétique
semblable. Ces derniers ont été étudiés dans des conditionsidentiques,
et ontdéjà
faitl’objet
d’unepubli-
cation
(M A T HI E U
etBARRÉ, 1964).
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
’
7?<’!:M!M ’
Le
glucose
a été introduit enplus
ou moinsgrande quantité
dans des laits entiers oupartielle-
ment écrémés. 23, 46 ou 69 g de glucose ont été additionnés à des laits ayant les taux
butyreux
suivants : 5, r5, z5 ou 3j p. 1000. Les 6 laits ainsi préparés seront
désignés
par deux nombres,le
premier rappelant
la teneur en matières grasses et le second la teneur englucose ;
ilsrépondent
aux dénominations suivantes : ’=;-23,
!-46. ;;-6o. l!--).6, 2!-2!.’;;r2! (tableau. 2 ).
23> 46 ou 69g deglu-
cose apportant la même
énergie
brute que la, 20. ;o g de matières grasses, les 6 laits avaient donc à peuprès
les 4valeursénergétiques
suivante&dquo; : ’=;30, 620, y20 et 810k cal/kg ;
ces valeursénergé- tiques
étaient semblables it celles des laits sansglucose
contenant 1_$, 25. 35 et 45 g de matières grasses par kg. Dans lesfigures,
une même formegéométrique
sera réservée aux différents laitsapportant la même
énergie (fig.
i). Les 6 laits étudiés out été comparés aux 5 laits sansglucose désignés
suivant le mêmeprincipe
(5-0, 15’0, 2!-0, g!-o, 45-0), et représentés par dessignes pleins.
I,es veaux n’ont consommé aucun autre aliment que ces laits ; ils ont été maintenus ainsi au
stade
préruminant jusqu’à
leurabattage.
Ils ont reçu des quantités de laitimportantes,
du mêmeordre de grandeur que celles
qui
sont habituellement distribuées aux veaux àl’engrais (maximum
14
kg/j). Chaque
veau a consommé en moyenne 9;0l;g
de lait en io semaines entre les âges de 14 et de 91jours.
Animaux
Les essais ont été effectués sur 13 veaux mâles mis en
expérience
en 4séries successivesde
3à veaux, de i958 à r96 (tableau ;). Ces veaux, de race Normande, achetés à
l’âge
de jours, ontété placés dès leur arrivée dans des cages à bilan (BOCCARDet BOISSAU, 1958). Les mesures n’ont
commencé
qu’une
semaineplus
tard, defaçon
à laisser les veauxs’adapter
à leurs nouvelles condi- tions d’existence. Ces mesures ont alors été effectuéespendant
io semaines consécutives. Pourquelques
veaux malades dans les premiersjours (i re
et 3e séries), le début des mesures a du être retardé, etl’expérience
n’a duré que 8 à 9semaines. Deux veaux de la 2esérie sont morts de broncho-pneumonie
en cours d’essai, à l’âge de 2 mois ; pour ces 2 veaux, nous n’avons donc que 6 semaines de mesures.Chacun des laits était distribué à 2 veaux, à
l’exception
du lait contenant 35 g de matières grasses et 23 g deglucose
par kgqui
était distribuéà
3 veaux de la 4esérie(tableau
2).Les veaux étaient pesés une fois par semaine, le matin avant le
premier
repas, ainsi que lejour
de leurabattage (8!
à gijours).
Aliments
Les laits étaient
préparés
àpartir
d’un lait demélange
de taux butyreuxsupérieur
ii 35p. r o00 ;ce lait provenait de la traite du soir du troupeau de la Station. Une
partie
du lait était écréméechaque jour.
Parmélange
enproportion
convenable du lait entier et du lait écrémé, on obtenaitdes laits à 5, i j, 25 et 3! g de matières grasses par kg.
Le glucose utilisé était un
glucose
industriel (cérélose à 92,0 p. 100de matière sèche, contenant 0,8 p. 100
d’impuretés) ;
il était ajouté aux laits au moment de la distribution.Pour compenser l’élimination des vitamines A et D lors de
l’écrémage,
nousajoutions
une foispar semaine aux laits à 5, 15, 25 p. 1000, des vitamines A et D sur support de
glucose (en
milliersd’DI de vitamine A : 100, 75 et 50 ; de vitamine D : 10, 7 et
5).
Les différents laits étaient distribués dans des seaux, à une température d’environ
37 °C,
endeux repas. Les
quantités
offerteschaque jour
étaient les mêmes pour tous les veaux ; elles étaientimportantes
etaugmentaient
avecl’âge,
de 6kg/j
à 3semainesjusqu’à un
maximum de 14kg/j
àpartir
de la 9esemaine
(tableau 4 ).
Lesquantités
refusées parchaque
veau étaientpesées après
tous les repas.Jl esuyes et calculs
Les mesures et les calculs effectués ont été exposés en détail dans la
publication
précédente(MATHIEU
et BARRÉ,19 6 4 ) ; rappelons-les
brièvement :- des échantillons moyens hebdomadaires
(6 jours
parsemaine)
destinés àl’analyse,
étaientconstitués à
partir
des 6 laits, des fèces et de l’urine dechaque
veau. Nouspouvions
ainsi calculer pourchaque
veau le coefficient d’utilisationdigestive
apparent(C.U.D.)
de la matière sèche, dela matière
organique,
des matières grasses, de l’azote et de la fractionglucidique,
ainsi que le coeffi- cient de rétention apparent(C.R.)
et le coefficient d’utilisationpratique
apparent(C.U.P.)
de l’azote ;- une fois par semaine, nous déterminions le taux de sucres réducteurs du sang
(glycémie)
et de l’urine
(glycosurie)
d’un veau pourchaque régime ;
- à
l’abattage,
la carcasse et les différentesparties
du sequartier (viscères,
peau,sang...)
ont été
pesées,
cequi
apermis
de calculer le rendement commercial et le rendement vrai. Laqualité
de la carcasse a été estimée, mais dans cet essai, nous n’avons pas eu la
possibilité
deprélever
desmuscles afin de les
analyser.
A partir des résultats obtenus sur ¢ veaux abattus àl’âge
de r5jours,
nous avons estimé le poids de carcasse des veaux au début de l’essai ; nous avons pu alors calculer le
gain
depoids
de la carcasse.RÉSULTATS Croissance pondérale
Les veaux recevant un lait additionné de
glucose
ont eu engénéral
desgains
de
poids
vif et de carcasseplus
élevés que les veauxqui
consommaient le lait de même tauxbutyreux
contenant moins ou pas deglucose (tableau 5 ). Ainsi,
les veauxqui
recevaient le lait 5-0, ont eu ungain
depoids plus
faible( 517
gIj)
que les veauxqui
recevaient les laits5-46 (798 g /j)
et5-69 (835 g/j),
mais assez voisin de celui des veauxqui
recevaient le lait 5-23(472 g /j).
Les veaux
qui
recevaient du lait contenant duglucose
ont eu ungain
depoids plus
élevé que les veauxqui
recevaient du laitisoénergétique
ne contenant pas deglucose,
à condition que la teneur du lait en matières grasses fûtsupérieure
à 15g /kg.
Ainsi,
dans le cas des laitsayant
une valeurénergétique
d’environ -!2o kcal/kg,
legain
depoids
vif a été de gio, 95o,93 8
et8 35 g /j
pour les veauxqui
ont reçu respec- tivement les laits 35-0, 25-23,15-46
et5-69.
Excrétas et bilans d’eau
Les fèces sèches des animaux des différents
régimes
ont eu unecomposition
très semblable
(tableau 6) ; néanmoins,
elles contenaient moins de matièreorganique quand
le niveauénergétique
du laitingéré
étaitfaible ;
leurs teneurs en matièresgrasses
présentaient
des variations que nous n’avons pas pu relier auxrégimes.
Nous avons obtenu une estimation
objective
de la consistance desfèces, aspect important
desdiarrhées,
en déterminantchaque jour
leur teneur en matière sèche.Nous avons
réparti
les teneurs en matière sèche des fèces en g intervalles( <
4 p. 100,de 4
àp.
100, de 8 àr2...),
que nous avons ensuiteregroupés
en 3 classes corres-pondant
à 3aspects macroscopiques :
étatdiarrhéique
< 12 p. 100, état relâché de 12 à 20 p. 100, état normal > 20 p. 100(Br,nYT!x
et!i!ooD,
zg!3 ; Royet al., ig6i).
Pourchaque régime,
lafréquence
des étatscorrespondant
aux différentes classes de matières sèches des fèces a étéreprésentée
dans lafigure
2. Lafréquence
des diarrhées
qui,
avec les laits sansglucose,
était au maximum de 20p. 100(lait 5- 0 )
a
augmenté
au fur et à mesure que les teneurs englucose
étaientplus élevées ;
ellea atteint 60 à 7o p. 100chez les veaux
qui
recevaient les laits contenant4 6
et6 9
g deglucose
parkg.
Les veaux
ayant fréquemment
la diarrhée n’excrétaient pas, dans lesfèces,.
une
quantité
d’eaubeaucoup plus importante
que les veauxayant
des fèces normales-Par
conséquent,
l’eau retenue(Ingérée
-(Fèces
+Urine)),
était directement fonc-tion de
l’importance
del’eau urinaire ;
cette dernière était d’autantplus
réduite-que les veaux avaient des
gains
depoids plus
élevés(tableau 7 ).
.
Digestibilité
des laitsDans aucun des
régimes étudiés,
iln’y
a eu d’évolution des C.U.I?.. avecl’âge
ou la
quantité
de laitconsommée ;
la faibledispersion
autour de la moyennedes.
différentes
périodes
le prouve(tableau 8).
Pour cetteraison,
nous avonsprésenté
pourchaque
veau et pour lesprincipaux
constituants dulait,
la moyenne etl’écart-type
des C.U.D. hebdomadaires.
Quel qu’ait
été lerégime,
ladigestibilité
de tous les constituants des laits a été très élevée(tableaux
9 etio).
Les C.U.D ont étécompris
entre8g,o
et 99,1 pour les matières grasses, entre 95,4et9 8, 4
pour la matièresèche,
entre9 6,o
et9 8,6
pour la matièreorganique,
entre g4,z et 97,3pourl’azote,
entreg8,z
et 99,4pour la fractionglucidique.
Le C.U.D. de cette dernière(glucose -!-- lactose)
a été en moyenne pour les 13 animaux de99 , 0 : :!:
0,3 ; leglucose ingéré
a donc été totalement résorbé.La
digestibilité
des différents constituants des laits a été lamême, indépendam-
ment de la
quantité
deglucose ajoutée
et du niveauénergétique.
Rétention azotée
Le coefficient de rétention
apparent
de l’azote a évolué avecl’âge
defaçon analogue
pour les veaux des différentsrégimes (fig. 3 ) ;
faible audébut,
il aaugmenté jusqu’aux 3 e
et4 e
semaines del’essai, puis
il a eu tendance à diminuer.Le C.R. de l’azote des laits contenant du
glucose
a été d’autantplus
élevéque la teneur en
glucose
étaitplus importante.
Ainsi le C.R. de l’azote a été de 43,7,58, 3 ,
et 59,0respectivement
pour les laits 5-23,5- 4 6
et5-6 9 (tableau 10 ).
Le C.R. de l’azote des laits contenant du
glucose
étaitplus
élevé que le C.R.de l’azote des laits
isoénergétiques
ne contenant pas deglucose,
ceci à conditionque la teneur du lait en matières grasses fût au moins
égale
à 15 g/kg. Ainsi,
dansce cas, des laits
ayant
une valeurénergétique
d’environ 720 kcal/kg,
le C.R. del’azote a été de
6 4 ,6,
72,1, 72,5 et 59,0respectivement
pour les laits 35-0, 25-23,15 - 4
6
et5- 6 9.
Le coefficient d’utilisation
pratique (C.U.P.)
del’azote, produit
du C.U.D.à peu
près
constant par leC.R.,
a donc des variations de même sens et de mêmeamplitude
que le C.R.Glycémie et glycosurie
Pour
compléter
lesrenseignements
fournis par le C.U.D. sur l’utilisationdiges-
tive de la fraction
glucidique,
nous avons déterminé la teneur en sucres réducteurs du sang et de l’urine.Nous n’avons pas pu mettre en évidence d’évolution de la
glycémie
avecl’âge, qu’elle
ait été mesurée àjeun
ou 2 heuresaprès
les repas.La
glycémie
mesurée le matin àjeun
a été à peuprès
la même pour les veauxde tous les
régimes mais, après
les repas, elle était d’autantplus
élevée que les veaux consommaient un laitplus
riche englucose (tableau 12 ).
Ainsi laglycémie post- prandiale
a été de 1,2, r,.!, et i,!g/1 respectivement
pour les veaux recevant les laits 5-23,5- 4 6
et5-6 9 .
Chez les animauxqui
recevaient la dose laplus
forte deglucose
(6
9 g /kg),
on a relevé unehyperglycémie
presque continuelle( 1 , 7
à i,9g /1)
toutau cours de la
journée,
et une trèsgrande
fluctuation d’une semaine à l’autre.Le tableau I i rassemble les résultats concernant l’excrétion des sucres réducteurs de l’urine. La consommation des laits à teneur élevée en
glucose ( 4 6
et6 9 g/kg)
a déterminé une forte
glycosurie
que l’onpeut rapprocher
del’hyperglycémie
desmêmes animaux.
Néanmoins,
laquantité
de sucres réducteurs excrétés parjour
aété faible et le coefficient de rétention de la fraction
glucidique
n’a été inférieur que de i ou 2points
au coefficient d’utilisationdigestive.
Carcasse
Les rendements des veaux à
l’abattage
ont été trèsélevés,
de l’ordre de6 5
p. 100(tableau r 3 ) ;
ceci tenait surtout au faibledéveloppement
du tubedigestif.
Eneffet,
le rumen avait à peu
près
le mêmepoids
que lacaillette,
cequi
est une des carac-téristiques
des veaux maintenus au stade depréruminants.
Pour les animaux recevant des laitsisoénergétiques,
la substitution duglucose
aux matières grasses a peu modifié le rendement commercial et le rendement vrai. Ainsi dans le cas des laitsayant
une valeur
énergétique
d’environ72 ok cal/kg,
le rendement commercial a été de6 4 ,i, 6
5 , 1
, 6 2 , 2
et6 2 , 5 respectivement
pour les laits 35-0, 25-23,15-46
et5-69.
La conformation de la carcasse estimée de
façon subjective
était d’autantmeilleure que le
gain
depoids
des animaux avait étéplus
élevé. Iln’y
a pas eu de relations entre lesrégimes
étudiés et la coloration des tissus. Enrevanche,
l’étatd’engraissement
etplus
encorel’importance
dudépôt
degraisse périrénale,
étaienttrès variables suivant les
régimes.
Les notes attribuées à ces deux caractères ont été d’autantplus
élevées que les laits consommés étaientplus
riches en matières grasses,indépendamment
de leur teneur englucose.
Les notes pour lagraisse périrénale
ontété par
exemple
de 3,5, r,5, 0,5 et o pour les veauxqui
avaient reçurespectivement
les laits 35-0, 25-23,
15 - 4 6
et5-6 9 , pourtant isoénergétiques.
DISCUSSION
Le
remplacement
d’unepartie
des matières grasses par duglucose
n’a pas mo- difié ladigestibilité
du lait. Eneffet,
comme les matières grassesqu’il remplaçait,
le
glucose
a été résorbé en totalité dans le tubedigestif quels qu’aient
été laquantité
offerte
(jusqu’à
ikg/j)
etl’âge
des animaux(de
14 à yj).
Pour tous lesrégimes
et tous les animaux
(i2o données),
le C.U.D. de la fractionglucidique (lactose
!--glu-
cose)
a en effet été de 99,0 ± 0,3.WALLACE,
LOOSLI et Tuxx( 1951 )
CUN::BI::BGHAM et Bxrssow( 1957 )
ont mesuré le C.U. D. de la fractionglucidique
d’un laitsynthétique
contenant du
glucose.
Les résultats obtenus par lespremiers
ont été inférieursde points ( 92 ,6)
à celui que nous avonscalculé,
mais il faut noter que ladiges-
tibilité de leur aliment n’était que de
88, 3 ,
c’est-à-direqu’elle
était bien inférieure à celle du lait leplus
riche englucose ( 97 ,6) ;
enrevanche,
les seconds ont trouvéune
digestibilité
duglucose comprise
entreg8,i
et 99,9.Le coefficient de rétention de l’azote a varié d’abord dans le même sens que le niveau
énergétique
del’aliment, aspect
que nous avons discuté dans unepubli-
cation
précédente ( M ATHIEU
etBARRÉ, 19 6 4 ),
mais aussi en fonction de lapart respective
duglucose
et des matières grasses dans cetapport énergétique. Ainsi,
à niveau
énergétique égal
et à condition que le taux de matières grasses ait été aumoins de i5
g/kg,
la rétention azotée laplus
élevée(supérieure
de 10points)
a étéobservée avec les laits contenant 23et
4 6
g deglucose (tableau io).
Leremplacement
d’une
partie
des matières grasses du lait par duglucose
a donc entraîné une amélio- ration de la rétentionazotée,
bien que le niveauénergétique
de la ration ne fût pasmodifié ;
lasupériorité
desglucides
sur leslipides
dans ce domaine a été démontréesur le porc en croissance dès 1927, par TErtrzomE et
M AHI ,E R -ME ND1 ,E R ;
lepremier
de ces auteurs a retrouvé le même
phénomène
sur le veau enremplaçant
les matières grasses du lait par de l’amidon(T ERRO iNE, 1930 ).
Ces remarques sont confirmées par l’étude du
gain
depoids
vif ou dugain
depoids
de carcasse des animaux. Pour des laitsisoénergétiques,
cesgains
depoids
ont été
plus
élevéslorsque
le lait contenait un taux minimum de matières grasses(au
moins 15g /kg),
et un taux deglucose
pastrop
élevé( 4 6 g/kg
auplus) ;
ainsiles veaux recevant les laits
15 - 4 6
et 2!-23 ont eu desgains
depoids (vif
et de car-casse)
et des rendements(commercial
etvrai) plus
élevés que les veauxqui
consom-maient le lait
isoénergétique
sansglucose ( 35 - 0 ).
Les mêmes résultats ont été retrouvéssur les veaux
qui
recevaient le lait 33-23, parrapport
au lait à 45-0. Ces résultatspermettent
de supposer que l’aliment dujeune
veau devrait avoir unéquilibre glucide- lipide
différent de celui du laitentier ;
il devrait être enparticulier proportionnelle-
ment
plus
riche englucides.
La conformation de la carcasse a été classée comme le
gain
depoids
desanimaux,
mais il n’en a pas été de même pour les
appréciations
données sur l’étatd’engraisse-
ment et le
dépôt
degraisse périrénale.
L’étatd’engraissement
n’a été satisfaisant quelorsque
le lait contenait au moins 25g de
matières grasses. Leglucose n’apparaît
donc pas comme un
précurseur important
des matières grasses au cours de lalipo- genèse.
I>e telles observations n’ontjamais
étérapportées
chez le veau, mais ontdéjà
étésignalées
chez lelapin,
le rat et le porc(N!nrtrn·G, J EN T SCH
et SCHIEMANN,19
6 2
) ;
lesdépôts
degraisse
chez cesespèces
ont été trois fois moindreslorsque
duglucose
était substitué à de l’huile d’arachide dans lerégime.
Les véaux
qui
ontingéré
la mêmequantité d’énergie digestible
ont effectuédes
gains
depoids équivalents,
mais cegain
a eu unecomposition
variable avecla
proportion respective
deglucose
et de matières grasses. Les veaux recevant des laitsqui
contiennent duglucose
élaborent moins de matières grasses etplus
de pro-téines,
ils retiennent uneproportion plus
élevée de l’azote et de l’eauingérés
que les veaux recevant un laitisoénergétique
sansglucose.
I,’utilisation
métabolique
duglucose
a étéégalement
estimée par des mesuresde la
glycémie
du sangpériphérique,
chez l’animal àjeun
et 2 heuresaprès
les repas.Nous n’avons pu déceler d’évolution de la
glycémie
avecl’âge
cequi
est en accordavec les résultats d’une
précédente publication ( M ATHIEU
etBARRÉ, zg6 4 ).
Lagly-
cémie
postprandiale
a été d’autantplus
élevée que la teneur du lait englucose
était
plus importante (tableau 12 ).
Elle aprésenté
des valeurs du même ordre que celles obtenues par les autres auteurs avec desrégimes pourtant
différents(tableau i).
L’hyperglycémie
observée a entraîné unehyperglycosurie, jusqu’à
13 g de sucresréducteurs par litre
d’urine ;
remarquons quel’hyperglycémie
observée n’a pas diminué defaçon appréciable
lesquantités
d’aliments consommées.La consommation de laits ayant des teneurs élevées en
glucose ( 4 6
et6g g /kg)
a entraîné
l’apparition
de troublesdigestifs diarrhéiques.
L’effet laxatif duglucose
chez le veau a
déjà
été mentionné par différents auteurs(WWS!
etal.,
1947 ; FWPSEet
al.,
1050 c! ; HUBER etJACOBSON, ig6o ;
HUBERetal., ig6i ;
Bt,nxT!x etW OOD ,
1951 ; CUNNINGHAM et BRissoN,
ig5!).
Deuxhypothèses peuvent
êtreinvoquées
pour
expliquer
l’effet laxatif duglucose.
D’unepart
celui-cipourrait
exercer une actionphysico-chimique ;
la forte concentration deglucose
dans le contenu intestinal pro-voquerait
unappel
d’eau par osmose. D’autrepart,
l’abondance duglucose
- trèsfermentescible -
pourrait
modifier la microfloreintestinale ; quelques arguments
sont en faveur de l’intervention de cette flore chez le
jeune
veau. Dans les fècesdes veaux
qui
recevaient laplus
forte concentration englucose ( 4 6
et6g g %kg),
Rnmauu
( 1959 )
a observé uneprolifération
anormale de certaines levures. Eneffet,
le nombre de ces levures
atteignait z,3 . ioA
par g de contenu fécal fraisquelques jours après
le début del’expérience,
alors que chez les veauxqui
recevaient les laits contenant o ou 23 g deglucose
ce nombre nedépassait
pas engénéral
Io5.Cepen-
dant à
l’abattage,
il n’a pas été retrouvé cettepopulation
anormalement élevée de levures. CurrrmrrGxaM et BRISSON(ig 55 )
ont observé des diarrhées chez des agneauxqui
recevaient un laitsynthétique
contenant duglucose ;
ils ontimputé
les accidentsobservés à des intoxications
alcooliques,
l’alcoolprovenant
des fermentations micro- biennes. MAGNAR RONNING et BENEVEXGA(ig6o) après
avoir distribué à des veaux un laitsynthétique
contenant3 8
p. 100 deglucose,
ont diminué lafréquence
desdiarrhées en
adjoignant
des vitamines du groupe B(thiamine, biotine,
acidepantho- thénique, riboflavine, choline).
Nous connaissons le rôle quejouent
certaines vita- mines du groupe B dans le métabolisme desglucides,
nous pouvons penser que pources
régimes hyperglucidiques
les teneurs du lait en vitamines du groupe B sont insuffisantes.En
définitive,
il semble que la dose de 23 g deglucose
parkg
de lait constitueun seuil au-dessus
duquel
lerisque
de troubles alimentaires devientimportant ;
nous avons vu d’autre
part
que la teneur du lait en matières grasses devait êtreau moins de 25 g
/kg
pour obtenir une carcasse dequalité
suffisante et un bon étatd’engraissement.
Les laitsqui
ont donné les meilleurs résultatsd’engraissement
ontété les deux laits
qui contenaient,
parkg,
l’un 25 g de matières grasses et 23g de glucose
et l’autre 35g de
matières grasses et 23 g deglucose.
Re,ru pour