• Aucun résultat trouvé

Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2010)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2010)"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2010)

DE WERRA, Jacques

DE WERRA, Jacques. Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux

(chronique 2010). Journal des tribunaux. II, Droit civil, poursuite pour dettes et faillites et procédure civile , 2011, p. 180-191

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16774

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Droit des contrats:

Partie générale et contrats spéciaux

Jacques DE WERRA

Professeur de droit des obligations et de droit de la propriété intellectuelle Faculté de droit de l’Université de Genève

Même si l’année 2010 ne peut pas être considérée comme une année révolutionnaire pour le droit suisse des contrats, la jurispru- dence rendue rappelle néanmoins de manière bienvenue que le droit des contrats vise d’abord à donner aux parties la possibilité – mais aussi la responsabilité – d’organiser elles-mêmes leurs relations contractuelles, à la condition de se conformer aux exigences que leur impose la loi. Le TF affirme ainsi avec force le principe de la liberté contractuelle (quant à l’objet du contrat), en admettant la validité d’un contrat portant sur l’exploitation de l’image d’une per- sonne (arrêt n° 15 ci-dessous). Notre Haute Cour n’a toutefois pas manqué de sanctionner les édifices contractuels chancelants dont elle dénonce les risques, notamment ceux résultant de la formula- tion approximative d’une cession partielle de créance (cf. arrêt n° 4) ou de l’imprécision des termes employés (pour une activité de

«pilotage» – et non de courtage – d’une promotion immobilière, cf. arrêt n° 12). Le TF a par ailleurs exprimé son impuissance face au silence des parties, et a ainsi déploré l’absence de réponse con- tractuelle au risque concerné, qui aurait pourtant permis de limiter ou même d’écarter ce dernier (par ex. afin de protéger les intérêts du maître de l’ouvrage en cas de sous-traitance, cf. arrêt n° 9, ou de renforcer le droit du mandant de donner des instructions à son agent, cf. arrêt n° 13). La jurisprudence rappelle en outre l’impor- tance cardinale de la fidélité contractuelle et du respect du droit impératif, notamment lorsqu’une partie tente de se soustraire à l’application d’une clause de garantie qui la lie, en dépit de son comportement dolosif (cf. arrêt n° 7) ou d’échapper à une indem- nité de résiliation du contrat valablement convenue (cf. arrêt n° 15).

En somme, ces arrêts illustrent à merveille le potentiel de la liberté contractuelle en droit suisse pour autant que les parties en connais- sent et en respectent les limites. La présente chronique présente d’abord la jurisprudence relative à la partie générale du Code des

(3)

obligations (I), avant celle concernant les contrats spéciaux, y com- pris les contrats innommés (II), et évoque en dernier lieu et de manière très sommaire certaines modifications législatives (III).

I. Jurisprudence relative à la partie générale

1. Demeure du créancier – droit de procéder à la vente publique de la chose (art. 93 al. 1er CO): ATF 136 III 178

Le but du droit de vente de la chose en cas de demeure du créan- cier (selon l’art. 93 CO) est de remplacer une chose qui ne peut pas être consignée par une qui peut l’être (soit le prix de vente qui peut être consigné).

S’agissant du champ d’application des art. 92 à 94 CO, cet arrêt précise qu’il y a bien une obligation dont l’objet consiste en une chose au sens de ces dispositions dans le cas d’une obligation accessoire de restituer la chose du débiteur qui en a obtenu la pos- session dans le cadre d’un contrat d’entreprise portant sur sa répa- ration ou son entretien (en l’occurrence un avion dont l’entretien a été effectué par la société qui se prévaut de la demeure du créancier, la société propriétaire étant précisément en demeure de le repren- dre). Le juge, qui doit autoriser la vente (art. 93 al. 1er CO), doit examiner les conditions de la vente publique dans une procédure rapide et sommaire (la procédure sommaire devrait désormais être applicable selon l’art. 250 let. a ch. 3 CPC1, même si cette disposi- tion ne fait pas référence à l’art. 93 al. 1er CO). Le juge examine ainsi la réalisation des conditions de la demeure du créancier et de la vente publique sous l’angle de la vraisemblance, la décision d’autorisation pouvant être ultérieurement contrôlée dans une pro- cédure ordinaire ultérieure (par ex. en dommages-intérêts).

2. Prescription pour les travaux d’artisans (art. 128 ch. 3 CO):

TF, 12.10.2010, arrêt 4A_245/2010

La prescription quinquennale de l’art. 128 ch. 3 CO en faveur des artisans vise un travail manuel, exécuté avec ou sans outils, où l’élément manuel prévaut sur les composantes intellectuelles et scientifiques. Ce travail dépend de l’activité manuelle de celui qui l’accomplit, plutôt que de l’engagement de moyens techniques (l’utilisation de «grosses machines» – selon la terminologie du TF – excluant le travail artisanal). Les travaux d’installation électrique

1 RS 272, RO 2010 1739.

(4)

dans une grande villa, même s’ils sont d’une certaine importance, constituent une prestation relevant de l’artisanat visée par l’art. 128 ch. 3 CO.

3. Délai supplémentaire en cas d’action mal introduite art. 139 CO, pro memoria): ATF 136 III 545

L’application analogique de l’art. 139 CO au délai de péremption de l’art. 510 al. 3 CO est admise, étant noté que cette disposition a été abrogée suite à l’entrée en vigueur du CPC, dont l’art. 63 géné- ralise le principe de l’art. 139 CO.

4. Validité d’une cession partielle de créance

(art. 165 al. 1er CO): TF, 12.8.2010, arrêt 4A_125/2010

L’exigence de forme pour la cession de créance (art. 165 al. 1er CO) vise à assurer la sécurité juridique ainsi que celle des transac- tions. Les créanciers du cédant et du cessionnaire de même que le débiteur cédé doivent pouvoir déterminer à qui appartient une créance à un moment déterminé. Dans ce but, tous les éléments qui permettent l’identification de la créance cédée doivent être couverts par la forme écrite. Il est suffisant que la créance soit déterminable, pour autant qu’un tiers sans connaissance des circonstances de la cession de créance puisse déterminer à qui bénéficie la créance sur la seule base du document de cession. De plus, une cession partielle de créance est possible, celle-ci ayant pour effet que deux créances en résultent. Ces créances sont mutuellement indépendantes et peu- vent dès lors connaître un sort distinct. En l’occurrence, l’accord de cession de créance litigieux indiquait que la créance de la société cédante découlait d’un contrat conclu entre celle-ci et une société tierce concernant un projet de création d’un centre de rencontre avec les plus célèbres joueurs de football du monde (!)2 et que la cédante cédait un montant de USD 200 000.– de cette créance à la cessionnaire, la cession intervenant au moment de la signature de l’accord par les parties3. L’acte de cession ne donnant aucune infor- mation permettant d’identifier ni le contrat en cause (notamment quant à sa date), ni la nature de la créance cédée (en exécution du

2 Art. 1er: «Der Anspruch ergibt sich aus einer Vereinbarung der Zedentin mit der Y über ein Projekt zur Schaffung eines Begegnungszentrums mit den berühm- testen Fussballern der Welt».

3 Art. 2: «Die Zedentin tritt hiermit einen Betrag von USD 200 000.– der Forderung gemäss Ziffer 1 an die Zessionarin ab. Die Abtretung der Forderung wird mit der Vertragsunterzeichnung durch beide Parteien wirksam».

(5)

contrat ou en réparation du préjudice subi), la créance n’était pas suffisamment identifiée ni même identifiable de sorte que la cession n’a pas été jugée valable par le TF. S’agissant d’une cession par- tielle de créance, il était nécessaire non seulement d’en spécifier le montant chiffré (ce qui a été fait en l’occurrence), mais en plus d’indiquer dans l’acte de cession le poste du dommage faisant l’objet de la cession partielle (ce qui n’a pas été accompli en l’espèce).

5. Interprétation de la notion de «material breach» en droit suisse des contrats à l’aide d’instruments internationaux:

TF, 16.12.2009, arrêt 4A_240/2009

Dans le cadre d’un arbitrage international relatif à un contrat soumis au droit suisse, s’est posée la question de la validité de la résiliation du contrat litigieux, ce dernier permettant la résiliation en cas de «material breach» (violation importante) du contrat com- mise par une partie. Pour interpréter cette notion inconnue du droit suisse des contrats et pas précisée dans le contrat litigieux, le Tribunal arbitral s’est référé à la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM, RS 0.221.211.1, dont l’art. 25 traite de la «contravention essen- tielle» / «fundamental breach») ainsi qu’aux Principes d’UNI- DROIT relatifs aux contrats du commerce international (de 2004, art. 7.3.1). Cette approche a été jugée admissible par le TF qui a relevé que, vu le silence du droit suisse des contrats quant à l’inter- prétation de la notion de «material breach», le Tribunal arbitral était légitimé à se référer à ces instruments internationaux (CVIM, Prin- cipes UNIDROIT), sans que ceci ne constitue ni une application illicite du droit étranger en lieu et place du droit suisse (choisi par les parties), ni une argumentation juridique imprévisible pour les parties (motifs potentiels de nullité de la sentence invocables selon l’art. 190 al. 2 LDIP). Même si cet arrêt relève naturellement davantage du droit de l’arbitrage international que du droit des obli- gations, il confirme néanmoins de manière fort instructive la légiti- mité de la prise en considération de réglementations internationales (contraignantes ou non) dans l’interprétation d’un contrat interna- tional soumis au droit suisse.

(6)

II. Jurisprudence relative aux contrats spéciaux (y compris aux contrats innommés)

A. Contrat de vente

6. Responsabilité contractuelle du vendeur pour les défauts de la chose vendue: TF, 26.11.2010, arrêt 4A_472/2010

La responsabilité du vendeur en réparation d’un dommage que constitue le défaut de la chose vendue (à distinguer du dommage consécutif au défaut) est régie par l’art. 97 CO, ce qui suppose que le vendeur ait commis une faute. C’est le cas lorsqu’il connaissait ou aurait dû connaître l’existence du défaut et qu’il ne l’a pas révélé à l’acheteur, ce qui peut constituer une violation d’un devoir acces- soire du contrat. La faute du vendeur étant présumée (art. 97 al. 1er CO), le vendeur ne peut échapper à sa responsabilité que s’il prouve qu’il a observé toute la diligence qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui, la preuve libératoire de l’art. 97 al. 1er CO étant soumise à des exigences strictes. Ainsi, si le vendeur a des raisons de se douter de l’existence d’un défaut, notamment parce que l’acheteur lui a adressé une réclamation, le vendeur a en principe un devoir de contrôle. A défaut d’examiner toutes les circonstances à l’origine de son doute, il ne peut s’exonérer de sa responsabilité. En cas de doute sur l’absence de faute, le vendeur supporte le risque de l’échec de la preuve. En l’occurrence, s’agissant de la vente d’un appartement, la preuve libératoire a été admise, le vendeur ayant pris note de la réclamation de l’acheteur concernant le défaut repro- ché (un affaissement du plancher) et ayant confié un mandat à un architecte pour qu’il examine l’éventuelle existence d’un défaut.

L’architecte lui ayant confirmé sans équivoque que les travaux nécessaires avaient été réalisés en conformité avec les normes en vigueur et n’ayant pas recommandé au vendeur d’entreprendre des investigations complémentaires, ce dernier a satisfait à son devoir de contrôle de sorte qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

7. Prescription de l’action en garantie dans le cadre d’une vente (d’actions) d’une société en cas de silence dolosif

(art. 210 al. 1 et 3 CO): TF, 7.9.2010, arrêt 4A_301/2010 L’action en garantie pour défaut de la chose vendue se prescrit en principe par an dès la livraison faite à l’acheteur, même si ce der- nier n’a découvert les défauts que plus tard, sauf si le vendeur a promis sa garantie pour un délai plus long (art. 210 al. 1er CO). La prescription annale n’est toutefois pas applicable lorsque le vendeur

(7)

a induit l’acheteur en erreur intentionnellement (art. 210 al. 3 CO).

Dans ce cas, les prétentions en garantie sont soumises à la prescrip- tion décennale de l’art. 127 CO. L’art. 210 al. 3 CO vise les cas de dol du vendeur (comme l’art. 199 CO et l’art. 203 CO). Le vendeur agit par dol non seulement lorsqu’il fournit des indications fausses sur la qualité de la chose, mais également lorsqu’il passe sous silence certains faits que la loi, le contrat ou les règles de la bonne foi lui commandent de révéler. En particulier, il y a dol lorsque le vendeur omet consciemment de communiquer un défaut à l’ache- teur – qui l’ignorait et ne pouvait le découvrir en raison de son caractère caché – tout en sachant qu’il s’agissait d’un élément important pour l’acquéreur. Le fardeau de la preuve du dol incombe à l’acheteur. En l’espèce, la société venderesse dans le cadre d’une vente (d’actions) d’une société connaissait le risque d’une impor- tante prétention financière d’un ancien client de la société vendue (en restitution d’acomptes reçus pour une opération de vente avor- tée) et n’avait pas signalé ce risque à l’acheteuse lors de la procé- dure de due diligence (dans la «Disclosure Letter» obtenue par cette dernière). De plus, selon le contrat de vente d’actions, la venderesse avait garanti qu’à l’exception des informations figurant dans ladite

«Disclosure Letter», aucune action en justice, plainte, enquête ou procédure n’était susceptible d’être déposée ou ouverte contre la société dont les actions étaient vendues, sans avoir évoqué ce risque de prétention financière. La venderesse ayant ainsi intentionnelle- ment gardé le silence sur ce risque, elle ne pouvait pas se prévaloir du délai de prescription d’un an de l’art. 210 al. 1er CO par applica- tion de l’art. 210 al. 3 CO.

8. Défaut de l’immeuble vendu – erreur et garantie pour défaut – effet d’une clause d’exclusion de responsabilité:

TF, 2.12.2010, arrêt 4A_551/2010

Lorsqu’il allègue que la chose vendue est défectueuse, l’acheteur peut, si les conditions de ces deux voies de droit sont remplies, choisir d’invalider le contrat pour vice du consentement ou d’exer- cer l’action rédhibitoire (respectivement l’action minutoire) résul- tant de la garantie des défauts, sous réserve du commerce de bétail.

Les deux voies sont alternatives et laissées au libre choix de l’ache- teur. L’acheteur peut choisir, à titre principal, d’invalider le contrat et de se réserver, pour le cas où les conditions d’une invalidation ne seraient pas réalisées, de faire valoir subsidiairement l’action en garantie des défauts.

(8)

Une erreur essentielle, au sens de l’art. 24 al. 1er ch. 4 CO, ne peut pas être invoquée pour des faits qui sont couverts par une clause d’exclusion de la garantie des défauts valablement conclue.

Une clause d’exclusion ne s’attache pas à des défauts totalement étrangers aux éventualités qu’un acheteur doit raisonnablement prendre en considération. La clause d’exclusion doit être interpré- tée selon le principe de la confiance lorsqu’une volonté concor- dante des parties n’est pas établie; pour dire si le défaut se situe en dehors des prévisions des parties, il faut prendre en considération le but économique de la convention. Dans le cadre d’opérations immobilières, l’acheteur d’une construction ancienne qui accepte une clause d’exclusion de la garantie doit s’attendre à des dépenses inattendues de l’ordre de 10% du prix d’achat.

En l’espèce, la clause d’exclusion indiquait seulement que l’habitation (un chalet) et le garage étaient vendus dans leur état actuel et que l’acquéreuse déclarait les avoir visités et les accepter.

S’agissant d’une construction ancienne, il était manifestement question, si on l’interprétait selon le principe de la confiance, d’une clause qui devait protéger le vendeur contre des réclamations liées à l’usure et à la vétusté de la chose vendue. Qu’il n’y ait pas d’eau en période d’étiage en raison d’une insuffisance de la source n’était pas une question d’usure et de vétusté de sorte que l’on se situait en dehors de ce que visait la clause d’exclusion. De plus, en appliquant les principes rappelés ci-dessus, si l’on considère l’importance éco- nomique du défaut, sa suppression aurait notablement dépassé le 10% du prix de vente. Dans ces circonstances, la clause d’exclusion de responsabilité était sans effet et l’erreur pouvait valablement être invoquée par l’acheteuse.

B. Contrat d’entreprise

9. Relations entre le maître de l’ouvrage et des sous-traitants dans un projet de construction: ATF 136 III 14

Dans un projet de construction immobilière, il n’existe en prin- cipe aucune relation contractuelle directe entre les sous-traitants et le maître de l’ouvrage. En l’occurrence, il s’agissait d’un consor- tium de construction (organisé sous forme de société simple) ayant conclu un contrat d’entreprise générale avec une société qui s’enga- geait à effectuer les travaux de construction d’un complexe immo- bilier. Cette société avait ouvert un compte bancaire destiné au paiement des sous-traitants, sans que la banque n’ait pris un quel-

(9)

conque engagement envers le consortium quant à l’utilisation effective de ce compte bancaire en faveur du paiement des sous- traitants.

Pour se prémunir contre les risques résultant de la faillite de l’entrepreneur général (qui se sont matérialisés en l’espèce), le maî- tre de l’ouvrage peut prendre diverses mesures contractuelles, par exemple convenir avec l’entrepreneur général qu’il paiera lui-même les sous-traitants en imputation de la somme due ou qu’il ne paiera l’entrepreneur général que moyennant la preuve que les sous-trai- tants ont été payés. En l’espèce, le consortium, qui n’avait pris aucune de ces précautions, a dû en assumer les conséquences; il ne disposait d’aucun droit qui lui aurait permis d’influencer l’utilisa- tion des fonds appartenant à l’entrepreneur général déposés sur le compte de ce dernier auprès de la banque. On relèvera que la ques- tion des relations entre le maître de l’ouvrage et les sous-traitants est également traitée dans l’arrêt du TF 4A_226/2010 du 28.7.2010 (qui évoque sans l’admettre la figure du contrat à effet protecteur de tiers – «Vertrag mit Schutzwirkung zugunsten Dritter» – provenant du droit allemand).

10. Choix du maître de l’ouvrage en cas d’ouvrage défectueux:

ATF 136 III 273

En cas de livraison d’un ouvrage défectueux, le maître a le choix (art. 368 CO) d’exiger la réfection de l’ouvrage, l’annulation du contrat ou la réduction du prix, le maître étant lié par son choix, qui résulte de l’exercice d’un droit formateur. Ces moyens de la partie spéciale sont exclusifs de sorte que le maître de l’ouvrage ne peut pas, en lieu et place des droits alternatifs qui lui sont octroyés par l’art. 368 CO, soutenir qu’il y a mauvaise exécution du contrat et se prévaloir des art. 97 ss CO. Toutefois, comme les dispositions sur la garantie des défauts en matière de contrat d’entreprise ne régissent pas l’hypothèse où l’entrepreneur se refuse à exécuter son obliga- tion de réparer l’ouvrage, il faut se référer aux règles générales relatives à l’inexécution d’une obligation dans un contrat bilatéral (art. 102 ss CO). Les trois options de l’art. 107 al. 2 CO lui sont donc ouvertes (cas échéant en se prévalant de l’art. 108 ch. 1 CO dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’entrepreneur se refuse obstinément, sans espoir de changement, à exécuter sa prestation de sorte qu’il n’était pas nécessaire de lui fixer formellement un délai pour s’exécuter).

(10)

C. Contrat de mandat

11. Conflit entre l’obligation de rendre compte du mandataire (art. 400 al. 1er CO) et le secret professionnel de l’avocat:

ATF 135 III 597

Le secret professionnel de l’avocat (protégé notamment par l’art. 321 CP) est opposable aux héritiers du client. Ce secret fait échec à l’action en reddition de compte fondée sur l’art. 400 al. 1er CO, lorsque celle-ci est intentée par les héritiers du client et qu’elle porte sur des renseignements que l’avocat recherché avait recueillis dans son activité professionnelle spécifique. A cet égard, même si le défendeur est délié du secret professionnel, il reste en droit de refuser les informations et documents demandés (art. 13 al. 1er de la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, LLCA, RS 935.61).

D. Contrat de courtage

12. Contrat de courtage / de «pilotage» de vente d’appartements:

TF, 25.3.2010, arrêt 4A_45/2010

Dans le cadre d’un projet immobilier visant la conversion d’un hôtel en appartements, une agence immobilière a obtenu du bénéfi- ciaire d’un droit d’emption sur les parcelles sur lesquelles se trou- vait l’hôtel, le «pilotage» des ventes des appartements concernés moyennant une commission de 2% sur la totalité des ventes. Par la suite, le bénéficiaire du droit d’emption a renoncé à celui-ci et l’hôtel a été vendu à un tiers qui a lui-même procédé à la vente des appartements. L’agence immobilière lui ayant réclamé une commis- sion de courtage4 et une commission de «pilotage» du projet immo- bilier de 2% en lien avec la vente d’un appartement, le tiers a contesté l’existence d’un quelconque lien contractuel avec l’agence. Relevant que lorsqu’un contrat a été conclu de manière informelle, il peut être difficile d’apporter la preuve de l’accord des volontés, sans que cela ne soit toutefois impossible, le TF a cons- taté que le tiers acquéreur savait que l’agence immobilière s’occu- pait de cette promotion immobilière et qu’il l’encourageait à le

4 Le paiement d’une commission de courtage a été rejeté au niveau cantonal, faute de preuve d’un rapport de causalité entre l’activité déployée par l’agence et une vente spécifique d’appartement, cette commission n’ayant plus été réclamée devant le TF.

(11)

faire en rappelant qu’elle recevrait une commission de «pilotage», le chiffre de 2% ayant été articulé. Sur cette base, le TF a confirmé l’arrêt cantonal ayant retenu qu’un accord était intervenu entre les parties portant sur une prestation (le «pilotage» des ventes) à four- nir par l’agence immobilière et sur une contre-prestation (une com- mission de 2%) à payer par l’autre partie.

Concernant la nature juridique de l’activité de «pilotage», le TF a estimé que, pour les professionnels de l’immobilier, le «pilotage»

de la promotion se distingue de la vente des appartements de sorte qu’une commission de «pilotage» est destinée à rémunérer une acti- vité qui se situe en amont d’une vente particulière et qui a pour objet de faire connaître la promotion immobilière et la faculté d’acquérir des appartements, sans que cette rémunération ne dépende de la conclusion d’une vente spécifique. S’agissant ainsi d’une activité déployée sans exigence d’un rapport de causalité avec une vente particulière, le TF a posé la question de la qualifica- tion d’un tel contrat en tant que mandat (art. 394 CO), plutôt que courtage (art. 412 CO), sans devoir y répondre en l’espèce.

E. Contrat d’agence

13. Portée et limites de l’obligation de l’agent de suivre les instructions du mandant: ATF 136 III 518

Le droit du mandant de donner des instructions à son agent est limité en raison de l’indépendance de l’agent. L’agent organise en effet librement son activité, notamment quant à ses horaires de tra- vail et à l’engagement de personnel auxiliaire ou de sous-agents (sous réserve de l’art. 399 al. 2 CO), cette liberté d’organisation trouvant ses limites dans l’obligation générale de diligence de l’agent ou dans un accord spécifique avec le mandant. L’obligation de fidélité de l’agent (art. 418c CO) ne permet pas d’en déduire une obligation plus étendue de suivre les instructions du mandant. En l’espèce, faute de clause contractuelle à ce sujet, le mandant ne pouvait pas contraindre l’agent à coopérer avec la nouvelle direc- tion d’organisation de vente qu’il avait mise en place, car ceci aurait constitué une ingérence excessive dans la liberté de l’agent d’organiser ses propres activités. Le refus de coopérer de l’agent ne constituant dès lors pas une violation contractuelle, il ne pouvait pas justifier une résiliation du contrat d’agence pour justes motifs (art. 418r CO).

(12)

F. Contrats innommés

14. Contrat de remise de commerce:

TF, 1.4.2010, arrêt 4A_554/2009

Le contrat portant sur la remise d’un commerce moyennant paie- ment est un contrat innommé sui generis pour lequel les règles sur la vente mobilière s’appliquent (art. 187 ss CO) lorsque sont en cause les prestations caractéristiques du cédant, soit le transfert du mobilier, du stock et de la clientèle. On relèvera que cette qualifica- tion est critiquée en doctrine qui voit dans un tel accord (soit un asset deal) – tout comme c’est le cas d’une vente d’actions (share deal) – directement un contrat de vente mobilière5.

15. Contrat portant sur l’exploitation de l’image d’une personne:

ATF 136 III 401

Une personne peut valablement donner son consentement à une atteinte à son image (bien protégé par l’art. 28 CC) dans le cadre d’un contrat portant sur l’exploitation commerciale d’images prises dans un contexte érotique (soit la publication des images sur un site Internet). Les contrats relatifs à l’exploitation du droit à l’image étant très répandus comme le reconnaît le TF, ceux-ci ne doivent pas rester dans une situation de vide juridique («im rechtsfreien Raum», ATF 136 III 406). Le contrat conclu en l’espèce ne viole d’ailleurs ni l’art. 27 CC ni l’art. 20 CO et l’indemnité de résiliation qui avait été convenue par les parties a été jugée valable, sans que la personne ayant consenti à l’exploitation de son image puisse se pré- valoir d’un droit à la libre révocation de son consentement afin de tenter d’échapper à son obligation de paiement de l’indemnité.

16. Groupe de contrats / contrats connexes: ATF 136 III 65

Des parties peuvent convenir de lier entre eux deux (ou plu- sieurs) rapports juridiques d’une manière telle que l’extinction de l’un entraîne celle de l’autre, aucun des rapports ne pouvant alors persister indépendamment l’un de l’autre. Il s’agit alors de contrats couplés, interdépendants, liés ou connexes. Dans l’hypothèse inverse, soit lorsque les rapports juridiques n’ont pas été couplés par un accord spécifique, chacun d’eux peut prendre fin indépen-

5 Voir Markus Vischer/Michele Casale, Unternehmenskauf – Natur des Ges- chäftsübertragungsvertrags und anwendbares Gewährleistungsrecht, in: Push-Ser- vice des arrêts, publié le 18 juin 2010.

(13)

damment. L’existence d’une interdépendance a été niée en l’espèce entre d’une part un rapport corporatif existant entre un coopérateur- locataire et une coopérative d’habitation et d’autre part un contrat de bail conclu entre ces mêmes parties. Ainsi, la société coopérative était en droit de résilier le bail sans exclure les locataires de la société. Toutefois, en raison de l’interférence des buts, le bail ne pouvait pas être résilié pour un motif qui n’aurait pas permis l’exclusion de la coopérative (un motif valable de résiliation étant admis en l’espèce).

III. Modifications législatives

Pour ce qui concerne les modifications législatives du droit suisse des contrats récemment entrées en vigueur (sans pouvoir évoquer ici faute de place certains projets de révision en cours ni les modifications affectant les lois spéciales), il convient de rappeler que l’entrée en vigueur du CPC le 1er janvier 2011 a entraîné certai- nes modifications de dispositions de la partie générale du Code des obligations, soit des art. 97 al. 2, 135 ch. 2, 138 al. 1er et 139 (désormais abrogé, cf. arrêt n° 3 ci-dessus) ainsi que de diverses normes de la partie spéciale (notamment les art. 193 et 396 al. 3).

Références

Documents relatifs

/DGLVWLQFWLRQHQWUHGRQDWLRQHWFRQWUDWGHSUrWGHFRQVRPPDWLRQ tient dans l’existence ou non d’une obligation de restituer l’objet du SUrW UHVSHFWLYHPHQW GDQV O¶DWWULEXWLRQ TXL

Pourtant, de plus en plus, la responsabilité de l’auteur secondaire est détachée de l’idée de faute de l’auteur réel, surtout depuis l’arrêt Levert du 10 mai

Sans être révolutionnaires, les développements jurisprudentiels en droit suisse des contrats pour l’année 2017 permettent néanmoins de

Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2016)I. DE

Au-delà de la variété des thématiques abordées, la jurisprudence frappe par l’éclairage qu’elle offre et les clarifications qu’elle apporte à propos des

En l’occurrence, la créance en réparation du dommage étant anté- rieure à la constitution de la société panaméenne (demanderesse), il faut envisager un transfert

Dans la pondération des intérêts en présence qui doit être effec- tuée afin d’apprécier la légitimité d’une résiliation pour justes motifs, il peut non seulement

Compte tenu des autres circonstances du cas concret, soit en particulier que le défaut n’est pas dû à une mauvaise exécution de la rénovation des tuyaux, mais au fait que le