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Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2015)

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Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux (chronique 2015)

DE WERRA, Jacques

DE WERRA, Jacques. Droit suisse des contrats : Partie générale et contrats spéciaux

(chronique 2015). Journal des tribunaux. II, Droit civil, poursuite pour dettes et faillites et procédure civile , 2016, p. 154-163

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88178

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154 JdT 2016 II 154

Droit des contrats :

Partie générale et contrats spéciaux

par Jacques de Werra

Professeur de droit des obligations et de droit de la propriété intellectuelle

Faculté de droit de l’Université de Genève

Introduction

Les développements du droit suisse des contrats en 2015 sont mar- qués par plusieurs arrêts importants, ce que confirme la publication aux ATF de plusieurs arrêts présentés dans cette chronique. Au-delà de la variété des thématiques abordées, la jurisprudence frappe par l’éclairage qu’elle offre et les clarifications qu’elle apporte à propos des interac- tions multiples, et souvent complexes, entre le droit matériel et le droit de procédure en droit des contrats, concernant l’invalidité d’une clause contractuelle de renonciation au recours au Tribunal fédéral (arrêt no 3), l’absence d’autorité de chose jugée en matière de jugement d’avance de frais (« Kostenvorschussurteil ») dans le contrat d’entreprise (arrêt no 5), ou encore la distinction entre une obligation de reddition de compte et une requête de preuve à futur (arrêt no 9).

I. Jurisprudence relative à la partie générale 1. Droit de résolution du contrat en cas d’impossibilité

subséquente imputable au débiteur (art. 97 CO) : arrêt du TF 4A_101/2015 du 21 juillet 20151

Dans le cadre d’un contrat d’entreprise générale portant sur la construction d’une villa en Valais, l’exécution de la construction et ainsi du contrat se révèle impossible en raison du refus du permis de construire. L’impossibilité d’exécuter le contrat résulte ainsi d’un fait juridique qui est survenu après la conclusion du contrat d’entreprise totale (qui ne constitue donc pas un cas d’impossibilité initiale au sens de l’art. 20 CO). S’agissant d’une impossibilité durable (l’interdiction de construire étant appelée à durer plusieurs années), la situation juridique

1 Référence peut aussi être faite à un arrêt parallèle rendu le même jour par le Tribunal fédéral 4A_99/2015.

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doit être analysée sur la base des dispositions légales générales relatives à l’impossibilité subséquente d’exécuter la prestation, à savoir les art. 97 et 119 CO.

Les conséquences liées à l’impossibilité objective subséquente d’exé- cution relèvent donc des dispositions générales des art. 97 al. 1er (impos- sibilité fautive du débiteur) et 119 CO (impossibilité non fautive du débiteur). En l’espèce, l’entreprise générale, spécialiste de la conduite de projets immobiliers, avait pris l’engagement contractuel d’obtenir un permis. Elle n’avait en outre pas averti à temps les maîtres de l’ouvrage du risque que le permis de construire soit refusé (contrairement à ce que lui impose l’art. 365 al. 3 CO), circonstance rendant impossible la réali- sation de leur villa. Cette violation du devoir d’information imputable à faute à l’entrepreneur, laquelle a concouru à l’impossibilité de construire, exclut l’application de l’art. 119 CO qui repose sur l’absence de faute du débiteur. Cette responsabilité du débiteur/entrepreneur général rend par ailleurs inopérante l’application de l’art. 378 CO. Dans ces circons- tances, c’est l’art. 97 al. 1er CO qui s’applique. S’agissant des contrats synallagmatiques, à l’instar du contrat d’entreprise, l’art. 97 al. 1er CO procure au créancier, qui n’a pas obtenu la prestation convenue, devenue subséquemment impossible, une prétention en dommages-intérêts. Cette norme ne modifie cependant pas les autres effets du contrat. Le créan- cier (lésé) reste ainsi tenu de son côté d’exécuter sa contre-prestation pour les prestations déjà fournies, mais peut en imputer la valeur sur les dommages-intérêts qui lui sont dus (méthode de la différence). Si cette solution est adéquate pour les contrats de durée partiellement exécutés, elle conduit à un résultat insatisfaisant lorsque l’exécution passée du contrat donne lieu à un déséquilibre. Tel est notamment le cas si la partie exécutée de la prestation avant la survenance de l’impossibilité est deve- nue sans intérêt pour le créancier lésé. Le Tribunal fédéral ne s’est pour l’heure jamais prononcé sur cette question. En cas d’impossibilité sub- séquente d’exécution imputable au débiteur, le créancier ne doit pas être traité plus mal que le créancier d’un débiteur fautivement en demeure.

C’est pourquoi la doctrine moderne estime qu’il convient de combler une lacune de l’art. 97 al. 1er CO en relation avec l’impossibilité subséquente et d’accorder au créancier, dont la partie exécutée de la prestation n’a aucune utilité pour lui, le droit formateur de résoudre le contrat ex tunc, par analogie avec les art. 107 al. 2 et 109 CO (« Rücktrittsrecht »). Le Tribunal fédéral considère ces avis doctrinaux comme convaincants et les suit. En conséquence, en cas d’impossibilité objective subséquente imputable au débiteur, le créancier, si la partie exécutée de la prestation a perdu tout intérêt pour lui, a le droit formateur de résoudre le contrat avec

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156 JdT 2016 II 154 effet rétroactif (ex tunc). Seul en effet le rétablissement de la situation des parties telle qu’elle prévalait avant la conclusion du contrat permet de protéger le créancier envers le débiteur qui répond de l’impossibilité subséquente d’exécuter l’obligation. La résolution du contrat libère les parties contractantes de toutes leurs obligations ; le débiteur fautif reste néanmoins tenu de verser au créancier des dommages-intérêts négatifs d’après l’art. 97 al. 1er CO.

En l’espèce, les maîtres de l’ouvrage ont valablement exercé leur droit formateur de résoudre le contrat d’entreprise avec effet rétroactif. Ils sont ainsi libérés d’exécuter leur contre-prestation en rapport avec les travaux – sans intérêt pour eux – effectués par l’entrepreneur.

2. Engagement de codébiteur solidaire/distinction avec le cautionnement (art. 143 et art. 492 CO) : arrêt du TF 4A_310/2015 du 29 octobre 2015

Cet arrêt porte sur l’interprétation de la nature juridique d’un engage- ment souscrit par l’administrateur unique d’une société dans le cadre d’un contrat de leasing dont la formulation précisait expressément qu’il s’agissait d’une dette solidaire indépendante et non d’un cautionnement2. Alors que le Tribunal cantonal avait décidé qu’il s’agissait d’un cautionnement nul pour vice de forme (art. 492 al. 1er CO), le Tribunal fédéral tranche qu’il s’agit d’une reprise cumulative de dette qui est formellement valable sur le fon- dement d’une interprétation (selon le principe de la confiance) de la portée de l’engagement contractuel pris par l’administrateur concerné, notamment compte tenu de l’expérience en affaires de ce dernier, et aussi de l’intérêt personnel de ce dernier à l’engagement pris en considération du principe de la sécurité du droit dans les affaires et de celui de l’autonomie des parties.

3. Invalidité d’une clause contractuelle de renonciation à recourir au Tribunal fédéral : ATF 141 III 596

Un contrat conclu entre une société suisse et une société française comporte une clause de droit applicable et de for qui prévoit (16.2) que

« [l]es parties s’efforceront de résoudre tous différends de manière amiable.

Tous différends découlant du présent accord que les parties n’auraient pas résolus aimablement [sic !] seront tranchés définitivement par les tribu- naux compétents vaudois. Les parties restent pourtant libres de demander

2 « Der/die Unterzeichnete, B., bestätigt hiermit der A. AG, dass er/sie sich neben dem nachstehend genannten Leasingnehmer als Solidarschuldner zu folgenden Bedin- gungen erklärt. [...] Die vorliegende Erklärung beinhaltet ausdrücklich die Begründung eines Solidarschuldnerverhältnisses mit selbständiger Schuldpflicht des Erklärenden und stellt nicht bloss eine Bürgschaft dar. »

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des mesures provisionnelles auprès des tribunaux ordinaires compétents sans pour autant modifier la soumission principale aux cours compétentes vaudoises ». Il n’est pas litigieux entre les parties qu’elles ont ainsi voulu renoncer à saisir le Tribunal fédéral en cas de litige. Revenant sur sa juris- prudence récente (arrêts 4P.110/2006 et 4C.205/2005), antérieure à la LTF, le Tribunal fédéral expose dans cet arrêt que l’autonomie privée qui est au cœur du droit des obligations trouve certes son prolongement en pro- cédure civile dans le principe de disposition (« Dispositionsmaxime »). Il en découle principalement que le juge intervient seulement à l’initiative des parties, qu’il est lié par leurs conclusions et que les parties peuvent en tout temps mettre fin au procès. Les parties peuvent en outre soumettre à des juges privés les différends ayant pour objet des prétentions à leur libre disposition (art. 354 CPC ; cf. aussi art. 177 al. 1er LDIP), en d’autres termes recourir à l’arbitrage, dont elles peuvent pour l’essentiel organiser la procédure. Cela étant, le fait que la nature de la prétention matérielle confère aux parties certains pouvoirs et libertés dans la procédure étatique – généralement mentionnés par le législateur – et leur permette de se tour- ner vers la justice privée ne signifie pas qu’elles puissent procéder comme bon leur semble devant les tribunaux étatiques. La juridiction étatique est un service public qui doit offrir les garanties inhérentes à un Etat de droit.

Son organisation et son fonctionnement ne peuvent être livrés à l’autono- mie des parties. En l’occurrence, la convention des parties revient à écarter tout un pan de la procédure, soit renoncer à l’application de la LTF qui garantit et définit les conditions d’accès au Tribunal fédéral. S’écartant de certains avis doctrinaux, la Haute Cour retient en fin de compte qu’il n’est pas possible de déroger aux conditions de recours telles qu’énoncées par la LTF et que la renonciation anticipée à saisir le Tribunal fédéral telle que résultant de la clause contractuelle litigieuse est dès lors inopérante, et ce peu importe que la clause ait été convenue à une époque où la LTF n’était pas encore en vigueur, l’application du nouveau droit de procédure ne rele- vant pas de l’autonomie privée des parties.

II. Jurisprudence relative aux contrats spéciaux (y compris aux contrats innommés)

A. Contrat de vente

4. Preuve du paiement du prix de vente en cas de paiement en espèces (art. 184 al. 2 CO) : arrêt du TF 4D_6/2015 du 22 mai 2015 Dans le cadre d’une vente de voiture pour un prix de 34 950 euros, l’acheteur a payé 10 000 euros en espèces lors de la remise du véhicule, un litige surgissant entre les parties quant aux modalités du paiement du

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158 JdT 2016 II 154 solde du prix ainsi que sur le fait que l’acheteur aurait aussi payé ce solde en espèces le jour de la remise du véhicule (le différend portant aussi sur certaines caractéristiques du véhicule). Cet arrêt confirme qu’il appar- tient en principe à l’acheteur de prouver l’exécution de sa prestation (soit le paiement du prix d’achat), et pas au vendeur de prouver qu’il n’a pas reçu le paiement et qu’il a concédé un crédit. En l’espèce, un reçu accu- sant réception d’un paiement a été établi (les parties divergent sur la por- tée du montant figurant sur ledit reçu), ce reçu n’ayant toutefois pas pu être produit par l’acheteur dans la procédure. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une opération de vente quotidienne en espèces (« Handkauf ») qui a lieu trait pour trait (art. 184 al. 2 CO) et pour laquelle aucun reçu n’est émis, et où une présomption de fait peut être admise en faveur d’un paie- ment immédiat en espèces. Il n’est dès lors pas arbitraire de considérer que le paiement n’a pas été prouvé par l’acheteur faute de reçu, même si divers indices tendent à démontrer l’existence d’un tel paiement.

B. Contrat d’entreprise

5. Absence d’autorité de chose jugée d’un jugement sur l’avance de frais (art. 366 al. 2 CO) : ATF 141 III 257

Lorsque le maître d’ouvrage souhaite recourir à une exécution par substitution (art. 366 al. 2 CO), il peut demander une avance de frais à l’entrepreneur. Dans ce cas, il doit faire confirmer judiciairement son droit à l’exécution par un tiers et faire déterminer le montant de l’avance de frais (« Kostenvorschussurteil »). Après avoir fait procéder à l’exécution des tra- vaux, il doit établir un décompte final des coûts effectifs et peut obtenir de l’entrepreneur le remboursement des coûts supplémentaires (qui dépassent le montant de l’avance de frais), ou doit restituer un éventuel excédent à l’entrepreneur (si l’avance de frais dépasse les coûts effectifs). Dans la pre- mière hypothèse, le maître d’ouvrage peut obtenir le remboursement des coûts effectifs – s’ils dépassent l’avance de frais –, cette prétention ne se heurtant pas à l’autorité de la chose jugée du premier jugement par lequel l’avance de frais a été fixée (et ce même si elle l’a été par expertise, comme en l’espèce) et par lequel l’exécution par substitution a été autorisée.

6. Droits du maître lorsqu’un délai intermédiaire convenu dans un contrat d’entreprise n’est pas tenu (art. 366 al. 1er CO) : ATF 141 III 106

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a eu pour la première fois l’occasion de déterminer si, en vertu de l’art. 366 al. 1er CO, un maître de l’ouvrage peut renoncer seulement à la partie de la prestation due qui n’a pas été

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exécutée à temps ou s’il peut au contraire renoncer à l’intégralité de la prestation convenue, y compris pour la partie de celle-ci pour laquelle l’entrepreneur n’est pas en retard. En l’occurrence, il s’agissait de deux façades (de type différent – une en bois et métal et une en « rideau ») dont une avait un retard de livraison mais pas l’autre. Selon la jurispru- dence du Tribunal fédéral, le créancier ne peut procéder selon l’art. 107 CO que pour les prestations qui sont déjà en retard. Une exception ne peut être faite que si l’exécution future du contrat apparaît menacée ou si le créancier est légitimé à procéder selon les art. 107/109 CO en vertu de dispositions contractuelles spécifiques également pour les prestations qui ne sont pas encore dus. La règle ne peut s’appliquer qu’en présence d’une prestation divisible. Tel est le cas si la prestation peut être séparée sans réduction de valeur. La divisibilité dans un sens technique est ainsi nécessaire, mais n’est pas suffisante : c’est en fin de compte le but du contrat et les intérêts respectifs des parties qui sont déterminants.

En l’espèce, le Tribunal fédéral admet qu’il s’agit d’une prestation divi- sible (entre les 2 façades commandées), nonobstant le fait que les pres- tations concernées figurent dans un seul document contractuel, qu’elles aient fait l’objet d’un prix global et qu’elles aient été soumises à un délai de livraison final unique, contrairement à l’appréciation faite par l’autorité cantonale. Dans le contrat d’entreprise, l’entrepreneur livre un ouvrage qui doit correspondre aux attentes spécifiques du maître de l’ouvrage, ce qui fait que cet ouvrage n’est en général pas facilement utilisable ailleurs. De ce fait, une renonciation complète au contrat a des conséquences négatives pour l’entrepreneur. Ainsi, une telle renonciation ne doit pas être admise trop facilement dans le cadre d’une pondération des intérêts en présence.

En l’espèce, les inconvénients d’une renonciation totale pour l’entrepre- neur l’emportent sur le coût supplémentaire de coordination à la charge du maître de l’ouvrage (qui n’a au demeurant pas été établi). Le maître de l’ouvrage n’était ainsi pas en droit de renoncer à la partie de la prestation qui n’était pas tardive. Si les conditions de l’art. 366 al. 1er CO ne sont pas remplies, la déclaration du maître de l’ouvrage constitue une déclara- tion de renonciation au sens de l’art. 377 CO pour autant que le maître de l’ouvrage ait souhaité de toute façon mettre un terme au contrat.

7. Interprétation de la portée d’une déclaration de renonciation à la prescription (art. 371 CO) : arrêt du TF 4A_413/2014 du 28 avril 2015

Par une déclaration écrite, le représentant de l’entrepreneur a déclaré renoncer à invoquer l’exception de prescription dans l’hypothèse où les maîtres de l’ouvrage ouvriraient action contre lui pour les défauts de

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160 JdT 2016 II 154 l’ouvrage3. Les instances cantonales ont rejeté l’action en garantie ulté- rieurement intentée par les maîtres de l’ouvrage dès lors qu’ils n’avaient pas notifié l’avis de défauts conformément à l’art. 370 al. 3 CO. Les maîtres de l’ouvrage plaident devant le Tribunal fédéral que la renon- ciation à la prescription valait aussi pour l’avis des défauts. Le Tribunal fédéral retient toutefois que cette renonciation (qui se réfère à la prescrip- tion) ne vaut que pour la prescription au sens de l’art. 371 al. 2 CO et ne vise pas l’incombance de l’art. 370 al. 3 CO.

C. Contrat de mandat

8. Droit à la rémunération du mandataire qu’en cas d’exécution correcte de sa prestation (art. 394 al. 3 CO) : arrêt du TF 4A_287/2015 du 22 juillet 2015

Après avoir remporté à la loterie un gain de 63 millions d’euros en 2006, un client a placé la somme de 50 millions d’euros sur un compte d’une banque et a mandaté un avocat à Genève pour l’assister et le conseiller dans le cadre de l’administration et de l’affectation de sa fortune contre une rémunération forfaitaire de 10 000 francs par mois.

Pour son activité durant la période du 1er mars au 31 octobre 2007, l’avocat a adressé à son client quatre notes d’honoraires d’un mon- tant total de 87 118 francs, débours et TVA compris, que ce dernier a acquittées. Quatre notes d’honoraires postérieures portant sur la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2008, d’un montant total de 165 256 francs, débours et TVA compris, ont en revanche été contestées par le client au motif que le mandataire n’a exercé aucune activité après le 1er novembre 2007.

Aux termes de l’art. 394 al. 3 CO, une rémunération est due au man- dataire si la convention ou l’usage lui en assure une. La rémunération du mandataire représente une contre-prestation pour les services qu’il rend au mandant, plus précisément pour l’activité diligente qu’il exerce dans l’affaire dont il est chargé, de sorte que le mandataire qui ne rend pas les services promis, c’est-à-dire qui demeure inactif ou n’agit pas avec le soin requis, ne peut prétendre à l’entier des honoraires convenus ou à la même rémunération qui serait équitablement due à un mandataire diligent. En d’autres termes, même lorsque les honoraires ont été fixés de manière forfaitaire, le mandataire ne peut prétendre à des honoraires que s’il a exécuté correctement sa prestation, ce qu’il lui incombe de

3 « ribadisce con la presente l’assoluta mancanza di difetti nei lavori eseguiti dalla ditta [E. SA] rinunciando sin d’ora a sollevare l’eccezione di prescrizione nel caso in cui venisse iniziata da parte dei proprietari una azione per difetti ».

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démontrer. Sous l’angle du grief d’arbitraire soulevé par l’avocat, on ne saurait considérer que la Cour cantonale a jugé de façon arbitraire en exi- geant, pour se convaincre de la réalité d’une activité de conseiller finan- cier exercée par le demandeur, que des pièces attestant directement de l’activité déployée soient produites, et non seulement des courriels dont le lecteur devrait imaginer les activités sous-jacentes. Si la « rédaction » et « l’envoi » de ces courriels sont la preuve de contacts entre les parties, ils ne le sont pas de l’activité de gestionnaire effectivement déployée. Le recourant ne prétend pas disposer, ni avoir produit, un quelconque relevé d’activité (« time sheet ») ou d’autres documents découlant de son acti- vité. Pour ces motifs, l’avocat n’a pas droit au paiement des honoraires pour la période dès le 1er novembre 2007.

9. Obligation matérielle de reddition de compte (art. 400 CO) et requête procédurale de preuve à futur (art. 158 CPC) : ATF 141 III 564

Suite à la déconfiture des « fonds Madoff », une cliente qui s’est vu verser des supposées plus-values (consistant en réalité en des fonds versés par d’autres investisseurs) et qui est en litige avec sa banque a demandé à cette dernière de lui fournir des informations (en particulier sur les rétrocessions touchées par celle-ci) sur la base d’une requête de preuve à futur (art. 158 CPC) en vue d’une action visant notamment au remboursement des rétrocessions perçues par la banque. Les tribunaux cantonaux (genevois) ont rejeté cette requête, ce contre quoi la cliente recourt au Tribunal fédéral. Notre Haute Cour rappelle qu’en vertu de l’art. 400 al. 1er CO, le mandataire a l’obligation envers le mandant de lui rendre compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu’il a reçu de ce chef. L’obligation de rendre compte comprend l’obligation de rensei- gner. Le droit à l’information doit permettre au mandant de vérifier si les activités du mandataire correspondent à une bonne et fidèle exécution du mandat et, le cas échéant, de réclamer des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité du mandataire. Grâce à l’information obtenue, le man- dant connaîtra également l’objet de l’obligation de restitution.

La cliente cherche à recueillir des informations sur la manière dont la banque a accompli ses activités en rapport avec le mandat, plus particu- lièrement lors du choix et du suivi des investissements dans les « fonds Madoff ». Ce faisant, elle exerce le droit à la reddition de compte au sens de l’art. 400 al. 1er CO. Or, le droit à la reddition de compte est une prétention de droit matériel, et non un droit de nature procédurale. En tant que droit accessoire indépendant, il peut faire l’objet d’une action en exécution. En ordonnant au mandataire de fournir l’information ou

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162 JdT 2016 II 154 les documents requis, le juge règle définitivement le sort de la préten- tion, qui « s’épuise » avec la communication des renseignements ou des pièces. Le jugement, revêtu de l’autorité de la chose jugée, doit être rendu après un examen complet en fait et en droit. Selon la jurisprudence, le juge ne peut pas ordonner par voie provisionnelle une mesure qui, par sa nature, implique un jugement définitif de la prétention à protéger, comme la reddition de compte au sens de l’art. 400 al. 1er CO. De même, la procédure de preuve à futur en vue d’évaluer les chances de succès d’une action future ne peut pas être utilisée pour faire valoir une pré- tention en reddition de compte contestée par la partie adverse. En effet, saisi d’une requête fondée sur l’art. 158 al. 1er let. b in fine CPC, le juge examine uniquement, sous l’angle de la vraisemblance, si le requérant dispose d’un intérêt digne de protection à l’administration de la preuve requise ; il ne rend pas un jugement définitif sur un droit matériel, après un examen complet en fait et en droit. En résumé, la voie de la preuve à futur n’est pas ouverte pour faire valoir le droit que la cliente invoque en réalité, à savoir une prétention en reddition de compte fondée sur l’art. 400 al. 1er CO. Il s’ensuit que les juges cantonaux (genevois) n’ont pas appliqué l’art. 158 al. 1er let. b CPC de manière arbitraire en confir- mant l’ordonnance rejetant la requête de preuve à futur.

D. Contrats innommés

10. Résiliation immédiate pour justes motifs d’un contrat de distribution exclusive : arrêt du TF 4A_484/2014 du 3 février 2015

Par courrier du 15 juin 2011, une société fournisseuse active dans l’in- dustrie de l’instrumentation médicale a résilié avec effet immédiat pour justes motifs le contrat de distribution exclusive qu’elle avait conclu en septembre 2009 avec une société distributrice ayant l’exclusivité pour la Suisse et pour l’Autriche. Un litige s’en est suivi, la distributrice exclusive contestant la validité de la résiliation. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral rappelle les principes applicables à la résiliation pour justes motifs des contrats de durée. Il confirme l’arrêt cantonal et constate que la fournis- seuse n’était pas légitimée à résilier le contrat avec effet immédiat faute d’existence de justes motifs. A cet égard, la Haute Cour constate en parti- culier que le fait que la distributrice ait supposément violé son obligation de promouvoir la commercialisation des produits ne peut être admis en l’espèce dès lors que ceci n’avait pas été retenu dans l’arrêt cantonal. Ce dernier exposait en effet que le fait de ne pas avoir atteint les objectifs de chiffres d’affaires constituait un motif de résiliation ordinaire du contrat

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selon les termes de ce dernier, qui ne justifiait dès lors pas une résiliation extraordinaire (fondée sur de supposés justes motifs) : selon ce qui a été retenu par le Tribunal cantonal, la distributrice avait atteint les objectifs de chiffres d’affaires contractuels pour les années 2009 et 2010. Certes, l’objectif contractuel pour l’Autriche en 2010 n’avait clairement pas été atteint. Toutefois, comme les parties avaient convenu à l’art. 8.1 du contrat de distribution exclusive d’un mécanisme de résiliation ordinaire du contrat dans le cas où les objectifs de chiffres d’affaires ne seraient pas atteints, ceci ne pouvait pas, selon l’instance cantonale, justifier une résiliation pour justes motifs4.

III. Activités législatives

Pour ce qui concerne les activités législatives, on se limitera (compte tenu de l’esprit de la présente chronique qui a essentiellement pour but de présenter la jurisprudence et des contraintes de place) de signaler ici l’en- trée en vigueur au 1er janvier 2016 des modifications législatives portant révision du droit de révocation (art. 40a ss CO)5, qui s’applique désor- mais également en cas d’opérations « par téléphone ou par un moyen semblable de télécommunication vocale instantanée » (nouvel art. 40b let. d CO). On peut noter que cette révision entraîne également quelques modifications des règles applicables au mandat visant à la conclusion d’un mariage ou à l’établissement d’un partenariat (art. 406a ss CO) et de la loi sur le crédit à la consommation (LCC, RS 221.214.1).

4 On notera que ce raisonnement avait déjà été adopté par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 4A.435/2007 du 26 mars 2008 (c. 3.2.).

5 Ch. I de la loi fédérale du 19 juin 2015 (Révision du droit de révocation), entrée en vigueur le 1er janvier 2016 (RO 2015 4107).

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