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« Pour le salut des âmes du peuple de ladite ville » : municipalité et vie religieuse à Nancy, fin XVIe siècle-fin XVIIIe siècle

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Academic year: 2021

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Submitted on 10 Mar 2020

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municipalité et vie religieuse à Nancy, fin XVIe siècle-fin XVIIIe siècle

Aurore Benad

To cite this version:

Aurore Benad. “ Pour le salut des âmes du peuple de ladite ville ” : municipalité et vie religieuse à Nancy, fin XVIe siècle-fin XVIIIe siècle. Histoire. Université de Lorraine, 2019. Français. �NNT : 2019LORR0196�. �tel-02503687�

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(3)

BENAD Aurore

« POUR LE SALUT DES ÂMES DU PEUPLE DE LADITE VILLE ».

MUNICIPALITÉ ET VIE RELIGIEUSE À NANCY, fin XVI e siècle – fin XVIII e siècle.

Thèse de doctorat d’histoire moderne, sous la direction de Stefano SIMIZ, Professeur des Universités, Université de Lorraine.

Jury composé de :

Anne BONZON, Maître de conférences HDR, Université de Paris VIII Isabelle BRIAN, Professeur des Universités, Université de Lorraine Philippe MARTIN, Professeur des Universités, Université de Lyon II Gaël RIDEAU, Professeur des Universités, Université d'Orléans

Université de Lorraine, École doctorale « Humanités Nouvelles-Fernand Braudel ».

30 novembre 2019.

(4)

Remerciements

Mes remerciements les plus sincères vont, en premier lieu, à mon directeur de thèse, M.

Stefano SIMIZ, pour ses conseils et sa patience tout au long de ces années qui se sont ajoutées à celle consacrée à la rédaction de mon mémoire de Master 2.

Merci aux équipes des Archives Municipales de Nancy, des Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, de la Bibliothèque Municipale de Nancy, de la Bibliothèque Diocésaine de Nancy, du Centre Jésuite de Sèvres à Paris, de la Bibliothèque Nationale de France, des Archives du Ministère des Affaires Étrangères et des Archives Nationales pour leur accueil et pour leur aide.

Merci en particulier à M

mes

Christel JAJOUX et Hélène SAY pour l’accueil exceptionnel aux Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle en plein déménagement.

Merci à M

mes

Marie-Élisabeth HENNEAU, Julie PIRONT, à MM. Jean-Pierre-HUSSON, Julien LÉONARD, Philippe MARTIN, Jonathan PEZETTA, Gaël RIDEAU, pour les informations, articles et renseignements qu’ils ont eu l’amabilité de me communiquer.

Merci à M

mes

Bénédicte PASQUES et Claire TINÉ, du service de documentation du Musée Lorrain de Nancy, pour leur aide dans la recherche de sources iconographiques.

Merci à Frauen Barbara LUTZ, Marita KOHL et Jutta WCZULEK, des Archives Diocésaines de Trèves, et à Herr Doktor René HANKE des Archives du Land de Rhénanie- Palatinat à Coblence, ainsi qu’aux équipes de ces deux sites, pour leur accueil et leur aide dans la recherche parmi les archives allemandes.

Merci à M

me

Carole DEHANT-VINCENDEAU pour son aide dans le cadre de la défunte bibliothèque de l’Institut d’Études Lorraines.

Merci à M

mes

Jeannette CHALANDRE et Patricia BRAUN, respectivement anciennes principale et principale-adjointe du collège Robert Géant de Vézelise, à M

mes

Sylvie GLAD et Florence CARDOT, qui occupent actuellement ces mêmes postes, pour les emplois du temps qui ont facilité le travail de recherche.

Merci à tous mes collègues pour les petits « coups de pouce » au travail qui ont libéré un peu de mon temps.

Merci à M

mes

Aude MEZIANI, Angèle TÉMOIN et Fabienne DUMONT pour leur aide en matière administrative.

Merci à tous celles et ceux qui m’ont encouragée dans la recherche.

(5)

À Marion, Charly, Francine, Charles et Mélanie, qui nous ont quittés au cours de la

rédaction de cette thèse.

(6)

Liste des principales abréviations A.D.54 : Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle A.D.55 : Archives Départementales de Meuse

A.M.A.E. : Archives du Ministère des Affaires Étrangères A.M.N. : Archives Municipales de Nancy

A.N.F. : Archives Nationales Françaises

B.A.T : BistumArchive Trier (Archives Diocésaines de Trèves) B.D.N. : Bibliothèque Diocésaine de Nancy

B.m.N. Stanislas : Bibliothèque municipale de Nancy-Stanislas B.N.F. : Bibliothèque Nationale de France

L.H.A.K. : LandesHauptArchive Koblenz (Archives du Land de Rhénanie-Palatinat, Coblence)

Unités de mesures de Nancy 1 résal de blé = 117,25 litres

1 résal d’avoine = 168,6 litres 1 résal d’orge = 164,2 litres 1 lieue lorraine = 5 003,25 mètres 1 jour lorrain = 20,44 ares

1 pied lorrain= 28,5 centimètres = 10 pouces

Monnaies lorraines 1 franc barrois = 12 gros

1 gros = 16 deniers ; en 1632, 1 gros = 5,94 grammes d’argent

1

1 blanc = 4 deniers

Monnaies françaises 1 livre tournois (lt) = 20 sols

1 sol = 12 deniers

Il n’est pas toujours facile de trouver une équivalence entre monnaies lorraines et françaises. En 1636, l’intendant français Villarceaux écrit « 36 francs barrois qui font 21 lt 12 s de notre monnaie »

2

, ce qui signifie que selon ses dires, 1 sol équivaut à 1 gros. L’existence

1 CABOURDIN Guy, Terres et hommes en Lorraine, 1550-1635, dans Annales de l’Est, Mémoire n° 55, 1977, t.

1, pp. 354-355.

2 A.M.A.E., 62 CP/29, f.° 481 r°. Lettre de Mr de Villarceaux écrite le 6 octobre 1636.

(7)

de factures comptabilisées en livres françaises et payées en francs barrois a permis de calculer qu’en 1721, 1 livre tournois équivaut à 2 francs 4 gros

3

.

3 A.M.N., CC 335.

(8)

Introduction générale

En 2015, la création des nouvelles régions administratives françaises suscite un débat immédiat sur le choix de leurs capitales. Si, dans le cas de la région baptisée ensuite « Grand Est », Strasbourg a été imposée, les autres villes candidates au rang de capitale ont mis en avant nombre d’arguments : leur puissance économique et leur passé de capitale ou de préfecture ont été parmi les plus courants. De façon plus générale, et à une autre échelle, ces débats prennent place dans une question que la politique de décentralisation a remise en avant : le rôle exact que doivent jouer les municipalités dans la cohésion de la communauté, alors que leurs compétences changent, que des structures intercommunales apparaissent et parfois les supplantent dans certains domaines. L’Histoire a pu servir d’argument et son legs contribue à valoriser le pouvoir municipal. Rares sont les maires et leurs conseils qui renoncent à siéger dans un Hôtel de Ville hérité des corps de ville de l’Ancien Régime à chaque fois que cela est possible. Mais il s’agit parfois d’une histoire mythifiée par l’image que le public s’en fait. Comme le soulignent Philippe Hamon et Catherine Laurent, la commune et le maire restent des éléments de référence aux yeux du public, et un cadre d’action important pour les habitants civiquement engagés

4

. Les changements vécus par ces derniers dans leur cadre habituel poussent certains d’entre eux à réévaluer le passé en fonction de leurs arguments, en l’idéalisant ou en le diabolisant. Le rôle de l’historien consiste dès lors à rétablir la vérité.

Un chantier historiographique renouvelé

Définir la ville n’a jamais été simple. On ne rappellera pas ici la nature arbitraire des seuils démographiques en usage dans l’administration, pratique d’autant moins possible sous l’Ancien Régime que la population y est rarement dénombrée de façon exacte. Une ville de l’époque moderne est une combinaison de différents éléments, en prenant en compte le fait que

« les villes ont des privilèges et des droits particuliers que n’ont point les villages »

5

, qu’elle a des institutions qui lui sont propres et qui diffèrent de celles des villes voisines. Albert Babeau s’est efforcé de relever des critères communs aux villes françaises de l’Ancien Régime. La présence d’une muraille, par exemple, pouvait être perçue comme un élément-clé. Elle avait

4 HAMON Philippe et LAURENT Catherine (dir), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, pp. 9-14.

5 BABEAU Albert, La ville sous l’Ancien Régime, Paris, éditions L’Harmattan, 1884, réédition 1997, vol. 1, pp.

1-2.

(9)

autant de valeur pour l’identité en tant que ville que celle d’une cathédrale ou d’un palais

6

. La prééminence urbaine de l’Ancien Régime se fonde autant sur l’ancienneté de la ville que sur l’accumulation de plusieurs fonctions de commandement : institutions ecclésiales comme une cathédrale, institutions judiciaires comme un Parlement, institutions politiques comme un palais, institutions universitaires si possible

7

. Toutefois la ville de l’Ancien Régime a d’autres fonctions : c’est également un lieu d’échanges de biens, de techniques et d’idées

8

. Elle est surtout un espace de vie sociale où de nombreuses classes coexistent. Le rôle du pouvoir municipal est à la fois d’organiser cette vie sociale et de former une structure de liaison entre la population et l’État

9

.

Quel mot employer pour un phénomène historique et géographique si imprécis ? La tâche de nommer les différents aspects du fait urbain n’est pas devenue plus simple de nos jours : même si la population urbaine est devenue majoritaire dans le monde, les limites de la ville sont floues, de par l’apparition de quartiers se donnant des aspects de campagne et par le « mitage » des espaces ruraux. L’exercice est complexe au point de justifier l’édition d’une collection d’ouvrages destinés à en relever les diverses occurrences

10

. Le terme de « cité », par exemple, a pu être employé comme synonyme de « ville », mais au Moyen Âge, il désignait de façon plus spécifique une ville épiscopale ou le quartier de la cathédrale, avant de reprendre, chez Diderot, le sens plus politique qu’il avait dans l’Antiquité. Il rappelle également la cité céleste, Jérusalem, modèle de la communauté chrétienne et idéal à atteindre pour les habitants des villes bien terrestres de la Chrétienté. Le mot « ville », pour sa part, garde une dimension plus géographique, relative à un espace bien délimité, souvent par les murailles, et qui s’oppose aux campagnes

11

. Encore peut-on s’interroger sur la validité de cette opposition quelque peu réductrice, non seulement parce que les villes et les campagnes interagissent, mais également parce que les faubourgs ont toujours formé un espace intermédiaire, situé hors des murs de la ville mais dont la densité de bâti et l’activité économique les rattachent autant à la ville qu’à la

6 DUBY Georges, « France rurale, France urbaine : confrontation », dans DUBY Georges (dir), Histoire de la France urbaine, tome 1, Paris, Seuil, 1980, p. 20.

7 LE GALL Jean-Marie, « Les saints des capitales », dans CABANTOUS Alain, Mythologies urbaines. Les villes entre histoire et imaginaire. Actes du colloque de Dunkerque, 29-30 novembre 2002. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, pp. 167-183.

8 MARCHAL Hervé, STÉBÉ Jean-Marc, « Appréhender, penser et définir la ville », dans La sociologie urbaine.

Paris, Presses Universitaires de France, 2010, pp. 3-16.

9 SAUPIN Guy, « Le pouvoir municipal en France à l’époque moderne. Bilan historiographique des vingt dernières années », dans HAMON Philippe et LAURENT Catherine (dir), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, pp. 15-55.

10 DEPAULE Jean-Charles et TOPALOV Christian, collection « Les mots de la ville ».

11 DUMONS Bruno, HOURS Bernard, Ville et religion en Europe du XVIe au XXe siècle. La cité réenchantée.

Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2010, pp. 7-13.

(10)

campagne. Ces définitions, sans être fausses, sont trop restrictives car elles reviennent à couper la ville de son environnement.

Le mot de « ville » sera le plus employé dans cette étude portant sur Nancy car, avant tout, c’est le terme que les Nancéiens de l’époque moderne utilisent pour parler de leur propre lieu de vie. Il leur arrive même de parler des « deux villes » de Nancy, séparant la Ville Vieille de la Ville Neuve. En revanche, le terme de « cité » est d’autant plus rarement employé que, comme on l’a vu, il sous-tend souvent un contexte religieux, celui de l’évêché, que Nancy ne possède pas avant 1777.

« La religion constitue assurément un des horizons les plus prometteurs de l’histoire urbaine aujourd’hui. Sujet longtemps négligé, du fait de pesantes césures académiques sans doute, l’articulation entre religion et ville, espace urbain, société urbaine, suscite actuellement de nouvelles études, qui sont parfois à même de décaler les perspectives et de complexifier notre perception »

12

Ce constat, dressé à propos de l’histoire contemporaine, est en grande partie valable pour l’histoire moderne. Certes, l’historiographie urbaine du XIX

e

siècle laissait une place à la religion, en particulier si celle-ci avait donné naissance à des monuments emblématiques. Mais la religion faisait figure d’archaïsme déplacé dans la ville, symbole de modernité, perçue comme le poste avancé de la sécularisation des sociétés. Pourtant, dès l’origine, la religion était liée à l’histoire des villes : nombre d’entre elles, imitant l’exemple romain, possédaient leur mythe fondateur que les élites locales, autant pour exalter le sentiment civique que se glorifier vis-à-vis des autres villes, rédigeaient dans les premières monographies urbaines dès le milieu du XVII

e

siècle

13

.

Écrire l’histoire des villes est donc une pratique ancienne. Certaines de ces « mythologies urbaines » sont le fruit de crises profondes au cours de l’histoire des villes. Elles permettent de ressouder la communauté autour d’un passé commun et fédérateur, ce passé fut-il fictif.

D’autres résultent d’une recherche de prestige via le statut de capitale, par l’assimilation avec

12 BOCQUET Denis, « Histoire urbaine et religion : rites, foi, territoires et politique. Rome capitale, 1870-1922 » dans DUMONS Bruno et HOURS Bernard, Ville et religion en Europe du XVIe au XXe siècle. La cité réenchantée.

Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2010, pp. 65-84.

13 COULOMB Clarisse, « Des villes de papier : écrire l’histoire de la ville dans l’Europe moderne », dans Histoire urbaine 2010/2, n° 28, pp. 5-16. https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2010-2-page-5.htm (consulté le 15 juillet 2018).

(11)

des personnages remarquables, ou même par un passé entièrement inventé

14

. La pratique n’est pas nouvelle : dès le XVI

e

siècle, il fallait effacer des mémoires les épisodes les plus polémiques, comme la prise de contrôle de villes par la Ligue, rupture du lien existant entre le roi et la cité, ou leur choix de risquer ce pari audacieux, et finalement perdant

15

… Lyon, au tournant des XVI

e

et XVII

e

siècles, mettait en scène, lors des cérémonies, sa propre version de son histoire récente, de façon à atténuer son épisode ligueur. Les rédacteurs lyonnais racontent alors que Lyon a été la dernière ville à rompre avec la monarchie et la première à revenir dans le giron royal, assimilant les ligueurs à des étrangers à la communauté urbaine

16

. Amiens se prête aussi à l’exercice en 1594, s’efforçant de renouer les liens personnels entre la ville et Henri IV. Mais elle dispose de moins de temps pour le faire car sa prise par les Espagnols en 1597 coupe court à cet essai de réécriture. Il n’en reste qu’une ultime tentative de présenter ce dernier épisode d’une façon pas trop déshonorante pour la ville, mais ce récit est mis en concurrence avec la « version royale » qui ne la met pas en valeur

17

. Reims essaie d’effacer les traces de ses années ligueuses à travers quelques individus incarnant cette période, et l’expulsion des Capucins, trop compromis

18

. C’est le propre de toutes les cités ayant tenté le pari, perdant, de la Sainte Union contre le pouvoir monarchique de Henri III et Henri IV, que d’essayer d’en réécrire la trame

19

. Tout cela relève d’une entreprise plus vaste de « retour à la normale ».

Les exemples de monographies urbaines se multiplient avec le XVIII

e

siècle. Elles sont alors souvent un prétexte à l’éloge des grands hommes, ou une description des monuments les plus remarquables. Parallèlement, l’histoire urbaine se rationalise : les événements religieux y trouvent toujours une place, bien que le miracle soit de moins en moins perçu comme un élément-clé d’explications. Sa construction évolue elle aussi. On observe notamment un recul de la comparaison avec d’autres villes, qui laisse davantage de place à une élaboration de l’identité de la ville par sa relation avec l’État

20

.

14 CABANTOUS Alain, « La ville et ses mythes », dans Ibid., Mythologies urbaines…, op. cit., pp. 9-14. Le passé corsaire de Saint-Tropez est donné comme exemple de passé fictif.

15 KONNERT Mark W., Local Politics in the French Wars of Religion: the towns of Champagne, the duc de Guise and the catholic League, 1560-95. Burlington-Vermont, Ashgate Publishing Co, 2006.

16 LIGNEREUX Yann, Lyon et le roi. De la « bonne ville » à l’absolutisme municipal (1594-1654). Collection Époque. Mayenne, éditions Champvallon, 2003, pp. 122-123 et 154-155.

17 CARPI Olivia, Une République imaginaire. Amiens pendant les troubles de religion (1559-1597). Paris, éditions Belin, 2005, pp. 209-227.

18 SIMIZ Stefano, « Sortir des Guerres de religion : le cas de Reims, 1595-1630 », dans BRUNEEL Claude, DUVOSQUEL Jean-Marie, GUIGNET Philippe, VERMEIR René (dir.), Les « Trente Glorieuses ». Pays-Bas méridionaux et France septentrionale. Actes du colloque de Lille, 5 octobre 2007, Bruxelles, Archives et bibliothèques de Belgique, 2010, pp. 349-362.

19 CONSTANT Jean-Marie, La Ligue. Paris, éditions Fayard, 1996, p. 468.

20 RIDEAU Gaël, « La mémoire des guerres de religion au XVIIIe siècle », dans ALLORANT Pierre et CASTAGNEZ Noëlline (dir), Mémoires des guerres. Le Centre-Val-de-Loire, de Jeanne d’Arc à Jean Zay, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, pp. 237-251.

(12)

Au XIX

e

siècle, même si, en France, la population reste majoritairement rurale, la ville change, s’agrandit, se modernise plus ou moins rapidement. Cette croissance urbaine générale en Occident invite les historiens à porter un autre regard sur cet objet d’étude qu’est la ville. Il existe alors plusieurs tendances : certaines monographies urbaines gardent en partie les caractéristiques de celles du siècle précédent : glorification des bâtiments et des personnages remarquables restent souvent de mise. Les historiens y ajoutent parfois une pointe de « régionalisme ». Une fois encore, la dimension religieuse qui, nous le redirons plus avant, est l’angle privilégié de l’étude ici proposée, n’en est pas exclue. Elle peut se traduire autant par une valorisation des monuments sacrés de la cité que, parfois, par une critique anticléricale virulente

21

. Un autre aspect étudié, qui s’ajoute parfois le premier, est celui des relations entre ville et État. Ce lien vertical est alors souvent étudié aux dépends des relations des villes entre elles, dans une perspective assez jacobine. L’étude d’Albert Babeau, intitulée La ville sous l’Ancien Régime

22

, privilégiait pour sa part l’usage des sources municipales originaires de plusieurs villes et, par recoupement de celles-ci, dressait un portrait général du cadre de vie municipal en mettant en avant le vécu des habitants et non les relations entre villes et État monarchique. Son exemple n’a pas été suivi par tous. À une autre échelle, la démarche de Christian Pfister, dans son Histoire de Nancy

23

, a suivi une voie médiane : l’auteur a utilisé autant les sources municipales que celles émanant des pouvoirs étatiques. Son œuvre, aussi classique qu’elle soit pour quiconque s’intéresse à l’histoire nancéienne, est en partie une chronique des ducs de Lorraine à l’époque moderne à Nancy plus qu’une histoire locale.

La déchristianisation des villes devient un phénomène marquant du XIX

e

siècle

24

, conduisant certains historiens catholiques à construire l’image d’une ville « terre impie » s’opposant à des campagnes restées pieuses. Les anticléricaux font le même constat, mais pour se réjouir de la sécularisation des villes et déplorer l’archaïsme rural

25

. Les uns et les autres cherchent parfois à faire débuter ce recul de la visibilité de la religion au XVIII

e

siècle, et l’interprète comme un recul de la foi elle-même. Le phénomène continue au XX

e

siècle, ce qui pousse les historiens à étudier non seulement la ville, mais aussi la place que la religion y

21 KONARSKI Wlodimir, À travers le vieux Bar. Bollaert, Bar-le-Duc, 1909. Réédition 1985. Il s’agit d’un exemple d’histoire urbaine très axée sur les monuments barisiens et fortement teintée d’anticléricalisme, un anticléricalisme que l’auteur justifie par les innombrables désaccords survenus entre le Conseil de Ville et les Bénédictins, curés primitifs de l’unique cure de la ville sous l’Ancien Régime.

22 BABEAU Albert, La ville sous l’Ancien Régime, op. cit., 2 vol.

23 PFISTER Christian, Histoire de Nancy. Nancy, éditions Berger-Levrault, 1902. 3 vol.

24 Avec cette limite de pouvoir qualifier leur christianisation (cf. Gabriel LE BRAS, « Déchristianisation, mot fallacieux », Cahiers d’histoire publiés par les Universités de Clermont-Lyon-Grenoble, 9, 1964, p. 92-97 ; la question a souvent été reprise par Jean Delumeau).

25 D’HOLLANDER Paul (dir), L’Église dans la rue. Les cérémonies extérieures du culte en France au XIXe siècle.

Limoges, Presses Universitaires de limoges, 2001.

(13)

occupe. L’apport de la sociologie se révèle décisif. Gabriel Le Bras, en 1955-1956, soulignait dans les Études de sociologie religieuse la difficulté de faire l’histoire religieuse des villes. Un premier essai de synthèse est tenté par Jean Chelini en 1958

26

. Le sociologue Émile Poulat, dans la lignée des travaux du chanoine Boulard, publie une grande enquête sur les pratiques religieuses françaises

27

. Mais ces études et cet apport de la sociologie profitent avant tout à l’histoire contemporaine et non aux périodes antérieures, tandis que les recherches françaises en histoire religieuse continuent pendant longtemps à privilégier les campagnes plutôt que les villes

28

. En revanche, les études à l’étranger s’intéressent davantage au fait religieux dans l’espace urbain.

L’histoire urbaine connait un développement nouveau à partir des années 1970, avec l’édition de nouvelles monographies urbaines dans la collection « Histoire des villes ». La série de l’Histoire de la France urbaine, dirigée par Georges Duby, est à la fois l’illustration scientifique et le point culminant de cette nouvelle tendance. L’histoire religieuse y trouve autant sa place qu’avant, davantage basée sur le vécu des habitants que sur les monuments sacrés et leur histoire. Nombre de ces recherches ont comme point commun de placer le lien entre État et municipalité au cœur de l’identité urbaine

29

. Elles se concentrent sur un supposé déclin de l’autonomie urbaine, une idée admise depuis le début du siècle

30

. Ce déclin aurait été provoqué par la construction de la monarchie absolue aux dépends de tous les pouvoirs régionaux et locaux. Certaines villes auraient alors, selon cette théorie, choisi la Réforme par opposition au pouvoir royal plus que par conviction religieuse, tout comme l’auraient fait nombre de familles nobles

31

. Dans cette perspective, le fait religieux urbain sert de preuve justifiant les différentes thèses des auteurs : la ville sous l’Ancien Régime apparait comme un espace où s’affrontent le pouvoir laïque et le pouvoir religieux, comme le lieu et l’enjeu de lutte entre les catholiques et les réformés pour contrôler la diffusion des idées religieuses dans les campagnes environnantes, et, à partir du XVIII

e

siècle, comme celui d’une déchristianisation

26 CHELINI Jean, La ville et l’Église. Premier bilan des enquêtes de sociologie religieuse urbaine. Paris, éditions du Cerf, 1958, 364 pages.

27 POULAT Émile, « Catholicisme urbain et pratique religieuse », dans Archives de sociologie des religions, n°

29, 1970, pp. 97-116. http://www.persee.fr/doc/assr_0003-9659_1970_num_29_1_1838 (consulté le 15 juillet 2018).

28 BOUDON Jacques-Olivier, « Introduction », dans BOUDON Jacques-Olivier et THELAMON Françoise (dir), Les chrétiens dans la ville. Mont-st-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2006, pp. 7-12.

29 PERROT Jean-Claude, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle. 2 vol. Paris : La Haye : Mouton, 1975, pp. 571-600. Le corps de ville, comme l’Église et l’armée, font figure de bastions du conservatisme face à l’État.

30 Article « Municipalités » dans MARION Marcel, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, éditions A. & J. Picard, 1923, réédition 1993, pp. 387-391.

31 CHEVALIER Bernard, Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle. Paris, éditions Aubier-Montaigne, 1982.

(14)

avancée

32

s’opposant aux campagnes restées croyantes et pratiquantes. Ces évolutions sont intimement mêlées avec les faits politiques

33

.

Pourtant, les années 1980 relativisent l’étude de la ville en tant qu’espace de lutte comme en tant qu’espace de déchristianisation avancée à l’époque moderne : Bernard Chevalier s’intéresse aux « bonnes villes » grâce à la relance des études portant sur l’histoire sociale du politique : les réseaux, les clientèles, les façons d’accéder au pouvoir

34

. En 1984, la parution de la thèse d’Alain Lottin représente une étape importante. Il analyse la ville de Lille comme champ d’application de la Réforme catholique, favorisé par le pouvoir politique exercé par le Magistrat, c'est-à-dire la municipalité locale. L’espace urbain en lui-même est au cœur de cet ouvrage, ainsi que la vie religieuse et paroissiale des Lillois entre 1598 et 1668

35

: « La ville peut […] être tout à la fois un lieu de perdition, tout au moins aux yeux des hommes, et un centre d’élection pour faire son salut »

36

, salut accessible grâce aux nombreuses infrastructures institutionnelles présentes dans le milieu urbain : messes, offices, divers, confessions, prédications, processions, prières publiques, cérémonies, écoles et collèges. Mais ces actions souffrent d’une réception et d’une efficacité inégales selon le milieu, la stabilité sociale (particulièrement réduite à Lille dont le caractère manufacturier favorise la mobilité géographique des ouvriers), les besoins et les aspirations de chacun.

Après l’apport effectué par la sociologie, l’histoire du fait religieux bénéficie de ceux procurés par l’histoire des arts, même les sciences et la médecine. L’étude de comportements religieux plus spécifiques, comme les pratiques ou le rapport à la mort et au sacré en temps de guerre, permet de croiser l’histoire des conflits et celle du fait religieux. L’histoire quantitative

37

, le fichage puis l’utilisation de l’informatique ont facilité les travaux de nature plus statistique et permis d’étudier les origines sociales, géographiques, urbaines ou rurales du clergé

38

, ou, à travers diverses sources énumératives, la place des objets religieux dans la vie

32 DUMONS Bruno, « Villes et christianisme dans la France contemporaine. Historiographies et débats », dans Fondations, refondations antiques. Histoire urbaine, n° 13, 2005/2, pp. 155-166. https://www.cairn.info/revue- histoire-urbaine-2005-2-page-155.htm (consulté le 15 juillet 2018).

33 Ibid., « ’’Histoire des villes’’ et histoire religieuse dans la France contemporaine. L’historiographie d’une entreprise éditoriale », dans BOUDON Jacques-Olivier et THELAMON Françoise (dir), Les chrétiens dans la ville, op. cit., pp. 307-328.

34 CHEVALIER Bernard, Les bonnes villes de France… op. cit..

35 LOTTIN Alain, Lille, citadelle de la Contre-Réforme ? (1598-1668). Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1984, 2e édition 2013.

36 Ibid., p. 15.

37 Un exemple de ce type de travaux est l’ouvrage de PERROT Jean-Claude, Genèse d’une ville moderne…, op.

cit., notamment le deuxième volume consacré au comportement démographique, aux prix et aux échanges commerciaux.

38 BRIAN Isabelle, Messieurs de Sainte-Geneviève. Religion et curés, de la Contre-Réforme à la Révolution. Paris, éditions du Cerf, 2001.

(15)

quotidienne

39

ou le contenu des bibliothèques des couvents

40

. Plus récemment les gender studies ont orienté la recherche vers la place des femmes dans les Églises

41

.

La thématique des études urbaines change à partir des années 1990. En 1995, la publication des travaux du colloque de l’École Française de Rome dirigés par André Vauchez

42

ouvre de nouvelles perspectives d’études particulièrement prometteuses. L’auteur adapte le concept antique de « religion civique » aux périodes médiévale et moderne. Il établit que le pouvoir municipal utilise la religion catholique, ses pratiques et ses cultes pour légitimer son existence et son autorité. Il ne se contente pas de « fournir » un service religieux comme il assure le bon fonctionnement de la vie de la communauté des habitants : il se pose vis-à-vis de l’Église comme un partenaire avec qui négocier, voire même exerce un certain contrôle sur les pratiques religieuses. Les historiens anglo-saxons apportent, les premiers, de nombreuses contributions dans ce domaine, dont beaucoup se placent dans la seconde moitié du XVI

e

siècle.

Cette période de troubles civils et religieux est en effet capitale dans l’élaboration d’une forme de « mythologie urbaine » qui sert ensuite de base à la religion civique. On peut citer ainsi les travaux de Philip Benedict sur Rouen

43

. Citons aussi, en se limitant aux espaces du Nord-Est, Mark Konnert

44

qui fait lui aussi grand usage des archives municipales de onze villes françaises pour démontrer que le choix ou non de choisir le camp ligueur dépend avant tout des circonstances locales et Penny Roberts

45

. À son tour, en 2007, Thierry Amalou démontre, en croisant les sources municipales et ecclésiastiques, que ville et Église catholique ont réussi à maintenir un consensus évitant les violences religieuses

46

. Gaël Rideau, pour sa part, place, comme Alain Lottin, le quotidien religieux des Orléanais tel qu’ils le vivent dans le cadre paroissial, interroge l’intériorisation des pratiques voire leur personnalisation au cours du

39 PARDAILHÉ-GALABRUN Annick, La naissance de l’intime. 3000 foyers parisiens, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Presses Universitaires de France, 1988, notamment le chapitre IX, « Une approche de la vie spirituelle et culturelle », pp. 403-450.

40 HENRYOT Fabienne, Livres et lecteurs dans les couvents mendiants. Lorraine, XVIe-XVIIIe siècles. Genève, Droz, 2013.

41 BOUDON Jacques-Olivier, « L'histoire religieuse en France depuis le milieu des années 1970 », dans Histoire, économie & société 2012/2 (31e année), pp. 71-86. https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe- 2012-2-page-71.htm (consulté le 15 juillet 2018).

42 VAUCHEZ André (dir), La religion civique à l'époque médiévale et moderne : Chrétienté et Islam, Actes du colloque organisé par le Centre de recherche « Histoire sociale et culturelle de l'Occident XIIe-XVIIIe siècle » de l'Université Paris X - Nanterre et l'Institut universitaire de France, Nanterre, 21-23 juin 1993. 1995.

43 BENEDICT Philip, Rouen during the wars of religion, Cambridge, 1981. 297 pages.

44 KONNERT Mark W., Civic Agendas and Religious Passion: Chalons-Sur-Marne During the French Wars of Religion, 1560-1594. Truman State University Press, 2001; et Ibid., Local Politics in the French Wars of Religion:

the towns of Champagne, the duc de Guise and the catholic League, 1560-95. Burlington-Vermont, Ashgate Publishing Co, 2006.

45 ROBERTS Penny, A City in Conflict. Troyes during the French Wars of Religion. Manchester : Manchester University Press, 1996.

46 AMALOU Thierry, Une concorde urbaine. Senlis au temps des réformes (vers 1520-vers 1580). Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2007. 437 pages.

(16)

XVIII

e

siècle

47

. Le renouvellement profond de l’historiographie des villes aboutit, au cours de cette décennie, par la fondation en 1998 de la Société Française d’Histoire Urbaine, ainsi que sa revue Histoire Urbaine en 2000. Si l’association et la revue traitent le fait urbain dans son historicité, toutes les disciplines, outre l’histoire, sont appelées à y contribuer

48

et donc à prolonger ce renouvellement par les spécificités de leurs apports.

L’élan ne s’est pas démenti depuis, et plusieurs études entamées à la même époque, synthétisées par le colloque de Rennes en 2010

49

, démontrent que la construction de l’État absolu ne se fait pas aux dépends de l’autonomie municipale, et que si la monarchie a pu prendre le contrôle de certains postes comme celui de maire et d’échevin, souvent en réponse à un manque de loyauté au cours de l’histoire de la ville, ce contrôle n’est pas absolu et laisse la place à diverses formes de cooptation. Le rôle de l’Hôtel de Ville s’en trouve changé : la ville est perçue comme une cellule de base de l’État sans perdre entièrement son caractère de représentation de la communauté des habitants. Les échevins sont des éléments constituants de la monarchie absolue, et participent à la gloire du roi qui rejaillit sur eux. Ils contribuent à la stabilité des villes et à la cohésion de la communauté des habitants, notamment quand le pouvoir central se trouve en position de faiblesse, par exemple lors des minorités royales et des guerres de religion

50

. En 2003, Yann Lignereux démontre que le capital symbolique, y compris religieux, est utilisé par les autorités municipales lyonnaises pour se mettre en scène et justifier son existence, et que Lyon construit son identité non en opposition au pouvoir royal, mais comme un élément constituant de la monarchie

51

.

L’ouvrage de Bruno Dumons et Bernard Hours

52

a dès lors représenté une étape capitale en démontrant que bien au contraire, c’est sur les villes que les religions, à commencer par le christianisme, se sont appuyées pour s’implanter puis se diffuser en calquant son organisation sur celle des villes existantes. Elles créent également leurs propres villes saintes si besoin, et le christianisme garde en mémoire le modèle de la Jérusalem céleste. Elles sont des espaces d’expérimentation de nouveaux comportements religieux, de débats parfois. Le fait religieux

47 RIDEAU Gaël, De la religion de tous à la religion de chacun. Croire et pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle.

Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

48 https://sfhu.hypotheses.org/la-revue-histoire-urbaine

49 HAMON Philippe et LAURENT Catherine (dir), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012.

50 TINGLE Elizabeth C., « La théorie et la pratique du pouvoir municipal : la police à Nantes pendant les guerres de Religion (1560-1589), dans HAMON Philippe et LAURENT Catherine (dir), Le pouvoir municipal…, op. cit., pp. 127-141.

51 LIGNEREUX Yann, Lyon et le roi…, op. cit.

52 DUMONS Bruno, HOURS Bernard, Ville et religion en Europe du XVIe au XXe siècle. La cité réenchantée.

Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2010.

(17)

contribue à écrire l’histoire urbaine et participe à l’identité de la ville

53

. L’actualité rappelle, parfois avec force, que la question religieuse n’a pas disparu de l’espace urbain ni auprès de ceux qui y résident. Le débat autour de la vie religieuse dans les villes, notamment dans les

« banlieues », et autour de la visibilité des signes religieux dans l’espace public, n’est d’ailleurs pas toujours aussi apaisé qu’on peut le souhaiter. Là encore, certains des intervenants dans ce débat idéalisent ou diabolisent la place et les traces laissées par les religions dans la ville médiévale ou moderne. Cette dernière est en effet un territoire ponctué de signes religieux divers, dont certains persistent encore en notre époque et font partie du paysage ; églises, croix, statues, signes sur les maisons, et de façon moins permanente, sons de cloches, reposoirs… Les historiens actuels, issus de générations moins marquées par la culture religieuse, plus autonomes vis-à-vis des institutions ecclésiastiques, portent un regard plus détaché sur ces signes et privilégient désormais l’expression « histoire des faits religieux » plutôt que celle de

« histoire religieuse ». Le fait religieux est perçu comme un élément parmi tous ceux qui composent la trame de la vie sociale. Encore faut-il prendre en compte la situation religieuse de la ville qu’on étudie : est-elle un espace de coexistence de plusieurs cultes reconnus comme Metz au début du XVII

e

siècle, laisse-t-elle une place officieuse à une autre religion que celle du prince, ou est-elle « mono-religieuse » ?

Nancy, capitale religieuse ?

L’époque moderne n’est donc pas un temps de déclin du pouvoir municipal au profit de la monarchie absolue

54

et de ses représentants, ni un temps de lente déchristianisation du milieu urbain. Les villes et leur rôle évoluent certes : du XV

e

siècle jusqu’en 1789, le pouvoir municipal est admis progressivement comme interlocuteur légitime des autorités antérieures telles que celles du seigneur ou de l’évêque, et des autorités montant en puissance comme celle des princes territoriaux. Or, la situation dans la ville de Nancy présente une grande originalité par rapport aux autres villes françaises, car le pouvoir politique y est instable. Entre la fin du XVI

e

siècle et 1777, les autorités étatiques se succèdent en Lorraine, alternant entre celle, forte, du duc de Lorraine, dont Nancy est la capitale originelle, et celle, forte mais plus distante, du roi de France. Nancy ne possède pas son propre évêque avant 1777. Comme une grande partie du duché de Lorraine dont elle est capitale, elle relève du diocèse de Toul. L’absence d’évêque

53 BOUTRY Philippe et ENCREVÉ André, La religion dans la Ville. Bordeaux, éditions Bière, 2003. 270 pages.

54 BARDET Jean-Pierre, Rouen aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les mutations d’un espace social, 2 vol.. Paris, éditions SEDES, 1983, pp. 99-107.

(18)

ne constitue pas une spécificité nancéienne puisque Lille est dans la même situation

55

. Administrativement, la municipalité est, au début de cette période, une institution très récemment créée par le duc de Lorraine Charles III, sous le nom de « Conseil de Ville ». Or, les monographies portant sur la ville de Nancy se sont largement intéressées à l’œuvre locale accomplie par les ducs et, accessoirement, à celle de personnages éminents de la vie économique, politique ou culturelle lorraine, mais beaucoup moins aux travaux de la municipalité. La Société d’Archéologie Lorraine et du Musée Lorrain, créée en 1848 sous l’impulsion de Prosper Guerrier de Dumast, s’efforce ainsi de promouvoir l’histoire de la Lorraine, celle de Nancy, les gloires et les monuments locaux. Elle fonde ainsi les bases du lotharingisme, un mouvement régionaliste

56

. Les historiens appartenant à ce courant de pensée, tels Joseph d’Haussonville ou Louis Lallement, font de la période ducale un âge d’or pour la Lorraine tout en protestant de leur attachement à la France. Après l’annexion de l’Alsace- Moselle en 1871, ils mettent l’accent sur les souffrances de la Lorraine et sur l’importance du rattachement à la France

57

.

L’Histoire de Nancy de Christian Pfister, en 1902, déjà évoquée plus haut, reste un ouvrage incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire chronologique de cette ville. En bonne étude érudite du début du XX

e

siècle, elle fait des ducs de Lorraine et de leurs actions le cœur de la plupart des événements survenus, avec l’idée implicite de valoriser la dignité ducale et un certain « patriotisme lorrain ». Les trois volumes qui constituent l’ouvrage accordent une très grande place à la période de l’Ancien Régime, ainsi qu’aux ordres religieux qui sont entrés dans la ville, leurs églises, leurs œuvres d’art remarquables. Le rôle des ducs dans l’embellissement ou dans les malheurs de l’histoire nancéienne ou lorraine y est abondamment étudié. Nombre d’historiens ont continué à assimiler Nancy et les ducs de Lorraine après Christian Pfister et étudié les relations entre elles en privilégiant les souverains. Il est assez symptomatique que l’étude de Jean-Luc Fray, en 1986, portant sur le développement de Nancy à la fin du Moyen Âge, surnomme la capitale « Nancy le Duc »

58

: la ville y est présentée comme le fruit de la volonté exclusive des ducs de se créer une capitale capable de concurrencer les villes épiscopales voisines de Toul et Metz, faute d’avoir pu s’en emparer. Certes, l’auteur nuance plus avant son propos en démontrant que Nancy dispose tout de même de quelques

55 LOTTIN Alain, Lille, citadelle de la Contre-Réforme ?... op. cit.

56 THULL Jean-François, « La contribution de Prosper Guerrier de Dumast à l'émergence du lotharingisme à Nancy », dans Le Pays Lorrain, vol. 88, no 3, juillet-septembre 2007, pp. 173-178.

57 TOUSSAINT Olivier, Les Lorrains et la fin de la maison ducale. Entre fidélité et nostalgie (1735-1749). Haroué, éditions Gérard Louis, 2018, pp. 14-16.

58 FRAY Jean-Luc, Nancy le Duc. Essor d’une capitale princière dans les deux derniers siècles du Moyen Âge.

Nancy, Société Thierry Alix, 1986.

(19)

avantages en propre, lesquels justifient en partie son développement : sa centralité dans les États lorrains, des terroirs voisins complémentaires entre eux favorisant l’approvisionnement, sa position centrale sur un système routier et partiellement fluvial alors en extension

59

. Nancy fait partie de plusieurs réseaux auxquels appartiennent les faubourgs de la ville, les villages, mais aussi diverses chapelles et lieux de pèlerinage qui ne se trouvent pas forcément à proximité, ainsi que les autres villes. On ne peut donc limiter Nancy aux seuls événements qui se produisent à l’intérieur de ses murailles… d’autant plus que celles-ci sont parfois détruites sous l’Ancien Régime. Promue par la politique de Charles III au rang de puissance européenne non négligeable, la Lorraine et Nancy sont soumises aux influences politiques française et habsbourgeoise, influences qui peuvent s’exprimer par le culte, et qui s’ajoutent aux influences romaines et tridentines.

Étudier la vie religieuse à Nancy, ou tout autre aspect, en ne se basant que sur les actions des souverains pose cependant un problème. En effet, cela revient à oublier, ou à minimiser le fait, que de 1594, date de la création du Conseil de Ville, jusqu’en 1777, date d’érection de l’évêché de Nancy, les ducs de Lorraine sont plus souvent absents que présents à Nancy. Une simple énumération le prouve : de 1633 à 1661, de 1670 à 1697, ils sont exilés de Lorraine par l’occupation de leurs terres. Le duc Charles V (1675-1690) n’a même jamais pu entrer en possession de ses États

60

. De 1702 à 1714, la présence de troupes françaises à Nancy, sous l’œil du résident officieux, Jean-Baptiste d’Audiffret

61

, conduit le duc Léopold (1690-1729) à résider à Lunéville, ville où il choisit de rester jusqu’à sa mort après le départ des troupes françaises.

Son successeur François III (1729-1737) séjourne généralement hors de Lorraine

62

et Stanislas, dernier duc de Lorraine en titre (1737-1766), réside lui aussi hors de Nancy. À partir de 1766, dans une Lorraine devenue officiellement française, ainsi que le Barrois, Nancy est une ville de province importante, chef-lieu d’intendance, et dotée à partir de 1768 d’une université arrachée à Pont-à-Mousson. Au total, sur les 184 années couvertes par notre recherche, les ducs de

59 Ibid., Villes et bourgs de Lorraine. Réseaux urbains et centralité au Moyen Âge. Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, réédition 2007.

60 JALABERT Laurent, « Charles V (1643-1675/1690). Une vie entre exil et grandeur militaire », dans JALABERT (dir) Ducs de Lorraine. Biographies plurielles de René II à Stanislas. Metz, éditions des Paraiges, 2017, pp. 128-149.

61 Ibid., « Monsieur d’Audiffret, résident, observateur et espion à la cour de Lorraine (1702-1733) », dans MOTTA Anne (dir), Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, pp. 139-150.

62 PETIOT Alain, « François-Étienne, duc de Lorraine et de Bar », dans Ibid., Les Lorrains et les Habsbourg.

Dictionnaire biographique illustré des familles lorraines au service de la Maison d’Autriche, vol. 1. Aix-en- Provence, éditions Mémoire et Documents, 2015, pp. 372-377 ; et la thèse récente d’Amélie VOISIN, François- Étienne de Lorraine (1708-1765) : l'éducation et la formation d'un prince lorrain à la cour des Habsbourg au XVIIIe siècle. Thèse de l’Université de Lyon sous la direction de Philippe MARTIN, 2017.

(20)

Lorraine n’ont vécu de façon continue que 53 ans à Nancy, auxquels on peut ajouter quelques séjours ponctuels de courte durée (quelques jours pour assister à des cérémonies qui font partie de notre étude). Pourtant la ville a profondément changé depuis sa fondation. Elle connait tout d’abord une phase de reconstruction après avoir été assiégée par Charles le Téméraire en 1476- 1477, puis plusieurs phases d’agrandissement et d’embellissement sous les ducs Charles III (1545-1608), Léopold I

er

et Stanislas. D’autres évolutions touchent Nancy comme le reste de l’État lorrain et du monde catholique : les ducs de Lorraine s’efforcent de renforcer leur pouvoir par le choix des hommes et la promotion d’institutions, constituent un État moderne qui s’insère dans le jeu des puissances européennes

63

. De récents travaux analysent l’influence française et impériale ainsi que le développement d’une diplomatie lorraine autonome, voire indépendante, en direction notamment des mondes italien et anglais

64

. La Réforme catholique se répand dans l’Europe de la « Dorsale catholique »

65

, champ d’études largement exploré par René Taveneaux. Les ducs de Lorraine constituent, pour celle-ci, un soutien de premier plan : leur rôle de défenseurs de la catholicité contre la menace protestante, tant intérieure qu’extérieure, est mis en avant dans la « propagande » par laquelle ils justifient leur autorité

66

. Ce soutien consiste concrètement à venir en aide à l’Église catholique dans les duchés lorrain et barrois, d’encourager le développement de la piété et des pratiques religieuses propres à exprimer l’identité urbaine. Mais une telle politique n’est pas réservée aux seuls souverains. Quel rôle exercent les pouvoirs locaux dans ce domaine, et tout particulièrement le pouvoir municipal ? Étudier l’ensemble de ces enjeux à travers les abondantes archives nancéiennes, mettre en évidence la politique religieuse de la municipalité, adopter le regard de cette dernière, représente un terrain de recherche qui promet d’être riche en enseignements.

La majorité du temps de l’existence documentée du Conseil de Ville de Nancy se déroule en l’absence directe de son souverain, sans même parler des périodes françaises où le roi ne réside évidemment pas à Nancy. Le constater ne veut pas dire que le Conseil de Ville est pleinement autonome vis-à-vis du pouvoir politique : même quand le duc de Lorraine est

63 MOTTA Anne a organisé le colloque « Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729)

», les 12 et 13 mai 2015 au château de Lunéville, et conjointement avec HASSLER Éric, le colloque « Noblesses et villes de cour en Europe (XVIIe-XVIIIe siècle) », les 3 et 4 mai 2018, également au château de Lunéville.

64 POCH Joris, Une diplomatie « secondaire » en Europe, les états lorrains et la Grande-Bretagne, des traités de Westphalie (1648) à Stanislas. Thèse en préparation depuis octobre 2017 sous la direction de Laurent JALABERT.

65 TAVENEAUX René, « Les prémices de la réforme tridentine », dans Revue d'histoire de l'Église de France.

Les débuts de la réforme catholique dans les pays de langue française (1560-1620), tome 75, n° 194, 1989, pp.

205-213. https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1989_num_75_194_3469 (consulté le 29 juillet 2018)

66 MAES Bruno, « Esprit de croisade et Maison de Lorraine aux XVe et XVIIIe siècles », dans DEREGNAUCOURT Gilles, KRUMENACKER Yves, MARTIN Philippe et MEYER Frédéric (dir.), Dorsale catholique, jansénisme, dévotion : XVIe-XVIIIe siècles. Mythe, réalité, actualité historiographique, Paris, éditions Riveneuve, 2014, pp. 427-437.

(21)

absent, et le roi lointain, il n’en reste pas moins le détenteur de la souveraineté, au nom de laquelle la municipalité agit en tant que gestionnaire de l’espace public. Ce rôle

67

l’amène à prendre de plus en plus de décisions, tout particulièrement au XVII

e

siècle quand la situation militaire oblige à réagir de façon rapide. Le pouvoir à Nancy au cours de la période qui s’étend de 1594 à 1777 se partage donc entre trois pôles majeurs. Le premier est la municipalité, qui traverse les siècles et présente une forme de continuité. Le second est le duc de Lorraine, le troisième est le roi de France représenté. En 1777, cet équilibre est totalement renouvelé : le pouvoir du duc de Lorraine n’entre plus en compte, l’érection de l’évêché de Nancy crée un pôle majeur de pouvoir religieux local. L’autorité religieuse n’est pas absente avant cette fondation : elle est représentée par le chapitre collégial de Saint-Georges en Ville Vieille, puis par la création de la Primatie de Lorraine au début du XVII

e

siècle en Ville Neuve. Mais aucun des deux ne constitue un pouvoir comparable à celui d’un prélat. Nancy dépend de l’évêché de Toul, cité occupée de fait par la France depuis 1552, assimilée officiellement en 1648. Bar-le- Duc présentait une situation analogue, cité sans évêque et de plus en plus délaissée par ses ducs

68

.

Une caractéristique nancéienne en 1594 est donc bien l’absence d’évêché dans la ville.

Nancy n’a pas non plus d’épisode protestant marquant dans son histoire urbaine, contrairement à nombre de villes, fussent-elles proches comme Metz ou Saint-Nicolas-de-Port. Un tel épisode aurait pu entraîner la construction d’une identité d’une façon totalement différente, comme plusieurs autres villes françaises l’ont vécu

69

. Son histoire ne comporte pas un événement similaire à la conversion tapageuse de l’éminente famille des Marlorat ou celle des Béguines, toutes deux survenant à Bar-le-Duc, en 1562 et 1565, ni d’invasion repoussée comme la même ville en a connu une le 6 septembre 1589, événement commémoré par une procession

70

. Cela n’empêche évidemment pas le facteur religieux d’occuper une place importante dans la vie municipale. Il est important d’insister sur le fait que la vie religieuse n’est pas le seul domaine dans lequel les différents détenteurs du pouvoir politique exercent leur influence. Exagérer la place qu’elle y occupe serait un artifice commode mais trompeur. Pourtant, en prenant en compte l’évolution de la vie religieuse au cours de cette période, il n’est pas sans intérêt d’observer comment la ville de Nancy peut utiliser ce paramètre pour exercer son propre

67 SAUPIN Guy, « Le pouvoir municipal en France à l’époque moderne… », op. cit., pp. 15-55.

68 BENAD Aurore, La Ville, Dieu et l’Église. La vie religieuse à Bar-le-Duc à travers les registres des délibérations municipales. Mémoire de Master 2 sous la direction de Stefano SIMIZ, Université de Lorraine, 2012.

69 RIDEAU Gaël, « La mémoire des guerres de religion… », op. cit. Page 248, l’auteur cite de nombreux exemples de processions mémorielles, toutes liées aux guerres de religion.

70 BENAD Aurore, La Ville, Dieu et l’Église, op. cit., pp. 69-70 et 85.

(22)

pouvoir, s’imposer comme partenaire politique et construire sa propre identité, indépendamment des autres pouvoirs présents. Il s’agit là du cœur de la thèse développée dans les pages suivantes. Nous ne prétendons toutefois pas traiter de l’intégralité de la vie religieuse perceptible à Nancy, ni de rédiger une « histoire de Nancy, capitale du catholicisme » à la façon des travaux d’Alain Lottin. Une telle recherche serait, certes, d’un grand intérêt, mais représenterait une somme de travail considérable et dépassant largement le cadre d’un travail universitaire, à plus forte raison s’il porte sur une durée de deux siècles. Le choix des sources retenues pour nourrir cette approche apporte une autre justification. C’est donc depuis l’Hôtel de Ville de Nancy que les phénomènes et les réalités, les hommes et les institutions, les permanences et les événements s’inscrivent dans le récit.

Répondre à ces questions et ces objectifs implique évidemment de recourir aux sources municipales, à savoir les délibérations du Conseil de Ville, les registres des recette et dépenses, et les pièces justificatives de ces dernières. Si les délibérations municipales ne sont pas encore mises en ligne

71

comme celles de la municipalité de Rennes ont commencé à l’être

72

, les quatre volumes composant l’ouvrage de Henri Lepage, Les archives de Nancy ou documents inédits relatifs à l’histoire de cette ville, sont suffisamment anciens pour être désormais disponibles via Internet

73

. Toutefois les délibérations et les comptes municipaux qui s’y trouvent ne sont que des extraits, sans d’ailleurs que l’on sache quels critères ont prévalu dans la sélection de Henri Lepage. Ils sont très loin de représenter l’intégralité des quarante registres de délibération, encore moins celle des six cent vingt-neuf liasses de documents comptables aujourd’hui disponibles à Nancy

74

. En revanche, son recensement des quelques documents appartenant à la série des actes constitutifs et politiques de la commune n’est désormais plus valide car les cotes ont été modifiées

75

. L’utilisation des originaux était donc non seulement souhaitable, mais indispensable.

Ces documents ont évidemment les défauts des documents officiels : en premier lieu, on relève un certain formalisme dans la rédaction, notamment au XVIII

e

siècle. Beaucoup plus frustrante aux yeux du chercheur, l’absence quasi-générale de traces des débats qui ont pu précéder la prise de décision et l’impossibilité de déterminer quelles influences exactes ont pu

71 En revanche, les délibérations municipales postérieures à 1789 sont accessibles en ligne à l’adresse suivante : http://archives.nancy.fr/archives-numerisees/deliberations-du-conseil-municipal/

72 www.archives.rennes.fr ; les délibérations les plus consultées sont mises en ligne depuis 1997 et les travaux de Mathieu Pichard sur la municipalité rennaise, de la fin du XVe siècle jusqu’au début du XVIIe siècle, travaux datés de 2011, ont conduit à transcrire l’intégralité des délibérations les plus anciennes.

73 http://gallica.bnf.fr

74 Séries BB (délibérations du Conseil de Ville de Nancy) et CC (comptes de la Ville de Nancy) aux Archives Municipales de Nancy (A.M.N.).

75 A.M.N., série AA.

(23)

jouer en faveur de telle ou telle mesure. Les lacunes sont également à prendre en compte, notamment entre 1670 et 1692 où la documentation se raréfie. Il existe de surcroît des allusions à des délibérations qui ne se sont pas retrouvées, informations précieuses mais plus délicates à utiliser. Si ce travail de recherche prend appui sur les sources municipales, il fallait, pour mieux les comprendre, les éclairer et les compléter, porter le regard au-delà d’elles. Il a donc été nécessaire de recourir à des sources complémentaires. Les comptes des fabriques des paroisses

76

, peu loquaces et parfois très mal parvenus jusqu’à nous

77

, ont pu révéler certaines décisions impliquant la municipalité. Ils contribuent malgré tout à nous éclairer sur la vie religieuse nancéienne, sinon d’un point de vue moins formel, du moins depuis le terrain

78

. Il en a été de même avec la série d’archives relatives à la construction des bâtiments ecclésiastiques de Nancy au cours de la période

79

.

Les nombreuses archives départementales de Meurthe-et-Moselle et la consultation des fonds légués par les ordres réguliers et par le clergé séculier

80

ont permis de partiellement combler les lacunes des archives municipales et de relativiser le point de vue du Conseil de Ville. Mais leur accessibilité a malheureusement été limitée puis stoppée par leur déménagement, toujours en cours à l’heure où nous écrivons. Il a dès lors fallu se résigner à recentrer cette étude de la vie religieuse sur le point de vue municipal, plutôt qu’entreprendre le vaste chantier d’une vision globale, qui aurait impliqué tous les acteurs qui y interviennent, comme la Primatiale et son chapitre. Un tel angle d’approche est bien entendu étroit. Mais il constitue une porte d’entrée sur la vie religieuse telle qu’on peut l’envisager depuis l’Hôtel de

76 A.M.N., série GG.

77 Les comptes de la fabrique de la paroisse Notre-Dame manquent entre 1650 et 1682, sauf l’année 1666, et entre 1707 et 1718. Ceux de la paroisse Saint-Epvre manquent notamment entre 1697 et 1736, entre 1761 et 1773. Ceux de la paroisse Saint-Sébastien manquent entre 1665 et 1669. Les succursales puis paroisses Saint-Fiacre-et-saint- Vincent et Saint-Pierre-et-saint-Stanislas n’ont laissé quasiment aucun compte. Point commun à toutes les fabriques, les dépenses ne sont pas toujours annualisées ni explicitées.

78 L’apport des archives paroissiales, une des cellules de base de l’appartenance socioreligieuse en ville, est mis en évidence par Gaël RIDEAU, De la religion de tous à la religion de chacun…, op. cit., pp. 21-22, qui utilise les comptes et les registres de délibérations. Le domaine des études paroissiales urbaines est en plein développement.

Citons notamment les travaux d’Anne BONZON (avec Philippe GUIGNET et Marc VENARD), La paroisse urbaine. Du Moyen Âge à nos jours. Paris, éditions du Cerf, 2014, et Ibid. L’esprit de clocher. Prêtres et paroisses dans le diocèse de Beauvais (1535-1650). Paris, éditions du Cerf, 1999, ainsi que ceux de Bruno RESTIF, La révolution des paroisses. Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles.

Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006. Enfin, nous n’avons pu consulter la contribution de Philippe MARTIN sur Écrire l’histoire de la paroisse, texte lu à l’occasion du colloque en hommage à Marc Venard, une autre grande figure de l’histoire de cet espace, à Nanterre et Rouen les 14 et 15 octobre 2016 (récemment paru sous le tuirre « Cinquante ans d’histoire de la paroisse dans l’historiographie lorraine », Anne BONZON, Isabelle POUTRIN, Alain TALLON, Catherine VINCENT (dir.), Marc Venard, historien, Rennes, PUR, 2019, p. 261- 272 ; voir aussi dans le même volume, Nicolas GUYARD, « La paroisse urbaine : territoires, dévotions et identités.

Les exemples de Lyon et de Rouen au XVIIe siècle », p. 247-259).

79 Série DD aux A.M.N : DD 42 à 45 (cimetières et inhumations), DD 57 à 68 (constructions et réparations des églises).

80 Séries H et G des Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle (A.D.54).

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