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40 ans d'évolution des relations entre les citoyens et l'administration en Suisse

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40 ans d'évolution des relations entre les citoyens et l'administration en Suisse

BELLANGER, François, FLÜCKIGER, Alexandre

BELLANGER, François, FLÜCKIGER, Alexandre. 40 ans d'évolution des relations entre les citoyens et l'administration en Suisse. Annuaire européen d'administration publique, 2017, vol. 40, p. 349-368

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:141889

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1 / 1

(2)

LES CITOYENS ET L'ADMINISTRATION EN SUISSE

par François BELLANGER

*

et Alexandre FLÜCKIGER

**

I - 40 ANS D'ÉVOLUTION

DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE A. La répartition des compétences : principes 1

Contrairement à son intitulé officiel, la «Confédération suisse»

est bien un État fédéral depuis 1848.

A

l'exception d'un seul d'entre eux tou les cantons ont précédé la naissance de l'actuelle Confédération. Le fédéralisme suisse se distingue par le fait que les frontières cantonales ne se recoupent pas avec les frontières démo- graphiques linguistiques, professionnelles, économiques et politiques.

-es donnée lui confèrent une stabilité que l'on ne retrouve pas nécessairement dans toutes les fédérations.

. Le principe en matière de répartition des compétences est le suivant: les cantons disposent d'une compétence générale alors que la Con.fédération dispose d'une compétence d'attribution. La Confédé-

• Profes cur à l'Université de Genève.

1 Professeur à l'Université de Genève, Vice-doyen de la faculté de droit.

~é~érences relatives aux trois sections du chapitre 1 : A. AuERIG. MALINVERN!/

1) ·M1

01'11ll,JER, DroiJ constitutionnel suisse, vol l, 3° éd., Berne 2013, ch. 944 ss ;

Al 10 , Droit c01utilutionnel, vol. I, J• éd., Neuchâtel 2014, p. 85 ss et 125 ss.

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ration ne peut dès lors agir que sur la base d'une disposition de la Constitution fédérale 2 qui lui confère un pouvoir spécifique. Une révision de la Constitution s'impose ainsi à chaque fois que la Confédération veut légiférer dans un domaine particulier. Le principe est posé à l'article 3 de la Constitution fédérale qui précise que « [l]es cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent Lous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération». li est répété à l'article 42 de la Con Li- tution dans la perspective de la Contëdération : « [l]a Contëdération accomplit les tâches que lui attribue la Constitution». En d'autres termes, si une compétence figure dans la Constitution, elle appartient à la Confédération ; si elle n'y figure pas, elle relève des cantons. Les compétences non attribuées restent aux cantons.

La répartition des tâches se fonde sur le principe de la subsidiarité qui est défini dans la Constitution fëdérale : « [l]'attribution et ! 'ac- complissement des tâches étatiques se fonde sur le principe de subsidiarité » (art. Sa Cst.); « [l]a Confédération n'assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la Confédération» (art. 43a al. 1 Cst.).

La Confédération doit en paiticulier respecter l'autonomie des cantons, leur laisser suffisamment de tâches propres ainsi que des sources de financement suffisantes et contribuer à ce qu'ils disposent des moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches (art. 47 Cst.). Le principe dit de l'équivalence fiscale est précisé de la manière suivante (art. 43a al. 2 et 3 Cst.) : « [t]oute collectivité bénéficiant d'une prestation de l'État prend en charge les coûts de cette prestation» (qui reçoit une prestation, paye); « ltloule collec- tivité qui prend en charge les coûts d'une prestation de l'État décide de cette prestation» (qui paye, décide). On rajoutera le principe de l'accessibilité des prestations de hase (art. 43a al. 4 Cst.) et celui de l'accomplissement rationnel et adéquat des tiJche.~ étatiques (art. 43a al. 5 Cst.).

B. La répartition des compétences : évolution

L'évolution générale en matière de répartition des compétences depuis la création de l'État fédéral en 1848 tend vers une centra- lisation croissante des compétences de la Confédération.

À l'origine, celle-ci n'avait que des compétences très limitées orientées autour de la création d'un espace économique suisse. D.ans une première phase, et ce jusqu'à la Première Guerre mondiale environ, les tâches traditionnelles de l'État ont été transférées à la

2 Constitution ledérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., Recueil systématique [RS] 101 ).

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onfédération (douane, poste, défense nationale, politique monétaire, législation civile et pénale). Dans une deuxième phase, qui a duré ju que dan les années 1950 environ, les compétences fédérales se ont accrues de manière impo11ante dans le domaine des assurances ociale , de transports, de la protection de certaines branches éco- nomiqu et des télécommunications notamment. Dans une troisième pha e allant jusqu'au début des années 2000, la Confëdération a reçu de nouvelle tâches pour protéger l'environnement ou les ressources naturelles tout en se voyant attribuer une responsabilité importante dan la mi e en œuvre de l'aménagement du territoire, de la protection de la nature ou de l'approvisionnement énergétique. Cette centra-

lisation progressive s'est traduite par une réduction de la marge déci ionnelle des cantons ainsi qu'une augmentation des charges financières à leur égard. La Confédération possède désormais des attributions dans quasi tous les secteurs d'activité étatique.

Afin de contrer cette dépendance politique et financière croissante, le constituant fédéral a adopté en 2004 un train de mesures vi ant à réfonner la répartition des tâches et le régime de la péréquation financière. À ce jour, pas moins de deux tiers des quelque 170 révision partielles de la Constitution fédérale depuis 1874 ont eu pour objet de conférer à la Confédération de nouvelles compétences.

Selon le point de vue des cantons, la tendance centralisatrice se poursuit aujourd'hui. Ceux-ci considèrent la centralisation comme un

«phénomène insidieux» et fustigent la Confédération pour son interpr 'talion extensive des attributions que la Constitution lui confère 3. Ils concluent toutefois à la nécessité de replacer les citoyens et les citoyennes au centre en considérant que le fédéralisme n'est pas une fin en oi : « (l]a vie en société et ses fondements légaux évoluent en pennan nce, le fédéralisme doit s'interdire, lui aussi, tout phénomène d'immobilisme. À l'instar du droit, le lëdéralismc ne doit pas être une finalité en soi ; il est uniquement un moyen de parvenir à l'objectif de permettre la vie en société et l'épnnouissemcnt du vivre

nsemble»4

C. L'influence de l'Union européenne

La compétence Kénérale de conclure des traités ressortit à la Cenfédération (art. 54 Cst.). Elle s'étend même aux domaines qui ne relèvent pa · de sa compétence. Si le traité contient des normes d'application directe, celles-ci s'imposent non seulement à la

~~Nl>A'HON Cil 1'0\Jlt 1.1\ C01.l.J\llOltATION CONFl:l>EltALE, Mo11itori11g d11.fëdéra/i.\'111e 14-2016, Bcnic 20 I 7, 11. 46, <h!tp://www.kdk.l;hlfr/actualitc/publications cwncmcnL~/publication/a/1221/> (consulti: le 31 m:tobrc 2017).

FONDl\TI

fit$ ON Cil l'Olllt t.A t'Ol.1.ADORATION CONl'El>EllALE, Mo11i(C)ri11g du déra/isme 20/4-2016, Berne 2017, p. 58.

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Confédération mais également aux cantons (art. 5 al. 4 Csl). Dans ce cas, le droit international opère de iure une centralisation du droit en Suisse. À défaut, le partage ordinaire des compétences reprend le dessus. 11 reviendra dans cette hypothèse aux cantons de légiférer i les lois de mise en œuvre du traité relèvent de leurs compétences. On soulignera que les cantons conservent par ailleurs des compétences résiduelles de conclure des traités avec l'étranger dans tous les domaines où ils ont une compétence intérieure (art. 56 Cst.).

La Suisse est liée par un ensemble d'accords bilatéraux avec l'Union européenne: les Accords bilatéraux 1 portant sur une série de sept textes, dont l' Accord sur la libre circulation des personnes s qui ont été acceptés par le peuple suisse en votation populaire en 2000 · 1 Accords bilatéraux Il dont les accords dits de « Schengen 6/Dublin 7 » qui ont été acceptés en 2005 en votation populaire; l'extension de I' Accord sur la libre circulation des personnes qui a été acceptée n 2005, visant dix nouveaux États membres de l'Union, et en 2009 visant la Bulgarie et la Roumanie 8

L' Accord sur l'Espace économique européen (EEE), étendant les dispositions de l'Union européenne sur son marché intérieur aux pay membres de I' Association européenne de libre-échange (AELE), a été rejeté en votation populaire en 1992. Les cantons avaient demandé dans ce contexte de participer plus activement à /'intégration euro- péenne en leur accordant des droits en matière d'information de consultation et de participation. Ils ont été entendus. La Constitution fédérale de 1999 leur accorde depuis lors les droits de participation suivants (art. 55 Cst.) : ils sont associés à la préparation des déci ions de politique extérieure affectant leurs compétences ou leurs int6rêts essentiels; la Confédération les informe en temps utile, de manière détaHlée et les consulte ; leur avis revêt un poids particulier )or que leurs compétences sont affectées, auquel cas les cantons doivent être associés de manière appropriée aux négociations internationales.

En pratique les cantons sont concernés par de nombreux accord bilatéraux, notamment dans les domaines où ils disposent de compétences propres: coopération policière et judiciaire, migration, formation et culture, transports ou marchés publics. Ils sont par ailleurs représentés dans la délégation suisse au sein des comités mixtes Suisse-VE dans leurs domaines de compétence ainsi que dans les comités de comitologie et les groupes d'experts de f>Union où la Suisse dispose d'un siège. Enfin, ils participent aux négociations avee

5 RS0.142.112.681.

6 RS 0.362.31.

7 RS 0.142.392.68.

8 RS 0.142.112.681.L

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l'Union européenne sur les questions institutionnelles ainsi que dans le secteur de l'électricité et de la culture.

En dépit de ces mécanismes, les cantons estiment qu'ils peinent à se faire entendre en politique extérieure et avant tout en politique européenne où ils doivent, de leur propre aveu, « batailler ferme pour se faire entendre[ ... ] [L]a vigilance reste de mise [écrivent-ils]: plus la Suisse reprend le droit européen, plus grand est le risque d'une centralisation croissante, avec pour corollaire une mise à l'épreuve du fédéralisme» 9

Il - 40 ANS D'ÉVOLUTION DEL' ACTION ADMINISTRATIVE

A. L'élaboration des actes administratifs unilatéraux:

évolution

Dans la procédure formelle d'adoption d'une décision, les parties à la procédure y participent en vertu du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Si à l'origine seuls les administrés dont la situation juridique risquait d'être touchée par la décision étaient visés, tout tiers ayant un intérêt digne de protection est désormais inclus par certaines législations récentes, de même que des organisations à but idéal dans certains domaines (art. 6 en relation avec l'art. 48 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative 10) 11

On relèvera en droit administratif un développement ou, plus précisément, une reconnaissance progressive de /'administration informelle. Cette évolution a un impact sur les décisions et les actes de planification dont l'élaboration juridique formelle peut être précédée par des arrangements informels : une décision est prise après avoir fait l'objet de pourparlers; un plan d'urbanisme est adopté après négocia- tion avec le promoteur. La doctrine parle dans ce cas, d'arrangements individuels dont «beaucoup précèdent un acte juridique unilatéral dont ils préparent le contenu (décision, plan) : étant formalisés à ce moment-là, ils ne posent dès lors pas de problème de principe; ce cas est relativement fréquent, non seulement entre l'autorité et des particuliers, mais aussi entre collectivités» 12Certains arrangements en revanche sont efficaces sans mise en forme juridique. Tel est le cas

9 FONDATION CH POUR LA COLLABORATION CONFEDERALE, Monitoring du fédéralisme 2014-2016, Berne 2017, p. 44.

IO Loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA, RS 172.021 ).

l l

~~

MQOR/E. PüLTJER, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, 2 éd., Berne 2011, p. 207 et 312 ss.

~; ~

1

00R/E. POLTIER, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle,

<1., Berne 2011, p. 63.

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où l'administration renonce à agir à la suite de l'arrangement, consistant par exemple à négocier l'assainissement d'une entreprise polluante («persuasive action») 13De telles pratiques sont poten- tiellement plus problématiques du point de vue de la légalité, de la protection des tiers ou de l'intérêt public 14 La loi peut parfoi instituer un mécanisme infonnel précédant la décision. La loi fédérale concernant la surveillance des prix 15 demande ainsi au Surveillant des prix, lorsque celui-ci constate un abus, de s'efforcer de parvenir à un règlement amiable avec l'auteur de l'abus allégué, ce règlement n'étant soumis à aucune forme (art. 9 LSPr). S'il est impossible de parvenir à un telle solution amiable, le Surveillant des prix doit interdire l'augmentation ou ordonner un abaissement du prix (art. 10 LSPr).

Les documents officiels détenus par les administrations devien- nent progressivement publics 16L'évolution sur ce point a été plus tardive en Suisse et n'est pas encore achevée. La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration 17 garantit depui 2006 l'accès aux documents officiels. Elle s'applique en particulier aux procédures administratives de première instance conduisant à une décision ainsi qu'aux procédures d'élaboration et d'adoption d'actes de planification (art. 3 LTrans a contrario).

Au plan fédéral, la L Trans a eu un impact important sur le fonctionnement de l'administration en renversant le principe du secret des activités administratives 18 au profit de celui de la transparence (art. 6 LTrans). Il est nécessaire de signaler que la L Trans n'est pas applicable aux procédures judiciaires ou arbitrales (art. 3 al. 1 LTrans). Pour ces dernières, l'accès aux documents reste régi par la

13 P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, 3• éd., Berne 2011, p. 58.

14 P. MooR/E. POL TIER, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, 3• éd., Berne 2011, p. 63, p. 59 ss.

15 Loi fédérale concernant la surveillance des prix du 20 décembre 1985 (LSPr, RS 942.20).

16 P. MooRIA. FLÜCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif: les fondements, vol.

1, 3• éd., Berne 2012, p. 939 ss.

17 Loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration du 17 décembre 2004 (Loi sur la transparence ou L Trans, RS 152.3).

18 La loi s'applique à l'administration fédérale, aux organismes et personnes de droit public ou de droit privé extérieurs à l'administration fédérale, dans la mesure où ils édictent des actes ou rendent en première instance des décisions au sens de l'art. 5 PA. et aux Services du Parlement {art. 2 al. 1 LTrans). En revanche, elle ne s'applique pas à I' Autorité fédérale de surveillance des marchés nnanciers (FINMA). à la Banque nationale suisse et aux autorités désignées par le Conseil fédéral en raison de la nature ou de la faible importance de leurs tâches (art. 2 àl. 2 et 3 L Trans).

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loi fédérale sur l'archivage 19Un accès est envisageable uniquement après 1 expiration d'un délai de protection de trente ans après le dépôt du dernier document dans le dossier, sous réserve d'un motif de prolongation du délai, notamment si le dossier contient des données personnelles (art. 9 à 12 LAr).

Ce changement a eu pour conséquence que toute personne a en principe le droit de consulter des documents officiels établis par l'administration et d'obtenir des renseignements sur leur contenu de la part de autorités (art. 6 al. 1 LTrans). Il s'agit d'un droit subjectif à la consultation des documents officiels que toute personne peut faire valoir en justice20

Est un document officiel, toute information qui a été enregistrée sur un quelconque support, qui est détenue par l'autorité dont elle émane ou à laquelle elle a été communiquée et qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique (art. 5 al. 1 LTrans). Sont assimilés à de tels documents ceux qui peuvent être établis par un traitement informatisé simple sur la base d'informations enregistrées satisfaisant aux mêmes conditions (art. 5 al. 2 L Trans). En revanche, ne sont pas considérés comme des documents officiels les documents commercialisés par l'administration comme les données météorolo- giques ou les cartes géographiques, les documents n'ayant pas atteint leur stade définitif d'élaboration, ou encore les documents destinés à l'usage personnel (art. 5 al. 3 LTrans).

Les motifs de refus d'accès aux documents sont strictement codifiés et limités. L'article 7, alinéa 1, LTrans énonce une série d'exceptions mettant en cause des intérêts publics ou privés. En particulier, du point de vue de l'intérêt public, l'accès peut être limité ou refu é lorsqu'il serait susceptible de porter notablement atteinte au processus de la libre formation de l'opinion et de la volonté d'une autorité qui est soumise à la présente loi, d'un autre organe législatif ou administratif ou d'une instance judiciaire, ou encore lorsqu'il entraverait l'exécution de mesures concrètes prises par une autorité conformément à ses objectifs (art. 7 al. 1 litt. a et b LTrans) 21 • L'ar~

ticle 8 L Trans réserve égaJement des cas particuliers pour les affaires devant être tranchées par le Conseil fédéral ou encore celui des

19 l.oi fédérale sur l'archivage du 26 juin 1998 (LAr, RS 152.1 ).

20 Arrêt du Tribunal fédéral (ATF) 142 Il 340 consîd. 2.2. R. WIHDERKEHR, Trans- parenz ais GnmdvaJz 1·ech1sstoallichen Handelns (Art. 5 BV), in ZTJI 10812007, p. 52 ( SS (p, 529).

21 L'atteinte aux intérêts publics (ou privé.9) doit toutefois apparaître probable en rai-

8 n de 1 accès aux documents conœmés. Une conséquence mineure ou désagréable cngc~dréo par l'accès au document officiel demandé (travail supplémentaire,

~~c

0

ntion publique non désirée, eœ.) ne saurait constituer une atteinte (ATF 142 Il consid. 2.2 ;133 Il 209 consid. 2.3.3).

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documents officiels avant la décision politique ou administrative dont ils constituent la base (art. 8 al. 2 et 3 LTrans).

Du point de vue de l'intérêt privé, l'article 7, alinéa 1, litt. g eth protège les secrets professionnels ou d'affaires ainsi que le secret garanti par l'administration dans le cadre d'une procédure22En outre, ) 'article 7, alinéa 2, L Trans contient une clause générale permettant de protéger la sphère privée de tiers sauf en présence d'un intérêt public prépondérant à la transparence 23L'article 9 L Trans impose en outr l'anonymisation des documents contenant des données personnelles, voire si cela n'est pas possible l'application de l'article 19 de la loi fédérale sur la protection des données 24 concernant les conditions relatives à la communication de données personnelles et à la procédure d'accès à ces documents 25.

L'article 4 LTrans réserve également les dispositions spéciales d'autres lois fédérales, qui déclarent certaines informations secrètes ou accessibles uniquement à des conditions dérogeant à la L Trans. L'une des conséquences de cette norme, rappelée par ('article 3, alinéa 2, LTrans est que l'accès aux pièces d'une procédure administrative, notamment avant la prise d'une décision, reste régi par les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative.

L'exercice du droit à la consultation des documents officiels présuppose une demande préalable d'un citoyen dans un cas concret.

Selon l'article 10 L Trans, la demande d'accès doit être adressée à l'autorité qui les a produits ou qui les a reçus en tant que destinataire principal de la part de tiers qui ne sont pas soumis à loi. La L Trans a donc consacré le principe de l'information sur demande. Il concerne la politique d'information passive de l'administration en réaction à des requêtes d'un citoyen qui complète la politique active que nous décrirons ultérieurement au point Ill.

Face à une demande de documents par un citoyen, l'adminis- tration doit l'informer sur l'existence ou non des documents demandés et sur leur accessibilité. Dans ce but, pour anticiper les demandes et

22 Sur la nécessité clans ces eus de ligure ùc procéder nëunmoins à une pesée d'intérêts ufin lie rcspcc1cr l'article 10 CEDI 1. cf. A. l'Lüt'KIGEll/V. JllNOD. « u1 reconnaissance <l'un <lroi1 d'accès uux infonnulions détenues pur l'f~tut fondée sur l'article 1 () CEDl I : portée de l'am!t Magyar l lclsinki Bizousag contre 1 longric en droit suisse ». in Juslellcr, 27 lëvricr 20 l 7. ch. 96 ss. Conf ra : /\rrê1 du Tribunal u<lministr.itif fédéral /\-3621/2014 du 2 septembre 2015. consid. 4.2. l cl 5.2.2. qui considl:rc les exceptions de l'article 7, ;1linéu I, litt. /\ à h comme étant :thsolucs.

23 /\. F1.(1CKl<iER I M. M1Nr:·no, «La communication <le documents ollicicl contenant <les données personnelles : la pesée des intérêts dans la pnitiquc des autorités fédérales», in : RDAF 20 l 7 1, p. 558 ss.

24 Loi fédérale sur la protection des données du J 9 juin 1992 (LPD, RS 235. l ).

25 FLÜCKJGER/ MINETIO 2017, p. 558 SS.

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ous ré ·erve d'une éventuelle interdiction découlant d'une disposition pécial , 1 article 18 de l'ordonnance sur le principe de la transparence dans 1 administration 21' prévoit que les autorités informent le public en publiant ur Internet des informations sur les domaines et les affaires importantes qui relèvent de leur compétence el en mettant à la dispo- sition de intéressés d'autres informations susceptibles de faciliter la recherche de documents officiels, pour autant que cela n'occasionne pas de frais disproportionnés. En outre, les autorités doivent en principe publier sur Internet les documents officiels importants (art. 19 OTran ).

L'accès à l'information suppose également l'existence d'une organisation adéquate permettant un accès aisé aux documents.

L'article 57h de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration 27 l'impose en demandant aux unités administratives de con igner leurs activités en assurant la gestion systématique des dossiers et en veillant au respect de la protection des données person- nelles. À c t el1èt, selon l'article 22 de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l 'adrninistration 28, les unités administratives doivent prendre les mesures organisationnelles, administratives et techniques nécessaires à la constitution et à la gestion des documents.

Il appartient, d'une part, aux Archives fédérales de coordonner et contrôler la gestion des dossiers et, d'autre part, à !'Office fédéral de 1 informatique et de la télécommunication de coordonner et d'appo1ter son upport à l'utilisation de moyens informatiques pour la gestion des do iers, notamment en matière de bureautique. L'ensemble de ces actions se déroulent dans le respect des règles posées par la LAr (arl.

17 à 22 LAr).

Au niveau cantonal, deux tiers seulement des cantons ont adopté à ce jour une législation garantissant un droit d 0lJl.:c:ès aux documents officiels29Le principe de l'administration secrète prévaut encore dans les autres. La jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de 1 homme devrait cependant accélérer le mouvement vers une véritable transparence administrative dans ces derniers cantons. La our strasbourgeoise a en effet jugé dans l'arrêt Ma[!.)•ar Helsinki

26 Ordonnance sur le principe de la lr.111sparcncc dans l'mlminisll11tion du 24 mai 2006 (Ordonnance sur la tmnspan:ncc ou OTrnns, l{S l 52J 1 ).

27 1. i ur l'organisation du gouvcrncmcnl cl de l'a<lministralion du 2 l mars l 997 (L GA RS 172.010.).

2 Ordonnance sur l'organisation <lu gouvcmcmcnl cl <le l'u<lministration du 25 n1wembre 1998 (()LOUA. RS 172.010.1 ).

29 A ..

r.~

KIGFK, « L'ohligalion de lmnsparcncc des Eglises cl autres communaulés rehgi uses», in Bernar<l/M<Grcgor/Vnlléc-<iriscl (éd.), Etudes "" / 'hv111ie11r de

~lstfm Zimmermwm: ccmsti1111io11 et re/i~ion, les droits de /'hv111111e en 111é111oire.

cnève, 2017, p. (11 ss, 61. .

(11)

Bizottsag c. Hongrie30 que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme 31 consacrait désormais le droit d'exiger de l'État de fournir des informations en sa possession sous certaines conditions 32

B. La démocratie administrative : le développement

En matière de planification territoriale et urbanistique par exemple, la loi fédérale sur l'aménagement du territoire n prescrit depuis plus de trois décennies l 'ù~fbrmation et la participation de La population: « [ljes autorités chargées de l'aménagement du territoire renseignent la population sur les plans dont la présente loi prévoit l'établissement, sur les objectifs qu'ils visent et sur le déroulement de la procédure. [ ... j Elles veillent à ce que la population puis e participer de manière adéquate à l'établissement des plans. Les plan prévus par la présente loi peuvent être consultés » (art. 4 al. 1 et 2 LAT). En mati~re environnementale, les études d'impact sur l'envi- ronnement sont publiques (art. 1 Od de la loi fédérale sur la protection de ['environnement) 34.

Alors que les droits populaires (initiative et référendum, art. 136 Cst.) sont classiquement très étendus en droit suisse tant sur le plan des normes constitutionneiies que législatives, ils peuvent également porter sur une décision ou un plan.

Le référendum administratif a pour objet une décision. On trouve des exemples dès la fin du

x1xe

siècle à l'instar de la décision d'acquisition par la Confédération de nouveaux chemins de fer, de l'octroi de concession, d'actes de planification, de décisions de gestion du patrimoine immobilier et même en matière de naturalisation des étrangers et étrangères 35.

30 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Magyar Helsinki Bizottsag c.

Hongrie, Requête n°18030/l l, du 8 novembre 2016.

31 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, entrée en vigueur pour la Suisse le 28 novembre 1974 (CEDH, RS 0.101).

32 A. FLüCKIGER/V. JuNOD, «La reconnaissance d'un droit d'accès aux infmmations détenues par l'État fondée sur l'article 10 CEDH: portée de l'arrêt Magyar Helsinki Bizottsag contre Hongrie en droit suisse», in Juslettcr, 27 février 2017, ch. 70.

33 Loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (Loi sur l'aména- gement du territoire ou LAT, RS 700).

34 Loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE, RS 814.01).

3 5 P. Moon/ A. FLÜCKIGERIV. MARI ENET' /)ruil cuf111i11islratif: les fo11de111elll.\'. vol. I, 3e éd., Berne 2012, p. 592 SS. Sur le frein posé par le Tribunal fédéral dans le cas

de la naturalisation, cf. ATF l 29 1 217 consi<l. 2.2.1 ss ; 129 1 232 consi<l. 3.2 ss.

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Le droit d'initiative populaire en matière administrative permet aux citoyens et citoyennes d'exiger l'adoption d'une décision ou d'un plan. li joue cependant un rôle secondaire. À titre d'exemple, on citera l'initiative tendant à la renonciation à un tronçon routier, celle contenant le mandat d'élaborer une planification des transports ou celle demandant d'élaborer ou de modifier un plan d'urbanisme 36

Enfin le réjerendum financier, «pilier de la démocratie semi- directe cantonale et communale» 37, permet au corps électoral de se prononcer sur les dépenses les plus importantes votées par l'organe législatif. L'objet d'un tel référendum n'est pas forcément un décret financier mais toute décision par laquelle l'État prend la charge d'une dépense 38.

Les travaux préparatoires de textes législatifs voire réglementaires sont, ou peuvent être, envoyés pour consultation auprès du public. La Constitution fédérale prévoit ainsi que « [l]es cantons, les partis politiques et les milieux intéressés sont invités à se prononcer sur les actes législatifs importants et sur les autres projets de grande portée lors des travaux préparatoires, ainsi que sur les traités internationaux importants» (art. 147 Cst.). Une loi fédérale sur la procédure de consultation concrétise ce droit39.

C. L'effet des marchés publics sur les contrats

Le droit des marchés publics, applicable en Suisse depuis près de vingt ans, n'a pas eu d'effet significatif dans le domaine des contrats admini tratils. En effet, les procédures de passation de marchés publics garantissent le choix par une entité publique du partenaire pour un achat de biens, de services ordinaires ou de services de con truclion, en toute transparence et dans le respect de l'égalité de traitement ntre les concurrents. En revanche, ces procédures n'abou- tissent pas à la conclusion de contrats de droit public, puisqu'une fois la sélection du co-contractant cff ectuée en fonction des règles du droit des marchés publics, le droit des obligations s'applique et les contrats conclus sont des contrats de vente, de mandat ou encore d'entreprise40.

36 P. Moo1vJ\. FuïcKJ<il'.K!V. MARTENET, Droit ad111i11i.1·trati/': les fimdemems, vol.

1, 3° cd., Berne 2012, p. 600 ss. . .

37 P. MooR/J\. F1.flcKl<i1:1</V. MAllThNET, Droit ad111i11i.1·trati(: les /ènulemell/s, vol.

1, 3• éd., Bcmc 2012, p. 579. . .

38 P · Moo1v !\. F1.0<:KIGFR/V. MARTENET, Droit admi11i.1·1ratff': les .fimde111e111s, vol.

3 I, ~c ~d., 13cmc 2012, p. 582 ss.

9 Loi ledérulc sur la pmcédun: de consultation du 18 mars 2005 (Loi sur la 4 consuhation ou LCo. l~S 172.061 ).

O Cf. art. 22 de la 1.oi tëdéralc sur les marchés rublics du 16 décembre 1994 (LMI',

~I l72.~56 .. 1_) et la Loi fédérolc complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 vre c1nqu1c111c : Droit des obligations, RS 220).

(13)

En revanche, cette situation pourrait évoluer à l'avenir avec la révision en cours du droit des marchés publics au plan fédéral. Elle prévoit que « [l]a délégation d'une tâche publique ou l'octroi d'une concession sont considérés comme des marchés publics lorsque le soumissionnaire se voit accorder, du fait d'une telle délégation ou d'un tel octroi, des droits exclusifs ou spéciaux qu'il exerce dans l'intérêt public en contrepartie d'une rémunération ou d'une indemnité directe ou indirecte. Demeurent réservées les dispositions de lois spéciales» (art. 9 du projet de la loi fédérale sur les marchés publics)41Dans la mesure où le transfert de tâche se fonderait sur un contrat de droit administratif plutôt qu'une concession, les modalités de conclusion de ce contrat dépendraient du droit des marchés publics.

III - 40 ANS D'ÉVOLUTION DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE A. La fin de la culture du secret

La transparence de l'administration vis-à-vis des citoyens

Une partie du devoir d'infonnation de l'État concerne le droit des citoyens à accéder à des documents qui n'ont pas été diffusés dans le public par l'administration. Cette question est réglée par la LTrans au plan lëdéral comme nous l'avons exposé supra au point Il. L autre partie de l'obligation de l'État dans cc domaine est le devoir d infor- mer les citoyens.

Selon l'article 180, alinéa 2, Cst., l'État fédéral a l'obligation de diffuser activement une information objective, rapide et complète sur son activité.

Cette notion d'information est très large; elle couvre selon l'article 10 LOGA, toutes les annonces et déclarations des autorités sous la forme de faits, d'avis, de renseignements, d'explications, ou encore de communication de documents. Il s'agit donc d'une infonnation ouverte, vaste et communiquée de manière systématique.

L'article 10, alinéa 2, LOGA fixe les lignes directrices relatives aux modalités de l'information en imposant qu'elle soit «cohérente, rapide et continue». En revanche, cette norme ne détermine pas le contenu minimal des informations ; elle fixe juste le champ devant être couvert par l'information : la planification du Conseil fédéral, ses décisions et les mesures qu'il prend.

L'article 10, alinéa 3, LOGA pose quant à lui les limite~ ~e l'information diffusable. L'existence d'intérêts publics ou prives

41 Message du 21 mars 2017 concernant le projet de la nouvelle Loi fédérale sur les marchés puhlics (LMP), Feuille fédérale (FF) 2017 1851.

(14)

prépondérants peuvent s'opposer à la communication d'informations.

a définition précise des intérêts concernés dépend principalement de règles spéciales, comme la LPD ou le secret de fonction, qui vont imposer de ne pas divulguer certaines informations 42

L'étendue des informations devant être diffusées par la ontëdération doit donc être appréciée en fonction de ces paramètres.

Une information aussi ouverte et vaste que possible doit être fournie, ous la eule limite du secret devant être préservé pour tenir compte soit des intérêts de tiers, par exemple en cas de procédure judiciaire, oit de 1 intérêt public, par exemple pour des motifs de sécurité ou pour garantir une procédure correcte de décision. En conséquence, 1 action du onseil fédéral doit faire l'objet d'une information aussi complèt que possible, sous la seule réserve de cas exceptionnels.

La Confërence des Services d'information de la Contëdération

'est fondée sur ce principe pour édicter en 2015 des Lignes

dir ctrice 43. Ce document, qui sert de complément à la L Trans, définit à 1 intention du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, le rôle de l'information et de la communication. Il fixe également les principes et règles applicables en la matière. Il exige des organes chargés de l'information qu'ils informent le public de manière active, objective et complète, et en temps utile, de l'appréciation d'une ituation, de décisions prises, des raisons ayant motivé ces décisions et des mesures adoptées.

L information émanant du Conseil tëdéral et de son administra- tion e t régie par les principes suivants.

"Il premier lieu, l'information est active; cela signifie que

l'administration doit alimenter de manière rapide et continue les communications à la population. De la sorte, non seulement l'admi- nistration remplit son obligation d'informer, mais elle peut également limiter le ri que de fausses rumeurs ou nouvelles.

En deuxième lieu, l'information est diffusée de manière complète, de façon continue et en temps utile: tous les chilîrcs et faits. même négatif:, doivent être communiqués de façon détaillée et complète,

~an. délai. i la communication ne peut être faite de suite, une JU$llfication doit être donnée lorsque l'infomrntion devient accessible.

Dan le même sens, la continuité de la diffusion de l'information

2 M~agc du onscil lëdéral du 20 uctohrc !993 concernant la loi sur l'organisation du gouv rncmcnt cl de l'administration (LO<. il\), FF 1993 Ill 949, p. !O 18 s.

O~tl IJl!NCE D 'S Si:IWJCl·.s li'INFORMATION DE l.A ÜlNI· Jil>J°'.RATION (CS IC), 11 1t1/i.ir-

~~1011 et. co1111111111/catio11 du Cvn."ieil jëdr!ml et cle l 'ad111i11istra1io11 fédérale J>.

Îcdlles directrices, Berne 2015. <ht1ps://www.admin.ch/gov/fr/accucil/conseil- ,..,., cbrnl/atlributions-conscil-lè:dcml!ohligation-d-infom1cr.h1ml> (consulté le 31

""'O rc 2017).

(15)

impose de communiquer sur les différentes étapes de l'action gouvernementale. Les lignes directrices exigent ainsi que les résultats partiels, les variantes et les étapes intennédiaires soient présentés au public.

En troisième lieu, l'information doit être objective el conforme à la vérité. Les lignes directrices interdisent à ce titre« llJa propagande, la suggestion, la manipulation, la dissimulation, la tromperie el la désinformation » '14

En quatrième lieu, l'information est communiquée de façon cohérente et coordonnée; il s'agit de préserver un gouvernement s'exprimant d'une seule voix, même si l'existence de divergences peut être mentionnée. La coordination des communications de différentes autorités doit également être assurée.

En cinquième lieu, la source des informations doit toujours être identifiée pour garantir la transparence de la communication.

Enfin, la communication se fonde sur une culture de dialogue avec la population et sur la prise en compte des besoins particulier des groupes~cibles éventuels de la communication cl des médias.

B. La réforme du contentieux administratif

L'organisation judiciaire a été marquée en Suisse depuis plusieur années par de nombreux changements, tant au plan fédéral que cantonal. Dans le domaine du droit public, la réforme de la juridiction fédérale qui est entrée en vigueur le 1 "'janvier 2007 a profondément transformé le fonctionnement du contentieux de droit public au plan fédéral. D'une part, les anciens recours de droit administratif et de droit public au Tribunal fédéral ont été remplacés par un recours en matière de droit public45 et un recours constitutionnel subsidiaire46, utilisant des notions communes aux recours en matière de droit civil el de droit pénal. D'autre part, le contentieux fédéral de première instance a été radicalement modifié avec la suppression de nombreuses commissions de recours spécialisées et la création d'un Tribunal administratif fédéral 47.

En parallèle, les cantons ont dû procéder à une refonte de leur organisation judiciaire non seulement pour assurer la coordination entre les règles existantes et le nouveau système fédéral, mais aus i

44 CONFÉRENCE DES SERVICES D'INFORMATION DE LA CONFEDERATION (CSIC),

«Information et communication du Conseil fédéral et de l'administration fédérale», Lignes directrices, Berne 2015, p. 9.

45 Art. 82 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF, RS 173.110).

46 Art. 113 ss LTF.

47 Art. 1 de la Loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 (L TAF, RS 173.32).

(16)

pour garantir l'accès systématique à un juge dans le domaine du droit public, sauf rares exceptions, conformément aux exigences découlant du droit constitutionnel fédéral.

Le contentieux administratif est désormais fondé sur la même structure au plan fédéral et dans la plupart des cantons. Un recours est ouvert en fonction de trois critères, la décision attaquée, l'autorité dont émane cette décision et l'absence d'exceptions (art. 31 ss LTAF et I ss de la Loi fédérale sur la procédure administrative 48). La structure judiciaire est aussi plus lisible. Pour les actes cantonaux, l'accès au juge doit être garanti au moins à une instance cantonale, le recours au Tribunal fédéral assure un contrôle en principe uniquement contre des jugements cantonaux (art. 82 et 86 al. 2 L TF). Pour les actes fédéraux, l'essentiel du contentieux est traité au niveau du Tribunal administratif fédéral avec généralement un recours au Tribunal fédéral (art. 86 al. 1 et 83 LTF).

De plus, l'uniformisation des règles de procédure facilite leur compréhension et leur mise en œuvre, au plus grand profit des justiciables 49

S'agissant des procédures d'urgence, le mécanisme des mesures provisionnelles dans Je cadre de recours ordinaires garantit les droits des justiciables (art. 104 L TF). Il permet à la juridiction saisie de protéger les intérêts qui pourraient être menacés. La création de voies de droit spéciales n'apparait pas nécessaire dans ce domaine.

En revanche, les méthodes d'exécution des décisions administra- tives n'ont pas évolué et ne sont probablement pas appelées à le faire avant de nombreuses années. Cette situation s'explique sans doute par le fait que l'exécution des décisions ne pose pas de problèmes particuliers en l'état du droit. Le système en place fonctionne de manière satisfaisante et n'a pas à être réformé.

IV - 40 ANS D'ÉVOLUTION

DE LA CITOYENNETÉ ADMINISTRATIVE

A. Les garanties de procédure

. Les quarante dernières années ont vu le développement de garan- ties de procédure en faveur de citoyens et leur incorporation dans la

onstitution fédérale.

48 Loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA; RS 172.021 ).

49

~~r

C (te question, voir T. TAN(.lllFREL, « [,e.\' pofifiques de simplification adm- 2~s1t6ratlve en Suisse » Droit comparé de la proçédure administrative, Bruxelles

•p. 42] SS.

(17)

Sur la base de l'ancien article 4 aCst., le Tribunal fédéral avait dégagé des règles minimales de procédure, à savoir l'obligation de statuer, l'interdiction du formalisme excessif, la composition correcte de l'autorité, le droit d'être entendu, le droit de connaître le dossier, l'obligation de motiver, l'indication des voies et délais de recours, la notification et le droit à l'assistance juridique. Ces principes sont, depuis le 18 avril 1999, ancrés dans la Constitution fédérale et remplissent une fonction essentielle en droit administratif en liant toutes les autorités, législatives, administratives et judiciaires, et ce à tous les stades de la procédure, soit aussi bien dans la phase non contentieuse, avant la prise d'une décision, que dans la phase contentieuse en cas de recours. Ces normes définissent à la fois la compétence des autorités, l'organisation de la procédure et les droits et obligations des parties.

En particulier, l'article 29 Cst. garantit en outre le droit d'êtP entendu (al. 2) el le droit à /'assistancejudic:iaire (al. 3). Cette norme reprend les anciennes garanties minimales jurisprudentielles, oit l'ohligation de statuer dans un délai raisonnahle (art. 29 al. 1 Cst.) la composition correcte de /'autorité (art. 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst.), le droit d'être entendu et son corollaire, le droit de connaitre Je dossier ainsi que le droit à /'assistance juridique. Ces garanties, telles que prévues par l'article 29 Csl., forment un seuil minimal ; les canton peuvent accorder des droits supplémentaires aux administrés mais, sous réserve d'une dérogation fondée sur une loi fédérale, un arrêté fédéral ou un traité international, ils n'ont pas le droit de diminuer le niveau minimal de protection.

Les règles de procédure administrative sont codifiées sur le plan fédéral par la loi fédérale sur la procédure administrative et sur le plan genevois par la loi cantonale sur la procédure administrative 50Ces deux lois visent à la fois la procédure contentieuse (au plan cantonal pour la LPA et devant les autorités ou juridictions autres que le Tribunal fédéral et, pour partie. devant le Tribunal administratif fédéral pour la PA) et la procédure non contentieuse.

Ces normes concrétisent les garanties constitutionnelles et conven- tionnelles mentionnées. Elles sont complétées, dans de nombreux cas, par des règles de procédure particulières contenues dans des lois spéciales.

Certains domaines font l'objet d'une règlementation générale de leur procédure. Tel est le cas en matière d'assurances sociales avec la loi fédérale concernant les assurances sociales 51, qui ne s'applique que

50 Loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA, RS/GE E 5 1 O).

51 Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 ootobre 2000 (LPGA, RS 830.1).

(18)

dan la mesure où les lois spéciales sur les assurances sociales le p1"voient (art. 2 LPGA). En outre, dans la mesure où la LPGA règle exhau tivement certains points de procédure, la loi fédérale sur la procédure administrative ne s'applique pas (art. 55 al. 1 LPGA).

B. Le droit d'accès au juge

L'évolution la plus marquante pour les citoyens ces quarante dernières années est le développement de l'accès au juge. Alors que le contentieux administratif s'est initialement construit avec un système d'« admini lrateur-juge >> fondé sur des recours hiérarchiques au sein de l'admini tration, sous l'impulsion de l'article 6 para. 1 CEDH,

1 accès au juge s'est étendu.

L art. 29a Cs\. contèrc désormais à toute personne le droit à ce que a eau e soit jugée par une autorité judiciaire; cet accès au juge n peut être exclu par la Confédération ou les cantons que par une loi et dans des a exceptionnels. Cette norme étend le contrôle judiciaire à toutes les matières, y compris aux actes de l'administration, en établi sant une garantie générale de l'accès au juge 52 Sont ainsi conc rné t ules les contestations juridiques n portant sur les droits et les obligations de personnes (physiques ou morales), soit ceux que confère re pectivement impose, à l'intéressé notamment la on titution fédérale, la loi ou encore une ordonnance. La garantie de

l'accès au juge s'étend également à certains actes matériels de

1 admini tration54

elon la jurisprudence, ce droit est concrétisé par l'article 86, alin ·a 2 L TF aux termes duquel les cantons doivent instituer « [ ... j des tribunaux upérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autre autorité judiciaire peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal lëdéral ». Selon le Tribunal fédéral, Lm tribunal supérieur ne doit être subordonné à aucune autre in tance judiciaire cantonale et disposer d'une compé- tence couvrant l'ensemble du canton 5~. La seule exception autorisée par 1 articl 86, alinéa 3, L TF est pour les décisions revêtant un canictère politique prépondérant, pour lesquelles les cantons peuvent

Sl ATfl 133 IV 278 consid. 2.2 ; 130 1 J 12 consid. 4.2 cl les rétërcnec.." citées.

3 Yoi~ PQur un exemple genevois l'arrêt de la Chamhn: udministralive de la Cour de

~UShce~cncvoisc (C/\CJ) /\T/\/638/2011, il a été jugé llllC l'art. 12 a!. 3 in.fine

1

~ lu ~1 cant nalc sur la prolcssion d'avocul du 26 avril 2002 (l.l'Av. RS/GE E 6 1 ) n .est plu· conl'iim1c aux exigences eonvcnlionncllcs, cnnslilutionncllcs cl <le a lc!g~slation fddêrulc en matière d'm:cès m1 contrôle judiciaire. dès lors qu'il ne : ;oit pas de recours dcvun1 une au\orilé judiciaire can1om1lc.

IJ6 1 323 consid 4 .,

AT . . ·-·

l34 l 125 consid. 3.5.

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instituer une autorité autre qu'un tribunal 56Cette dernière disposition autorise, mais n'oblige pas les cantons, à instituer une autorité de recours autre qu'un tribunal.

En introduisant l'article 86, alinéa 3, LTF dans son projet, le Conseil fédéral n'a pas précisé ce qu'il entendait par «décision revêtant un caractère politique prépondérant»; il a juste souligné l'aspect exceptionnel de cette dérogation en mentionnant à titre d'exemple l'adoption d'un plan directeur cantonal 57 Le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la portée de cette exception dans

r

A TF 136 1 42. Selon notre Haute Cour, cette exception trouve seulement application si l'aspect politique prévaut sans discussion et que la vérification par le juge n'apparaît pas admissible. «Le fait que la décision émane d'une autorité politique est un indice de son caractère politique, mais n'est pas toujours détenninant. Ainsi, [selon le Tribu- nal fédéral,] il n'y a pas décision à caractère politique prépondérant, lorsque le gouvernement rend une décision qui porte une atteinte individuelle à des droits privés [ ... ] » 58, même si la décision en caus a une composante politique 59Il ne suffit donc pas que la cause ait une connotation politique, encore faut-il que celle-ci s'impose de manière indubitable et relègue à l'arrière-plan les éventuels intérêts privés en jeu 60« Il s'agit en principe des actes émanant du Parlement, car les cantons doivent avoir la possibilité de soustraire à la compétence du juge administratif les actes parlementaires sensiblement politiques, qui ne peuvent pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire» 61

C. La garantie d'accès à un juge impartial et indépendant Le droit d'accès au juge est complété par les garanties de procé- dure judiciaire prévues par l'article 30 Csl Selon cette disposition,

« [t)oute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits» (art. 30 al. 1 Cst.). De plus, sauf exception prévue par la loi, l'audience et le prononcé du jugement doivent être publics. La loi peut prévoir des exceptions (art. 30 al. 3 Cst.).

56 Voir notamment ATF 135 li 94, consid. 3.1 ss et les arrêts du Tribunal fédéral 1C_324/2010 du 8 septembre 2010 consid. 3.1 s. et IC 1112010 du 27 août 2010 consid. 1.1 et les références citées.

57 Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4000, 4027 (ch. 2.2.1.2), 4122 (ad art. 78), 4123 (ad a11. 80). Un recours direct contre un plan directeur cantonal a été admis par le Tribunal tëdéral dans 1' ATF 136 1265 consid. 1.1.

58 ATF 136142 consid. 1.5.3.

59 ATF 136 Il 436 consid. 1.3.

60 ATF 136 1 42 consid. 1.5.4.

61 A TF 136 Il 436 cons id. 1.2.

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