R´esum´e de recherches doctorales.
Olivier Bouillot 30 novembre 2012
Table des mati` eres
1 Rappels et contexte math´ ematique. 2
1.1 Quelques rappels sur la sommation de Borel et la th´ eorie de la r´ esurgence. 2
1.2 Multizˆ etas et multitangentes. . . . 5
1.3 Autour des invariants holomorphes. . . . 6
2 Formule universelle et algorithmes de calculs des invariants. 9 2.1 Cadre de travail et notations. . . . . 9
2.2 Expression de l’application de cornes. . . . 10
2.3 Formule universelle pour les invariants. . . . 10
2.4 M´ ethodes de calculs des invariants. . . . 13
3 Etude des multitangentes. 16 3.1 D´ efinition et premi` eres propri´ et´ es. . . . 16
3.2 R´ eduction en monotangentes et projection sur l’espace des multitangentes. 17 3.3 Renormalisation des multitangentes divergentes. . . . 19
3.4 Relations entre multizˆ etas retrouv´ ees par l’´ etude des multitangentes. . . 20
4 Conclusion 21
Nous nous proposons dans ces quelques pages de pr´ esenter un r´ esum´ e de notre re- cherche doctorale. Celle-ci comporte deux parties distinctes et ind´ ependantes, mais qui sont aussi ´ etroitement li´ ees. La premi` ere, de nature analytique, concerne le calcul effec- tif en s´ eries de multizˆ etas des invariants holomorphes d’un diff´ eomorphisme local f de C dans le cas-type, ayant l’origine pour point fixe ; elle concerne aussi le calcul num´ erique de ces invariants. La seconde partie, de nature plus alg´ ebrique, traite des fonctions multitan- gentes ; plus pr´ ecis´ ement, elle pr´ esente une recherche des relations liant les multitangentes entres-elle, notamment celles qui sont responsables de l’invariance des quantit´ es ´ etudi´ ees dans la premi` ere partie.
Ce travail, dans son ensemble, comprend ` a la fois de l’analyse complexe (th´ eorie de la r´ esurgence, dynamique holomorphe et th´ eorie des singularit´ es) et de la th´ eorie des nombres (recherche de relations alg´ ebriques liant des nombres entre eux). La m´ ethode employ´ ee, dans les deux parties, rel` eve du calcul moulien.
Enfin, indiquons que, dans ce texte, toutes les r´ ef´ erences ` a un paragraphe que l’on pourra trouver renvoient au dit paragraphe de la th` ese elle-mˆ eme.
1 Rappels et contexte math´ ematique.
Avant d’introduire la notion d’invariants, nous pr´ esenterons bri` evement les rudiments techniques n´ ecessaires ` a leur calcul. Ensuite, nous introduirons deux objets apparent´ es : les multizˆ etas (qui sont des nombres) et les multitangentes (qui sont des fonctions) . Il s’agit des deux types de briques ´ el´ ementaires des invariants holomorphes : les multitan- gentes interviennent naturellement dans le calcul des invariants, alors que les multizˆ etas permettent leur calcul.
Viendra alors notre premi` ere probl´ ematique : le calcul des invariants holomorphes.
A travers l’exemple d’une ´ equation aux diff´ erences, nous expliquerons comment le proc´ ed´ e de sommation de Borel permet d’arriver au prototype des r´ esultats que l’on obtiendra.
Nous introduirons ensuite la notion d’invariants et expliquerons leur complexit´ e.
1.1 Quelques rappels sur la sommation de Borel et la th´ eorie de la r´ esurgence.
1.1.1 Le proc´ ed´ e de sommation sectoriel de Borel.
La transformation B de “Borel formelle” est une op´ eration agissant sur 1 z C
1 z
,
`
a valeurs dans C [[ζ]], d´ efinie par B : X
n≥0
c
nz
n+17−→ X
n≥0
c
nn! ζ
n.
Cette transformation est bien connue et v´ erifie des propri´ et´ es calculatoires simples.
Elle poss` ede un inverse (formel ` a ce stade), la transformation de Laplace L
θ. Cet inverse est un op´ erateur lin´ eaire d´ efini sur l’ensemble des fonctions ϕ v´ erifiant les conditions suivantes :
ζ 7−→ ϕ(ζ) est analytique sur un ouvert de C contenant {ζ ∈ C ; arg ζ = θ} . (1)
∃C > 0 , ∃τ > 0 , ∀r > 0 ,
ϕ(re
iθ)
≤ Ce
τ r. (2)
L’id´ ee (dˆ ue ` a Emile Borel) est alors d’effectuer une transform´ ee de Borel formelle ` a
une s´ erie ϕ e (souvent divergente, en vue de r´ etablir sa convergence si ses coefficients ne
grossissent pas trop vite), puis de d´ eterminer sa transform´ ee de Laplace pour obtenir une somme ou un prolongement analytique de ϕ e ` a un demi-plan de C .
Ce proc´ ed´ e est g´ en´ eral et s’appelle naturellement proc´ ed´ e de sommation de Borel : D´ efinition : Etant donn´ e θ ∈ R , nous dirons que ϕ e ∈ 1
z C
1 z
est Borel-sommable dans la direction θ et nous noterons ϕ e ∈ S
B,θlorsque les conditions suivantes sont v´ erifi´ ees :
1. ϕ b = B( ϕ) se prolonge analytiquement sur un voisinage Ω de e e
iθR
+. 2. ∃C > 0 , ∃τ > 0 , ∀ζ ∈ Ω , | ϕ(ζ)| ≤ b Ce
τ|ζ|.
Dans ce cas, la somme de Borel correspondante, not´ ee S
θ( ϕ) , est d´ e efinie par :
S
θ( ϕ) = e L
θ(B( ϕ)) e .
Une telle somme est alors automatiquement analytique sur le demi-plan {z ∈ C ; <e (e
iθz) > τ } .
Ce proc´ ed´ e est r´ esum´ e par le diagramme de la figure 1 (cf. page 4) .
Cependant, nous avons envie, lorsque cela est possible, de faire varier la direction de Borel-sommabilit´ e. On dit alors qu’une s´ erie formelle ϕ e est uniform´ ement Borel-sommable dans l’intervalle de direction [θ
1; θ
2] lorsque les conditions suivantes sont r´ ealis´ ees :
1. ϕ b se prolonge analytiquement sur un voisinage de Ω = {z ∈ C ; θ
1≤ arg z ≤ θ
2} . 2. ∃(C; τ ) ∈ ( R
∗+)
2, ∀ζ ∈ Ω , | ϕ(ζ)| ≤ b Ce
τ|ζ|.
Pour une telle s´ erie formelle ϕ, il est possible de faire varier la direction de sommation entre θ
1et θ
2dans l’application du proc´ ed´ e de Borel. Les diff´ erentes sommes de Borel se prolongent alors analytiquement les unes avec les autres. Ceci vaut tant que ϕ b ne poss` ede pas de singularit´ e sur le secteur angulaire Ω. Sinon, c’est l’apparition du ph´ enom` ene de Stokes.
1.1.2 Rappels sur la r´ esurgence.
De mani` ere g´ en´ erale, l’une des id´ ees phare de la th´ eorie de la r´ esurgence est de dire que les s´ eries divergentes provenant de probl` emes naturels (i.e. issues de l’´ etude d’´ equations aux diff´ erences, d’´ equations diff´ erentielles, de dynamique holomorphe, · · · ) poss` edent des transform´ ees de Borel dont les singularit´ es sont “analysables” et apparent´ ees. Pour mieux comprendre ces singularit´ es, Jean Ecalle a alors d´ evelopp´ e, ` a la fin des ann´ ees 1970, un calcul diff´ erentiel sur une certaine classe de fonctions : le calcul diff´ erentiel ´ etranger agissant sur l’alg` ebre des fonctions r´ esurgentes.
Pour tout ω ∈ Ω = 2iπ Z
∗, nous allons d´ efinir un op´ erateur lin´ eaire “mesurant” les singularit´ es au voisinage de Ω : ∆
ω: RES g
simple−→ RES g
simple.
Ici, RES g
simpled´ esigne l’ensemble des fonctions r´ esurgentes dans le mod` ele formel. Il
s’agit des s´ eries formelles ϕ e dont la transform´ ee de Borel ϕ b = B( ϕ) poss` e ede des singularit´ es
simples, du type logarithmiques, au dessus de Ω et se prolongeant sans fin sur C , c’est-` a-
dire qu’il existe, pour toute ligne bris´ ee finie L, un ensemble fini Ω
L⊂ L de singularit´ es
tel que ϕ se prolonge analytiquement le long de tous les chemins possibles obtenus en
suivant L et en contournant chaque point de Ω
Lsoit ` a gauche, soit ` a droite.
ϕ(z) = e
+∞
X
n=0
c
nz
n+1∈ 1 z C
1 z
∩ S
B,θ. (s´ erie formelle sommable au sens
de Borel dans la direction θ) .
B //
ϕ(ζ) = b
+∞
X
n=0
c
nn! ζ
n.
(fonction se prolongeant analytiquement au voisinage de e
iθR
+et ` a croissance exponentiellement contrˆ ol´ ee) .
S
θ( ϕ)(z) = e L
θϕ(z) = b
Z
eiθ∞0
ϕ(ζ)e b
−ζzdζ . (fonction analytique d´ efinie sur le demi-plan
{z ∈ C ; <e (e
iθz) > 0}) .
Lθ
D´eveloppement asymptotique `a l’infini.
WW
Figure 1 : Proc´ ed´ e de sommation de Borel dans la direction θ .
Figure 2 : Resommation sectorielle.
L’action de la d´ eriv´ ee ´ etrang` ere ∆
ωsur ϕ e ∈ RES g
simpleest alors d´ efinie par la formule :
∆
ω( ϕ) = b X
ε=(ε±1;···;ε±(m−1))∈{+1;−1}|m|−1
p(ε)! q(ε)!
m! sing
ω(cont
γ(ε)ϕ) b . Ici, ϕ b = B( ϕ), e p(ε) et q(ε) d´ esignent respectivement le nombre de signes + et − dans ε . De plus, cont
γ(ε)d´ esigne le prolonge- ment analytique de ϕ b le long du chemin γ(ε) alors que sing
ωd´ esigne la prise de d´ eveloppement asymptotique au voisinage du point ω .
La d´ efinition pr´ ecise de la d´ eriv´ ee ´ etrang` ere ∆
ωest, certes, compliqu´ ee, mais il est clair qu’elle agit trivialement sur une fonction r´ eguli` ere en ω. L’autre point important est qu’il s’agit bien d’une d´ erivation.
1.2 Multizˆ etas et multitangentes.
1.2.1 Les multizˆ etas.
Les multizˆ etas sont les nombres d´ efinis, pour les s´ equences (s
1; · · · ; s
r) ∈ ( N
∗)
r, r ∈ N
∗, v´ erifiant s
1≥ 2, par les sommes suivantes :
Ze
s1,···,sr= X
1≤nr<···<n1
1
n
1s1· · · n
rsr.
Lorsque r = 1, ces nombres sont simplement les valeurs de la fonction ζ de Riemann appliqu´ ee aux entiers. Leur premi` ere introduction remonte ` a l’ann´ ee 1775 lorsqu’Euler
´
etudia le cas des multizˆ etas de longueur 2 .
Aujourd’hui, les multizˆ etas interviennent dans des branches des math´ ematiques aussi vari´ ees que la th´ eorie des nombres, les groupes quantiques, la th´ eorie des noeuds, la physique math´ ematique, l’´ etude des diagrammes de Feynman, l’´ etude de P
1− {0 ; 1 ; ∞} , l’´ etude du “groupe de Galois absolu”, ...
Actuellement, l’une des questions importantes est la compr´ ehension des nombreuses relations entre ces nombres. Les plus importantes sont les relations dites de sym´ etralit´ e et de sym´ etr´ elit´ e qui, une fois ´ etendues au cas divergent, semblent, de l’avis unanime des chercheurs s’int´ eressant ` a ces nombres, engendrer toutes les autres relations possibles, et donc ´ epuisent leur arithm´ etique.
1.2.2 Les multitangentes.
Les multitangentes sont les fonctions d´ efinies, pour z ∈ C − Z , par les sommes : Te
s1,···,sr(z) = X
−∞<nr<···<n1<+∞
1
(n
1+ z)
s1· · · (n
r+ z)
sr.
Ici
1, (s
1; · · · ; s
r) ∈ S
?= {s ∈ seq( N
∗) ; s
1≥ 2 et s
r≥ 2} .
Les multitangentes sont, en fait, une g´ en´ eralisation ` a plusieurs variables des s´ eries d’Einsenstein, d´ efinies par :
E
k(z) = X
n∈Z
1
(n + z)
k, k ∈ N − {0 ; 1} , z ∈ C − Z .
Les multitangentes semblent ˆ etre apparues en th´ eorie de la r´ esurgence pour la premi` ere fois dans un texte de Jean Ecalle. A notre connaissance, elles n’avaient jusque l` a jamais ´ et´ e
´
etudi´ ees syst´ ematiquement pour elles-mˆ emes, alors qu’il s’agit d’un objet math´ ematique int´ eressant et tout ` a fait naturel.
1.3 Autour des invariants holomorphes.
1.3.1 Etude d’une ´ equation aux diff´ erences.
Dans tout ce paragraphe, fixons-nous un germe de fonction holomorphe a ∈ 1 z
2C
1 z
et ´ etudions l’´ equation aux diff´ erences dont l’inconnue est la s´ erie formelle ϕ e :
ϕ(z e + 1) − ϕ(z) = e a(z) . (3)
En notant ϕ b = B( ϕ), o` e u ϕ e est une solution de (3), on a ϕ(ζ) = b b a(ζ)
e
−ζ− 1 , ce qui d´ efinit une fonction m´ eromorphe sur C dont les pˆ oles ne peuvent ˆ etre situ´ es qu’en 2iπ Z
∗. Ainsi, l’´ equation poss` ede une unique solution ϕ e ∈ 1
z C
1 z
qui est donc S-r´ esurgente et v´ erifie :
∆
ωϕ b = − b a(ω) = (1 − e
−ω) ϕ(ω) , pour b ω ∈ 2iπ Z
∗. Ainsi, ϕ b “re-surgit” en la singularit´ e ω.
De plus, ϕ e est sommable au sens de Borel dans les directions θ ∈
− π 2 ; π
2
∪ π
2 ; 3π 2
. Le principe de re-sommation sectorielle donne donc deux fonctions analytiques, ϕ
+et ϕ
−, solutions de (3) et d´ efinies par :
ϕ
+= L
θb a(ζ) e
−ζ− 1
, θ ∈
− π 2 ; π
2
et ϕ
−= L
θb a(ζ) e
−ζ− 1
, θ ∈
π 2 ; 3π
2
. Il existe alors une constante τ > 0 telle que ϕ
+et ϕ
−soient analytiques sur des domaines du type D
+= C −{z ∈ C ; d(z ; R
−) ≤ τ } et D
−= C −{z ∈ C ; d(z ; R
+) ≤ τ } :
On v´ erifie alors facilement que :
∀z ∈ C , =m z < −τ , ϕ
+(z) − ϕ
−(z) = − X
ω∈2iπN∗
2iπ b a(ω)e
−ωz.
∀z ∈ C , =m z > τ , ϕ
+(z) − ϕ
−(z) = − X
ω∈−2iπN∗
2iπ b a(ω)e
−ωz.
1 Si Ω est un ensemble, nous d´esignons par seq(Ω) l’ensemble des s´equences dont les ´el´ements appar- tiennent `a Ω. Contrairement `a la notation habituelle, `a savoir Ω?, nous pourrons noter plus facilement les s´equences d’entiers non nuls par seq(N∗) , ce qui se serait not´e traditionnellement par (N∗)? ...
Domaine d’holomorphie de Domaine d’holomorphie de la re-somm´ ee sectorielle ϕ
+. la re-somm´ ee sectorielle ϕ
−.
Figure 3 : Illustration des compl´ ementaires de D
−et D
+.
Enfin, on peut remarquer que ϕ
+(z) = −
+∞
X
k=0
a(z + k) et ϕ
−(z) =
+∞
X
k=1
a(z − k) . Alors, si a(z) = 1
z
ppour p ≥ 2, l’expression de ϕ
−− ϕ
+donne une monotangente (c’est-
`
a-dire une multitangente de longueur 1) et son d´ eveloppement en s´ erie de Fourier.
En r´ esum´ e, la r´ esolution de cette ´ equation produit des fonctions S-r´ esurgentes ; la m´ ethode ´ etablit un premier lien entre ce calcul et les multitangentes. Qui plus est, celle-ci, convenablement it´ er´ ee, nous sera ` a nouveau utile pour calculer les invariants holomorphes des diff´ eomorphismes tangents ` a l’identit´ e et renforcera le lien avec les multitangentes.
1.3.2 Notion d’it´ erateur direct et d’it´ erateur r´ eciproque.
On sait que tout diff´ eomorphisme local f de C , ayant l’origine pour point fixe, est formellement conjugu´ e ` a un diff´ eomorphisme du type f
p,ρ= exp(X
p,ρ) · Id . Apr` es avoir effectu´ e pour des raisons techniques le changement de variable z = x
−1, envoyant l’origine
`
a l’infini, le champ de vecteurs X
p,ρdevient (en notant toujours ∂
zla d´ eriv´ ee ordinaire par rapport ` a la variable z) :
X
p,ρ= 1 p
z
−p1 + ρz
−pz∂
z.
On v´ erifie facilement que l’´ equation de conjugaison f ◦ u = u ◦ f
p,ρ, d’inconnue u, admet alors une unique solution formelle du type u(z) = z + ϕ(z), o` u ϕ ∈ 1
z C
1 z
. Celle-ci s’appelle it´ erateur r´ eciproque de f, elle est not´ ee
∗f et v´ erifie par construction :
f ◦
∗f =
∗f ◦ f
p,ρ. (4)
De mˆ eme, appelons aussi it´ erateur direct de f, et notons f
∗, l’inverse de
∗f . Il s’agit de l’unique s´ erie formelle du type v (z) = z+ψ(z), o` u ψ ∈ 1
z C
1 z
, v´ erifiant v◦f = f
p,ρ◦v . Le cas-type correspond au cas o` u le champ de vecteurs X
p,ρest le plus simple possible : c’est obtenu lorsque (p ; ρ) = (1 ; 0). Dans ce cas, f
p,ρdevient alors : f
p,ρ(z) = z + 1 = l(z) . Son nom provient du fait qu’il est repr´ esentatif de ce qui se passe pour les autres classes de conjugaison formelle. Dor´ enavant, nous nous placerons dans ce cas.
1.3.3 L’´ equation du pont, porteuse des invariants analytiques.
L’´ equation (4) se r´ e´ ecrit alors sous la forme :
ϕ(z e + 1) − ϕ(z) = e a (z + ϕ(z)) e , o` u a(z) = f (z) − (z + 1) . (5) On est alors dans une situation similaire ` a celle de l’´ equation aux diff´ erences (3) , puisque le second membre de (5) s’interpr` ete comme une perturbation du second membre de (3) . La m´ ethode de r´ esolution de (3) permet alors de trouver “l’´ equation du pont”, qui s’´ ecrit : ∆
ω∗f(z) = A
ω∗f (z) , pour tout ω ∈ 2iπ Z
∗. Ici, pour tout ω ∈ 2iπ Z
∗, A
ωest un op´ erateur diff´ erentiel d’ordre 1, de la forme A
ω= A
ω∂
zo` u A
ω∈ C .
L’importante suite scalaire des (A
ω)
ω∈2iπZ∗est une suite d’invariants. Par invariance, on entend conjugaison du diff´ eomorphisme local f par un autre diff´ eomorphisme local.
De plus, cette suite forme un syst` eme complet d’invariants. Cela signifie qu’elle permet d’´ enoncer une condition n´ ecessaire et suffisante pour que deux diff´ eomorphismes soient analytiquement conjugu´ es : deux diff´ eomorphismes de C tangents ` a l’identit´ e, d’invariants (A
1ω)
ω∈2iπZ∗et (A
2ω)
ω∈2iπZ∗respectivement, sont analytiquement conjugu´ es si et seulement s’il existe c ∈ C tel que pour tout ω ∈ 2iπ Z
∗, on ait : A
2ω= e
−ωcA
1ω.
Enfin, cette suite forme un syst` eme libre d’invariants : la suite (A
ω)
ω∈2iπZ∗cesse d’ˆ etre un syt` eme complet d` es qu’on lui retire un ´ el´ ement quelconque.
S’agissant de fonctions, les qualificatifs “holomorphe” et “analytique” sont presque synonymes. S’agissant d’invariants, on va leur donner des qualifications bien distinctes :
1. Un invariant sera dit analytique (par opposition ` a formel) s’il est invariant relativement aux changements de cartes, ou conjugaison analytique (par opposition
`
a la conjugaison formelle) .
2. Un invariant sera dit holomorphe s’il est fonction holomorphe du diff´ eomorphisme f, c’est-` a-dire de l’infinit´ e des coefficients de Taylor
2.
Dans notre contexte, c’est-` a-dire lorsque le multiplicateur f
0(0) vaut 1 ou est une racine de l’unit´ e (ce qui est presque la mˆ eme chose), la suite (A
ω)
ω∈2iπZ∗est une suite d’invariants analytiques et holomorphes, g´ en´ erant un syst` eme complet et libre.
1.3.4 Des objets complexes, mais explicitement calculables.
De nombreux dynamiciens posent r´ eguli` erement la question :
Peut-on calculer ces in- variants ?
Ils ont id´ ee que cela n’est pas possible, mais y attachent beaucoup d’importance et seraient tr` es heureux d’ˆ etre capables de les calculer. En effet, ces nombres codent
2 A l’exclusion du premier coefficient non nul.
compl` etement la dynamique du diff´ eomorphisme. Pouvoir les calculer, avec autant de d´ ecimales que l’on veut, permettrait de faire avancer plus vite certaines questions.
Malheureusement, ces invariants holomorphes ont la r´ eputation infond´ ee d’ˆ etre pour certains incalculables, pour d’autres tr` es difficiles ` a calculer. Une premi` ere explication tient aux diff´ erentes causes de divergence en dynamique holomorphe. Il y en a trois : la pr´ esence de petits diviseurs liouvilliens, la pr´ esence de petits diviseurs m´ ecaniques ou encore notre contexte. Dans les deux premi` eres classes, la situation est sans espoir. Dans la troisi` eme classe, la situation est toute autre : le calcul explicite est possible, mais coˆ uteux (` a l’exception des deux premiers invariants) . Une autre explication de cette r´ eputation est li´ ee aux m´ ethodes g´ eom´ etriques que les dynamiciens utilisent, pourtant tr` es performantes, mais assez mal adapt´ ees dans ce contexte.
Bien entendu, mˆ eme si dans notre cadre, ces nombres sont calculables, ils n’en sont pas moins tr` es compliqu´ es. Il ne peut en ˆ etre autrement puisque les objets auxquels ils sont li´ es (les ensembles de Julia ou de Mandelbrot), ainsi que leurs ingr´ edients, les multizˆ etas, sont tous tr` es complexes. Mais, par d´ efinition mˆ eme, ils sont parfaitement calculables.
La r´ ealisation explicite de ce calcul est l’objet central de toute la premi` ere partie de ce travail.
2 Formule universelle et algorithmes de calculs des invariants.
L’objectif de la premi` ere partie de ce travail est de convaincre que les invariants holomorphes sont des objets calculables ` a haute pr´ ecision, mais aussi que l’on connait leur structure interne (` a savoir des rationnels, des multizˆ etas et des coefficients de Taylor).
Alors que les invariants holomorphes ont la r´ eputation d’ˆ etre incalculables, on se propose de montrer la possibilit´ e de leur calcul par diff´ erentes m´ ethodes. Pr´ ecis´ ement, dans cette partie, on exposera une formule explicite et universelle ` a la base d’un des algorithmes de calcul.
2.1 Cadre de travail et notations.
Consid` erons un diff´ eomorphisme f tangent ` a l’identit´ e dont le r´ esidu it´ eratif est nul, c’est-` a-dire s’exprimant ` a l’infini sous la forme :
f (z) = z + 1 + γ
+(z) , o` u γ
+(z) = X
n≥3
a
nz
n−1.
On suppose que la s´ erie d´ efinissant γ
+est convergente au voisinage de +∞, ce qui s’exprime par : ∃(C
0; C
1) ∈ ( R
∗+)
2, |a
n| ≤ C
0C
1n. Notons aussi g(z) = f (z) − 1 , de sorte que : f = l ◦ g , o` u l(z) = z + 1 .
On dispose de deux it´ erateurs direct et r´ eciproque formels,
∗f(z) = z + ϕ(z) et e f
∗(z) = z + ψ e (z), v´ erifiant les ´ equations du pont :
∀ω ∈ 2iπ Z
∗, ∆
ωf
∗= −A
ωe
−ω(f∗−id).
∀ω ∈ 2iπ Z
∗, ∆
ω∗f = A
ω∂
z.
Ces deux it´ erateurs formels permettent de d´ efinir des it´ erateurs sectoriels, f
+∗, f
−∗,
∗
f
+et
∗f
−, qui sont des fonctions holomorphes sur des domaines du type D
+et D
−respectivement.
La diff´ erence ϕ
+−ϕ
−consid´ er´ ee lors de la r´ esolution de l’´ equation (3) admet ici comme analogue l’application de cornes π
+d´ efinies par : π
+= f
+∗◦
∗f
−. Celle-ci est d´ efinie sur tout C priv´ e d’une bande contenant l’axe des abscisses. Il est ais´ e de voir que π
+− id est une fonction 1-p´ eriodique dont les coefficients de Fourier sont
3les invariants holomorphes de f .
2.2 Expression de l’application de cornes.
Bien qu’il s’agisse d’un objet tr` es compliqu´ e, on dispose d’une formule explicite pour l’application de cornes π
+:
π
+(z) = z + X
r≥1
X
−∞<nr<···<n1<+∞
Γ
+n1,···,nr· z . (6)
Ici, Γ
+n1,···,nrest un op´ erateur agissant sur les fonctions tests comme suit :
Γ
+n· ϕ(z) = X
k≥1
(g(z + n) − z)
kk!
∂
kϕ
∂z
k.
Γ
+n1,···,nr= Γ
+nr◦ · · · ◦ Γ
+nr.
Ce r´ esultat important reviens ` a Jean Ecalle. Malheureusement, il est peu connu car la d´ emonstration que son auteur en a donn´ e est elliptique ; aussi, la d´ emonstration uti- lise les notations mouliennes. Notre contribution dans ce r´ esultat a ´ et´ e de pr´ eciser et pr´ esenter des ´ el´ ements de calcul moulien (cf. Annexe A) mais surtout de reprendre la preuve originale en pr´ esentant tous les d´ etails omis (cf. §2).
Rappellons aussi que la convergence de (6) est normale sur tout compact de C contenu dans l’ensemble de d´ efinition de π
+. Avec ce mode de convergence, la formule (6) sera notre point de d´ epart.
2.3 Formule universelle pour les invariants.
A partir de maintenant, on notera N
p= {n ∈ N ; n ≥ p} .
Expression de l’application de cornes et des invariants : Il s’agit de d´ eduire de (6) l’expression des invariants holomorphes. Pour cela, on va d´ evelopper l’expression de Γ
+n1,···,nr· z, l’ins´ erer dans (6), puis permuter les sommes pour faire apparaˆıtre des multitangentes.
On obtient typiquement le r´ esultat suivant (cf. §3) :
3 Il ne s’agit pas `a proprement parler des invariants holomorphes Aω, mais des A+ω qui d´ependent polynomialement des Aω . Mais ce d´etail technique est sans importance.
Th´ eor` eme 1 : Consid´ erons la famille de rationnels H
ns, o` u (s ; n) ∈ seq( N
3)×seq( N
2), d´ efinie r´ ecursivement par :
H
ns,sl+1= X
(n0;n00)∈(seq(N3)−{∅})2 s0∈seq(N2) n0·n00=n ,s0≤s
||s0||+l(n00)=||s||
sl+1+l(n00)=||n00||
(−1)
||s||−||s0||H
ns00
l(s)
Y
k=1
s
k− 1 s
0k− 1
.
Notons aussi A
•le comoule d´ efini sur seq( N
2) par :
∀n ∈ seq( N
2) , A
n= a
n1· · · a
nr.
Alors, l’application de cornes π
+est donn´ ee par les expressions sui- vantes :
π
+= X
(s;n)∈seq(N2)×seq(N3) l(n)≥l(s)
||n||=||s||+1
A
nH
nsTe
s(7)
= X
s∈seq(N2)
He
sTe
s(8)
= X
n∈seq(N3)
A
nT
n. (9)
Ici, les expressions (8) et (9) se d´ eduisent de (7) apr` es regroupement des s´ equences n ∈ seq( N
3) et s ∈ seq( N
2) respectivement. Remarquons aussi que (8) est une contraction moule-comoule.
En fait, pour d´ emontrer ce th´ eor` eme, une permutation de sommes est n´ ecessaire, mais celle-ci n’est pas simple ` a justifier. C’est une difficult´ e de taille, mais puisqu’il s’agit des coefficients de Fourier de π
+que l’on cherche ` a calculer, la convergence de (6) ´ etant normale sur tout compact, il n’est pas difficile de permuter l’int´ egrale de Fourier avec la somme. Le calcul se poursuit alors en montrant que chaque int´ egrale ` a calculer est une int´ egrale de Fourier d’une multitangente (cf. §3). Il reste donc ` a calculer les coefficients de Fourier des multitangentes, ce qui n’est pas difficile et est fait dans la seconde partie (cf. Partie 2, §7) . On obtient alors le r´ esultat suivant :
Th´ eor` eme 2 : Notons MZV = Vect
Q(Z e
s)
s∈S?d
, o` u S
d?= {s ∈ seq( N
∗) ; s
1≥ 2} . Notons aussi sg(N) le signe de l’entier N et A
n= a
n1· · · a
nr.
Alors, il existe des coefficients explicites ( b τ
Nn)
s∈seq(N3)∈ MZV
seq(N3), tels que les invariants holomophes de f admettent l’expression sui- vante :
∀N ∈ Z
∗, A
2iNπ= sg(N) X
n∈seq(N3)
b τ
NnA
n. (10)
Ce qui est remarquable dans cet ´ enonc´ e, c’est l’universalit´ e des coefficients ( b τ
ns)
s∈seq(N3):
il s’agit de multizˆ etas ind´ ependants de f !
Essentiellement, les ( b τ
ns)
s∈seq(N3)sont les coefficients de Fourier des fonctions 1-p´ eriodi- ques T
n∈ MTGF = Vect
Q(Te
s)
s∈S?df(o` u S
df?= {s ∈ seq( N
∗) ; s
1≥ 2 et s
r≥ 2}) . Le th´ eor` eme 2 ´ etant d´ emontr´ e, il n’est alors plus difficile d’obtenir une d´ emonstration du fait que π
+− id
Cest somme de sa s´ erie de Fourier.
Ainsi, on passe des formules (6) ` a (10) en remplacant les multitangentes par des multizˆ etas, et inversement : les expressions sont donc similaires.
Exemple : Choisissons f en posant g(z) = exp(αz
−2∂
z)
· z = z (1+3 αz
−3)
1/3. Alors : f (z) = l ◦ g(z) = z + 1 + α
z
2+ O(z
−3) .
Si T a
sd´ esigne une combinaison lin´ eaire de multitangentes faites pour simplifier l’´ ecriture, alors on obtient :
π
+f= +α · T a
2−α
2· 2Ta
3,2+α
3· 4T a
3,3,2+ 6T a
4,2,2−α
4· 8Ta
3,3,3,2+ 12T a
3,4,2,2+ 12Ta
4,2,3,2+ 24Ta
4,3,2,2+ 24Ta
5,2,2,2+O(α
5) .
Apr` es r´ eduction des multitangentes en monotangentes (cf. partie 2, §3) , et en utilisant les valeurs des multizˆ etas r´ eduits, on obtient :
π
f+= +α · Te
2·
+α
2· Te
2· − 6 ζ(3) +α
3· Te
2·
− 32
5 ζ(2)
3+ 36 ζ(3)
2+ α
3· Te
4·
− 1 5 ζ(2)
2+ α
3· Te
6·
− 1 3 ζ(2)
2+α
4· Te
2· 576
5 ζ(3)ζ(2)
3− 216 ζ(3)
3− 210 ζ(9)
+α
4· Te
4·
14 ζ(7) + 18
5 ζ(3)ζ(2)
2+ α
4· Te
6·
6 ζ(2)ζ(3) − 10 3 ζ(5)
+O(α
5) .
Enfin, A
±2πi(f ) = X
n∈N∗
c
nα
nest une fonction enti` ere de l’unique param` etre α, de type exponentiel en α
1/2. Ses 12 premiers coefficients, de signes altern´ es, valent :
c
1= −39.4784176043574344753... c
7= −356.388791016996809...
c
2= +284.7318264428106410205... c
8= +131.76870562724...
c
3= −788.4456763395103611766... c
9= −38.5440209553...
c
4= +1183.670897479215553310... c
10= +9.1457604...
c
5= −1124.013101882737214516... c
11= −1.796...
c
6= +738.577609773162031453... c
12= +0.3...
2.4 M´ ethodes de calculs des invariants.
Nous avons d´ ej` a rappel´ e que les invariants holomorphes ont la r´ eputation infond´ ee d’ˆ etre pour certains incalculables, pour d’autres tr` es difficiles ` a calculer. Cela ne peut ˆ etre vrai puisque ce sont des coefficients de Fourier.
Afin de convaincre du contraire, nous pr´ esentons, en les comparant, trois m´ ethodes de calcul num´ erique des invariants (cf. §6) .
2.4.1 M´ ethode 0 :
En tant que coefficients de Fourier, les invariants sont exprimables ` a l’aide d’une int´ egrale dans le plan multiplicatif :
A
2iπn= lim
p−→+∞
Z
z0+1 z0l
◦(−p)◦ f
◦(2p)◦ l
◦(−p)(z) − z
e
−2inπzdz .
Cette m´ ethode est appel´ ee la m´ ethode 0 , car elle n’est pas v´ eritablement exploitable.
Du moins, num´ eriquement, ce sera la plus mauvaise des m´ ethodes.
2.4.2 M´ ethode 1, issue de l’asymptotique des coefficients :
Consid´ erons un germe ϕ b de fonction holomorphe en 0, prolongeable sur un disque de rayon r = |ω| , o` u ω est une singularit´ e de ϕ b suppos´ ee unique
4. Exprimons ϕ b sous la forme :
ϕ(ζ) = b X
n≥0
J(n)ζ
n.
Le principe consiste ` a d´ eterminer cette singularit´ e ` a partir de la connaissance de l’asymptotique des coefficients de ϕ. Supposons que les coefficients J(n) admettent le b d´ eveloppement asymptotique : J(n) = e
−nν0J
ν0(n) + o e
−nν0J
ν0(n)
, o` u J
ν0(n) ∈ C
1 n
. En ´ ecrivant J
ν0(n) = X
k≥0
α
kn
k, on peut alors consid´ erer la transformation de Borel de J
ν0. Celle-ci est reli´ ee ` a ϕ b par :
ϕ(ζ) = b b J
ν0log
1 + ζ
ζ
0.
Il s’agit d’une m´ ethode simple et tr` es utile mais qui ne permet de calculer que la premi` ere paire d’invariants non nuls.
2.4.3 M´ ethode 2, issue de l’analyse r´ esurgente dans le plan de Borel.
On sait qu’il existe un isomorphisme entre le demi-plan de Poincar´ e H et C − ^ 2 πi Z . Celui-ci est explicite et est donn´ e par z 7−→ − ln(1−λ(z)), o` u λ est la fonction automorphe classique. Plus pr´ ecisemment, cet isomorphisme est donn´ e par :
z 7−→ − ln(1 − λ(z)) = 16 X
n≥1 nimpair
u
ne
2inπz, o` u u
n= 1 n
X
d|n
d .
4 Cette hypoth`ese d’unicit´e de la singularit´e n’est pas restrictive.
On dispose alors de trois homographies dans le demi-plan de Poincar´ e : R(z) = z + 2 , S(z) = z
−2z + 1 , T(z) = z − 2 2z − 3 .
Leurs images dans C ^ − 2iπ Z correspondent respectivement ` a la rotation d’angle π autour de 0, la translation de pas −2iπ et enfin la translation de pas 2iπ . Ainsi, pour connaˆıtre la valeur de A
2inπ, il suffit de connaitre les valeurs limites en 2iπ
n + 1
2
par la droite et par la gauche. On transforme le chemin suivi pour calculer usuellement les d´ eriv´ ees ´ etrang` eres par transformation conforme.
Cette m´ ethode est tr` es efficace si ω est petit ; plus ω est grand, plus inf
j,w= h
ω,j(w) sera petit, ce qui force ` a approcher la fronti` ere de H o` u les calculs sont coˆ uteux.
2.4.4 M´ ethode 3, reposant sur les formules universelles.
Contrairement aux deux m´ ethodes pr´ ec´ edentes, la m´ ethode que nous allons d´ ecrire maintenant permet de calculer tous les invariants. L’id´ ee g´ en´ erale est de tronquer la s´ erie (10) donnant le n-i` eme invariant. Mais pour cela, il est n´ ecessaire d’avoir un ordre de grandeur du reste.
Evaluation du reste. Toute la section 4 est consacr´ ee ` a une majoration des invariants.
Elle permet d’aboutir ` a une majoration fine du reste :
Propri´ et´ e 1 : ∃(K
0; K
1) ∈ ( R
∗+)
2, ∀p
0∈ N ,
X
p∈seq(N3)
||p||>p 0
τ b
npA
p≤ K
0e
2K1|n|π2e|n|π p
0 p0.
Cela provient d’estimations d´ ej` a faites par Jean Ecalle, que nous avons reprises, compl´ et´ ees, adapt´ ees et surtout mises en forme avec le souci d’optimiser les constantes apparaissant. Ces majorations sont le coeur de l’algorithme ; la m´ ethode est tr` es proche de celle d´ ej` a vue lors de la r´ esolution de l’´ equation (3) :
1. on exprime l’it´ erateur f
∗` a l’aide d’op´ erateurs not´ es H
+net L ; 2. on exprime f b
∗= B(f
∗) ;
3. on majore f b
∗= B(f
∗) dans un secteur du type ]θ
1; θ
2[ ⊂ i
− π 2 ; π
2 h
;
4. on d´ eduit de ces trois premiers points une majoration de f
+∗sur un demi-plan ; 5. on reprend les majorations du point 3 en vue de majorer
∗f
−, apr` es avoir exprim´ e
l’inverse de z + ϕ(z) ∈ z + C
1 z
;
6. on d´ eduit des points 3 et 4 que π
+est bien d´ efinie sur un demi plan sup´ erieur et inf´ erieur, mais surtout on obtient une majoration de π
+− id
C;
7. on conclut par une majoration des coefficients de Fourier de π
+− id
C, c’est-` a-dire
des invariants.
Acc´ el´ eration de la convergence. En vue d’acc´ el´ erer la convergence de l’algorithme, il est souhaitable d’augmenter l´ eg` erement la valuation du diff´ eomorphisme f, c’est-` a- dire d’augmenter la puissance du premier terme de f (z) − z − 1 en conjuguant f ` a ϕ
c(z) = (1 + cz
−(p+1))
p−11, pour un c bien choisi. Cela est possible, car un conjugu´ e de f poss` ede les mˆ eme invariants holomorphes que f . Globalement, la valuation aug- ment´ ee, les coefficients de Taylor se trouvent ˆ etre beaucoup plus compliqu´ es. Il faut donc utiliser cela avec pr´ ecaution.
Une autre mani` ere d’augmenter la vitesse de calcul est de n´ egliger les termes de f d’ordre ´ el` ev´ e, ce qui est justifi´ e par une majoration similaire ` a celle dans la propri´ et´ e pr´ ec´ edente.
L’algorithme. L’algorithme de calcul des invariants, bas´ e sur la formule universelle (10) se divise en trois ´ etapes :
1. L’augmentation de la valuation de f .
2. La troncature de f pour n´ egliger ses derniers termes.
3. Le calcul de la somme partielle.
2.4.5 Comparaison des m´ ethodes.
Dans le cas-type :
• La m´ ethode 1 permet de calculer les deux premiers invariants rapidement et avec une pr´ ecision extrˆ eme (une centaine de d´ ecimales en une heure de calculs Maple) . De plus, elle est peu sensible ` a la taille des coefficients de f.
• La m´ ethode 2 est elle aussi peu sensible ` a la taille des coefficients de f , mais elle est de moins en moins efficace lorsque les indices ω croissent.
Elle pourrait aussi s’´ etendre (th´ eoriquement et via la synth` ese des diff´ eomorphismes) aux paires successives d’invariants.
• La m´ ethode 3 est la plus satisfaisante th´ eoriquement car elle fournit l’expression exacte des invariants holomorphes en fonction des coefficients de Taylor de f et du seul ingr´ edient transcendant, qui sont les multizˆ etas. Elle permet donc d’´ etudier les invariants en fonction de param` etres, ce que ne permettaient pas les deux premi` eres m´ ethodes.
A l’inverse de la m´ ethode 2, elle est peu sensible ` a la taille de ω, mais en revanche tr` es sensible ` a la taille de f .
• Pour des f et ω “grands”, ou mˆ eme “moyens”, les m´ ethodes 2 et 3 se valent ` a peu pr` es.
Ni l’une ni l’autre n’est tr` es performante. La m´ ethode 3 a l’avantage de l’universalit´ e : elle vaut pour tous les f , mais n´ ecessite la tabulation pr´ ealable de nombreux multizˆ etas.
La m´ ethode 2 fait l’´ economie de cette tabulation, mais n´ ecessite le calcul de plusieurs centaines de coefficients de Taylor.
Ce qui change hors du cas-type.
Lorsque p = 1 mais ρ 6= 0, les trois m´ ethodes restent inchang´ ees pratiquement.
Lorsque p ≥ 2, il y a des ramifications. La premi` ere m´ ethode fonctionne sans change-
ment, si ce n’est qu’elle fournit les 2p invariants les plus proches. En dehors de la rami-
fication, la m´ ethode de la transformation conforme ne change pas. Quant ` a la troisi` eme
m´ ethode, il faut distinguer :
1. l’expression de π
+, qui semble ˆ etre toujours vraie, mais avec des multitangentes ramifi´ ees ;
2. l’expression des invariants, qui change : il devrait y avoir des multizˆ etas ramifi´ ees.
Les changements sont s´ erieux.
3 Etude des multitangentes.
La formule universelle montre en quoi les multitangentes (resp. les multizˆ etas) sont l’unique ingr´ edient transcendant entrant dans la construction de l’application de cornes (resp. les invariants analytiques). Cette formule permet de comprendre, pr´ ecis´ ement et au niveau microscopique, quelles sont les propri´ et´ es des multitangentes et multizˆ etas qui sont responsables de cette invariance. C’est l` a une premi` ere raison de s’int´ eresser aux relations entre ces objets.
Une seconde raison tient aux analogies manifestes entre multitangentes et multizˆ etas, qui sont d´ efinis par des sommes analogues et v´ erifient une mˆ eme table de multiplication.
La partie arithm´ etique de nos travaux permet d’apporter un ´ eclairage nouveau sur les multitangentes, les invariants analytiques et les multizˆ etas : appelons multizˆ etas dynamiques toute famille de nombres qui, substitu´ es aux “vrais” multizˆ etas, pr´ eserve les invariants par conjugaison, appelons aussi multizˆ etas dimorphiques toute famille de nombres satisfaisant aux deux classiques familles de “relations quadratiques” qui sont v´ erifi´ ees par les “vrais” multizˆ etas et qui, de l’avis g´ en´ eral, paraissent ´ epuiser la totalit´ e de leur arithm´ etique.
Il se trouve que :
1. les propri´ et´ es des multizˆ etas dynamiques sont plus faibles que celles des multizˆ etas dimorphiques ;
2. les propri´ et´ es des multizˆ etas dynamiques sont pr´ ecis´ ement celles qui se d´ eduisent de leurs analogues chez les multitangentes ;
3. les multizˆ etas dynamiques et les multizˆ etas dimorphiques constituent deux Q -anneaux engendr´ es chacun par une famille d´ enombrable d’irr´ eductibles, mais avec des irr´ educ- tibles dynamiques plus “nombreux” (car sujets ` a moins de contraintes) et plus faciles
`
a d´ ecrire que les irr´ eductibles dimorphiques.
Ces trois assertions proviennent de l’´ etude des relations liant les multitangentes entre elles.
3.1 D´ efinition et premi` eres propri´ et´ es.
Avant toute chose, rappelons qu’un moule n’est rien d’autre qu’une application d´ efinie sur un ensemble de s´ equences (d’´ el´ ements de Ω), c’est-` a-dire sur un mono¨ıde seq(Ω) ou une partie de seq(Ω) . Rappelons aussi qu’un moule M
•, d´ efini sur un alphabet Ω poss´ edant une structure de semi-groupe, est dit sym´ etrel lorsque :
∀(α α α ; β β β) ∈ (seq(Ω))
2, M
αααM
βββ= X
γ
γγ∈she(ααα;βββ)
M
γγγ.
Ici, she(α α α ; β β β) d´ esigne le produit de battage contractant des s´ equences α α α et β β β .
Alors, nous disposons de la propri´ et´ e suivante r´ esumant les principales propri´ et´ es
´
el´ ementaires des multitangentes (cf. §2) :
Propri´ et´ e 2 : Soit S
df?= {s ∈ seq( N
∗) ; s
1≥ 2 et s
r≥ 2} .
1. La fonction Te
sest correctement d´ efinie pour toute s´ equence s ∈ S
df?.
2. La fonction T e
sest holomorphe sur C − Z pour toute s´ equence s ∈ S
df?, elle converge uniform´ ement sur tout compact de C − Z , et v´ erifie, pour tout s ∈ S
df?et tout z ∈ C − Z :
∂T e
s∂z (z) = −
l(s)
X
i=1
s
iTe
s1,···,si−1,si+1,si+1,···,sl(s)(z) . 3. Pour tout z ∈ C − Z , Te
•(z) est un moule sym´ etrel, i.e. :
∀z ∈ C − Z , ∀(α α α ; β β β) ∈ (S
df?)
2, T e
ααα(z) T e
βββ(z) = X
γ
γγ∈she(ααα;βββ)
T e
γγγ(z) . 4. ∀z ∈ C − Z , ∀s ∈ S
df?, Te
s(−z) = (−1)
||s||T e
←s(z) .
3.2 R´ eduction en monotangentes et projection sur l’espace des multitangentes.
Le principe qui semble r´ egir les multitangentes est le suivant : tout r´ esultat sur les multitangentes se traduit en un r´ esultat sur les multizˆ etas, et r´ eciproquement. Ainsi, la rigidit´ e des multitangentes provient de la rigidit´ e des multizˆ etas. Effectivement, un r´ esultat simple mais extrˆ emement profond indique que chaque multitangente s’exprime de mani` ere ´ el´ ementaire sous la forme d’une somme de produits d’un nombre rationnel, d’une Q -combinaison lin´ eaire de multizˆ etas et enfin d’une monotangente
5. Ces relations, appel´ ees r´ eduction en monotangentes, r´ ealisent un lien fort entre multitangentes et mul- tizˆ etas. Pr´ ecis´ ement, nous disposons du th´ eor` eme suivant :
Th´ eor` eme 3 : Notons :
iB
sk=
i−1
Y
l=1
(−1)
kl!
rY
l=i+1
(−1)
sl!
r
Y
l=1 l6=i
s
l+ k
l− 1 s
l− 1
. Z
i,ks= X
k1,···,cki,···, kr≥0 k1+···+cki+···+kr=k
i
B
skZe
sr+kr,···,si+1+ki+1Ze
s1+k1,···,si−1+ki−1. Alors, pour toute s´ equence s ∈ S
df?, on a :
∀z ∈ C − Z , Te
s(z) =
r
X
i=1 si
X
k=2
Z
i,ssi−k
Te
k(z) .
La d´ emonstration repose sur une d´ ecomposition en ´ el´ ements simples. Mais, ce qui est remarquable dans ce r´ esultat, c’est l’absence de composante T e
1, ce qui redonne une partie d’une des deux tables de multiplication des multizˆ etas. Cette absence peut se d´ emontrer
5 Une monotangente est une multitangente de longueur 1, c’est-`a-dire pour laqueller= 1. Il s’agit en fait d’une s´erie qu’Eisenstein a consid´er´e pour d´evelopper sa th´eorie des fonctions p´eriodiques.
par un argument analytique (cf. §7) ou en utilisant les relations entre multizˆ etas tout juste mentionn´ ees. Rappelons encore une fois que ce r´ esultat est beaucoup plus profond qu’il n’y paraˆıt car il r´ ealise un lien fort entre multitangentes et multizˆ etas : tout r´ esultat sur les multitangentes semble se traduire en un r´ esultat sur les multizˆ etas, grˆ ace ` a son utilisation.
Voici quelques exemples de relations de r´ eductions :
Poids 6
Poids 4 T e
2,4= 8
5 ζ(2)
2Te
2− 2ζ(3)Te
3+ ζ(2)Te
4. Te
2,2= 2ζ(2)Te
2. T e
3,3= − 12
5 ζ(2)
2Te
2. T e
4,2= 8
5 ζ(2)
2Te
2+ 2ζ(3)Te
3+ ζ(2)T e
4.
Poids 5 Te
2,2,2= 8
5 ζ(2)
2Te
2. Te
2,3= −3 ζ(3)Te
2+ ζ(2)Te
3. Te
2,1,3= − 2
5 ζ(2)
2Te
2+ ζ(3)Te
3. Te
3,2= 3 ζ(3)Te
2+ ζ(2)Te
3. Te
3,1,2= − 2
5 ζ(2)
2Te
2− ζ(3)Te
3.
Te
2,1,2= 0 . Te
2,1,1,2= 4
5 ζ(2)
2T e
2.
En fait, le lien d´ ej` a mentionn´ e semble encore plus profond, puisque admettant pro- bablement une sorte de r´ eciproque. Rappelons que l’on note MZV = Vect
Q(Ze
s)
s∈S?d
et MTGF = Vect
Q(Te
s)
s∈S?df
.
Conjecture 1 : MTGF est un MZV-module, ce qui signifie que tout produit d’un multizˆ eta et d’une multitangente est une Q -combinaison lin´ eaires de multitangentes.
Cette conjecture a ´ et´ e v´ erifi´ ee pour tout multizˆ eta dont le poids (c’est-` a-dire la somme des arguments) est inf´ erieur ` a 16. Elle permettrait de pouvoir traduire tout r´ esultat sur les multizˆ etas en des r´ esultats sur les multitangentes. En particulier, un tel r´ esultat montrerait par exemple que :
1. le nettoyage
6des multizˆ etas entraˆıne le nettoyage des multitangentes (cf §6) ; 2. l’absence conjecturale de Q -combinaison lin´ eaire entre multizˆ etas de poids diff´ erents
serait ´ equivalente ` a l’absence de Q -combination lin´ eaire entre multitangentes de poids differents (cf. §8) ; cela donnerait un ´ equivalent fonctionnel de cette conjecture sur les multizˆ etas.
D´ emontrer cette conjecture aurait donc des cons´ equences arithm´ etiques importantes sur la nature de multizˆ etas.
6 Par nettoyage des multizˆetas (resp. multitangentes), on entend une expression des multizˆetas