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Chronique de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, 2007

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Chronique de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, 2007

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Chronique de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, 2007. Swiss Review of International and European Law , 2008, vol. 18, p. 123-171

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44793

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Chroniques

Chronique de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice en 2007

par Robert Kolb*

Sommaire

l. Introduction : questions générales

TT. ];affaire relative à l'application de la Convention pour la prévention et la répression du génocide (Bosnic-Hcrzégovinc c. Serbie ct Monténégro), l~md, arrêt rendu le 26 février 2007.

A. Résumé B. Commentaires

Ill. CatTairc Ahmadou Sadio Di allo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions préliminaires, arrêt du 24 mai 2007.

A. Résumé B. Commentaires

IV l:affairc du différend territorial ct maritime entre le Nicaragua ct le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), fond, arrêt du 8 octobre 2007.

A. Résumé B. Commentaires

V. ];affaire du différend territorial ct maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 13 décembre 2007.

A. Résumé B. Commentaires

1. Introduction : questions générales

1 . Pendant 1 'année 2007, la Cour, indépendamment des ordonnances, a rendu deux arrêts sur la compétence et recevabilité et deux arrêts sur le fond. Par ail- leurs, douze affaires restent pendantes et une d'entre elles est actuellement en audience ou en délibéré111 s'agit cl 'une année jurisprudentielle très dense avec comme point d'orgue l'important arrêt concernant le génocide en Bosnie. En général, la jurisprudence de la Cour s'oriente vers une application plus stricte et plus linéaire du droit, bien que des interprétations hardies ne maquent pas. Dans

Professeur de droit international aux Universités de Neuchâtel, de Bcme et de Genève (Centre uni- versitaire de droit international humanitaire).

La liste Je ces a lb ires peut être consultée sur www.icj-cij.org/docket/index.php?p l =3&p2~ l ; ['affaire actuellement en audience on en délibéré est celle sur la Souveraineté sur Pedra Branca 1 Pu lau Batu Puleh, Middle Rocks ct South Ledgc (Malaisie c. Singapour), portant sur la souveraine- té territoriale concernant une série d'îles.

SZIEIURSDfE 1-2/21l08 123 Kolb

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l'affaire du Génocide, la Cour donne une construction étroite ct précise au crime de génocide. Dans les affaires de délimitation maritime, la Cour revient vers la logique de J'équidistance 1 circonstances spéciales de l'article 6 de la Conven- tion sur le plateau continental de 1958, après la parenthèse des principes équita- bles librement pondérés par le juge tenus en honneur à des degrés variables entre les années 1969 et 2001. Dans le volet de délimitation terrestre, la Cour s'en tient à une jurisprudence consolidée sur les relations entre le titre (généralement l'uti possidetis) et les effectivités. Elle accorde une certaine priorité au premier, tout en admettant des modulations diverses, notamment dans les cas assez fré- quents où Je titre conventionnel ancien ou celui issu de 1 'uri possidetis juris n'est pas certain. Dans ces affaires de souveraineté et de délimitation très fréquentes en droit international on sent que la Cour a acquis un certain métier.

Eu égard aux contraintes d'espace particulièrement aiguës dans cette année jurisprudentielle constellée d'arrêts nombreux et parfois très denses, il ne nous sera pas possible, regrettablement, de fournir des commentaires dignes de ce nom aux divers jugements. Quelques jalons épars et remarques succinctes dev- ront suffire.

L'affaire relative à l'application de Convention pour la prévention la répression du génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie et Monténégro), fond, rendu le février 2007

A. Résumé

2. La Bosnie-Herzégovine (ci-après Bosnie) saisit la Cour contre la Serbie et Monténégro (ci-après Serbie) par une requête en date du 20 mars 1993 à fin de lui faire connaître le différend issu de violations alléguées concernant la Con- vention pour la prévention et la répression du génocide de 1948

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1 ss ). Pour fonder la compétence de la Cour, la Bosnic invoque l'article IX de la Conven- tion. Il s'agit d'une clause compromissoire, prévoyant la compétence de la Cour en ces termes : « Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l'interprétation, l'application ou l'exécution de la présente Convention, y com- pris ceux relatifs à la responsabilité d'un Etat en matière de génocide ou de i 'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d'une partie au différend. »

3. La Serbie Ü1it valoir que la Bosnie se serait désistée d'instance par une lettre de son co-agent dans la procédure en cours. Ce désistement a été démenti par le Président de la Bosnie, mais confirmé par le membre serbe de la Prési-

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denee bosniaquc (§ 18 ss). La Cour conclut de cette situation confuse que la Bosnie n'a pas manifesté de manière non équivoque la volonté de retirer sa re- quête. Dès lors, il n'y a pas eu de désistement2 ( § 24 ).

4. En 2001, la République fédérale de Yougoslavie avait retiré ses requêtes reconventionnelles. De plus, elle avait demandé la révision de l'arrêt sur la compétence et la recevabilité de 1996 au motif de l'absence de compétence ra- tione personae de la Com. La RFY n'aurait pas été partie au Statut de la Cour avant son admission à l'ONU en 2000. Elle n'aurait pas davantage été partie à la Convention contre le génocide avant son adhésion formelle en 200 l. Lors de cette adhésion, elle a formulé une réserve à l'article IX de la Convention, écar- tant la compétence de la Cour. En 2003, la Cour a jugée irrecevable la demande en révision ( § 31 ).

5. La Cour en vient ensuite aux réclamations de la Bosnie. Cet Etat fait va- loir que la Serbie aurait violé: ( l) la Convention contre le génocide de 1948 ; (2) les Conventions de Genève de 1949 sur le droit international humanitaire, ainsi que le Protocole additionnel 1 à ces Conventions (1977), la Convention de La Haye IV concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ( 1907) et Je droit international humanitaire coutumier ; (3) la Déclaration universelle des droits de l'homme; (4) la Charte des Nations Unies, y compris l'article 2, § 4;

(5) la souveraineté territoriale de la Bosnie et la non-intervention dans ses atfai- res intérieures. Concrètement, la Bosnie demande que la Serbie réprime ces vi- olations du droit, notamment à travers une coopération véritable avec le TPIY, et paie une réparation adéquate des dommages(§ 64, 66). La Serbie demande le rejet de ces demandes comme étant mal fondées(§ 65).

6. Le 3 juin 2006, suite à la séparation de la Serbie et du Monténégro, la République de Serbie a déclaré qu'elle assurait la continuité de J'ancienne République de Serbie-et-Monténégro (ci-après: SM) au sein des Nations Unies, avec tous les droits et obligations se rattachant à ce statut. La Bosnie soutient que la responsabilité pour les faits délictuels soumis à jugement reste conjointe- ment celle des deux républiques défenderesses. Le Monténégro indépendant s'est élevé contre cette allégation en affirmant qu'il s'agit d'une tentative, con- traire au Statut de la Cour, visant à en faire une partie à l'instance sans son consentement(§ 72). Or, selon le Monténégro, l'article 60 de la Charte consti- tutionnelle serbe précise que la seule Serbie est 1 'Etat continuateur de l'ancienne République de Stvl.

Suivant la Cour, un principe fondamental veut qu'aucun Etat ne puisse être soumis à sa juridiction sans y avoir consenti(§ 76). Or, la République de Mon- ténégro ne continue pas la personnalité juridique de la SM ; elle est un Etat tiers. Dès lors, le Monténégro ne saurait avoir acquis, à ce titre, c'est-à-dire

Sur le désistement d'instance, voir les articles 88 89 du Règlement de la Cour.

SZ!ElUJ<.SDrE 1-2/2008 125 Kolh

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automatiquement, la qualité de partie défenderesse à l'instance. Par ailleurs, il ne consent pas à la juridiction de la Cour. Le demandeur lui-même s'est borné à rappeler la responsabilité solidaire du Monténégro, mais n'a pas prétendu qu'il serait toujours partie à l'instance(§ 76). La République de Serbie est par consé- quent 1 'unique défendeur dans la présente instance ( § 77). Toutefois, les constats opérés par la Cour toucheront aussi le Monténégro (§ 78). Il n'est pas, par rap- port à ceux-ci, un tiers non affecté.

7. La Cour en vient ensuite au point de sa compétence ( § 80 ss). La question de la compétence, tranchée en principe par l'arrêt de 1996, a été rouverte par des événements postérieurs. La Serbie prétend qu'il est entre-temps apparu clairement qu'elle n'assurait pas, au moment de l'introduction de l'instance, la continuité de l'ancienne RFSY et qu'elle n'était pas à ce moment membre des Nations Unies. Elle n'était pas davantage partie au Statut ou à la Convention contre le génocide. Dès lors, la compétence ratione personae ferait défaut. En 1 'année 2000, la Serbie souligne avoir renoncé à sa prétention (soutenue depuis 1992) d'être l'Etat continuateur de l'ancienne RFSY. Elle demanda J'admission comme nouveau membre aux Nations Unies. En 2004, la Cour s'était pronon··

cée clans huit affaires introduites contre les Etats de J'OTAN par la Serbie suite aux hostilités de 1999: affaires de la Licéité de l'emploi dr: lafàrce (1999).

Dans ses arrêts, la Cour avait estimé qu'avant 2000 la Serbie n'était pas mem- bre des Nations Unies ni partie au Statut. Il en découlait que la Serbie ne pou- vait ester devant la Cour, en vertu de l'article 35 du Statut(§ 83). Selon laSer- bie, ces arrêts n'ont de fixee de la chose jugée qu'envers les parties à l'instance, non pour la Cour au stade présent de la procédure(§ 84). La Bosnie répond que le point de la compétence est jugé par l'arrêt de J 996 et qu'il constitue une res judicata. La RFY n'ayant pas soulevé cette question en 1996, la Cour ne saurait y revenir présentement(§ 1 00).

8. Avant de trancher ce point, la Cour rappelle l'historique du statut de la RFY vis-à-vis des Nations Unies(§ 88 ss). Ensuite, s'adressant à l'argument de la Bosnie, la Cour souligne que si une exception d'incompétence n'est pas sou- levée au stade des exceptions préliminaires, la partie ayant le bénéfice de l'in- voquer perd le droit de bénéficier de la suspension de la procédure sur le fond, mais non celui de J'aire valoir l'exception en même temps que ses arguments de fond (voir l'affaire Avena, CU, 2004, § 24). L'argument de la Bosnie revient donc à affirn1cr que la Serbie aurait in1pJiciteinent accepté la con1_pétence cle la Cour. Or, un tel acquiescement (ou estoppel) peut être déterminant pour la com- pétence consensuelle, mais non pour la compétence personnelle. En effet, la première dépend du consentement, et donc de l'attitude des parties; la seconde, en revanche, est indépendante de leurs vues et souhaits : affaire de la Licéité de l'emploi de lafôrce (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), Exceptions prélimi- naires, 2004, § 36 (§ 1 02).

Kolb 126 SZIER_!RSIJIE 1-2/2008

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9. Larrêt de 1996 est-il revêtu de lafàrce de la chose jugée de manière à ce qu'ilne puisse plus être remis en question dans la présente procédure? Le prin- cipe de la force de la chose jugée (resjudicata) a un caractère fondamental. Son contenu peut être décrit comme suit : « Selon ce principe, les décisions de la Cour sont non seulement obligatoires pour les parties, mais elles sont définiti- ves, en ce sens qu'elles ne peuvent être remises en cause par les parties pour ce qui est des questions que ces décisions ont tranchées, en dehors des procédures spécialement prévues à cet effet, qui présentent un caractère exceptionnel » (§ 115). Ce principe protège des intérêts objectifs et subjectif~: l'intérêt social (objectif) de la stabilité des relations internationales d'un côté; l'intérêt indivi- duel (subjectif) de chaque partie de jouir des avantages d'un arrêt sans danger permanent de remise en cause(§ 116). Suivant les articles 36, § 6, et 60 du Sta- tut, tout « arrêt» est recouvert de la force de la chose jugée, qu'il porte sur les exceptions préliminaires ou sur le fond. Telle est d'ailleurs la pratique de la Cour. Elle admet le caractère de res judicata des arrêts portant sur les excep- tions préliminaires : affaire Cameroun c. Nigeria, CU, 1999, § 16. Toutefois, la Cour doit s'assurer d'oJfice de certains aspects de sa compétence : affaire du Conseil de l'OAC!, CU, 1972, § 13. Cela ne signifie pas que la Cour puisse, d'office ou autrement, rouvrir à sa guise des questions préalablement jugées (§ 118). Aucun principe général n'existe pour étayer pareille vue, sauf quelques exceptions à la règle générale contenues dans les Statuts d'autres tribunaux in- ternationaux (§ 119).

l O. Comment appliquer ces principes au cas d'espèce? Dans l'arrêt de 1996, la Cour déclare qu'elle a compétence en vertu de l'article IX de la Convention de 1948. Ce constat est revêtu de la force de la chose jugée ( § 123 ). Certes, si la Cour rejette certaines exceptions préliminaires et conclut qu'elle a compétence (au vu des exceptions rejetées), cela ne lui interdit pas nécessairement d'exami- ner à un stade ultérieur les questions de compétence qui ont pu se poser par la suite, ct dès lors non tranchées par l'arrêt précédent(§ 127) : la Cour cite ici les affaires du Détroit de Corfàu (1947/8) et Compétence en matière de pêcheries, 1974. Parfois, la Cour se réserve elle-même la faculté de revenir sur des aspects de compétence tout en affirmant être compétente : affaire du Nicaragua, 1984, 1986. Dans ces cas, il ne s'agit nullement de réexaminer des points déjà tran- chés mais plutôt d'en aborder de nouveaux(§ 128). Or, en l'espèce, la Serbie demande de renverser la décision de 1996 sur des points déjà tranchés à l'épo- que. En 1996, en dépit de la situation juridique confuse du statut de la RFY au sein des Nations Unies, la Cour a dû nécessairement impliquer que le défendeur avait qualité pour ester devant elle afin d'affirmer sa compétence en vertu de la Convention de 1948. Dès lors, cette conclusion est resju.dicala (§ 132). Lauto- rité de la chose jugée 1' emporte sur une éventuelle vérité matérielle manifestée plus tard, car elle représente la vérité juridique déterminée par la Cour au mo-

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ment de sa décision: «Il est donc impossible, juridiquement, que la Cour puisse

<rendre une décision finale envers une partie à 1 'égard de laquelle elle ne peut pas exercer sa fonction judiciaire>»(§ J 38).

Il. La Cour en vient ensuite au droit applicable(§ 142 ss). En 1996, la Cour avait rejeté toutes les bases de compétence sauf l'article TX de la Convention contre le génocide. La compétence de la Cour ne porte donc que sur cette Convention(§ 147). La Cour n'est pas compétente pour connaître de la viola- tion de règles émanant d'autres sources, par exemple les droits de l'homme ou le droit international humanitaire, même s'il s'agit de normes impératives (jus cogens) ou erga omnes (§ 147). La Cour rappelle que le droit international lie les Etats même s'il n'y a aucun tribunal compétent pour résoudre d'éventuels différends à son propos(§ 148).

12. La Cour doit à ce stade répondre à une série d'arguments serbes visant à restreindre la portée de sa compétence. Certains de ces arguments la mènent à des développements importants. Primo, la Serbie soutient que la compétence de la Cour en vertu de 1 'article IX de la Convention de 1948 se limite à la faculté de rendre un jugement déclaratoire sur la violation de cc traité et non sur les J'ormes concrètes de responsabilité de 1 'Etat (complicité, incitation, tentative, etc.). Or, en 1996, la Cour avait affirmé que toute forme de responsabilité était couverte par l'artiG!e IX, qui contient le terme« responsabilité d'un Etat». Ces considérants sont revêtus de la foree de la chose jugée et fixent la portée de J'article IX. Dès lors, l'argumentation serbe est rejetée. Secundo, en 1996, la Cour a estimé que l'obligation des Etats de prévenir ct réprimer le crime de génocide n'est pas limitée territorialement par la convention. La Cour n'a tou- tefois pas tranché dans cet arrêt le champ d'application spatial de toutes les autres obligations découlant de la Convention(§ 153 154). La Cour ajoute plus loin que les obligations des articles I et LU de la Convention (obligations de prévention 1 répression, formes de responsabilité) ne semblent pas être territo- rialement limitées :elles s'appliquent à un Etat quelconque, où qu'il sc trouve, en fonction de ses moyens d'agir concrets. En revanche, l'obligation d'engager des poursuites en vertu de J'article IV ne porte que sur le territoire de chaque Etat partie(§ 183). Tertio, la Cour écarte l'argument serbe selon lequel il serait nécessaire qu'un individu soit d'abord condamné dans une procédure pénale pour génocide avant que la Cour ne puisse qualifier un fait de l'Etat comme

« génocide». Selon Cour, elle peut qüaJifier ces actes de nl8uîère autono1ne en sc fondant sur son Statut. Toute autre interprétation signifierait que dans un grand nombre de cas, il n'y aurait aucune voie de droit effective pour engager la responsabilité, faute de jugements pénaux (§ 180 182). Entre le second et le troisième point susmentionnés, la Cour intercale une question de grande impor- tance. Elle mérite un paragraphe à part.

Kolh 128 S7.1ER/RSDrE 1-2/2008

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13. Selon la Serbie, la Convention de 1948 n'est qu'un instrument de droit international pénal prévoyant la coopération des Etats pour prévenir le crime et réprimer pénalement des individus accusés de s'y être livrés, et non un instru- ment de responsabilité de 1 'Etat pour commission directe d'un génocide. li obli- gerait les Etats uniquement à coopérer à la répression du crime, c'est-à-dire de prévenir et de punir les actes de génocide commis sur leur territoire. La respon- sabilité des Etats pour violation de la Convention ne pourrait en conséquence porter que sur la violation de 1' obligation de prévention et de répression, non sur la commission du crime. Ainsi, la Convention ne couvrirait pas les génoci- des directement perpétrés par un Etat à travers ses agents. Matériellement, la Convention de 1948 ne s'étendrait pas à la responsabilité de l'Etat pour com- mission de génocide. En un mot, la responsabilité envisagée n'est que celle in- directe, pour absence de mesures préventives et répressives ; non directe, pour génocide perpétré.

Suivant la Cour, il faut reconnaître comme point de départ la portée morale et civilisatrice, mais aussi le caractère de jus cogens, de l'interdiction du géno- cide (§ 161 ). L:article I de la Convention porte un <engagement> des Etats par- ties à prévenir et à punir Je crime de génocide. Cette disposition créé des obliga- tions autonomes par rapport à celles des articles suivants, tant au vu du sens ordinaire elu texte que du but humanitaire et civilisateur de la Convention (§ 162). Cette conclusion est confirmée par les travaux préparatoires et les cir- constances de conclusion du traité (voir l'article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969). En effet, une double responsabilité était prévue, l'une directe pour les individus, l'autre indirecte pour l'Etat(§ 163). Le trans- fert de l'obligation de prévention et de répression du Préambule de la Conven- tion vers son article 1 en témoigne(§ 164). Certes, la Convention n'impose pas directement aux Etats parties l'obligation de ne pas commettre eux-mêmes un génocide. Le texte ne le dit pas. Or, cette obligation découle nécessairement de l'article 1 : l'obligation de prévenir le génocide de personnes sur le territoire étatique doit a(ortiori inclure celle de le prévenir vis-à-vis de ses propres orga- nes3 (§ 166). En somme, l'obligation de prévenir implique logiq11ement l'inter- diction de commettre. Lobjet et le but civilisateur de la Convention militent dans le même sens(§ 167). Il en va de même pour l'article JX, à travers l'ex ..

pression «y compris» (§ 169). Dès lors, l'Etat peut commettre un génocide et

§ 166 : « Il serait paradoxal que les Etats soient ainsi tenus d'empêcher, dans la mesure de leurs moyens, des personnes sur lesqncllcs ils peuvent exercer une certaine influence de commettre le crime de génocide, mais qu'il ne leur soit pas interdit de commettre eux-mêmes de tels actes par l'intermédiaire de leurs propres organes, ou des personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si étroit que le comportement de celles-ci leur est attribuable selon le droit international. En somme, l'obligation de prévenir le génocide implique nécessairement l'interdiction de le commettre (itali- ques ajoutées).»

SZIERiRSDΠ1-2/2008 129 Kolb

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engager sa responsabilité par les diverses formes d'action énumérées à l'article III de la Convention : commission directe, entente en vue de commettre un gé- nocide, 1 'incitation directe et publique, la tentative, la complicité. La responsa- bilité de l'Etat ne demeure pas cantonnée au seul devoir de prévenir ou punir le

crime(~ 169). La Cour s'attache ensuite à réfuter les arguments contraires de la Serbie : ~ 170 ss.

14. La Cour en vient désormais à la définition du crime de génocide

(~ 186ss). Elle serre de plus près deux aspects controversées : l'exigence de 1 'intention de commettre un génocide(§ 186 ss) et la définition du groupe pro-·

tégé (§ 191 ss).

L'intention de commettre le génocide : Le génocide consiste en certains actes conscients et intentionnels, accompagnés d'une intention spéciale de détruire le groupe protégé comme tel (dolus specialL1) : voir l'affaire Ku- preskic (2000) du TPIY, au ~ 636 (§ 187 1 88). Tenant compte de la gravité du crime, il faut prendre le plus grand soin pour conclure à l'existence de ceUe intention spéciale. Il est nécessaire de se fonder sur des manifestations suffisamment claires de l'intention(§ 189). Le« nettoyage ethnique» ne constitue un génocide que s'il se manifeste dans la forme d'actes énumérés à 1 'article Il de la Convention, accompagnés de l'intention spéciale requise :

«Ni l'intention, sous J'orme d'une politique visant à rendre une zone< eth- niquement homogène', ni les opérations qui pourraient être menées pour mettre en œuvre pareille politique ne peuvent, en tant que telles, être dési- gnées par le terme de génocide[ ... ]. [L]a déportation ou le déplacement de membres appartenant à un groupe, même par la force, n'équivaut pas néces- sairement à la destruction dudit groupe, et une telle destruction ne résulte pas non plus automatiquement du déplacement forcé ( § 190). » La simple expulsion cl 'un groupe ne constitue donc pas en elle-même un génocide (voir l'affaire Stakic (2003), TPIY, § 519).

Le groupe protégé: La définition des groupes protégés se trouve à l'article U de la Convention. La Bosnie a utilisé une définition négative du groupe, incluant en son sein toute la population« non-Serbe » de Bosnie. Or, selon le droit international, le groupe protégé doit présenter des caractéristiques communes positives (nationalité, ethnicité, race, religion) et non simplement l'absence de telles caractéristiques. Le crime doit être inspiré par 1 'intention de détruire un ensemble de personnes possédant une identité collective par- ticulière. Le point essentiel est de savoir ce que sont ces personnes, non ce qu'elles ne sont pas ( § 193). Les travaux préparatoires de la Convention con- firment qu'il faut utiliser une définition positive du groupe(§ 194). Ainsi, les rédacteurs rejetèrent la mention de groupes politiques ou culturels, trop peu homogènes. Le groupe protégé est donc en l'espèce celui des « Mu-

Kolb 130 SZIER/R5U!E 1-2/2008

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sulmans »de Bosnie. Suffit-il de supprimer une« partie du groupe»? Selon la Cour, l'intention doit être de détruire au moins une partie substantielle du groupe en question. La üaction visée doit être suffisamment importante pour que sa disparition ait des effets appréciables sur le groupe tout entier (voir Krstic, 2004, TPIY, § 8 Il) ( § 198 21 0). L'intention peut toutefèlis porter sur la destruction du groupe dans une zone géographique précise. Il faut tenir compte de la zone que le perpétrateur contrôle et où il exerce son activité. :L'attaque contre le groupe doit rester « substantielle ». Une cer- taine prudence s'impose à cet égard: voir 1 'affaire Stakic, 2003, TPIY, § 523 (§ 199). Savoir si une atteinte est« substantielle» s'apprécie aussi en fonc- tion de la taille du groupe et de la représentativité de certaines personnes en son sein: voir l'affaire Krstic, 2004, TPIY, § 12 (§ 200-201).

15. La Cour en vient alors à une question cruciale : les questions relatives à la pré'uve (§ 202 ss). Elle aborde la charge de la preuve (§ 204 ss), le critère d'établissement de la preuve ou standard de preuve (§ 208 ss) et les modes de preuve (§ 211 ss ).

La charge de la preuve : Toute partie qui avance un fait est tenue de l'établir: emus probandi incurnbit actori (§ 204). Selon la Cour, telle est la règle générale qu'il ümt suivre en l'espèce. Le demandeur avait prié la Cour d'admettre un renversement du fardeau de la preuve quant à l'imputabilité de certains actes à la Serbie, arguant du f~1it que les documents essentiels à cette fin étaient sous le contrôle exclusif de cette dernière et que celle-ci se refusait de les produire. La Cour affirme simplement être en mesure de tirer les conséquences de ce refus.

Le critère d'établissement de la preuve: Les allégations comprenant des ac- cusations d'une exceptionnelle gravité contre un Etat, comme celles d'avoir commis un génocide, doivent être prouvées par des éléments de preuve ayant «pleine force probante » (voir l'affaire du Détroit de CmfiJU, 1949, p. 17). La Cour doit être pleinement convaincue de l'existence de ces faits;

ils doivent être clairement avérés ; il doit y avoir autant que possible certi- tude (§ 209). Pour ce qui concerne les accusations de non-prévention ou de non-répression, le standard de preuve est un « degré élevé de certitude », à la mesure de la gravité des actes en cause ( § 21 0).

Les modes de preuve : La Cour do il f~tire montre de prudence à 1 'égard des preuves spécialement établies pour l'instance ou émanant d'une source unique. Les infôrmations d'époque par des personnes ayant une connais- sance directe des événements qu'ils relatent possèdent une force probante supérieure. C'est particulièrement vrai d'éléments de preuve défavorables à la partie qui les avance ou cl' éléments dont l'exactitude n'a pas été contestée.

Des éléments de preuve importants sont ceux émanant de sources imparti-

SZIEIURSl )[E 1-2/200tl 131 Kolb

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ales (voir l'affaire Congo c. Ouganda, Cil, 2005, § 61 ). Les jugements du TPIY sont très importants, car il s'agit d'éléments de preuve passés au crible d'exigences judiciaires particulièrement rigoureuses (§ 214 ss). Les pièces probatoires du TPIY diffèrent en importance selon leur poids intrinsèque : par exemple, l'acte d'accusation du procureur (le cas éc]Jéant pertinent parce qu'il inclut ou exclut Je crime de génocide)n'ê:~tc]~.I'tme allégation; à l'autre extrême, les jugements de fond, éventuéÎlement passés en appel, sont des éléments de preuve hautement convaincants(§ 223). Parmi les preuves significatives, il faut ajouter les rapports privés ou officiels. Leur poids dé- pend de la manière dont il ont été établis (exemple : rapport anonyme ou rapport basé sur une procédure contradictoire minutieuse) et de leur nature (exemple : déclarations contraires aux intérêts de leurs auteurs, faits incon- testés, etc.). Un rapport particulièrement important pour J'espèce est celui du Secrétaire général des Nations Unies sur la chute de Srebrenica (Doc.

A/54/549). Il a été très utile à la Cour. Ce rapport a été dressé avec soin ; il tient compte d'un grand nombre de sources très diverses ; et il émane de personnes indépendantes(§ 230).

16. La Cour passe à cc stade à l'établissement desfaits (§ 231 ss). Les liens de la RFY et de la Republika Srpska (ci-après : RS) bosniaque (et donc entre les branches militaires et paramilitaires respectives : JNA de la RSFY, puis VJ serbe d'un côté et la VRS bosno-serbe de l'autre) sont corroborés par le TPIY dans J'affaire Tadic de 1997 ct Je Rapport du Secrétaire général. La Cour évo- que entre autres les transferts de membres Bosno-serbes de la JNA vers la VRS après le retrait de l'armée fédérale de Bosnic en 1992. Il est par ailleurs établi que le défenseur mettait des ressources militaires et financières considérables à la disposition de la RS ( ~ 241 ).

La Cour entreprend ensuite l'adéquation des faits invoqués aux lettres a e) de l'article II de la Convention contre le génocide. Elle se fonde essentiellement sur les précédents du TPlY (§ 243 ss).

17. Pour la lettre a),« meurtre», il existe des preuves irréfutables d'atteintes massives à la vie de personnes ( § 276). Cependant, au vu des éléments de preuve présentés, la Cour n'est pas convaincue de la présence d'une intention spéciale de détruire le groupe protégé. Le TPIY n'a également pas retenu de dol spécial à l'encontre d'aucun des accusés(§ 277). Le cas de Srebrenica nécessite une analyse à part(§ 278 ss). Les plans serbes initiaux envisageaient 1 'expulsion des Musulmans de Srebrenica nettoyage ethnique ») ( § 281 ). Par la suite, ap- proximativement 7000 hommes en âge de porter les armes furent massacrés.

L'élément matériel des lettres a) et b) de l'article II a dès lors été réalisé(~ 291).

Le TPIY a considéré que 1 'intention spéciale était présente : affaire Krstic, 2001, § 87 ; B!agojevic, 2005, § 674. La conclusion de la Cour est que, con for-·

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mément à la jurisprudence du TPlY, l'intention spéciale n'existait pas dès le début de l'opération contre la poche de Srebrenica mais s'est constituée vers le 12 13 juillet 1995, c'est-à-dire après le changement de but stratégique visant désormais la prise de la ville(§ 295). La Cour ne voit pas de motif de s'écarter de la jurisprudence du TPlY. Il y a donc eu génocide à Srebrenica (§ 297).

18. Pour la lettre b ), « atteinte grave à l'intégrité physique)), le demandeur invoque la pratique de la terreur, la torture, les humiliations systématiques, les viols, etc. Les viols, notamment, peuvent constituer des actes de génocide (voir l'affaire Aka.vesu, 1998, TPIR, § 731 ; Stakic, 2003, TPlY, § 516). La Cour passe ensuite en revue les faits allégués en se fondant encore une fois sur les constats elu TPJY. Par exemple, pour le camp d'Omarska, elle fait état des juge- ments Ta die ( 1997), Kvocka (200 1 ), Stakic (2003) et Brdjanin (2004). Par ailleurs, la Cour se fonde sur des rapports d'experts; sur le témoignage de mis- sions permanentes d'Etats ; sur des documents d'organisations non gouverne- mentales ; ct sur le «Dis patch» des Etats-Unis d'Amérique. I; élément matériel de la lettre b) est satisfait, mais l'intention spéciale de détruire le groupe pro- tégé n'a pas, selon la Cour, été établi de manière concluante (§ 3 19).

19. Pour la lettre c ), <<soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entrai'ner sa destruction physique totale ou partielle )), le demandeur invoque la pratique de la famine ; la déportation 1 expulsion ; la destruction de biens historiques, religieux et culturels (~ 320). Quant à la fa- mine, il fait état du siège de Sarajevo, de Bihac, de Tuzla, de Cerska, de Maglaj.

Selon la Cour, l'élément matériel de la lettre c) est rempli, mais l'intention spé- ciale n'a pas été prouvée (§ 328). Quant aux déportations 1 expulsions, le de- mandeur fait état par exemple de Banja Luka, témoin d'expulsions systémati- ques et en grand nombre. La Cour estime qu'il manque ici encore la preuve de l'intention spéciale (§ 334). Quant aux destructions de biens culturels, histori- ques et religieux, le demandeur en invoque un grand nombre. La Cour en vient à examiner les actes d'accusation de diverses affaires en cours au TPIY (Kara- dzic 1 Mladic, Brdjanin, etc.). Il s'agit notamment de la destruction de mosquées et d'églises catholiques, d'archives, de bibliothèques, etc. La Cour rappelle que le« génocide culturel» n'a pas été retenu dans la Convention de 1948. En effet, la destruction du patrimoine n'entraîne pas la destruction physique du groupe, comme l'exige la lettre c) (voir l'affaire Krstic, 2001, § 580 et les travaux de la CDI) (~ 344). Il reste les conditions déplorables de détention dans les camps: la Cour renvoie aux aŒlires Ni/wlic (2003), Ki'(mjelac (2002), Kvocka (2003), Stakic (2003), Plavsic (2003), Sïrnic (2003) du TPIY. Si l'élément matériel est satisfait, l'intention spéciale n'a pas été établie. Ce constat est corroboré par la pratique du TPIY. Ce tribunal n'a pas condamné les accusés pour génocide dans les aŒlires précitées (§ 354).

SZ!Eil.._/RSDΠ1-2/2008 133 Kolh

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20. Pour la lettre d), (( imposition de mesures visant à entraver les naissan- ces au sein du groupe », les preuves sont maigres. Le demandeur invoque la séparation des sexes, sans aucune preuve à l'appui ; les traumatismes par le viol, le seul support étant l'acte d'accusation clans l'affaire Gagovic, 1996, élé- ment de preuve non convaincant car l'affaire ne passa jamais en jugement pour cause de décès de l'accusé; des violences contre des hommes afin qu'ils refu- sent de procréer, accusation étayée uniquement sur des sources secondaires comme un article du «Monde» ou des sources n'ayant pas un caractère défini- tif Dès lors, la preuve de tels actes reste insuffisante(§ 361 ).

21. Pour la lettree), (( tramjèrtforcé d 'enfànts du groupe à un autre groupe)), le demandeur allègue que des viols étaient pratiqués pour donner naissance à des Serbes, qui seraient par la suite transférés. Il sc fonde notamment sur des actes d'accusation du TPTY. Ces éléments de preuve sont insuffisants(§ 367).

22. La Cour se penche ensuite plus généralement sur les actes réputés dé- montrer l'intention de commettre le génocide(§ 370 ss). Indépendamment des faits spécifiques examinés ci-devant, le demandeur estime que l'intention spé- ciale ressort d'un plan global et méthodique tendant à commettre un génocide en Bosnie (comme d'ailleurs en Croatie et au Kosovo). Ce plan se manifeste- rait, entre autres, dans les «Objectifs stratégiques» (1992) promulgués par le Président de l'Assemblée de la Republika Srpska, M. Krajisnik, et cautionnés par la Serbie ( § 3 70 3 71). Le but principal de ce plan aurait été d'aboutir à la séparation du peuple Serbe et des autres peuples de Bosnie. Or, selon la Cour, cet objectif stratégique ne nécessite pas immanquablement la destruction physi- que propre au génocide. li peut être poursuivi aussi par l'expulsion systémati- que(§ 372). Le TPIY n'a dès lors pas qualifié ces «Objectif~ stratégiques» de génocidaires : affaires Brdjanin, 2004, § 303 ; Stakic, 2003, § 546 ss. [;exécu- tion de ce plan laisse plusieurs options ouvertes. Il est par conséquent trop gé- nérique pour établir l'intention spéciale requise, celle-ci devant être démontrée par des circonstances précises(§ 373). Le dol spécial n'a donc pas été prouvé, sauf pour les événements de Srebrenica (§ 376).

23. Quelle est la responsabilité du défèndeurpour lesfaits de Srehrenica, les seuls dans lesquels la Cour ait pu retenir l'accusation de génocide?(§ 377 ss).

Il se pose ici trois questions en cascade : (1) dans quelle mesure peut·-on attri- buer ces actes à la Serbie ? (2) quelle est la forme de sa responsabilité (par exemple : complicité de génocide)? (3) queiîe est la portée de son obligation de prévenir et de réprimer le crime en vertu de l'article I de la Convention de 1948 '?

24. La Cour aborde d'abord la question de l'attribution des actes commis en Bosnie à la Serbie (§ 385 ss). Il y a trois clés fondamentales pour l'attribution d'actes ou d'omissions d'une personne ou d'un groupe à un Etat.

Kolb 134 SZ!Eil__/RSDlE 1-2/2110il

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- Primo, 1 'Etat est responsable du comportement de tous ses organes de jure, exerçant formellement Je pouvoir public (article 4 du Projet CDJ, Responsabi- lité des Etats, 200 l, ci-après : PCD[). En J'espèce, aucune implication directe d'organes de la Serbie n'a été démontrée. Ni laRS ni la VRS ne constituaient des organes de jure de la RFY en vertu du droit interne de la RFY.

Secundo, l'Etat est responsable du comportement de tout organe defait agis- sant matériellement sinon f(mnellement- pour son compte. Dès lors, in- dépendamment d'une nomination formelle d'une personne ou d'un groupe dans le droit interne concerné aux fins d'exercer des fonctions étatiques, les actes ct omissions d'une personne ou d'un groupe sont attribuables à un Etat si ces personnes agissent en fait sous la <<totale dépendance» de 1 'Etat dont ils constituent un instrument d'action (affaire Nicaragua, fond, CIJ,

!986, § 1 09-ll 0). Ce type cl 'attribution indépendant du droit interne de l'Etat concerné4 doit rester exceptionnel parce qu'il rend l'Etat responsable de tous les agissements de ces personnes. Il suppose dès lors un degré de contrôle particulièrement élevé(§ 393). En l'espèce, en juillet 1995, ni la RS ni la VRS ne pouvaient être considérées comme de simples instruments d'action de la RFY, dépourvus de toute autonomie réelle(§ 394). Certes, il existait des liens politiques, militaires et logistiques forts entre eux et laSer- bie, mais pas au point d'en faire des organes de la RF Y. Il est même apparu des divergences entre la RFY et la RS. On ne peut pas parler de totale dé- pendance non plus pour des groupes paramilitaires comme les« Scorpions»

(§ 395). Dès lors, les actes de Srcbrenica ne peuvent pas être attribués à la Serbie par voie du concept d'organes defàcto (§ 395).

Tertio, l'Etat peut se voir attribuer des comportements à titre d'instruction ou de contrôle effectif (article 8 du PCDf). La responsabilité de la Serbie suppose ici que cet Etat ait donné des instructions ou exercé un contrôle effectif entraînent la commission de violations du droit international (af- faire Nicaragua, fond, 1986, CU, § 115) (§ 397). Le contrôle effectif doit être établi pour chaque opération en cause. Cc n'est ici pas l'ensemble des agissements du groupe qui est transféré vers l'Etat, comme dans l'hypothèse des organes defàcto. Dans l'affaire Tache (!999), le TPIY s'est écarté de cc critère en affirmant à sa place celui du «contrôle global». Il suffirait dès lors qu'un Etat équipe, finance, aide, ou f()mcnte des groupes en leur donnant un support important pour que l'attribution puisse être admise. La Cour ne saurait admettre ce critère plus large. Il n'était pas nécessaire à 1' exercice de la juridiction du TPJY et sort du champ de compétence spéci- fique de ce tribunal(§ 403). Le critère du« contrôle global» peut être idoine pour déterminer l'existence d'un conJlit armé international, seule question

t:imputatiou se fait ici directement sur la base ùu droit international public.

SZIEIURSDfE 1-2/21!08 135 Kolb

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d'attribution soumise à l'attention du TPIY dans 1 'affaire Ta clic ; mais il n'est certainement pas adéquat aux fins de la responsabilité internationale (§ 404). En etfet, il étend la responsabilité internationale de l'Etat au-delà du principe fondamental qui gouverne cette matière, à savoir qu'un Etat n'est responsable que de son propre comportement, c'est-à-dire des actes et omissions de personnes agissant en son nom(§ 406). Or, en l'espèce, aucun élément de preuve suffisant ne démontre que l'opération de Srebrenica au- rait été lancée sur instruction ou sous contrôle de la RFY. Dès lors, la Cour ne saurait attribuer ces actes à la Serbie(§ 415).

25. La Cour se tourne alors vers les/(mnes de responsabilité (§ 416 ss). Il s'agit d'interpréter la lettree) de l'article lU de la Convention de 1948, notamment la

« complicité de génocide ». La Serbie pouvait-elle au moins être complice du crime de Srebrenica '? La complicité englobe sans nul doute la fourniture de moyens destinés à permettre ou à faciliter la commission du crime de génocide (§ 419). Dans le droit de la responsabilité internationale, les termes utilisés sont ceux« d'aide ou d'assistance» (article 16 PCDI). Entre ces concepts··· compli- cité 1 aide et assistance- il y a analogie. Le complice doit savoir que son aide assiste à la commission du fait internationalement illicite. Cela englobe, en cas de génocide, la connaissance de l'intention spécifique chez l'auteur principal du crime(§ 421 ). Or, la preuve de cette connaissance n'a pas été établie (§ 422).

Ce constat est corroboré par le fait que la décision du massacre de Srebrenica semble avoir été prise au dernier moment par l'état major de la VRS (§ 423).

Dès lors, il n'y a pas de responsabilité de la RFY sur la base de 1 'article Ill, lettree), de la Convention de 1948.

26. Il convient alors de se tourner finalement vers le manquement à l 'obliga-·

tion de prévenir et de punir les actes de génocide eu vertu de l'article I de la Convention de 1948 (§ 425 ss). Les deux obligations (prévenir 1 punir) sont in- dépendantes l'une de l'autre, quoiqu'elles soient liées.

Obligation de prévenir: Il s'agit d'une obligation de comportement et non de résultat. C'est dire qu'il faut mettre en œuvre tous les moyens raisonnab- lement à disposition en vue d'empêcher le génocide, dans la mesure du pos- sible(§ 430). Le critère de la< due diligence> est cardinal. Il appelle une ap- préciation à la lumière des circonstances de chaque espèce. Il faut à cet effet surtout tenir con1pte de la capacité effective d'influencer 1' action en fèJnction de l'intensité des liens politiques et de la proximité géographique (principe d'effectivité). En revanche, on ne saurait arguer que les moyens à disposi- tion n'auraient de toute manière pas suffi à prévenir les actes. L'obligation est indépendante du succès supputé de l'intervention. S'il en était autre- ment, on se priverait d'un résultat qui aurait peut-être pu être obtenu gràce à l'action conjuguée de plusieurs Etats. Chacun d'entre eux pouvait estimer

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son influence trop réduite pour produire un succès; l'addition de tels efforts peut toutefois s'avérer décisive(§ 430). Enfin, une violation de l'obligation de prévenir ne peut être retenue que si un génocide a été effectivement com- mis(§ 43 l). Cc n'est pas que l'obligation naît uniquement à cc moment-là.

Elle découle immédiatement de la connaissance de l'intention de commettre un génocide. Toutefois, la responsabilité pour manquement suppose un dé- but de commission du crime (§ 431 ). Quelle est la difl"ërencc entre cette obligation de prévention ct de répression ct la complicité de génocide ? La violation de J'obligation se traduit par une omission, alors que la complicité sc manifeste par une action (§ 432). De plus, contrairement à la complicité, l'obligation de prévention est violée même si un Etat ne connaissait pas avec certitude le fait qu'un génocide allait être commis ou l'intention spéciale de la commettre : iJ suffit que 1' Etat en question ait eu connaissance - ou eût dû normalement avoir connaissance- de l'existence d'un risque sérieux de commission d'actes de génocide(§ 432).

En l'espèce, la RFY avait une position d'inf1uence sur la RS et la VRS in- comparable avec celle den' importe quel autre Etat. Elle découlait de la puis- sance des liens politiques, militaires et financiers (§ 434). De plus, la RFY était à 1' époque tenue par des obligations de prévention spécifiques issues de 1 'ordonnance en mesures conservatoires de 1993, lui enjoignant de prévenir le génocide en Bosnie (§ 435). Les autorités de la RFY ne pouvaient pas ne pas être conscientes du risque sérieux de génocide dès le moment où les forces de la VRS avaient décidé de prendre Srebrcnica (voir aussi les instan- ces personnelles de M. Carl Bildt à M. Milosevic) (§ 437). Compte tenu des informations qu'elles possédaient et de 1 'influence dont elles jouissaient, les autorités de las RFY auraient dû faire de leur mieux pour prévenir les événe- ments de Srebrenica (§ 438). Or, le défendeur n'a établi l'existence d'aucune initiative préventive. Rien ne semble avoir été fait. Cela constitue manifeste- ment une violation de l'obligation de prévenir Je génocide(§ 438).

Obligation de réprimer : Cette obligation découle des articles 1 et VI de la Convention de 1948. On ne saurait tàire grief à la RFY de ne pas avoir poursuivi les personnes en cause devant ses propres tribunaux, car les évé- nements ont eu lieu en dehors de son territoire. La Convention n'oblige pas à J'exercice d'une compétence punitive extraterritoriale(§ 442). Il demeure alors l'obligation s!.ipulée à l'article Vl <.le coopérer avec la« cour criminelle internationale ». Le TPfY constitue une « cour criminelle internationale » au sens de l'article VI de la Convention 445). Certes, les rédacteurs de la disposition avaient en vue la création d'une cour pénale par voie conven- tionnelle. Mais rien ne permet de penser qu'ils eussent voulu exclure un tribunal créé par une résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu du Chapitre VII (§ 445). Certes, les termes « ayant

SZIEIZ./RSDfE 1-2/2008 l37 Kolb

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reconnu lajuridiction »de cette cour criminelle, contenus dans 1 'article VI, traduisent 1 'idée d'une création par voie de convention internationale. Ap- pliqués au TPIY, ils renvoient à la question de savoir si la RFY est soumise à 1' obligation de reconnaître sa juridiction et de coopérer avec elle. Cette obligation existait au plus tard avec l'entrée en vigueur des accords de Day- ton (1995), suivant l'Annexe I-A (~ 447). Cette Annexe implique une recon- naissance de la juridiction du TPIY au sens de l'article VI de la Convention de 1948. Cadmission de la RFY aux Nations Unies en 2000 a donné à son obligation de coopération une base juridique supplémentaire(§ 447).

En l'espèce, la Serbie affirme que depuis le changement de régime politique advenu en 2000, elle coopère pleinement avec le TPIY. Cela signifie une admission indirecte qu'elle ne le faisait pas auparavant, cl' où l'engagement de sa responsabilité internationale. De plus, il ne semble pas que des moy- ens adéquats aient été utilisés pour appréhender le Général Mlaclic. Selon des in formations nombreuses ct concordantes, celui-ci s'est trouvé plusieurs fois sur le territoire de la RFY (~ 448). Le ministre des afTaires étrangères de la RFY admet que certains services de son Etat avaient encore récemment couvert le Général Mladic. Dès lors, il appert que le défendeur a manqué à son devoir de pleine coopération avec le TPIY ( ~ 449).

27. Se pose ensuite la question du non-respect des mesures conservatoires de la Cour indiquées en 1993 (§ 451 ss). Les ordonnances indiquant des mesures con- servatoires au sens de 1 'article 41 du Statut de la Cour ont un caractère obliga- toire (voir l'affaire LaGrand, 2001, CIJ, ~ 109). Le caractère obligatoire des mesures a été affirmé par la Cour en 2001, c'est-à-dire après l'indication des mesmes de 1993. Ce ÜIÎt n'altère toutef(Jis pas la situation juridique, car dans l'arrêt de 2001 la Cour s'est bornée à attribuer aux dispositions du Statut le sens et la portée qu'elles possédaient dès l'origine(~ 452). Cobligation de préven- tion énoncée en 1993 n'a pas été respectée par la Serbie. La question de la réparation de cette violation se conümd avec celle résultant de la violation de 1 'article 1 de la Convention de 1948 et sera abordée clans ce contexte ( § 458).

28. La Cour en vient enfin à la réparation du dommage ( ~ 459ss ). La resti- tution en nature ···modalité de réparation prioritaire selon l'arrêt de la CPJI en l'affaire de l'Usine de Chorzow- n'est pas possible en l'espèce. Il reste donc d'abord l'indemnité pécuniaire (voir l'afTaire du Projet Gabc!lwvo-Nagymaros, 1997, CIJ, ~ !52 ; l'affaire du Mur israélien, 2004, CIJ, ~ 152-153 ; 1 'article 36 PCDf). Pour admettre l'indemnité, il faut établir un lien de causalité suffisam- ment direct et certain entre le fait illicite et le préjudice subi, c'est-à-dire entre l'omission de prévenir ct le génocide commis ainsi que ses conséquences

(~ 462). Il y aurait un tel lien si la conclusion s'imposait avec un degré sufTisant de certitude que le génocide de Srebrenica aurait effectivement été empêché si

I<olb 138 SZIER./RS 1) lE 1-2/2008

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le défendeur avait adopté un comportement conforme à ses obligations juridi- ques(§ 462). Or, tel n'est pas le cas: il n'a pas été démontré que les moyens d'influence de la RFY eussent été suffisants pour empêcher le génocide(§ 462).

Cindcmnisation n'est donc pas la forme de réparation appropriée. Il reste dès lors la satisfaction. Pour la violation du devoir de prévenir, elle peut prendre la forme d'une déclaration de violatîon dans le présent arrêt(§ 463). Pour la vio- lation du devoir de punir ct de coopérer avec le TPIY, la satisfaction constitue également le moyen de réparation le plus approprié (§ 464). La Cour rappelle que cette obligation continue à peser sur la Serbie. Des garanties de non-répéti- tion spéciales ne sont pas nécessaires en l'espèce, la déclaration par la Cour de l'existence de ces devoirs étant suffisante(§ 466). Une indemnisation symboli- que de la Bosnic pour la violation des mesures conservatoires ne semble pas davantage s'imposer, cette violation faisant corps avec celle de la Convention de 1948. La Cour insérera toutefois une mention dans le dispositif~ à titre de satisfaction, déclarant que le défendeur a manqué à son devoir de se conformer aux mesures conservatoires(§ 469).

29. La Cour passe ainsi au dispositi/(§ 471 ). Les divers (et nombreux) points de celui-ci sont adoptés avec des majorités oscillant entre 14 1 et 10 5. Le point du dispositif décidé avec le moins de juges favorables est celui de la compétence de la Cour ; le point décidé avec le plus de juges favorables est celui affirmant que le Serbie a violé son devoir de réprimer le génocide, notamment en ne coopé- rant pas' suffisamment avec le TPIY. Mis à part des déclarations, de nombreux juges ont rédigé une opinion individuelle ou dissidente: Op. diss. Al-Khasawnch;

Op. diss. commune Ranjcva 1 Shi 1 Koroma; Op. diss. Mahiou (ad hoc); Op. ind.

Krcca (ad hoc) ; Op. ind. Ranjeva ; Op. incl. Tomka; Op. incl. Owacla. [] n'est malheureusement pas possible de donner ici un aperçu, même sommaire, du contenu très riche de ces opinions. Il faut renvoyer le lecteur à 1 'arrêt ou aux ré- sumés des opinions, disponibles sur le site de la Cour (www.icj-cij.org).

30. Comme il fallait s'y attendre, l'accueil doctrinal de cet arrêt important a été contrasté, pour autant qu'on puisse en juger à cc stade encore assez récent. 5

Cf. P. M. Duruv, «Crime sans châtiment ou mission accomplie'>>>, RGD/P, vol. Ill, 2007, p.

243 ss; J. M. SoREL,« Les multiples !ccl ures d'un arrêt: entre sentiment d'impunité et sentiment de cohérence, une décision à relativiser», ibid., p. 259 ss :P. CiAr!TA, «Génocide cl' Etat ct rcsponsabili- té pénale lndividucllc "'ibid., p. 273ss; H. AscEl'-isro, «La responsabilité selon lu CU dans l'affaire elu Génocide Bosniaqne »,ibid., p. 285 ss; P. WncKEL, «!.:arrêt sur le Génocide. le soume de l'avis de ]'!51 n'a pas transporté la Cour », ibid., p. 305 ss ; P. M. MAIUIN, « Quelques précisions sur le crime de génocide», Recueil Dalloz, 6 septembre 2007, no. 30, 7303c, p. 2121-2125; C. KRiiSS,

«The !Cl and the Elements of the Crime of Genocide », li:/!l, vol. 18, 2007, p. 619 ss ; P CîAETA,

« On Wh at Conditions Can a Statc be Hcld Responsible for Genocide ? », ibid., p. 631 ss ; A. CAs- sr" l', « The Nicaragua an cl Tadic Tests Revisited in the Light of the !CJ Juclgment on Genocide in Bosnia »,ibid., p. M9ss; M. MHANOVIC, « Statc Reponsibility for genocide: A Follow-Up »,ibid., p. 669 ss ; A. GATTINI, « Brcach of the Obligation to l'reve nt and Reparation Thcreof in the ICJ's

SZIER/R':il)[E 1-2/2008 139 Kolh

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Les opinions exprimées s'inscrivent dans le spectre situé entre le rejet total6 ct l'approbation sujette à quelques critiques.7 Il n'est pas possible, dans le peu d'espace qui nous est imparti, de donner un aperçu adéquat des arguments de 1 'ensemble de ces auteurs. Bornons-nous à donner une liste des points princi- paux relevés en faveur ou en défaveur de l'arrêt.

JO Il

12 l.l

En htvcur du prononcé de la Cour, on a fait valoir que :

la Cour n'a pas fui ses responsabilités judiciaires en se réfugiant derrière un arrêt J'ormel d'incompétence, comme elle le fit dans le passé pour d'autres afülircs politiquement délicates (par exemple l'affaire du Sud-Ouest AM- cain, 1966)k;

la décision de la Cour repose sur une certaine cohérence internc9. Elle ouvre peut-être plus de voies qu'elle ne referme10;

une administration de la preuve solide, en s'appuyant sur les constats de fait du TPIY11 ; mais il a aussi été dit, au contraire, que la Cour s'en est trop remise aux constats de fait du TPIY et qu'elle aurait dù montrer plus d'autonomie en la matière12;

une définition claire et restrictive du crime de génocide, sans succomber aux sirènes d'un élargissement militant du concept, qui en perdrait tout con- tour13 ; la Cour a eu raison d'exiger une définition positive du groupe pro- tégé ct de dire que la déportation en tant que telle n'est pas un génocide1~ ;

en général, la Cour a résisté à la tentation d'une justice politique : « [Le jugement montre que] the norms and concepts of international law are not interchangeable at will, and cannot be inf1ated in order to match emotional

Genocide Judgmcnt », ihid., p. 695 ss; M. SPII-iEDI, «On the Non-Attribution of the Bosnian Serbs' Conduct to Scrbia »,Journal oflnternaliona/ Criminai.Justiœ, vol. 5, 2007, p. 829 ss; i\. B. LOWEN- STEIN z S. A. KosTAs, « Divergent Approachcs to Dctcrmining Responsibility for Genocide, T'he Darur Commission of lnquiry and the IC.J's Judgment in the Genocide Case », ibid., p. 839 ss ; O. BEN-NAFTAJ.I 1 M. SHARON,« What the IC.I dicl Not Say about the Duty lo Punish Genocide», ibid., p. 859 ss ; A. CAsSESE, «On the Use of Criminal Law Notions in Determining State Responsi- bility i()r Genocide», ibid., p. 875 ss ; A. CiATT!NI, « Evidentiary Issues in the ICJ 's Genocide Juclg- menl », ibid., p. 889 ss ; C. ToMUSCHA'I; « Reparations in Cases of Genocide», ihid., p. 905 ss.

C'est le cas notamment chez M. SHAW, «The lntemational Court of Justice : Serbia, Bosnia and Genocide», Open Diplomac:y, 28 février 2007 (disponible sur www.opcndiplomacy.net); R. WEDG-

WOOD,« Slobodan Milosevic's Last Waltz »,New York Times dn 12 mars 2007.

Voir notamment MILANOVIC, op. cil. (nole 5); DO PUY, op. cil. (nole 5); WECKEL, op. cil. (note 5); etc.

DUPUY, 0/). dt., (note 5), p. 243.

DliPUY, op. cil., (note 5), p. 256; Sol\El., op. cil., (note 5), p. 2()4 ; MIIJINOVJC, op. cil., (note 5), p. 670.

DuP!IY, op. cil., (note 5), p. 256.

SOREL, op. cit., (note 5), p. 265 ; GATTJNJ, Breach .. , op. cil., (nole 5), p. 696. Voir en général CJAITINr, Evidentiary ... , op. cil., (note 5), p. 889 ss.

KRESS, op. cil., (nole 5), p. 628 629.

SoREl., op. cil., (note 5), p. 265 ; WECKEI., op. cit., (note 5), p. 307 ; MARTI:--i, op. cil., (note 5), p. 21232124.

KRESS, op. cil., (note 5), p. 623·624.

Kolb 140 SZIEIURSDΠ1-2/2008

(20)

Chroniques

needs of a public audience in search of a scapegoat to soothc its Jingcring feelings ofguiJt and impotence »15 .

la Cour a donné une interprétation large des devoirs de prévention et de pu- nition du crime, par exemple en ne les cantonnant pas au territoire d'un Etat.

Par cela, elle a affirmé une solidarité universelle f~tcc au crime de géno- cide16;

l'affirmation du rôle central de la Cour au sein des multiples juridictions internationales quand il s'agit de l'interprétation et du développement du droit international général. Ceite « autorité de Ja chose interprétée »par la Cour, son rôle de primus inter pares est la base d'un vrai débat entre les juridictions, mais aussi un élément d'ordre 17 ;

En défaveur du raisonnement de la Cour, on a insisté sur:

les conditions restrictives de la « totale dépendance » 1 « contrôle effec- tif», pour admettre l'attribution à J'Etat, aboutissent à une seconde mort du « crime d'Etat» (écarté déjà du Projet de la CDI sur la responsabilité de l'Etat). Dans ces conditions, il sera difficile d'affirmer la responsabilité d'un Etat pour commission d'un crime internationatl8. Non seulement les critères retenus par la Cour sont trop étroits, mais encore sont-ils étendus de manière injustifiée d'une situation de rébellion armée et ses opérations militaires (affaire Nicaragua) à celle d'une entité politique exerçant des pré- rogatives de puissance publique sur un territoire (affaire présente)19; - la partie du jugement affirmant la force de la chose jugée de l'arrêt de 1996

tout en admettant en même temps que cet arrêt était fondé sur les faits erro- nés (une espèce de dogme de l'infaillibilité de la Cour) est peu crédible et peu idoine à renforcer 1 'autorité de la Haute Juridiction20 ;

le standard de preuve trop exigeant appliqué par la Cour··· issu des exigences du procès pénal ne convient pas à des procédures de responsabilité de 1 'Etat.

La Cour aurait pu comme les juridictions de droits de l'homme renverser ponctuellement le fardeau de la preuve lorsque le défendeur ne pouvait pas raisonnablement s'en acquitter21 ;

la Cour a été trop passive en matière de collecte des preuves. Certains documents du «Conseil suprême de défense » serbe semblaient importants

ClATTrxr, Breach ... , op. cil .. (note 5), p. 712.

1" WECKEI., op. cit., (note 5), p. 309 ; GATTINI, Breacl1. .. , op. cil., (note 5), p. 713.

17 WECKEL, Of!. cit., (note 5), p. 317 SS.

18 DU PUY, OfJ. cf/., (note 5), p. 244 ; ASCENSlO, op. cit., (note 5), p. 294.

19 AsCENS!O, op. cit., (note 5), p. 291.

20 WECKEL, op. cil., (note 5), p. 315.

:?1 GAFrA, Génocide ... , op. cil .. (note 5), p. 27R 279; TmJuscHA'l; ov cit .. (note 5), p, 908, comme effet de l'ordonnance de la Cour de 1993 : la Serbie étant mise en garde, elle devait désormais s'exonérer par ses propres moyens.

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